Décision n° MSP-2015-094 du 16 avril 2015

Version initiale


  • Le Défenseur des droits,
    Vu l'article 71-1 de la Constitution du 4 octobre 1958 ;
    Vu la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits, notamment son article 25 ;
    Vu le décret n° 2011-904 du 29 juillet 2011 relatif à la procédure applicable devant le Défenseur des droits ;
    Vu la Constitution ;
    Vu la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne ;
    Vu les articles L. 342-20 et L. 342-23 du code du tourisme ;
    Vu la décision du Défenseur des droits n° 2013-144 du 18 juillet 2013 ;
    Vu le courrier d'injonction en date du 7 avril 2014 adressé au maire de Beaufort ;
    Saisi par Mme Marie-Michèle LEDEME au sujet du tracé d'une piste de ski,
    Décide de rendre public au Journal officiel de la République française le présent rapport spécial en l'absence de suites données à ses recommandations de la décision n° 2014-193 du 1er décembre 2014.


    • Rapport spécial


      1. Le Médiateur de la République, dont les missions incombent désormais au Défenseur des droits en vertu de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011, a été saisi le 2 mai 2010, de la réclamation de Mme Marie-Michèle LEDEME, représentant l'indivision BONIGEN, demeurant 2, le Passage, 61250 Cuissai, relative au tracé d'une piste de ski et l'opposant à la mairie de Beaufort, 73270 Beaufort-sur-Doron.
      2. Les membres de l'indivision ne pouvant être présents à la réunion du 17 juillet 2007 relative aux aménagements du domaine skiable du Planay, le directeur de la Société d'économie mixte Arêches-Beaufort (SEMAB) leur a présenté le projet à l'occasion d'une visite sur place au cours du mois d'août 2007. Celui-ci consistait en des travaux de busage du ruisseau et de nivellement de la piste qui ne devaient concerner que la partie haute de la propriété de l'indivision, là où passait déjà la piste.
      3. Or, au cours des congés de noël 2007, l'indivision s'est rendue compte que trois arbres avaient été abattus, que le portique de la propriété avait été arraché, que le ruisseau avait été complètement busé devant le chalet et non sur la partie haute, que la piste traversait le terrain devant le chalet à moins de 10 mètres et que le réseau neige coupait la propriété.
      4. Pour répondre aux protestations de l'indivision, le directeur de la SEMAB a, par courrier du 2 mai 2008, fait des propositions d'amélioration de la situation avec, notamment, une reprise du terrassement pour décaler la piste en amont.
      5. Par ailleurs, l'indivision a signalé à la mairie de Beaufort que le projet de plan présentait les travaux de la piste de liaison Chavonne, au départ du télésiège, principalement en amont de la parcelle alors que les travaux réalisés empiétaient, en réalité, considérablement sur la parcelle en aval. La mairie a alors adressé à l'indivision une proposition de reprise de la piste.
      6. Toutefois, par courrier en date du 20 mars 2009, l'indivision a fait part de son refus et a proposé un échange de terrain pour créer un passage communal au-dessus de son terrain destiné à accueillir la piste de ski et le réseau neige avec busage du ruisseau à ce niveau.
      7. Par courrier du 31 juillet 2009, le maire de Beaufort a rejeté cette proposition en indiquant qu'elle n'envisageait pas de déplacer le réseau neige. Elle a, de ce fait, renouvelé sa proposition initiale et a, par ailleurs, spécifié qu'elle était disposée à rétrocéder, à l'indivision, l'assiette du chemin rural afin de donner plus d'aisance autour du chalet.
      8. Par courrier en date du 5 octobre 2010, le Médiateur de la République a demandé à la mairie de Beaufort de lui faire part du respect de la procédure d'institution de la servitude de piste de ski, (enquête parcellaire, date de mise à disposition du public du dossier de servitude, décision de création de la servitude prise sur proposition du conseil municipal, inscription de la servitude en annexe au document d'urbanisme), de lui confirmer que le document d'urbanisme de la commune délimite bien les zones qui sont ou peuvent être aménagées en vue de la pratique du ski et indique les équipements ou aménagements susceptibles d'y être prévus.
      9. Il l'a également priée de lui faire part des éléments qui garantissent que la servitude est bien implantée à plus de 20 mètres du chalet. A ce titre, il lui a rappelé que les conditions d'établissement de la servitude concernent aussi les installations de production ou de dispersion de neige de culture liées aux pistes.
      10. Il lui a, en outre, rappelé que les servitudes instituées, en vertu des articles L. 342-20 à L. 342-23 du code du tourisme, ouvrent droit à indemnité, s'il en résulte, pour le propriétaire du terrain un préjudice direct, matériel et certain.
      11. Enfin, il lui a demandé de lui indiquer si un tracé alternatif de la piste, prenant en compte les préoccupations de l'indivision BONIGEN, pouvait être envisagé et de lui faire part de ses observations.
      12. Par courrier en date du 25 octobre 2010, le maire de Beaufort n'a, en réponse, communiqué que le plan et règlement de l'ancien plan d'occupation des sols (POS) sans préciser l'époque à laquelle il s'appliquait, le plan et le règlement du plan local d'urbanisme (PLU) actuel sans préciser la date de son entrée en vigueur, et un arrêté préfectoral du 16 mars 1970 autorisant la commune à acquérir des terrains et à racheter des servitudes pour le développement de la station d'Ardêches-le-Planay, conformément à des « tableaux joints », au demeurant non fournis, à l'instar de la liste des terrains et servitudes acquis postérieurement par la commune.
      13. Ce courrier n'a, en outre, apporté aucun élément démontrant que la servitude de piste de ski et les installations de production ou de dispersion de neige de culture sont implantées à plus de 20 mètres du chalet. La mairie n'a pas fait part de ses observations sur le tracé alternatif prenant en compte les préoccupations de l'indivision BONIGEN sur lequel elle avait pourtant été explicitement interrogée.
      14. Par courrier en date du 10 novembre 2010, le Médiateur de la République, outre les remarques qu'appelait cette réponse, a indiqué à la mairie de Beaufort qu'au regard des courriers que le maire de l'époque avait échangés avec M. BONIGEN, antérieurement à l'arrêté préfectoral précité, en vue de la signature d'un compromis relatif au droit de passage éventuel de la piste de ski, il avait été constaté que M. BONIGEN n'avait pas accordé de droit de passage.
      15. En outre, il était précisé que les servitudes évoquées étaient des servitudes administratives et non des servitudes relevant du code civil et établies par acte notarié. Ces servitudes administratives sont régies par les articles L.342-20 à L.342-23 du code du tourisme, eux-mêmes issus de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, mentionnée par l'ancien POS et l'actuel PLU de la commune dans les paragraphes relatifs aux caractères des zones NC et A.
      16. A défaut d'une telle servitude administrative de piste de ski, qui n'a aucune valeur juridique si elle n'a pas fait l'objet d'une enquête réglementaire préalable, et d'un accord de passage de M. BONIGEN, le Médiateur de la République s'interrogeait sur la légalité de la piste existante et invitait le maire de Beaufort à examiner avec bienveillance le tracé alternatif proposé par l'indivision BONIGEN, à moins qu'il n'apporte des éléments permettant de démontrer le respect de la réglementation en vigueur.
      17. Après deux courriers de relance en dates des 24 janvier et 16 mars 2011 et deux mises en demeure en date des 19 décembre 2011 et 16 avril 2012, le maire a fait savoir au Défenseur des droits, qui s'est substitué au Médiateur de la République, par courrier en date du 1er juin 2012, que l'ensemble des documents qu'il avait pu rassembler, concernant cette affaire, avait été transmis à Me NUGUE, du cabinet ADAMAS, lequel devait apporter au Défenseur des droits les éléments de réponse.
      18. Le Défenseur des droits a alors pris l'attache de Me NUGUE, par courrier du 31 janvier 2013, lequel est resté sans réponse.
      19. Ayant, par ailleurs, saisi la préfecture de la Savoie, la sous-préfète d'Albertville a informé le Défenseur des droits qu'aucune procédure d'institution de servitudes relevant de l'article L. 342-20 du code du tourisme n'avait été instruite par ses services, en 2007, pour le domaine skiable du Planay sis sur le territoire de la commune de Beaufort, s'agissant d'une démarche impliquant l'ouverture d'une enquête parcellaire et donc, à tout le moins, une notification préalable aux propriétaires intéressés. Elle lui a, en outre, précisé que la servitude liée au déplacement ponctuel de la piste n'était pas annexée au plan local d'urbanisme de la commune, en l'absence d'arrêté préfectoral l'instituant. Cette servitude de fait n'est donc pas opposable en droit.
      20. Constatant ainsi que la servitude de piste de ski, qui grève la propriété de l'indivision BONIGEN, n'a, en l'absence d'une enquête réglementaire préalable, aucune valeur juridique, le Défenseur des droits a invité, par courrier du 17 mai 2013, le maire de Beaufort à présenter sa position sur la proposition de règlement amiable formulée par l'indivision BONIGEN dans le délai d'un mois avant qu'une décision ne soit prise sur ce dossier.
      21. Par ailleurs, après avoir saisi le bâtonnier de Lyon, le Défenseur des droits a enfin été destinataire d'une réponse de Me NUGUE en date du 17 juillet 2013.
      22. Toutefois, celle-ci ne permet toujours pas de justifier de la légalité de la servitude de piste de ski sur la propriété de l'indivision BONIGEN. En effet, les pièces jointes transmises relatives à une déclaration d'utilité publique en vue de la maîtrise foncière des terrains nécessaires aux remontés mécaniques sont insuffisantes et les tableaux mentionnés dans l'arrêté du préfet de Savoie du 16 mars 1970 ne sont toujours pas joints.
      23. Par ailleurs, Me NUGUE indique que « les travaux réalisés en 2007 ne l'ont été que pour entretenir le domaine skiable existant, et ne relèvent en rien d'une modification substantielle ». Or, en l'absence de document relatif au tracé initial de la piste de ski, il y a lieu de considérer que le déplacement vers le bas du terrain de la piste de ski qui passe dorénavant à moins de 10 mètres du chalet ainsi que la réalisation du réseau neige nécessitaient une nouvelle procédure d'institution d'une servitude de piste de ski.
      24. Le Défenseur des droits a donc constaté dans sa décision n° 2013-144 que la servitude de piste de ski, qui grève la propriété de l'indivision BONIGEN, n'a, en l'absence d'une enquête réglementaire préalable, aucune valeur juridique.
      25. En l'absence de réponse, un courrier d'injonction a été adressé le 7 avril 2014 au maire de Beaufort. A ce jour, le Défenseur des droits n'a été destinataire d'aucune réponse.
      26. Par décision n° 2014-193 du 1er décembre 2014, le Défenseur des droits a établit un rapport spécial notifié au maire de Beaufort par un courrier daté du même jour, l'invitant à présenter ses observations dans un délai d'un mois à compter de sa notification.
      27. En l'absence de réponse dans le délai imparti et en application de l'article 25 de la loi organique du 29 mars 2011, le Défenseur des droits décide de rendre publique sa position en publiant ce rapport spécial au Journal officiel de la République française.


J. Toubon

Extrait du Journal officiel électronique authentifié PDF - 232,9 Ko
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