Conseil d'État, 3ème / 8ème SSR, 06/03/2015, 377093

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

VU LA PROCEDURE SUIVANTE :

Par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés le 3 avril 2014, le 5 août 2014 et le 10 novembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Union des Traducteurs Interprètes (UTI), représentée par son président, ainsi que M. B...H..., M. A...C..., Mme K...I..., Mme F...E..., Mme G...D...et MmeJ..., demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la note du 8 octobre 2013 du ministre de la justice et du ministre de l'économie et des finances relative aux règles de taxe sur la valeur ajoutée applicables aux prestations réalisées par les collaborateurs du service de la justice ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à l'UTI de la somme de 3 000 euros et à chacun des autres requérants de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des impôts ;
- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. François Monteagle, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public.

Vu les notes en délibéré, enregistrées les 13 et 17 février 2015, présentées pour l'Union des Traducteurs Interprètes.




1. Considérant qu'aux termes de l'article 256 A du code général des impôts : " Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au cinquième alinéa, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention. Ne sont pas considérés comme agissant de manière indépendante : les salariés et les autres personnes qui sont liés par un contrat de travail ou par tout autre rapport juridique créant des liens de subordination en ce qui concerne les conditions de travail, les modalités de rémunération et la responsabilité de l'employeur (...) ".

2. Considérant, en premier lieu, que si l'activité des interprètes-traducteurs s'exerce dans le cadre d'un service organisé par l'administration, dans les locaux de celle-ci et aux horaires qu'elle fixe, ces contraintes sont inhérentes à l'activité même des professionnels en cause ; que si, comme le relèvent les requérants, le code de procédure pénale prévoit que les interprètes sont requis ou désignés, ces réquisitions s'opèrent en tout état de cause, par priorité, à partir d'une liste sur laquelle les interprètes-traducteurs se sont volontairement inscrits ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que si, du fait de sa nature même, leur travail est accompli sous l'autorité immédiate des officiers de police judiciaire ou des magistrats, les interprètes-traducteurs réalisent leurs prestations de façon indépendante et ne peuvent faire l'objet de sanctions disciplinaires ;

4. Considérant, en troisième lieu, que si la rémunération des interprètes-traducteurs est fixée forfaitairement par les dispositions du code de procédure pénale, l'administration ne leur garantit aucun volume d'activité ni aucun revenu minimal ;

5. Considérant, dès lors, que, eu égard aux conditions dans lesquelles ils exécutent leur mission, à la nature de leurs relations avec l'administration et aux modalités de leur rémunération, les interprètent-traducteurs collaborateurs du service public de la justice doivent être regardés comme agissant de manière indépendante, au sens des dispositions précitées de l'article 256 A du code général des impôts ; qu'en prévoyant qu'ils doivent être en principe assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée, la note litigieuse n'ajoute donc pas à ces dispositions et ne les méconnaît pas ; que la circonstance que des décisions juridictionnelles auraient jugé que des interprètes-traducteurs du service public de la justice n'avaient pas agi à tire indépendant est à cet égard indifférente ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre des finances et des comptes publics, que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation de la note attaquée ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.




D E C I D E :
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Article 1er : La requête de l'Union des Traducteurs Interprètes et autres est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'Union des Traducteurs Interprètes, à M. B...H..., à M. A...C..., à Mme K...I..., à Mme F...E..., à Mme G...D...et à MmeJ....
Copie en sera adressée au ministre des finances et des comptes publics, au Garde des Sceaux, ministre de la justice et au ministre de l'intérieur.

ECLI:FR:CESSR:2015:377093.20150306
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