Cour administrative d'appel de Nancy, du 14 novembre 1991, 91NC00012, inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête enregistrée le 9 janvier 1991 présentée par la ville d'AMIENS représentée par son maire en exercice ;

La ville d'AMIENS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 12 novembre 1990 par lequel le tribunal administratif d'AMIENS l'a condamnée à garantir pour moitié M. P. X... et son assureur des condamnations qui sont ou seront prononcées contre eux par les juridictions de l'ordre judiciaire en réparation des conséquences dommageables de l'accident survenu le 25 avril 1982 au jeune Frédéric Y... ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. P. X... et son assureur devant le tribunal administratif d'AMIENS ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des communes ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 octobre 1991 :

- le rapport de M. LE CARPENTIER, Conseiller,

- les observations de Me PEGOSCHOFF, substituant Me GAUCHER, avocat de la commune d'AMIENS,

- et les conclusions de Mme FELMY, Commissaire du Gouvernement ;

Considérant que le 25 avril 1982, le jeune Frédéric Y..., alors âgé de 8 ans, qui s'était rendu à une fête foraine à AMIENS, est tombé de la plate-forme entourant le manège d'auto-tamponneuses appartenant à M. P. X... sur la chaussée de la rue de Prague, où il a été grièvement blessé en raison de sa collision avec une voiture circulant au même moment sur cette voie ;

Considérant que M. P. X... et la société d'assurances Mutuelles du Mans, qui ont été condamnés par un jugement du 26 novembre 1987 du tribunal de grande instance d'AMIENS à garantir l'automobiliste, auteur direct de l'accident, des condamnations prononcées contre lui, ont obtenu devant le tribunal administratif, la condamnation de la ville d'AMIENS à les garantir à concurrence de la moitié des condamnations prononcées ou à prononcer contre eux du fait de cet accident ; que le maire d'AMIENS fait valoir qu'il n'a commis aucune faute dans l'exercice de ses pouvoirs de police et demande par conséquent que la responsabilité de la commune soit dégagée ;

Considérant qu'aux termes de l'article L.131-1 du code des communes : "le maire est chargé sous le contrôle administratif du représentant de l'Etat dans le département, de la police municipale, de la police rurale et de l'exécution des actes de l'Etat qui y sont relatifs" et aux termes de l'article L.131-2 du même code : "la police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publique. Elle comprend notamment : 1) tout ce qui intéresse la sûreté et le passage dans les rues ..." ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X... avait, avec l'accord de la ville d'AMIENS, implanté son manège sur le terre-plein central de l'avenue de Prague en empiétant de 40 cm sur la voie publique demeurée ouverte à la circulation automobile ; qu'en permettant une telle emprise et en ne prenant pas des mesures propres à éviter le passage des voitures le long de la plate-forme du manège, en vue de prévenir les conséquences de chute ou de protéger les personnes quittant la plate-forme en direction de la rue, le maire a commis une faute dans l'exercice de ses pouvoirs de police de nature à engager la responsabilité de la ville d'AMIENS ;

Considérant cependant qu'il n'est pas contesté que la plate-forme entourant le manège de M. X..., qui surplombait la chaussée de 90 cm, était dépourvue de tout dispositif de protection de nature à éviter la chute des spectateurs et des clients du manège ; que le défaut d'un tel aménagement est, dans les circonstances de l'espèce, constitutif d'une faute de nature à exonérer partiellement la responsabilité de la ville d'AMIENS ;

Considérant que pour limiter sa responsabilité, la ville d'AMIENS invoque également la faute de la victime ; que, toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que le jeune Frédéric Y... aurait commis une faute qui aurait favorisé la chute dont il a été victime ; qu'ainsi la ville d'AMIENS n'est pas fondée à faire valoir une faute de la victime pour atténuer sa responsabilité ;

Considérant qu'en raison des fautes respectives du maire d'AMIENS et de M. X... il y a lieu de retenir la responsabilité de la ville d'AMIENS pour la moitié des conséquences préjudiciables de l'accident survenu au jeune Frédéric Y... ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la ville d'AMIENS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif d'AMIENS l'a condamnée à garantir pour moitié M. X... et son assureur des condamnations pécuniaires qui sont ou seront prononcées contre eux par les juridictions de l'ordre judiciaire ;
Article 1 : La requête de la ville d'AMIENS est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la ville d'AMIENS, à M. P. X... et à la société d'assurances Mutuelles du Mans.
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