Conseil d'État, 6ème / 1ère SSR, 28/11/2014, 369610

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 juin et 24 septembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme A...B..., demeurant au ... ; Mme B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, la décision du 30 novembre 2012 par laquelle la Garde des sceaux, ministre de Justice a refusé de lui accorder la protection statutaire prévue par l'article 11 de l'ordonnance du 22 décembre 1958, et, d'autre part, la décision du 24 avril 2013 rejetant le recours gracieux dirigé contre cette décision ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son article 65 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958, modifiée par la loi organique n° 2010-830 du 22 juillet 2010 ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Henri Loyrette, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, Poupot, avocat de Mme B...et de l'Union syndicale des magistrats ;




1. Considérant que la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République a introduit à l'article 65 de la Constitution la possibilité pour un justiciable de saisir le Conseil supérieur de la magistrature dans les conditions fixées par une loi organique ; qu'aux termes de l'article 50-3 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, créé par la loi organique du 22 juillet 2010 : " Tout justiciable qui estime qu'à l'occasion d'une procédure judiciaire le concernant le comportement adopté par un magistrat du siège dans l'exercice de ses fonctions est susceptible de recevoir une qualification disciplinaire peut saisir le Conseil supérieur de la magistrature. (...) / La plainte est examinée par une commission d'admission des requêtes composée de membres de la formation compétente à l'égard des magistrats du siège (...) / Le président de la commission d'admission des requêtes peut rejeter les plaintes manifestement infondées ou manifestement irrecevables. Lorsque la commission d'admission des requêtes du Conseil supérieur déclare la plainte recevable, elle en informe le magistrat mis en cause. / La commission d'admission des requêtes sollicite du premier président de la cour d'appel ou du président du tribunal supérieur d'appel dont dépend le magistrat mis en cause ses observations et tous éléments d'information utiles. Le premier président de la cour d'appel ou le président du tribunal supérieur d'appel invite le magistrat à lui adresser ses observations. Dans le délai de deux mois de la demande qui lui en est faite par la commission d'admission des requêtes du Conseil supérieur, le premier président de la cour d'appel ou le président du tribunal supérieur d'appel adresse l'ensemble de ces informations et observations au Conseil supérieur de la magistrature, ainsi qu'au garde des sceaux, ministre de la justice. / La commission d'admission des requêtes peut entendre le magistrat mis en cause et, le cas échéant, le justiciable qui a introduit la demande. / Lorsqu'elle estime que les faits sont susceptibles de recevoir une qualification disciplinaire, la commission d'admission des requêtes du Conseil supérieur renvoie l'examen de la plainte au conseil de discipline. / En cas de rejet de la plainte, les autorités mentionnées aux articles 50-1 et 50-2 conservent la faculté de saisir le Conseil supérieur de la magistrature des faits dénoncés. / Le magistrat visé par la plainte, le justiciable, le chef de cour visé au neuvième alinéa du présent article et le garde des sceaux, ministre de la justice, sont avisés du rejet de la plainte ou de l'engagement de la procédure disciplinaire. / La décision de rejet n'est susceptible d'aucun recours " ; qu'aux termes de l'article 11 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 : " Indépendamment des règles fixées par le Code pénal et les lois spéciales, les magistrats sont protégés contre les menaces, attaques de quelque nature que ce soit, dont ils peuvent être l'objet dans l'exercice ou à l'occasion de leurs fonctions. L'Etat doit réparer le préjudice direct qui en résulte, dans tous les cas non prévus par la législation des pensions " ; qu'il résulte des pièces du dossier que plusieurs justiciables ont, sur le fondement des dispositions de l'article 50-3 cité ci-dessus, saisi le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) d'une plainte dirigée contre Mme B..., magistrat du siège ; que cette plainte a été transmise à la commission des requêtes du Conseil supérieur de la magistrature ; que Mme B...a sollicité le bénéfice de la protection fonctionnelle sur le fondement des dispositions de l'article 11 cité ci-dessus au titre de son examen par la commission d'admission des requêtes ; qu'elle demande l'annulation de la décision du garde des sceaux, ministre de la justice lui ayant refusé le bénéfice de la protection prévue par l'article 11, ainsi que de la décision ayant rejeté le recours gracieux dirigé contre cette décision ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 311-1 du code de justice administrative : " Le Conseil d'Etat est compétent pour connaître en premier et dernier ressort : (...) 3° Des litiges concernant le recrutement et la discipline des agents publics nommés par décret du Président de la République en vertu des dispositions de l'article 13 (3ème alinéa) de la Constitution et des articles 1er et 2 de l'ordonnance n° 58-1136 du 28 novembre 1958 portant loi organique concernant les nominations aux emplois civils et militaires de l'Etat (...) " ;

3. Considérant que le litige relatif au refus opposé à la demande de Mme B... d'obtenir la protection conférée par l'article 11 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 aux magistrats victimes de menaces ou d'attaques, pour le seul examen de la plainte formée par un justiciable devant la commission d'admission des requêtes dans les conditions rappelées au point 1, antérieur à l'engagement éventuel de poursuites disciplinaires, n'est pas au nombre des litiges concernant la discipline, au sens du 3° de l'article R. 311-1 du code de justice administrative, qui relèvent de la compétence du Conseil d'Etat en premier et dernier ressort ; qu'il y a lieu, par suite, d'en attribuer le jugement au tribunal administratif de Paris, compétent pour en connaître en application des dispositions de l'article R. 312-12 du même code ;




D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement des conclusions de la requête de Mme B...est attribué au tribunal administratif de Paris.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme A...B..., à l'Union syndicale des magistrats, à la Garde des sceaux, ministre de la Justice et au président du tribunal administratif de Paris.

ECLI:FR:CESSR:2014:369610.20141128
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