Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 19/04/2017, 397126, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

La communauté d'agglomération de Montpellier, aux droits de laquelle est venue Montpellier Méditerranée Métropole, a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner solidairement les constructeurs d'un complexe sportif à l'indemniser du préjudice consécutif aux désordres affectant le terrain de rugby. Par un jugement n° 1300721 du 4 avril 2014, le tribunal administratif de Montpellier a condamné solidairement la société A+ Architecture, la société Sedes, la société Ate et la société Arteba à lui verser la somme de 490 088,88 euros.

Par un arrêt n°s 14MA02146, 14MA02662, 14MA02663 du 14 décembre 2015, la cour administrative d'appel de Paris, sur l'appel de la société A+ Architecture, de la société Sedes, de la société Ate et de la société Arteba, a ramené le montant de la condamnation à la somme de 373 566,66 euros et rejeté le surplus des conclusions des parties.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 18 février et 18 mai 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Montpellier Méditerranée Métropole demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il a ramené de 490 088,88 euros à 373 566,66 euros la condamnation prononcée par le tribunal administratif et mis à sa charge la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative,

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter les appels des sociétés Sedes, Arteba, Ate et A+ Architecture,

3°) de mettre à la charge des sociétés Sedes, Arteba, Ate et A+ Architecture la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. François Lelièvre, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de Montpellier Méditerranée Métropole, à la SCP Odent, Poulet, avocat de la société Sedes et de la société Arteba, à la SCP Boulloche, avocat de la société A+ Architecture et à la SCP Didier, Pinet, avocat de la société Daudet Paysages.

Vu la note en délibéré, enregistrée le 28 mars 2017, présentée par les sociétés Sedes et Arteba.



1. Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la communauté d'agglomération de Montpellier, aux droits de laquelle est venue Montpellier Méditerranée Métropole, a engagé des travaux de réalisation d'un complexe sportif destiné aux compétitions de rugby ; que des désordres étant apparus, elle a saisi le tribunal administratif de Montpellier qui a condamné solidairement la société A+ Architecture, la société Sedes, la société Ate et la société Arteba, chargées de la maîtrise d'oeuvre, à lui verser la somme de 490 088,88 euros en réparation de son préjudice ; que si la cour administrative d'appel de Marseille a estimé, comme le tribunal administratif, que la responsabilité contractuelle des maîtres d'oeuvre était engagée à l'égard du maître de l'ouvrage pour manquements à leur devoir de conseil du maître de l'ouvrage au moment de la réception des travaux, elle a néanmoins ramené le montant de leur condamnation à la somme de 373 566,66 euros en jugeant que des manquements, ayant contribué à l'apparition des défauts constatés sur la pelouse du terrain de rugby, pouvaient être imputés au maître d'ouvrage ;

2. Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué, non contestées sur ce point, que les défauts affectant la pelouse du stade étaient dus, d'une part, à l'insuffisante perméabilité des matériaux composant le substrat végétal du terrain et, d'autre part, aux nombreux dysfonctionnements du système de drainage, et que les maîtres d'oeuvre n'avaient pas alerté le maître d'ouvrage sur ces vices lors de la réception des travaux ; que la cour administrative d'appel de Marseille n'a pas remis en cause l'appréciation du tribunal administratif de Montpellier, selon laquelle il était nécessaire, afin de mettre fin à ces désordres, de procéder à la réfection complète de la pelouse et du système de drainage ; que, dès lors qu'il résultait de ces constatations que les désordres en cause étaient de nature structurelle, la cour administrative d'appel a entaché son arrêt d'erreur de droit en jugeant qu'était de nature à exonérer ces constructeurs d'une partie de leur responsabilité la circonstance que les conditions d'utilisation du terrain par le maître d'ouvrage aient pu contribuer à la manifestation des défauts constatés sur la pelouse ;

3. Considérant, au surplus, que pour faire ainsi partiellement droit à l'appel des sociétés A+ Architecture, Sedes, Ate et Arteba, la cour s'est fondée sur la double circonstance que l'arrosage réalisé par les services du maître de l'ouvrage était excessif et que le terrain avait fait l'objet d'une utilisation trop intensive en raison de sa mise à disposition, durant le mois d'août 2007, de l'équipe de rugby d'Australie ; que, toutefois, d'une part, Montpellier Méditerranée Métropole soutient, sans être contredite sur ce point, que les conditions d'arrosage étaient conformes aux prescriptions techniques portant sur l'utilisation de l'ouvrage qui ont été élaborées tant par l'entrepreneur principal sous la forme d'un carnet d'entretien que par les maîtres d'oeuvre dans le cahier des clauses techniques particulières ; que, d'autre part, l'utilisation, même intensive, du terrain par des joueurs professionnels de rugby était conforme à la destination normale de cet ouvrage ; que, par suite, à supposer même que les conditions d'arrosage et d'utilisation du terrain, imputables à Montpellier Méditerranée Métropole, aient pu contribuer à l'apparition ou à l'ampleur des désordres, la cour administrative d'appel de Marseille a inexactement qualifié ces faits en jugeant qu'ils étaient constitutifs d'une faute du maître de l'ouvrage ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Montpellier Méditerranée Métropole est fondée, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il a partiellement réformé le jugement du tribunal administratif de Montpellier et, par voie de conséquence, en tant qu'il a mis à sa charge la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

5. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce soit mis à la charge de Montpellier Méditerranée Métropole, qui n'est pas la partie perdante, le versement des sommes que demandent, à ce titre, les sociétés A+ Architecture, Sedes, Arteba et Daudet Paysages ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des sociétés A+ Architecture, Sedes, Ate et Arteba la somme de 1 000 euros chacune au titre des mêmes dispositions ;



D E C I D E :
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Article 1er : Les articles 1er, 2 et 3 de l'arrêt du 14 décembre 2015 de la cour administrative d'appel de Marseille sont annulés.
Article 2 : L'affaire est renvoyée dans la mesure de la cassation prononcée, à la cour administrative d'appel de Marseille.
Article 3: Les sociétés A+ Architecture, Sedes, Ate et Arteba verseront chacune la somme de 1 000 euros à Montpellier Méditerranée Métropole en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions présentées au même titre par les sociétés Sedes, Arteba, Daudet Paysages et A+ Architecture sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Montpellier Méditerranée Métropole, aux sociétés A+ Architecture, Sedes, Arteba et Daudet Paysages.
Copie en sera adressée à la société Ate et à la société de transport de travaux publics.

ECLI:FR:CECHR:2017:397126.20170419
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