Décision n° 2012-660 DC du 17 janvier 2013

Version initiale



  • (LOI RELATIVE À LA MOBILISATION DU FONCIER PUBLIC EN FAVEUR DU LOGEMENT ET AU RENFORCEMENT DES OBLIGATIONS DE PRODUCTION DE LOGEMENT SOCIAL)
    Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues à l'article 61, deuxième alinéa, de la Constitution, de la loi relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social, le 19 décembre 2012, par MM. Christian JACOB, Bernard ACCOYER, Yves ALBARELLO, Benoist APPARU, Olivier AUDIBERT TROIN, Jean-Pierre BARBIER, Xavier BERTRAND, Etienne BLANC, Jean-Claude BOUCHET, Xavier BRETON, Philippe BRIAND, Yves CENSI, Alain CHRÉTIEN, Philippe COCHET, François CORNUT-GENTILLE, Edouard COURTIAL, Mme Marie-Christine DALLOZ, MM. Marc-Philippe DAUBRESSE, Bernard DEFLESSELLES, Lucien DEGAUCHY, Mme Virginie DUBY-MULLER, MM. Daniel FASQUELLE, Georges FENECH, Mme Marie-Louise FORT, MM. Yves FOULON, Marc FRANCINA, Sauveur GANDOLFI-SCHEIT, Bernard GÉRARD, Alain GEST, Franck GILARD, Claude GOASGUEN, Philippe GOSSELIN, Christophe GUILLOTEAU, Guénhaël HUET, Sébastien HUYGHE, Denis JACQUAT, Christian KERT, Mmes Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET, Valérie LACROUTE, M. Marc LAFFINEUR, Mme Laure de LA RAUDIÈRE, MM. Guillaume LARRIVÉ, Marc LE FUR, Bruno LE MAIRE, Pierre LEQUILLER, Philippe LE RAY, Jean-François MANCEL, Thierry MARIANI, Olivier MARLEIX, Alain MARTY, François de MAZIÈRES, Philippe MEUNIER, Pierre MORANGE, Pierre MOREL-A-L'HUISSIER, Jean-Luc MOUDENC, Jacques MYARD, Mme Dominique NACHURY, MM. Yves NICOLIN, Edouard PHILIPPE, Axel PONIATOWSKI, Mme Josette PONS, MM. Bernard REYNÈS, Franck RIESTER, Martial SADDIER, Jean-Marie SERMIER, Fernand SIRÉ, Jean-Charles TAUGOURDEAU, Jean-Marie TETART, Dominique TIAN, Mme Catherine VAUTRIN, MM. Patrice VERCHÈRE, Michel VOISIN, Mme Marie-Jo ZIMMERMANN, MM. Elie ABOUD et Sylvain BERRIOS, députés.
    Le Conseil constitutionnel,
    Vu la Constitution ;
    Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
    Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;
    Vu le code de la construction et de l'habitation ;
    Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 11 janvier 2013 ;
    Le rapporteur ayant été entendu ;
    1. Considérant que les députés requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social ; qu'ils contestent la conformité à la Constitution de certaines dispositions de son article 3 ainsi que de ses articles 10, 14, 15 et 16 ;
    Sur l'article 3 :
    2. Considérant que l'article 3 de la loi déférée modifie l'article L. 3211-7 du code général de la propriété des personnes publiques, relatif aux conditions dans lesquelles l'Etat peut vendre des terrains de son domaine privé à un prix inférieur à la valeur vénale lorsque ces terrains sont destinés à la réalisation de programmes de constructions comportant essentiellement des logements dont une partie au moins est réalisée en logement social ; que, notamment, le paragraphe I de cet article L. 3211-7 fixe les pourcentages de décote maximale qui peuvent être appliqués à la valeur vénale du terrain ainsi cédé ; que son paragraphe II détermine les conditions dans lesquelles une décote est de droit ; que son paragraphe III est relatif, notamment, aux obligations auxquelles est soumis le primo-acquéreur qui souhaite revendre ou louer le bien ;
    3. Considérant qu'aux termes des troisième à cinquième alinéas de ce paragraphe III : « Le primo-acquéreur d'un logement qui souhaite le revendre dans les dix ans qui suivent l'acquisition consécutive à la première mise en vente du bien est tenu d'en informer le représentant de l'Etat dans la région. Ce dernier en informe les organismes mentionnés à l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation, qui peuvent se porter acquéreurs du logement en priorité. Le primo-acquéreur est tenu de verser à l'Etat une somme égale à la différence entre le prix de vente et le prix d'acquisition de son logement. Cette somme ne peut excéder le montant de la décote. Pour l'application du présent alinéa, les prix s'entendent hors frais d'acte et accessoires à la vente.
    « Lorsque le primo-acquéreur d'un logement le loue dans les dix ans qui suivent l'acquisition consécutive à la première mise en vente du bien, le niveau de loyer ne doit pas excéder des plafonds fixés par le représentant de l'Etat dans la région. Ceux-ci sont arrêtés par référence au niveau des loyers qui y sont pratiqués pour des logements locatifs sociaux de catégories similaires.
    « A peine de nullité, les contrats de vente comportent la mention des obligations visées aux troisième et quatrième alinéas du présent III et du montant de la décote consentie » ;
    4. Considérant que selon les députés requérants, le contrôle confié à l'autorité publique lors de l'aliénation de son bien par le propriétaire, le droit de priorité reconnu aux organismes d'habitation à loyer modéré pour acquérir le bien en cas de projet de vente et la limitation du prix de vente ainsi que du montant du loyer portent une atteinte inconstitutionnelle à l'exercice du droit de propriété et à la liberté contractuelle ; qu'en outre, en n'encadrant pas suffisamment le pouvoir du préfet de fixer le plafond des loyers, le législateur aurait méconnu l'étendue de sa compétence ;
    5. Considérant qu'il est loisible au législateur d'apporter aux conditions d'exercice du droit de propriété des personnes privées, protégé par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, et à la liberté contractuelle, qui découle de son article 4, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi ;
    6. Considérant que les dispositions contestées sont applicables aux propriétaires de certains logements acquis en accession à la propriété lorsque ces logements ont été construits sur des terrains qui étaient détenus par des personnes publiques, qui ont été aliénés à un prix inférieur à leur valeur vénale afin de faciliter la construction de logements sociaux ; qu'en ce cas, la décote appliquée sur le terrain lors de son aliénation ne peut excéder 50 % de la valeur vénale du terrain ; qu'elle est répercutée sur le prix de cession des logements ;
    7. Considérant qu'en imposant au primo-acquéreur d'un logement qui souhaite le vendre dans un délai de dix ans suivant l'acquisition consécutive à la première mise en vente d'en informer le représentant de l'Etat dans le département, en conférant aux organismes d'habitation à loyer modéré un droit de priorité pour se porter acquéreur de ce logement et en imposant le reversement à l'Etat d'une somme égale à la différence entre le prix de vente et le prix d'acquisition du logement, dans la limite de la décote, les dispositions du troisième alinéa du paragraphe III de l'article L. 3211-7 du code général de la propriété des personnes publiques ont pour objet d'instituer des garanties appropriées pour assurer le respect des exigences constitutionnelles relatives à la propriété des personnes publiques qui résultent, d'une part, des articles 6 et 13 de la Déclaration de 1789 et, d'autre part, de ses articles 2 et 17 ; qu'il en va de même des dispositions du quatrième alinéa de ce même paragraphe III qui limitent le montant des loyers pendant la même durée de dix ans lorsque le bien est donné en location ; que les limites apportées à l'exercice, par les propriétaires, de leur droit de propriété et de leur liberté contractuelle sont proportionnées à la poursuite de cet objectif ;
    8. Considérant, en second lieu, qu'en vertu de l'article 34 de la Constitution, la loi détermine les principes fondamentaux « du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales » ; qu'en prévoyant que les plafonds des loyers fixés par le représentant de l'Etat dans le département sont « arrêtés par référence au niveau des loyers qui y sont pratiqués pour des logements locatifs sociaux de catégories similaires », le législateur n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence ;
    9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les dispositions du paragraphe III de l'article L. 3211-7 du code général de la propriété des personnes publiques, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, doivent être déclarées conformes à la Constitution ;
    Sur les articles 10 et 14 :
    10. Considérant que l'article 10 modifie l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation qui définit un seuil d'application des dispositions de la section 2 du chapitre II du titre préliminaire du livre III de la partie législative du code de la construction et de l'habitation, pour porter de 20 % à 25 % le taux de logements locatifs sociaux parmi les résidences principales des communes dont la population est au moins égale à 1 500 habitants en Ile-de-France et 3 500 habitants dans les autres régions qui sont comprises, au sens du recensement de la population, dans une agglomération ou un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre de plus de 50 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitants ; que cet article maintient un taux de 20 % pour les communes appartenant à une agglomération ou un établissement public de coopération intercommunale remplissant les conditions précitées dans lesquels le parc de logements existant ne justifie pas un effort de production supplémentaire pour répondre à la demande et aux capacités à se loger des personnes à revenus modestes et des personnes défavorisées ; qu'il énumère les critères en fonction desquels un décret doit fixer la liste des agglomérations et établissements publics de coopération intercommunale dont il s'agit ; qu'il étend également l'exigence d'un taux de 20 % de logements locatifs sociaux parmi les résidences principales aux communes de plus de 15 000 habitants n'appartenant ni à une agglomération ni à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre de plus de 50 000 habitants mais dont le nombre d'habitants a crû, lorsque leur parc de logements justifie un effort de production supplémentaire pour répondre à la demande des personnes intéressées ; qu'il étend, enfin, les dérogations à l'exigence d'un taux de logements sociaux aux communes dont plus de la moitié du territoire urbanisé est soumise à une inconstructibilité liée à un plan de prévention des risques technologiques, naturels ou miniers ;
    11. Considérant que l'article 14 modifie l'article L. 302-7 du code de la construction et de l'habitation qui définit le prélèvement sur les ressources fiscales des communes n'atteignant pas les taux de logements locatifs sociaux mentionnés à l'article L. 302-5 du même code ; qu'il modifie la définition du calcul du prélèvement par coordination avec la modification des taux prévus par l'article L. 302-5 ; qu'il porte à 4 000 euros le seuil en deçà duquel le prélèvement n'est pas opéré ; qu'il ajoute parmi les dépenses exposées par la commune venant en diminution du prélèvement celles engagées au titre des travaux de dépollution ou de fouilles archéologiques des terrains ou biens immobiliers ensuite mis à disposition pour la réalisation de logements sociaux ; qu'il étend au prélèvement des deux années suivantes la déduction du surplus des dépenses exposées par la commune pour la réalisation de logements sociaux par rapport au prélèvement d'une année ; qu'il modifie les règles de répartition du montant de ce prélèvement ; qu'il introduit, enfin, une obligation pour les établissements publics fonciers et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre bénéficiant du reversement du prélèvement de transmettre chaque année à l'autorité administrative compétente de l'Etat un rapport sur l'utilisation des sommes qui leur ont été reversées et les perspectives d'utilisation de celles non utilisées ;
    12. Considérant que, selon les députés requérants, le relèvement de la proportion de logements sociaux par l'article 10 de la loi déférée ne reposerait pas sur des critères objectifs et rationnels en lien avec l'objectif poursuivi par le législateur ; qu'ils font également valoir que le maintien d'une exigence moindre de proportion de logements sociaux pour les communes urbanisées remplissant certaines conditions serait également contraire au principe d'égalité devant la loi ;
    13. Considérant que les députés requérants contestent, enfin, l'atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales qui résulterait du prélèvement sur les ressources fiscales des communes ne respectant pas les exigences prévues par l'article 10 de la loi déférée ; que ce grief porte sur le prélèvement que peuvent subir les collectivités définies à l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation en application de l'article L. 302-7 de ce code ; que ce dernier article est modifié par l'article 14 de la loi déférée ; que, par suite, ce grief porte sur les articles 10 et 14 de la loi déférée ;
    14. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;
    15. Considérant que si, en vertu des articles 72 et 72-2 de la Constitution, les collectivités territoriales « s'administrent librement par des conseils élus » et « bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement », chacune d'elles le fait « dans les conditions prévues par la loi » ; que l'article 34 de la Constitution réserve au législateur la détermination des principes fondamentaux de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources ;
    16. Considérant que, si le législateur peut, sur le fondement des articles 34 et 72 de la Constitution, assujettir les collectivités territoriales ou leurs groupements à des obligations, ou les soumettre à des interdictions, c'est à la condition, notamment, que les unes et les autres répondent à des fins d'intérêt général ;
    17. Considérant, en premier lieu, d'une part, qu'il ressort des travaux préparatoires que, par l'article 10 de la loi déférée, le législateur a entendu conforter l'objectif de mixité sociale qu'il avait précédemment défini et accroître la production de logements locatifs sociaux dans les communes qui connaissent un déséquilibre important entre l'offre et la demande de logements ; que le Conseil constitutionnel n'a pas un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement ; qu'il ne saurait rechercher si les objectifs que s'est assignés le législateur auraient pu être atteints par d'autres voies dès lors que les modalités retenues par la loi ne sont pas manifestement inappropriées à l'objectif visé ; qu'en l'absence de respect des seuils fixés par l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation, un prélèvement sur les ressources fiscales de la commune est dû en application de l'article L. 302-7, le conseil municipal doit définir un objectif triennal de réalisation de logements locatifs sociaux en application de l'article L. 302-8, un bilan doit être établi au terme de chaque période triennale en application de l'article L. 302-9, une procédure de constat de carence peut être engagée en l'absence de respect des engagements triennaux en application de l'article L. 302-9-1 et une commission départementale ou nationale peut être saisie en application de l'article L. 302-9-1-1 ; qu'en élevant le seuil de logements locatifs sociaux pour les communes appartenant à une agglomération ou un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre pour lesquels le parc de logements justifie un effort de production supplémentaire de logements locatifs sociaux et en instaurant un seuil de logements locatifs sociaux pour les communes de plus de 15 000 habitants n'appartenant ni à une agglomération ni à un établissement public de coopération intercommunale de plus de 50 000 habitants, le législateur a retenu des critères objectifs et rationnels en lien avec l'objectif poursuivi ;
    18. Considérant, d'autre part, que les communes appartenant à une agglomération ou un établissement public de coopération intercommunale dans lesquels le parc de logements ne justifie pas un effort de production supplémentaire de logements locatifs sociaux sont dans une situation différente, au regard de l'objet de la loi, des autres communes soumises aux dispositions de la section 2 du chapitre II du titre préliminaire du livre III de la partie législative du code de la construction et de l'habitation ; que les communes de plus de 15 000 habitants n'appartenant ni à une agglomération ni à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre de plus de 50 000 habitants, qui n'étaient jusqu'alors pas soumises aux dispositions de cette section, sont également dans une situation différente des autres communes régies par ces dispositions ; que ces différences de situation justifient que le taux de logements locatifs sociaux retenu pour ces communes soit inférieur à celui applicable aux autres communes ;
    19. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que doivent être écartés les différents griefs tirés de la rupture d'égalité entre les communes ;
    20. Considérant, en second lieu, que le prélèvement sur les recettes fiscales des communes prévu par l'article L. 302-7 du code de la construction et de l'habitation modifié par l'article 14 de la loi déférée constitue une charge obligatoire pour la commune tant que celle-ci n'a pas atteint l'objectif prévu par l'article L. 302-5 du même code modifié par l'article 10 de la loi déférée ; que les sommes correspondant à ce prélèvement sont affectées à des organismes intercommunaux, à des établissements publics fonciers ou à un fonds d'aménagement urbain ayant pour vocation de réaliser des opérations foncières et immobilières en faveur du logement social ; qu'est ainsi institué un mécanisme de solidarité entre communes urbanisées ; que ce prélèvement est fixé à 20 % du potentiel fiscal par habitant multiplié par la différence entre le taux de logements locatifs sociaux prévu par l'article L. 302-5 et le nombre de logements sociaux existant dans la commune ; qu'en sont exonérées les communes bénéficiant de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale dont le nombre de logements sociaux excède 15 % des résidences principales ; que, dans tous les cas, le montant total du prélèvement ne peut excéder 5 % du montant des dépenses réelles de fonctionnement de la commune figurant dans le compte administratif établi au titre du pénultième exercice ; qu'en outre, les dépenses exposées par la commune à des fins entrant dans l'objet de la loi peuvent être déduites du prélèvement ;
    21. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le prélèvement critiqué n'a pas pour effet de réduire les ressources globales des communes ni de diminuer leurs ressources fiscales au point de porter atteinte à leur libre administration ;
    22. Considérant que les articles 10 et 14, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, doivent être déclarés conformes à la Constitution ;
    Sur les articles 15 et 16 :
    23. Considérant que, d'une part, l'article 15 a pour objet de modifier l'article L. 302-8 du code de la construction et de l'habitation ; qu'en particulier, il insère dans cet article un paragraphe I dont le premier alinéa précise que, pour atteindre les taux de logements locatifs sociaux de 25 et 20 % mentionnés à l'article L. 302-5 du même code, le conseil municipal définit un objectif de réalisation de logements locatifs sociaux par période triennale ; qu'en vertu de ce premier alinéa, cet objectif ne peut être inférieur au nombre de logements locatifs sociaux nécessaires pour atteindre, au plus tard à la fin de l'année 2025, le taux mentionné par ces mêmes dispositions ;
    24. Considérant que l'article 15 insère également, après le deuxième alinéa de l'article L. 302-8, les paragraphes II à IV ; que, selon le paragraphe II, l'objectif de réalisation des logements locatifs sociaux défini au paragraphe I précise la typologie des logements à financer telle que prévue au douzième alinéa de l'article L. 302-1 du même code ; qu'aux termes du paragraphe III : « Si la commune n'est pas couverte par un programme local de l'habitat, la part des logements financés en prêts locatifs sociaux ne peut être supérieure à 30 % des logements locatifs sociaux à produire et celle des logements financés en prêts locatifs aidés d'intégration est au moins égale à 30 %. Si la part des logements locatifs sociaux sur la commune est inférieure à 10 % du total des résidences principales et que la commune n'est pas couverte par un programme local de l'habitat, la part des logements financés en prêts locatifs sociaux ne peut être supérieure à 20 % des logements locatifs sociaux à réaliser » ; qu'en vertu du paragraphe IV, les seuils définis au paragraphe III sont applicables à tout programme local de l'habitat entrant en vigueur à compter du 1er janvier 2014 ;
    25. Considérant que l'article 15 modifie, en outre, l'avant-dernier alinéa de l'article L. 302-8 en précisant que l'objectif de réalisation pour la cinquième période triennale du nombre de logements sociaux ne peut être inférieur à 25 % des logements sociaux à réaliser pour atteindre en 2025 l'un des taux de logements sociaux applicables en vertu de l'article L. 302-5 ; que cet objectif de réalisation est porté à 33 % pour la sixième période triennale, 50 % pour la septième période triennale et 100 % pour la huitième période triennale ; que les périodes triennales, ainsi qu'il résulte de la dernière phrase du paragraphe VII de l'article L. 302-8, débutent le 1er janvier 2002 ;
    26. Considérant que, d'autre part, l'article 16 a pour objet de modifier l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation relatif à la procédure de constat de carence applicable aux communes n'ayant pas atteint leur objectif de réalisation du nombre de logements sociaux ; qu'en particulier, le plafond du prélèvement majoré fixé par le préfet est porté du double au quintuple du prélèvement mentionné à l'article L. 302-7 ; que l'article 16 porte le plafond du prélèvement majoré de 5 à 7,5 % du montant des dépenses réelles de fonctionnement de la commune figurant dans le compte administratif établi au titre du pénultième exercice, pour les communes dont le potentiel fiscal par habitant est supérieur ou égal à 150 % du potentiel fiscal médian par habitant de l'ensemble des communes soumises au prélèvement défini à l'article L. 302-7 au 1er janvier de l'année précédente ; qu'il précise également que la majoration du prélèvement est versée au Fonds national de développement d'une offre de logements locatifs très sociaux institué par l'article 19 de la loi déférée ;
    27. Considérant que, selon les députés auteurs de la saisine, en alourdissant les contraintes pesant sur les collectivités territoriales et en augmentant le montant du prélèvement majoré sur les ressources fiscales des communes qui n'atteignent pas les objectifs fixés par la loi, l'application combinée des articles 15 et 16 porte atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales et au principe de proportionnalité des sanctions posé par l'article 8 de la Déclaration de 1789 ;
    28. Considérant que, si, en vertu des articles 72 et 72-2 de la Constitution, les collectivités territoriales « s'administrent librement par des conseils élus » et « bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement », chacune d'elles le fait « dans les conditions prévues par la loi » ; que l'article 34 réserve au législateur la détermination des principes fondamentaux de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources ;
    29. Considérant que, si le législateur peut, sur le fondement des articles 34 et 72 de la Constitution, assujettir les collectivités territoriales ou leurs groupements à des obligations, ou les soumettre à des interdictions, c'est à la condition, notamment, que les unes et les autres répondent à des fins d'intérêt général ;
    30. Considérant qu'il ressort des travaux préparatoires que les dispositions critiquées tendent à assurer la réalisation de l'objectif de mixité sociale et d'accroissement de la production de logements locatifs sociaux, au plus tard à la fin de l'année 2025, en fixant un rythme de rattrapage de cette réalisation ; qu'ainsi qu'il a été précédemment rappelé, le Conseil constitutionnel, qui n'a pas un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, ne saurait rechercher si les objectifs que s'est assignés le législateur auraient pu être atteints par d'autres voies, dès lors que les modalités retenues par la loi ne sont pas manifestement inappropriées à l'objectif visé ;
    31. Considérant qu'en vertu de l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation, lorsqu'une commune n'a pas tenu les engagements figurant dans le programme local de l'habitat ou, à défaut d'un tel programme, n'a pas atteint l'objectif triennal d'accroissement du nombre de logements sociaux prévu à l'article L. 302-8 du même code, le préfet informe le maire de son intention d'engager une procédure de constat de carence ; que les faits ayant motivé l'engagement de la procédure sont portés à la connaissance du maire qui est invité à présenter ses observations dans un délai de deux mois ; qu'au terme de la procédure, et après avoir tenu compte, notamment, de l'importance de l'écart entre les objectifs et les réalisations constatées au cours de la période triennale échue, des difficultés rencontrées le cas échéant par la commune et des projets de logements sociaux en cours de réalisation, le préfet peut, par arrêté motivé pris après avis du comité régional de l'habitat, prononcer la carence de la commune ; que le même arrêté fixe, pour une durée maximale de trois ans à compter du 1er janvier de l'année suivant sa signature, la majoration du prélèvement défini à l'article L. 302-7 du code de la construction et de l'habitation ; que l'arrêté préfectoral peut faire l'objet d'un recours de pleine juridiction ;
    32. Considérant qu'il résulte de l'article 16 de la loi déférée, qui modifie cet article L. 302-9-1, que le préfet ne peut prononcer la carence de la commune qu'après avis de la commission départementale chargée de l'examen du respect des obligations de réalisation des logements sociaux prévue par l'article L. 302-9-1-1 ; que le prélèvement majoré ne peut être supérieur à cinq fois le prélèvement mentionné à l'article L. 302-7 ; que, si le prélèvement majoré ne peut excéder 5 % du montant des dépenses réelles de fonctionnement de la commune figurant dans le compte administratif établi au titre du pénultième exercice, ce plafond est porté à 7,5 % pour les communes dont le potentiel fiscal par habitant est supérieur ou égal à 150 % du potentiel fiscal médian par habitant de l'ensemble des communes soumises au prélèvement défini à l'article L. 302-7 au 1er janvier de l'année précédente ; que « les dépenses déductibles mentionnées au quatrième alinéa de l'article L. 302-7 qui n'ont pas été déduites du prélèvement viennent en déduction de la majoration du prélèvement » ; qu'au titre de ces dépenses déductibles figurent notamment les dépenses exposées par les communes au titre de subventions foncières pour des opérations visant la production de logements locatifs sociaux, de travaux de viabilisation de terrains destinés à la création de tels logements, ainsi que les moins-values correspondant à la différence entre le prix de cession de terrains donnant lieu à la réalisation effective de logements sociaux et leur valeur vénale estimée par le service des domaines ;
    33. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les dispositions contestées qui ont pour but de mettre en œuvre l'objectif de mixité sociale et d'accroissement de la production de logements locatifs sociaux répondent ainsi à une fin d'intérêt général ; qu'elles ne sont pas manifestement inappropriées à l'objectif poursuivi ; que le législateur, en imposant de nouvelles contraintes aux communes dans le domaine de la construction de logements sociaux et en alourdissant les prélèvements sur les ressources de celles qui n'ont pas respecté les objectifs fixés par la loi, n'a pas porté à leur libre administration une atteinte d'une gravité telle que seraient méconnus les articles 72 et 72-2 de la Constitution ;
    34. Considérant que les articles 15 et 16 de la loi déférée, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, doivent être déclarés conformes à la Constitution ;
    35. Considérant qu'il n'y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de soulever d'office aucune question de constitutionnalité,
    Décide :


  • Sont déclarées conformes à la Constitution les dispositions suivantes de la loi relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social :
    ― à l'article 3, le paragraphe III de l'article L. 3211-7 du code général de la propriété des personnes publiques ;
    ― les articles 10, 14, 15 et 16.


  • La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.
    Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 17 janvier 2013, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Valéry GISCARD d'ESTAING, Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.


Le président
Jean-Louis Debré

Extrait du Journal officiel électronique authentifié PDF - 278,7 Ko
Retourner en haut de la page