Conseil d'Etat, Section, du 9 mars 1951, 92004, publié au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif présentés pour la Société des concerts du conservatoire, dont le siège social est ..., ladite requête et ledit mémoire enregistrés les 4 août 1947 et 21 janvier 1948 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat et tendant à ce qu'il plaise au Conseil annuler la décision implicite résultant du silence gardé pendant plus de quatre mois par le Président du conseil des ministres et par laquelle celui-ci a rejeté la demande d'indemnité de la société requérante en réparation du préjudice né de la suppression, par les services de la Radiodiffusion française, de la retransmission de ses concerts ; Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite de la sanction infligée par le comité de direction de la société des concerts du Conservatoire, conformément aux statuts de celle-ci, à deux membres de cette association qui, au lieu d'assurer leur service dans son orchestre, ont, malgré la défense qui leur en avait été faite, prêté leur concours à un concert organisé à la radiodiffusion française le 15 janvier 1947, l'administration de la radiodiffusion française a décidé de suspendre toute retransmission radiophonique des concerts de la société requérante jusqu'à ce que le ministre chargé des Beaux-Arts se soit prononcé sur la demande de sanction qu'elle formulait contre le secrétaire général de ladite société ;
Considérant qu'en frappant la société requérante d'une mesure d'exclusion à raison des incidents susrelatés, sans qu'aucun motif tiré de l'intérêt général pût justifier cette décision, l'administration de la radiodiffusion française a usé de ses pouvoirs pour un autre but que celui en vue duquel ils lui sont conférés et a méconnu le principe d'égalité qui régit le fonctionnement des services publics et qui donnait à la société requérante, traitée jusqu'alors comme les autres grandes sociétés philharmoniques, vocation à être appelée, le cas échéant, à prêter son concours aux émissions de la radiodiffusion ; que cette faute engage la responsabilité de l'Etat ; que, compte tenu des éléments de préjudice dont la justification est apportée par la société requérante, il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en condamnant l'Etat à payer à la société des concerts du Conservatoire une indemnité de 50.000 francs, avec intérêts au taux légal à compter du 24 février 1947, date de la réception de sa demande de dommages-intérêts par le président du conseil des ministres ;
DECIDE : Article 1er - La décision implicite du président du conseil des ministres rejetant la demande d'indemnité de la société des concerts du Conservatoire est annulée. Article 2 - L'Etat paiera à ladite société une somme de 50.000 francs, laquelle portera intérêt, au taux légal, à compter du 24 février 1947. Article 3 - Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 4 - Les dépens seront supportés par l'Etat. Article 5 - Expédition de la présente décision sera transmise au ministre de l'Information.
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