Décision du comité de règlement des différends et des sanctions en date du 22 janvier 2010 sur le différend qui oppose la société ALTERGAZ à la société GrDF, relatif au rattrapage des erreurs sur le compte d'écart distribution dues aux retards d'intégration dans le système d'information OMEGA de la société GrDF

Version initiale


Le comité de règlement des différends et des sanctions,
Vu la demande de règlement de différend, enregistrée le 4 novembre 2009 sous le numéro 09-38-09, présentée par la société ALTERGAZ, société anonyme, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le numéro 451 225 692, dont le siège social est situé 24, rue Jacques-Ibert, 92300 Levallois-Perret, représentée et assistée par son président-directeur général, M. Robert DELBOS, et ayant pour avocat Me François-Pierre LANI, cabinet SCP DERRIENNIC ASSOCIES, 5, avenue de l'Opéra, 75001 Paris.
La société ALTERGAZ a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie (ci-après « CRE ») du différend qui l'oppose à la société GrDF, gestionnaire de réseaux publics de distribution de gaz naturel, s'agissant du rattrapage des erreurs, sur le compte d'écart distribution (ci-après « CED »), dues aux retards d'intégration dans le système d'information OMEGA (ouverture du marché de l'énergie et gestion de l'acheminement) de gestion de l'acheminement de la société GrDF.
A titre principal, la société ALTERGAZ conteste le principe du rattrapage des erreurs dues aux retards d'intégration sur le compte d'écart distribution ainsi que la mise en œuvre d'un tel compte.
La société ALTERGAZ considère qu'en application de l'article 1134 du code civil, la société GrDF ne peut lui imposer unilatéralement le rattrapage des erreurs sur le CED dues aux retards d'intégration dès lors que le principe d'un tel rattrapage n'est pas prévu dans le contrat d'acheminement sur le réseau de distribution (ci-après « CAD ») signé entre les deux parties. Elle ajoute que la société GrDF a reconnu que la modification du traitement et de la facturation des CED du fait de la régularisation nécessitait la signature d'un avenant comme il ressort du compte rendu de la 14e réunion du sous-groupe acheminement du comité de suivi du profilage ad hoc « lissage des CED et rattrapage des retards d'intégration » du 6 avril 2009. Enfin, la société ALTERGAZ soutient qu'elle n'a pas à supporter l'erreur de calcul sur le CED, qui résulte du dysfonctionnement du système d'information OMEGA, dans la mesure où cette erreur résulte d'une faute de la société GrDF. La société ALTERGAZ estime qu'en tout état de cause, « GrDF a dû faire les recours nécessaires contre le concepteur » du système d'information OMEGA.
En ce qui concerne la mise en œuvre de la régularisation, la société ALTERGAZ estime qu'en application des dispositions combinées des articles 1er, 2 et 7 de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l'électricité et au service public de l'énergie et des dispositions de l'article 13 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières, la société GrDF doit accomplir ses prestations de manière transparente, objective et non discriminatoire. La société ALTERGAZ indique que la mise en œuvre de la régularisation des erreurs sur le CED dues aux retards d'intégration porte atteinte à ces principes en ce que les factures transmises par la société GrDF ne lui permettent pas de contrôler le bien-fondé des sommes facturées. La société ALTERGAZ indique que les factures ne comportent pas de ligne de « régularisation sur retard d'intégration » et que le montant des CED ne fait apparaître ni le mois concerné ni les points régularisés.
La société ALTERGAZ indique en outre qu'il lui est impossible de vérifier le bien-fondé du montant facturé notamment dès lors que :
― les « écarts de distribution » sur les mois antérieurs figurent sur la facture sans que la période concernée, les volumes afférents et l'origine du CED ne soient mentionnés, ce qui empêche la vérification du montant de ces « écarts de distribution » ;
― les dates de mise en service et de mise hors service des points de comptage et d'estimation (ci-après « PCE ») n'étant pas relevées sont donc invérifiables, ce qui empêche de valider le bien-fondé du montant figurant dans le CED.
La société ALTERGAZ ajoute que les sommes facturées au titre de la régularisation des erreurs dues aux retards d'intégration comportent des incohérences, la société GrDF ayant, par exemple, sollicité, pour un PCE déterminé, une régularisation pour une période en partie antérieure au début de la prestation de distribution de gaz pour le compte de la société ALTERGAZ.
La société ALTERGAZ expose en outre que la procédure de régularisation de ces erreurs, mise en place par la société GrDF, paraît aléatoire et peu fiable. A titre d'exemple, la société GrDF a révisé, entre les factures du 9 juillet 2009 et du 12 août 2009, le rattrapage facturé rétroactivement en le régularisant une nouvelle fois et en intégrant une somme de 185 563,55 € HT en juillet et une somme de 323 776,01 € HT en août. La société ALTERGAZ considère que ces éléments démontrent que la société GrDF est incapable de contrôler les montants des régularisations demandées.
La société ALTERGAZ s'estime en droit d'obtenir les éléments et justificatifs permettant de contrôler les montants facturés au titre de la régularisation des erreurs sur le CED, et ce d'autant plus que la société GrDF, lors d'une réunion de concertation avec la communauté des fournisseurs, la réunion du comité de suivi du profilage qui s'est tenue le 5 mai 2009 dans le cadre du groupe de travail gaz (ci-après « GTG2007 ») dans les locaux de la CRE, a reconnu que « certains éléments complémentaires apportés sur la régularisation des CED présentés lors du sous-groupe acheminement du 17 avril étaient erronés ».
La société ALTERGAZ considère, en conséquence, que l'attitude de la société GrDF est source de discrimination et fausse le jeu de la concurrence entre les fournisseurs, et que le caractère rétroactif des régularisations remet en cause la sincérité des comptes qu'elle a arrêtés.
Par ailleurs, la société ALTERGAZ indique que la société GrDF ne peut pas invoquer l'article 15.5 du CAD pour la contraindre à payer les factures litigieuses, dès lors que la pratique de la régularisation de l'erreur des CED n'est pas prévue dans ce contrat.
La société ALTERGAZ précise, d'une part, que l'article 15.5 du CAD, à le supposer applicable, l'autorise à suspendre le paiement sollicité par la société GrDF dès lors que ce dernier résulte, comme en l'espèce, d'une erreur manifeste de cette société et, d'autre part, que l'article 15.2.2 du contrat empêche toute régularisation passé un délai de sept mois.
Enfin, la société ALTERGAZ soutient que la société GrDF abuse de sa position dominante en lui imposant ses conditions de discussion, « ses » principes et procédures de régularisation ainsi que « ses » propres erreurs.
A titre subsidiaire, la société ALTERGAZ conteste le prix du gaz appliqué par la société GrDF dans le cadre des régularisations, à savoir le prix de compensation correspondant à la date de la régularisation. Elle estime que si la société ALTERGAZ a accepté ce prix de compensation dans le cadre de l'annexe E du CAD, ce prix n'a pas vocation à s'appliquer aux régularisations d'erreurs sur les CED dues aux retards d'intégration dès lors que ceux-ci ne sont pas prévus par le CAD. Ainsi, elle considère qu'en raison du vide contractuel et des principes de transparence et de non discrimination, il doit être établi pour l'avenir une règle transparente, objective et opposable aux tiers permettant de valoriser les régularisations des erreurs de cette nature.
La société ALTERGAZ, compte tenu de ce qui précède, demande au comité de règlement des différends et des sanctions :
― à titre principal :
― de dire et juger que la société GrDF n'est pas en droit de procéder à la régularisation des erreurs commises sur les CED du fait de retards d'intégration, dès lors que cette procédure n'est pas prévue dans le contrat d'acheminement et qu'elle concerne une période contractuellement caduque ;
― à titre subsidiaire :
― de dire et juger que, en l'état, les erreurs sur les CED, leurs données et leurs montants ne sont pas prouvés et restent invérifiables ;
― de dire et juger que la société GrDF doit communiquer à la société ALTERGAZ l'ensemble des documents permettant de justifier et de vérifier le montant de ses factures, et notamment le rattrapage des erreurs sur les CED ;
― de dire que la société ALTERGAZ est bien fondée à suspendre le paiement des factures litigieuses jusqu'à complète vérification des documents devant ainsi être communiqués ;
― en tout état de cause :
― d'établir et fixer une règle transparente, objective et opposable, tant aux parties qu'aux tiers, dans l'établissement des CED et des éventuelles erreurs ;
― d'établir et fixer une règle équitable, transparente et non discriminatoire, opposable aux parties et aux tiers, de valorisation du montant du prix du gaz naturel dans le cadre du rattrapage des erreurs sur le CED.


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  • Vu les observations en défense, enregistrées le 30 novembre 2009, présentées par la société GrDF, société anonyme, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro 444 786 511, dont le siège social est situé 6, rue Condorcet, 75009 Paris, représentée par sa directrice générale, Mme Laurence HEZARD.
    La société GrDF rappelle l'importance et les enjeux liés au fonctionnement et à la valorisation du CED permettant que chaque fournisseur s'acquitte précisément des quantités de gaz réellement consommées par ses clients.
    La société GrDF précise que la facturation des CED n'est pas de même nature que la facturation de l'utilisation du réseau de distribution de gaz et ne concourt pas à la rémunération du gestionnaire de réseau ni à la couverture de ses coûts. Elle ajoute qu'il n'en est pas moins essentiel pour le bon fonctionnement du marché que les CED soient établis de façon exacte afin de ne pas créer de discrimination entre les fournisseurs et pour préserver l'équilibre de ses comptes.
    La société GrDF explique les conséquences pratiques du dysfonctionnement de son système d'information OMEGA à l'origine du différend sur la tenue des CED ainsi que les modalités de la régularisation des CED des fournisseurs. Elle précise que ce dysfonctionnement n'a affecté que le calcul des CED par fournisseur et a été sans incidence sur la facturation de l'acheminement.
    La société GrDF soutient que la demande de la société ALTERGAZ n'est pas fondée, tant en ce qui concerne la contestation du principe du rattrapage des erreurs dues aux retards d'intégration sur le CED que pour ce qui ressort de la mise en œuvre de ce principe.
    S'agissant de la contestation du principe du rattrapage des erreurs sur le CED dues aux retards d'intégration, la société GrDF fait valoir, en premier lieu, que l'absence de description, par le contrat d'acheminement, de la procédure de régularisation des erreurs constatées sur les CED des fournisseurs n'autorise pas la société ALTERGAZ à en tirer la conséquence que l'erreur d'exécution commise par la société GrDF n'est pas rectifiable.
    La société GrDF estime que la régularisation opérée par ses soins est non seulement conforme au CAD mais également indispensable au bon fonctionnement du marché du gaz, dès lors qu'elle assure aux fournisseurs de gaz un traitement non discriminatoire.
    Elle considère que les conditions générales du contrat d'acheminement sur le réseau de distribution prévoient de manière explicite le mécanisme du CED, que ces stipulations contractuelles n'ont pu être mises en œuvre régulièrement par elle du fait du dysfonctionnement de son système d'information et que le processus de régularisation instauré en concertation avec les fournisseurs, dont la société ALTERGAZ, et sous l'égide de la CRE, vise précisément à ce que ces stipulations soient appliquées correctement.
    La société GrDF rappelle que les sommes en cause correspondent aux coûts du gaz que la société ALTERGAZ a vendu à ses clients sans l'avoir pour autant injecté sur le réseau et souligne que suivre le raisonnement de cette société conduirait à considérer que celle-ci pourrait encaisser le produit de la vente d'un bien qu'elle n'a pas acheté, au détriment non seulement de la société GrDF mais aussi de ses concurrents qui s'acquittent de l'ensemble des sommes dues au titre de la régularisation des erreurs sur leur CED.
    Ainsi, la société GrDF estime qu'il résulte des articles 1134, 1135 et 1234 du code civil que l'exécution de bonne foi du contrat d'acheminement et de ses suites, à laquelle est tenue la société ALTERGAZ, l'oblige à s'acquitter des montants qui lui sont réclamés et qu'en conséquence, la société ALTERGAZ est tenue au paiement de ses dettes, qui ne pourraient s'éteindre, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, que du fait d'un paiement ou de la prescription. La société GrDF relève en outre qu'aucune des stipulations contractuelles ne lui interdit de corriger des erreurs ou de retenir que celles-ci bénéficieraient au fournisseur.
    La société GrDF précise qu'en aucune manière, dans ses échanges avec la communauté des fournisseurs ou avec la société ALTERGAZ, elle n'a prétendu que la signature d'un avenant au contrat d'acheminement serait nécessaire pour que la régularisation puisse intervenir. Elle ajoute que l'extrait du compte-rendu de la 14e réunion du sous-groupe acheminement du comité de suivi du profilage cité par la société ALTERGAZ dans sa saisine se rapporte à la question du lissage des CED, qui est un sujet distinct et sans rapport avec celui des régularisations des CED et rappelle que la société ALTERGAZ a validé et a réglé les trois premières factures emportant régularisation.
    En dernier lieu, la société GrDF estime non pertinent l'argument de la société ALTERGAZ selon lequel elle-même devrait, pour se voir rembourser les sommes en cause, agir contre le fournisseur du système d'information OMEGA, dont le dysfonctionnement est à l'origine des écarts sur son CED. Elle ajoute qu'elle est en effet fondée à appliquer les stipulations du CAD à l'égard de la société ALTERGAZ, indépendamment de l'action contractuelle qu'elle pourrait éventuellement engager à l'encontre de son fournisseur du système d'information OMEGA, aux fins de voir réparer son propre préjudice.
    S'agissant de la contestation de la mise en œuvre du « rattrapage » des erreurs sur le CED dues aux retards d'intégration, la société GrDF soutient, en premier lieu, qu'elle transmet aux fournisseurs l'ensemble des informations qui leur sont nécessaires pour comprendre les factures reçues et fournit à ce titre dans son dossier un exemple de régularisation relatif à un retard d'intégration.
    La société GrDF estime que la société ALTERGAZ était à même de vérifier les documents transmis, puisque cette dernière ne l'a informée de l'existence d'une erreur qu'une seule fois, unique erreur qui, d'ailleurs, a été admise et corrigée par ses soins.
    Au sujet des incohérences que la société ALTERGAZ aurait relevées lors de la mise en œuvre du processus de régularisation des erreurs sur les CED, la société GrDF expose qu'elle n'a été questionnée par la société ALTERGAZ que sur quatre PCE du fichier relatif au mois de mai, parmi lesquels un seul PCE s'est révélé, dans son montant, en partie erroné : le PCE GI098803 mentionné par la société ALTERGAZ dans sa saisine, pour lequel une partie de la période de régularisation était antérieure au 1er juillet 2007. La société GrDF ajoute qu'elle a admis cette erreur et, en conséquence, n'a pas facturé la société ALTERGAZ pour le PCE et la période considérés.
    La société GrDF précise que l'allégation de la société ALTERGAZ selon laquelle la société GrDF aurait procédé à une « révision » du montant de la régularisation de son CED dans les factures des 9 juillet 2009 et 12 août 2009 n'est pas exacte, et explique que les sommes de 185 563,55 euros (HT) et de 323 776,01 euros (HT) relatives aux factures des 9 juillet 2009 et 12 août 2009, telles que mentionnées par la société ALTERGAZ dans sa saisine, constituent la régularisation des erreurs sur le CED portant respectivement sur les mois de février et de mars 2009, conformément au processus de régularisation présenté à la société ALTERGAZ.
    En complément, la société GrDF souligne que la rectification évoquée lors de la réunion du comité de suivi du profilage du 5 mai 2009, et dont fait état la société ALTERGAZ dans sa saisine, est étrangère aux factures de juillet et août 2009. La société GrDF a alors expliqué avoir commis une erreur dans l'estimation statistique donnée lors de la réunion du sous-groupe acheminement du 17 avril 2009 à titre informatif pour les montants concernés par la régularisation des CED dus aux retards d'intégration.
    La société GrDF estime que les critiques de la société ALTERGAZ sur la lisibilité de la facture émise par elle le 9 juillet 2009 ne concernent par le litige dont le comité de règlement des différends et des sanctions est saisi et se bornent à souligner que les fichiers annexes de facturation dits « AFAC » mis à disposition des fournisseurs en même temps que l'édition de la facture leur permettent de disposer sous forme électronique du détail des informations client par client et, ainsi, de reconstituer les informations agrégées portées sur la facture.
    La société GrDF affirme que la société ALTERGAZ avait, dès le mois de décembre 2008, pleinement connaissance du montant total à régulariser, pour la période allant de juin 2007 à octobre 2008, et qu'elle avait donc à sa disposition l'ensemble des informations lui permettant de provisionner les montants en cause avant la fin de l'exercice comptable afin de produire des comptes sincères.
    En dernier lieu, la société GrDF rappelle que, par ordonnance du 19 novembre 2009, le président du tribunal de commerce de Paris a fait droit, totalement quant au principe et pour la plus grande part quant au quantum, à sa demande de condamnation de la société ALTERGAZ à lui payer les sommes correspondant à la régularisation du CED. La société GrDF en déduit qu'ont été implicitement mais nécessairement écartées les affirmations de la société ALTERGAZ selon lesquelles les stipulations de l'article 15.5 du CAD, qui prévoient que les factures doivent être intégralement réglées même en cas de contestation, ne sont pas applicables au présent différend et qu'à supposer ces clauses applicables, la société ALTERGAZ est en droit de suspendre son paiement en raison de l'erreur manifeste de la société GrDF.
    Quant à l'affirmation de la société ALTERGAZ, aux termes de laquelle il y aurait lieu de faire application de l'article 15.2.2 du CAD, la société GrDF précise que les stipulations de cet article sont sans rapport avec la régularisation des CED, dès lors qu'elles font référence au terme de facturation provisoire, qui est un mécanisme de trésorerie permettant d'estimer sur la facture du mois M l'acheminement des PCE à relève semestrielle et mensuelle pour ce même mois.
    A titre subsidiaire, la société GrDF indique que le prix qui a été utilisé dans le cadre du processus de régularisation, à savoir le prix de compensation à la date du relevé, permet de solder l'erreur de calcul initiale sans surcoût pour le fournisseur ou le distributeur, puisqu'il est demandé au fournisseur un remboursement à l'euro près de la compensation versée à tort. La société GrDF estime que cette méthode de valorisation du gaz, mise en œuvre pour l'ensemble des fournisseurs, est équitable, non discriminatoire et objective.
    Elle ajoute que tout autre système de détermination de la valorisation du gaz nécessiterait un nouveau calcul des régularisations déjà payées par les fournisseurs ou leur ayant déjà été remboursées.
    La société GrDF demande, en conséquence, au comité de règlement des différends et des sanctions de rejeter la demande de la société ALTERGAZ comme non fondée.


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    Vu les observations en réplique, enregistrées le 21 décembre 2009, présentées par la société ALTERGAZ.
    A titre principal, la société ALTERGAZ maintient que la société GrDF ne peut pas imposer le « rattrapage » des erreurs sur le CED dues aux retards d'intégration dès lors que ce rattrapage n'est pas prévu par les stipulations du CAD et que, ce faisant, la société GrDF transfère les conséquences de ses propres erreurs sur les fournisseurs, dont elle-même, méconnaissant ainsi la règle selon laquelle « nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ».
    Elle estime que la régularisation des erreurs sur le CED dues aux retards d'intégration ne peut être imposée unilatéralement par la société GrDF à la société ALTERGAZ mais qu'elle doit être préalablement acceptée par la société ALTERGAZ en application du droit des obligations.
    Elle ajoute qu'à l'occasion du règlement du différend relatif aux conditions d'accès aux stockages qui avait opposé la société Gaz de France et la société ALTERGAZ, la CRE, dont la décision avait été confirmée par la cour d'appel de Paris, avait contraint la première de ces sociétés à modifier ses dispositions contractuelles alors même que tous les autres fournisseurs de gaz avaient accepté la position unilatérale par elle imposée.
    La société ALTERGAZ estime qu'il résulte de la combinaison des dispositions de l'article 1134 du code civil et de l'article 2 de la loi du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l'électricité et au service public de l'énergie qu'elle n'est tenue que dans les conditions et selon les termes du CAD signé avec la société GrDF qui ne prévoit ni le principe du rattrapage ni ses modalités d'application. Elle considère, donc, qu'à défaut de clause contractuelle prévoyant le rattrapage des erreurs sur le CED dues aux retards d'intégration, la société GrDF ne peut lui opposer cette pratique.
    La société ALTERGAZ considère donc que la société GrDF ne peut lui imposer le rattrapage des erreurs sur le CED dues au retard d'intégration dans OMEGA, dès lors que cette dernière a dû faire les recours nécessaires contre le prestataire informatique de son système d'information et qu'elle est assurée contre les risques liés à son activité et contre les conséquences préjudiciables des éventuels dysfonctionnements de son système d'information. A ce titre, la société ALTERGAZ demande à la société GrDF de fournir l'ensemble des pièces de son dossier de recours contre le prestataire informatique et l'identité de celui-ci.
    La société ALTERGAZ estime donc qu'elle est en droit de ne pas payer les montants facturés par la société GrDF au titre de la régularisation.
    A titre subsidiaire, elle précise qu'à supposer que la société GrDF soit fondée à lui demander la régularisation des erreurs sur le CED dues aux retards d'intégration, le comité de règlement des différends et des sanctions devrait décider qu'il n'est pas possible de procéder à une telle régularisation passé un délai de sept mois, dès lors qu'il ressort du CAD, et notamment des articles 15.2.1 et 15.2.2, que les termes de facturation provisoire ne peuvent donner lieu à régularisation ou facturation après un délai de deux mois pour les PCE à télé-relève ou relève mensuelle, et de sept mois pour les PCE à relève.
    La société ALTERGAZ expose que la régularisation sollicitée par la société GrDF se traduit par une hausse substantielle de ses factures qu'elle devrait répercuter auprès de ses clients, ce qui est de nature à nuire à son image. Elle ajoute que « l'absence de caducité ferait courir un important risque d'insécurité juridique et économique », dans la mesure où la société GrDF pourrait invoquer toutes sortes d'erreurs afin de procéder à des régularisations intempestives sans limite de temps, et lui permettrait de se décharger ainsi totalement de son risque d'entreprise sur les fournisseurs de gaz naturel.
    La société ALTERGAZ soutient qu'en tout état de cause, le manque de transparence des factures de la société GrDF et la difficulté de la valorisation du gaz dans le cadre de la régularisation empêchent tout paiement des factures querellées, alors que la lecture combinée des articles 1er et 2 de la loi du 3 janvier 2003 et du III de l'article 13 de la loi du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières impose à cette société d'accomplir ses prestations de manière non discriminatoire, objective et transparente contrairement à ce qu'elle fait en matière de facturation.
    La société ALTERGAZ explique en particulier que le poste « prestations » est facturé sans que la société GrDF n'explicite ni le type de prestation accomplie, ni la date, le montant ou le bénéficiaire de celle-ci (la société ALTERGAZ ou le client final). Elle ajoute que les causes de l'intervention n'étant pas précisées, il ne lui est pas possible de les vérifier, et qu'elle n'est pas ainsi en mesure de déterminer si la somme facturée au titre d'une « prestation » peut être ou non refacturée au client.
    La société ALTERGAZ indique, s'agissant des autres lignes de facturation, que, lors du contrôle de la facture du 9 juillet 2009, elle a relevé différentes carences dans les factures de la société GrDF. La société ALTERGAZ ajoute que, d'une façon générale, les factures de la société GrDF ne permettent pas de contrôler le bien-fondé des sommes facturées au titre de la régularisation des erreurs sur le CED dues aux retards d'intégration dès lors qu'il n'existe notamment aucune ligne spécifique pour « la régularisation sur retard d'intégration », ces régularisations étant dans la ligne « CED » des factures, et que les notes additives à ces factures ne sont pas plus explicites.
    La société ALTERGAZ ajoute que « le montant des régularisations des CED [...] ne mentionne ni le mois de référence ni les PCE concernés » et qu'il existe des incohérences dans ces montants. Elle soutient qu'ainsi, elle ne peut vérifier que les PCE « rattrapés » n'ont pas déjà fait l'objet d'une facturation pour les mêmes périodes.
    En conséquence, la société ALTERGAZ conclut à la désignation, avant dire droit, d'un expert spécialiste de l'énergie chargé, d'une part, de vérifier l'ensemble des régularisations effectuées par la société GrDF sur les CED entre juillet 2007 et octobre 2009 et, d'autre part, de suggérer au comité de règlement des différends et des sanctions une règle de valorisation du prix du gaz dans le cadre de la régularisation.
    La société ALTERGAZ, compte tenu de ce qui précède, demande au comité de règlement des différends et des sanctions :
    ― à titre principal :
    ― de décider que la société GrDF n'est pas en droit de procéder à une régularisation d'une erreur commise sur les CED du fait de retards d'intégration dès lors que cette procédure n'est pas prévue dans le contrat d'acheminement et que les erreurs lui sont imputables ;
    ― d'enjoindre à la société GrDF de cesser cette pratique ;
    ― de donner acte à la société ALTERGAZ qu'elle est bien-fondée à ne pas payer les montants facturés par la société GrDF au titre du rattrapage des erreurs d'intégration dans les CED ;
    ― d'ordonner la restitution des sommes payées par la société ALTERGAZ au titre du rattrapage ;
    ― à titre subsidiaire :
    ― de décider qu'après sept mois à compter de la facturation des quantités estimées provisoires du mois, toute régularisation du terme de facturation provisoire est impossible car frappée de caducité ;
    ― d'enjoindre à la société GrDF de cesser tout rattrapage au-delà de ce délai ;
    ― de décider que la société GrDF devra compléter les dispositions du contrat d'acheminement sur le réseau de distribution en insérant une clause de caducité de sept mois ;
    ― de donner acte à la société ALTERGAZ qu'elle est bien fondée à ne pas s'acquitter des montants facturés par la société GrDF au titre du rattrapage des erreurs d'intégration dans les CED passé ce délai ;
    ― en tout état de cause :
    ― de dire qu'en l'état, les montants figurant sur les factures de la société GrDF ne sont pas prouvés et restent invérifiables ;
    ― de dire que la facturation de la société GrDF n'est ni claire ni transparente et que son contrôle, en l'état, est impossible ;
    ― de décider, avant dire droit, de nommer, aux frais de la société GrDF, un expert dont la mission sera, dans un délai de trois mois :
    ― ― de pointer l'écart, PCE par PCE, contrat par contrat, relève par relève, entre la date effective du contrat du client de la société ALTERGAZ déclarée à la société GrDF et la date effective de facturation par la société GrDF de ce PCE rattaché sur la période de juillet 2007 octobre 2009 (stock et flux) à partir des fichiers de « rattrapage » communiqués par la société GrDF,
    ― ― de préconiser une règle équitable de valorisation du prix du gaz pour la régularisation des CED ;
    ― d'ordonner la suspension du paiement des factures de la société GrDF jusqu'à ce qu'une décision du comité de règlement des différends et des sanctions statuant sur le rapport de l'expert et la restitution des montants réglés par la société ALTERGAZ au titre de la régularisation des CED soit rendue ;
    ― d'établir et fixer une règle équitable, transparente et non discriminatoire, opposable aux parties et aux tiers, de valorisation du montant du prix du gaz naturel dans le cadre du « rattrapage » des erreurs sur les CED sur la base des préconisations de l'expert missionné ;
    ― de fixer une règle claire et objective afin que la facturation de la société GrDF soit transparente et permette son contrôle par la société ALTERGAZ ;
    ― d'enjoindre la société GrDF de communiquer à la société ALTERGAZ des documents clairs et objectifs en conformité avec la règle établie par le comité de règlement des différends et des sanctions ;
    ― d'enjoindre à la société GrDF de modifier les dispositions du contrat d'acheminement.


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    Vu les observations en duplique, enregistrées le 12 janvier 2010, présentées par la société GrDF.
    La société GrDF s'en remet à ses précédentes écritures, qu'elle complète.
    A titre principal, sur la contestation de la pratique de la régularisation des erreurs sur le CED dues aux retards d'intégration, elle précise qu'en aucune manière elle ne facture à la société ALTERGAZ les conséquences des erreurs de son système d'information, les sommes réclamées tendant seulement à rétablir les parties au contrat d'acheminement dans la situation où elles auraient dû contractuellement se trouver en l'absence de dysfonctionnement du système d'information, qui a indûment profité à la société ALTERGAZ.
    La société GrDF ajoute que la société ALTERGAZ a, d'ailleurs, expressément donné son accord à la régularisation du flux d'avril 2009 dans son courriel du 15 juillet 2009. Selon la société GrDF, la société ALTERGAZ a ainsi exprimé son consentement à ce que la société GrDF procède à de telles régularisations, sans avancer ni suggérer qu'elle ne serait pas en droit de le faire.
    A titre subsidiaire, sur la contestation de la pratique de la régularisation des erreurs sur le CED dues aux retards d'intégration après un délai de sept mois, la société GrDF estime juridiquement infondé le raisonnement de la société ALTERGAZ qui soutient qu'un principe de caducité est instauré par le contrat d'acheminement pour le terme de facturation provisoire, et qu'il devrait être respecté dans le cadre de la régularisation des erreurs sur les CED dues aux retards d'intégration.
    Selon la société GrDF, la société ALTERGAZ reconnaît que cette caducité ne résulte ni d'une règle générale impérative ni des stipulations la liant aujourd'hui à la société GrDF, puisque la société ALTERGAZ demande qu'une clause de caducité de sept mois soit insérée dans les dispositions du contrat d'acheminement. La société GrDF ajoute que la société ALTERGAZ soutient qu'il serait « légitime » de reconnaître un tel principe de caducité.
    Elle fait aussi valoir que la société ALTERGAZ entretient la confusion entre CED et terme de facturation provisoire, en expliquant que ce dernier terme, qui relève de la facturation de l'acheminement à proprement parler et correspond à la rémunération du gestionnaire de réseau pour l'utilisation de son réseau, est sans rapport avec la liquidation du CED, qui ne concourt pas à la rémunération du gestionnaire de réseau.
    La société GrDF ajoute que le terme de facturation provisoire permet d'éviter un décalage important dû au délai entre la réalisation de la prestation d'acheminement et le moment où les quantités acheminées sont relevées et donc facturées de façon précise. Elle précise que la durée de sept mois prévue en matière de facturation provisoire ne résulte en aucune façon d'un prétendu « principe de caducité » mais constitue simplement une conséquence mécanique de la méthode de facturation de l'acheminement.
    Elle précise que le délai de sept mois contractuellement prévu en matière de terme de facturation provisoire ne saurait être transposé, en tant que délai de prescription, à la régularisation des erreurs d'intégration des CED et ajoute que les prescriptions de droit commun prévues par le code civil sont applicables aux régularisations de CED et plus largement à toutes les obligations prévues au contrat d'acheminement. La société GrDF en conclut qu'elle est en droit de procéder à la régularisation des CED des fournisseurs au-delà d'un délai de sept mois, sous réserve des règles de prescription de droit commun.
    En complément, la société GrDF mentionne que cette régularisation est transparente pour les clients des fournisseurs, puisqu'elle est sans incidence sur la détermination des quantités effectivement consommées par les clients. La société GrDF considère, donc, comme inexact l'argument de la société ALTERGAZ soutenant que la régularisation des CED devrait être répercutée sur les factures de ses clients et que cela porterait préjudice à son image.
    S'agissant de la mise en œuvre de la pratique de la régularisation, selon la société GrDF, la société ALTERGAZ reconnaît que les informations nécessaires pour comprendre les factures reçues pour la régularisation du CED lui sont communiquées par la société GrDF, mais qu'elle ne dispose pas de suffisamment de personnels pour procéder à leur vérification. La société GrDF observe que cet exercice de vérification a pourtant été réalisé non seulement par les autres fournisseurs, mais aussi par la société ALTERGAZ, ne serait-ce qu'en ce qui concerne la régularisation effectuée pour le mois d'avril 2009.
    En outre, l'existence de redressements portant sur des périodes antérieures à octobre 2008 est, selon la société GrDF, conforme aux modalités de régularisation étant donné l'existence de PCE dont l'intégration dans OMEGA, rejetée depuis 2007, a pu être effectuée à partir d'octobre 2008.
    Pour ce qui est de la facturation, la société GrDF rappelle qu'elle est par nature complexe en raison du très grand nombre de clients des fournisseurs, cette complexité la contraignant à adresser aux fournisseurs un document résumé, la facture elle-même, et d'offrir l'accès par voie électronique à un ensemble d'annexes contenant le détail des informations agrégées dans la facture, les fichiers annexes de facturation dits « AFAC ».
    La société GrDF précise, d'une part, qu'un document détaillé, disponible sur son site et sur celui du GTG2007, explique aux fournisseurs le contenu des différentes annexes de facturation et, d'autre part, que des réunions bilatérales avec les fournisseurs sont organisées afin d'expliquer comment il est procédé à la facturation de l'acheminement et comment reconstituer à partir des annexes de facturation électroniques les agrégats figurant sur la facture « papier ».
    La société GrDF en conclut que la société ALTERGAZ, comme tous les autres fournisseurs, a une pleine connaissance des modalités de facturation de l'acheminement par la société GrDF et dispose systématiquement de l'ensemble des éléments, annexes de facturation et fichiers détaillant les régularisations de CED, permettant de comprendre sans ambiguïté la facture d'acheminement, qu'il s'agisse du poste « prestations » ou des autres postes de facturation cités par la société ALTERGAZ.
    La société GrDF estime que l'expertise sollicitée est inutile, dès lors que le contrôle des factures, relevant autant de l'émetteur que des fournisseurs, est effectué par les fournisseurs de façon contradictoire avec elle et qu'aucune spécificité des factures de la société ALTERGAZ ne justifie cette demande, qui aurait pour effet de lui faire supporter les insuffisances de la société demanderesse en termes de ressources humaines.
    A titre complémentaire, la société GrDF rappelle qu'à aucun moment, au cours de l'audit du système d'information OMEGA mené par la CRE à la mi-2008, les auditeurs ou les acteurs entendus, dont des fournisseurs de gaz, n'ont émis de doute sur le bien-fondé des sommes facturées par la société GrDF au moyen d'OMEGA.
    Par ailleurs, au sujet de la valorisation du prix du gaz pour la régularisation des CED, la société GrDF précise que les règles de valorisation du gaz pour le CED ont été définies sous l'égide de la CRE et ont été jugées équitables par toutes les parties prenantes. Elle propose, donc, que la société ALTERGAZ saisisse le groupe de travail compétent si elle souhaite faire évoluer cette règle de valorisation.


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    Vu les autres pièces du dossier ;
    Vu la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 modifiée relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, notamment son article 38 ;
    Vu la loi du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l'électricité et au service public de l'énergie, notamment ses articles 1er et 2 ;
    Vu la loi du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières, notamment son article 13 ;
    Vu le décret n° 2000-894 du 11 septembre 2000 modifié relatif aux procédures applicables devant la Commission de régulation de l'énergie ;
    Vu l'arrêté du 24 juin 2009 approuvant les tarifs d'utilisation des réseaux publics de distribution de gaz naturel ;
    Vu la délibération de la Commission de régulation de l'énergie du 25 septembre 2008 sur le système d'information de gestion de l'acheminement et des processus clients de Gaz Réseau Distribution France (GrDF) et sur la séparation des systèmes d'information du fournisseur GDF Suez et de GrDF ;
    Vu la décision du 20 février 2009, relative au règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie ;
    Vu la décision du 16 novembre 2009 du président du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie relative à la désignation d'un rapporteur et de rapporteurs adjoints pour l'instruction de la demande de règlement de différend enregistrée sous le numéro 09-38-09 ;


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    Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique du comité de règlement des différends et des sanctions, qui s'est tenue le 22 janvier 2010, en présence de :
    M. Pierre-François RACINE, président du comité de règlement des différends et des sanctions, Mme Dominique GUIRIMAND, M. Jean-Claude HASSAN et Mme Jacqueline RIFFAULT-SILK, membres du comité de règlement des différends et des sanctions ;
    M. Sébastien ZIMMER, rapporteur, Monsieur Jonathan LOSSER, rapporteur adjoint ;
    Les représentants de la société ALTERGAZ ;
    Les représentants de la société GrDF ;
    Après avoir entendu :
    ― le rapport de M. Sébastien ZIMMER, présentant les moyens et les conclusions des parties ;
    ― les observations de MM. François-Pierre LANI et Robert DELBOS, pour la société ALTERGAZ ; la société ALTERGAZ persiste dans ses moyens et conclusions ;
    ― les observations de MM. Emmanuel GUILLAUME, Jacques GERARD, Jean LEMAISTRE et Philippe AUVRAY, pour la société GrDF ; la société GrDF persiste dans ses moyens et conclusions ;
    Aucun report de séance n'ayant été sollicité ;
    Le comité de règlement des différends et des sanctions en ayant délibéré le 22 janvier 2010, après que les parties, le rapporteur, le rapporteur adjoint, le public et les agents des services se sont retirés.


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    Les faits :
    1. Il ressort des pièces du dossier que la société GrDF, gestionnaire de réseau de distribution de gaz naturel, et la société ALTERGAZ ont conclu, le 8 septembre 2005, un CAD n° 05 000 0003 auquel les conditions générales du 1er juillet 2008 s'appliquent.
    2. En dehors des quelques milliers de points de comptage et d'estimation (PCE) pour lesquels un relevé journalier est effectué, la société GrDF réalise une estimation de consommation journalière pour la plupart des onze millions de PCE qui ne sont relevés que mensuellement ou semestriellement.
    3. Afin de faire correspondre le plus exactement possible la somme de ces estimations journalières par client final à la quantité globale de gaz que chaque gestionnaire de réseau de transport met à disposition quotidiennement en entrée des réseaux de distribution, la société GrDF détermine un coefficient de « bouclage » puis multiplie la somme des estimations par ce coefficient pour obtenir une estimation « bouclée ».
    4. Toutefois, ces estimations « bouclées » ne correspondent pas aux consommations individuelles réelles des clients. En conséquence, on constate, lorsque le relevé est réalisé, mensuellement ou semestriellement, un écart entre les consommations relevées et estimées :
    ― si la consommation réelle est supérieure à l'estimation « bouclée », le fournisseur n'a pas injecté assez de gaz pour ce PCE, de sorte que son client a consommé du gaz alloué initialement à d'autres fournisseurs ;
    ― si, au contraire, la consommation réelle est inférieure à l'estimation « bouclée », le fournisseur a injecté trop de gaz pour ce PCE, le surplus alloué à ce fournisseur ayant été consommé par des clients finals qui ne sont pas les siens.
    5. La société GrDF gère ces écarts par l'intermédiaire d'un terme de facturation spécifique, le compte écart distribution (CED), qui est alimenté au moment du relevé, pour chaque PCE, par l'écart entre la consommation réelle et l'estimation « bouclée » totale sur la période de relevé :
    ― si la consommation réelle est supérieure à l'estimation « bouclée » totale, le CED est alimenté par une quantité positive, correspondant à la quantité de gaz que le fournisseur a livrée à ses clients sans avoir injecté pour autant le gaz correspondant sur le réseau ;
    ― si la consommation réelle est inférieure à l'estimation « bouclée » totale, le CED est alimenté par une quantité négative, correspondant à la quantité de gaz que le fournisseur a injectée sur le réseau sans la livrer à ses clients car consommée par des clients d'autres fournisseurs.
    6. De cette façon, la somme des quantités de gaz injectées par un fournisseur sur le réseau de distribution, telle qu'elle résulte des quantités de gaz allouées par les gestionnaires de réseaux et des écarts alimentant le CED de ce même fournisseur, est exactement égale à la quantité totale de gaz réellement consommée par les clients de ce fournisseur.
    7. Le mécanisme de CED permet donc que chaque fournisseur s'acquitte précisément des quantités de gaz réellement consommées par ses clients.
    8. La quantité de gaz qui constitue le solde, positif ou négatif, des écarts alimentant le CED de chaque fournisseur, établi par zone d'équilibrage transport, est valorisée au moyen d'un prix du gaz, le prix de compensation, calculé selon une formule déterminée par le groupe de travail GTG2007 piloté par la CRE. La somme correspondant au solde du CED ainsi valorisé est portée sur la facture d'acheminement du fournisseur et vient, selon son sens, positif ou négatif, en augmentation ou en diminution du montant total facturé.
    9. Cette somme n'est pas de même nature que la facturation de l'utilisation du réseau de distribution de gaz. En effet, même de sens positif, cette somme ne concourt pas à la rémunération du gestionnaire de réseau de distribution ni à la couverture de ses coûts, car elle a pour contrepartie la somme, celle-ci de sens négatif, portée sur les factures d'acheminement d'autres fournisseurs. Le gestionnaire de réseau de distribution joue ici le rôle d'une « chambre de compensation » entre les fournisseurs pour, soit faire payer un fournisseur qui aurait bénéficié d'estimations « bouclées » trop faibles, soit à l'inverse rembourser un fournisseur dont les estimations « bouclées » auraient été trop importantes.
    10. Lorsqu'un PCE fait l'objet d'une prestation de mise en service, de mise hors service ou de changement de fournisseur, la date de rattachement (ou de détachement) du PCE au contrat d'acheminement du fournisseur, dite « date d'intégration », est consignée dans le système d'information OMEGA de la société GrDF. Cette date doit normalement être la date convenue avec le client, dite « date contractuelle », qui est la date réelle de la prestation.
    11. Il a pu arriver que la date d'intégration dans OMEGA soit postérieure à la date contractuelle. Entre le 1er juillet 2007 et octobre 2009, ce retard d'intégration a été mal mémorisé par OMEGA, ce dysfonctionnement provoquant une incohérence entre les estimations « bouclées » transmises aux gestionnaires de réseaux de transport et les estimations « bouclées » reconstituées a posteriori pour le calcul du CED. Ces dernières démarraient toujours bien à la date contractuelle, à la différence des estimations bouclées transmises aux gestionnaires de réseaux de transport, qui démarraient à la date d'intégration.
    12. Lors de la reconstitution du CED, le système d'information OMEGA a retenu une estimation « bouclée » supérieure à celle qui avait été prise en compte dans le processus d'allocations, ce qui a provoqué un écart, au profit du « nouveau » fournisseur, égal à la différence entre l'estimation « bouclée » reconstituée pour les besoins du CED et celle qui avait été transmise aux gestionnaires de réseaux de transport. Cet écart correspondait à l'estimation « bouclée » qui aurait dû être reconstituée pour la période comprise entre la date contractuelle et la date d'intégration.
    13. En conséquence, le calcul du CED, supposé à tort reposer sur les estimations bouclées transmises aux GRT, ne permettait pas de compenser correctement les excès ou insuffisances de la consommation réelle par rapport à ces estimations bouclées, cette incohérence se manifestant pour toute la période entre la date contractuelle et la date d'intégration.
    14. Un état du montant total à régulariser, pour la période allant du démarrage de l'application OMEGA jusqu'à la compréhension par la société GrDF du dysfonctionnement et de son impact, soit de juin 2007 à octobre 2008, a été établi au second semestre 2008 : il s'agit du « stock ». Faute que la correction ait pu intervenir immédiatement, les conséquences de ce dysfonctionnement sur les CED, pour la période postérieure à octobre 2008 et allant jusqu'à octobre 2009, ont été établies au fur et à mesure qu'il se produisait : il s'agit du « flux ».
    15. Après avoir constaté en septembre 2008 un dysfonctionnement d'OMEGA l'empêchant de calculer correctement le CED de chaque fournisseur, la société GrDF a pris attache avec la CRE et les fournisseurs.
    16. Ainsi, il a d'abord été traité de ce dysfonctionnement avec la communauté des fournisseurs lors de la réunion le 10 octobre 2008 du sous-groupe acheminement du GTG2007 en préalable à la concertation organisée avec les fournisseurs concernés en réunions bilatérales.
    17. Le 18 novembre 2008, lors d'une réunion bilatérale, les sociétés GrDF et ALTERGAZ ont abordé le sujet de la régularisation du CED pour la première fois. A l'issue de cette réunion, la société GrDF a adressé deux courriels à la société ALTERGAZ précisant, pour le premier, le plan d'actions après cette réunion et, pour le second, les documents exposés en séance ainsi qu'une présentation expliquant l'anomalie détectée ainsi qu'un fichier Excel correspondant au stock des régularisations de CED jusqu'à septembre 2008.
    18. Le 21 novembre 2008, un fichier complémentaire pour le mois d'octobre 2008 a été envoyé par la société GrDF à la société ALTERGAZ.
    19. Le 19 décembre 2008, le thème de la régularisation des erreurs dues aux retards d'intégration a été à nouveau abordé avec la communauté des fournisseurs lors de la réunion du sous-groupe acheminement du GTG2007.
    20. Ce même jour, la société GrDF a adressé à la société ALTERGAZ un courrier rappelant le dysfonctionnement détecté et précisant la valeur définitive du stock à régulariser pour la période allant de juin 2007 à octobre 2008 et précisant la date probable de correction du dysfonctionnement dans OMEGA.
    21. Ce même jour, la société ALTERGAZ a dans un courriel envoyé à la société GrDF, contesté la pratique de la régularisation des erreurs sur les CED dues aux retards d'intégration, en émettant des doutes à la fois sur la validité contractuelle et juridique de cette régularisation, précisant qu'« il n'est pas évident contractuellement que ces montants soient dus ».
    22. Le 23 décembre 2008, la société GrDF a adressé un courrier à la société ALTERGAZ présentant son analyse juridique quant à la pertinence et au bien-fondé de la rectification des factures d'acheminement demandée à la société ALTERGAZ.
    23. Le 9 janvier 2009, le mécanisme de régularisation des CED a été présenté pour la deuxième fois par la société GrDF à la société ALTERGAZ lors d'une réunion bilatérale.
    24. Le 19 janvier 2009, le thème de la régularisation des erreurs dues aux retards d'intégration a été abordé encore une fois avec la communauté des fournisseurs lors de la réunion du sous-groupe acheminement du GTG2007.
    25. A la suite de ces échanges, le processus de régularisation ainsi discuté avec la société ALTERGAZ a été mis en application par la société GrDF : des fichiers ont été envoyés à la société ALTERGAZ pour validation environ un mois avant la mise en facturation et une lettre d'accompagnement transmise lors de la facturation définitive rappelant les montants facturés au titre du CED (stock et flux).
    26. Lors de la réunion du sous-groupe acheminement du 6 avril 2009, la société ALTERGAZ a demandé à la société GrDF d'identifier à quelle période, à quels points de livraisons et à quelles quantités de gaz correspondaient les sommes facturées au titre du rattrapage, considérant que le montant des sommes facturées à ce titre était matériellement invérifiable.
    27. Toutefois, la société ALTERGAZ a payé les premières sommes facturées au titre de la régularisation des erreurs dues aux retards d'intégration listées dans les factures d'acheminement des mois de mars, avril et mai 2009. Un courriel de la société ALTERGAZ en date du 15 juillet 2009 envoyé à la société GrDF donne son accord à la régularisation de la facture du mois d'avril 2009.
    28. Le thème de la régularisation des erreurs dues aux retards d'intégration a, par la suite, été traité ou abordé avec la communauté des fournisseurs lors des réunions du sous-groupe acheminement du 17 avril et du 12 juin 2009, lors des réunions du comité de suivi du profilage du 5 mai et du 24 juin 2009 ainsi qu'en réunion plénière du GTG2007 du 15 mai et du 3 juillet 2009.
    29. Au cours des réunions bilatérales du 23 avril 2009 et du 9 juillet 2009 entre les sociétés GrDF et ALTERGAZ, la question du CED n'a pas été évoquée selon la société GrDF.
    30. Au cours du mois de juillet 2009, la société ALTERGAZ a souhaité avoir des informations concernant la facturation de manière générale et la facture du mois de mai 2009 en particulier. Après plusieurs échanges téléphoniques, la société GrDF a fait parvenir à la société ALTERGAZ une réponse par courriel le 31 juillet 2009.
    31. Considérant que les montants de la facture du 9 juillet 2009 facturés au titre de la régularisation des CED tout comme ceux facturés au titre des prestations étaient invérifiables et leur justification d'une opacité totale, la société ALTERGAZ a informé la société GrDF, par courrier en date du 6 août 2009, qu'elle avait donné instruction à sa banque de rejeter le prélèvement prévu pour le 14 août 2009.
    32. Dans sa réponse du 11 août 2009 à la société ALTERGAZ, la société GrDF a précisé que, selon elle, rien ne justifiait ce rejet du prélèvement, en rappelant, d'une part, que la société ALTERGAZ n'avait pas fait part depuis le 15 mai 2008 de ses difficultés quant à la lecture des factures d'acheminement et de son souhait de mettre ce sujet à l'ordre du jour d'une réunion bilatérale, d'autre part, que ce rejet était contraire aux dispositions contractuelles de l'article 15.5 du contrat d'acheminement et, enfin, que le sujet de la régularisation du CED était considéré comme traité puisque la société GrDF avait répondu aux questions posées par les fournisseurs dans le cadre des réunions du comité de suivi du profilage du GTG2007.
    33. Une réunion bilatérale entre les deux sociétés s'est tenue le 1er septembre 2009 dans l'objectif d'apporter les éclaircissements souhaités et lever les réserves exprimées par la société ALTERGAZ sur la facture du 9 juillet 2009.
    34. Des échanges par courriels se sont poursuivis sur le sujet jusqu'au 4 septembre 2009, date à laquelle la société ALTERGAZ a précisé à la société GrDF par courriel qu'elle refusait de payer la facture concernée, au motif qu'une partie de la somme n'avait pu être validée par ses équipes.
    35. La société GrDF a alors invité la société ALTERGAZ à une réunion le 15 septembre 2009, qui s'est tenue le 20 septembre, afin de parvenir à un engagement de la part de la société ALTERGAZ en vue d'un paiement intégral de la facture concernée.
    36. Considérant que les différents documents et explications transmis par la société GrDF étaient insuffisants voire théoriques et ne permettaient pas de vérifier les montants facturés, la société ALTERGAZ a fait savoir à la société GrDF, par courrier du 2 octobre 2009, qu'elle contestait la validité de la pratique du rattrapage qui ne résulterait pas du contrat conclu avec la société GrDF et qu'elle entendait saisir le comité de règlement des différends et des sanctions si la société GrDF ne renonçait pas au recouvrement de ses « erreurs ».
    37. Le 5 octobre 2009, la société GrDF a saisi en référé le président du tribunal de commerce de Paris aux fins d'obtenir le paiement, par la société ALTERGAZ, de la somme de 1 348 264 euros au titre des factures de juillet et août 2009.
    38. Parallèlement, par lettre datée du 23 octobre 2009, la société ALTERGAZ a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions d'une demande de règlement de différend.
    39. Par ordonnance du 19 novembre 2009, la société ALTERGAZ a été condamnée à payer à la société GrDF, à titre de provision, une somme de 700 000 euros en échange de la remise par la société GrDF d'un cautionnement du même montant au bénéfice de la société ALTERGAZ. La société ALTERGAZ a fait appel de ce jugement.
    40. Par ordonnance du 19 novembre 2009, la société ALTERGAZ a été condamnée à payer à la société GrDF, à titre de provision, une somme de 700 000 euros en échange de la remise par la société GrDF d'un cautionnement du même montant au bénéfice de la société ALTERGAZ. Cette société ALTERGAZ a fait appel du jugement.


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    Sur la demande de la société ALTERGAZ en tant qu'elle conteste le principe de la facturation du rattrapage des erreurs sur le « compte d'écart distribution » dues aux retards d'intégration
    Sur le cadre juridique du différend :
    41. L'article 38 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 donne compétence au comité de règlement des différends et des sanctions pour régler les différends entre gestionnaires et utilisateurs des réseaux publics de distribution de gaz naturel relatifs à l'accès et à l'utilisation des réseaux. Cet article ajoute que la décision du comité « précise les conditions d'ordre technique et financier de règlement du différend dans lesquelles l'accès aux réseaux, ouvrages et installations mentionnés au premier alinéa ou leur utilisation sont, le cas échéant, assurés. Lorsque cela est nécessaire pour le règlement du différend, [le comité] peut fixer, de manière objective, transparente, non discriminatoire et proportionnée, les modalités de l'accès auxdits réseaux, ouvrages et installations ou les conditions de leur utilisation. »
    42. En vertu de ces dispositions, le comité de règlement des différends et des sanctions est compétent pour apprécier la portée et le contenu des dispositions contractuelles en lien avec l'accès au réseau. Ainsi, au regard du contrat qui lui est soumis, le comité de règlement des différends et des sanctions est compétent pour se prononcer sur le droit de la société GrDF à procéder à une régularisation d'une erreur de calcul commise sur les CED.
    43. En premier lieu, aux termes de l'article 1134 du code civil : « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi. » L'article 1135 du même code dispose que : « Les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l'équité, l'usage ou la loi donnent à l'obligation d'après sa nature. »
    44. En second lieu, aux termes des dispositions combinées des articles 2 et 21 de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l'électricité et au service public de l'énergie, les gestionnaires de réseaux de distribution de gaz naturel doivent garantir un accès et une utilisation non discriminatoires aux réseaux de distribution à l'ensemble de leurs utilisateurs.
    Quant à l'application à l'espèce :
    45. Le calcul du CED a été entaché depuis le 1er juillet 2007 et jusqu'en octobre 2009 d'erreurs décrites ci-dessus dues à un dysfonctionnement du système d'information OMEGA permettant à la société GrDF de gérer l'acheminement du gaz naturel.
    46. Il ressort des pièces du dossier et, notamment, des termes des conditions générales du CAD, ce qui n'est pas contesté par la société ALTERGAZ, que la finalité du mécanisme du CED est de garantir un accès non discriminatoire au réseau de distribution de gaz naturel en tant qu'il permet de facturer précisément à chaque fournisseur les volumes de gaz réellement consommés par ses clients.
    47. Un tel mécanisme constitue ainsi une modalité de l'accès au réseau conforme aux dispositions susmentionnées de la loi du 3 janvier 2003 et permet un accès efficace au réseau.
    48. En outre, en signant avec la société GrDF un contrat d'acheminement sur le réseau de distribution, les fournisseurs s'engagent par là-même à accepter les corrections, sous réserve qu'elles soient dûment justifiées, résultant de la réconciliation entre quantités estimées et quantités réellement livrées à chaque client final.
    49. En l'espèce, la régularisation des erreurs sur le CED permet, d'une part, de rétablir l'exactitude des volumes de gaz effectivement consommés par les clients finals dont chaque fournisseur doit s'acquitter au titre de ses propres clients finals et, d'autre part, de rétablir les fournisseurs dans la situation où ils auraient dû contractuellement se trouver en l'absence de dysfonctionnement d'OMEGA. Une telle régularisation est non seulement la garantie d'un traitement équitable de l'ensemble des fournisseurs qui assure ainsi à ces derniers un traitement non discriminatoire au bénéfice des consommateurs finals, mais encore la suite nécessaire, au sens de l'article 1135 précité du code civil, des obligations contractuelles par lesquelles les parties sont convenues d'un rapprochement périodique des quantités estimées avec les quantités réelles.
    50. La société ALTERGAZ soutient que la société GrDF ne peut pas imposer la régularisation des erreurs sur le CED dues aux retards d'intégration dès lors que ladite régularisation n'est pas expressément prévue par les stipulations des conditions générales du CAD.
    51. Il résulte de ce qui précède que la société GrDF, en procédant à la régularisation des erreurs sur le CED dues aux retards d'intégration, a fait, dans le respect des dispositions précitées du code civil, une application correcte des dispositions précitées des articles 2 et 21 de la loi du 3 janvier 2003 dès lors que, dans son principe, la régularisation des erreurs sur le CED dues aux retards d'intégration permet de rétablir, pour chaque fournisseur, l'exactitude des quantités de gaz livrées à ses clients finals dont il doit s'acquitter.
    52. Seule une renonciation expresse ou l'acquisition de la prescription serait de nature à faire obstacle au droit de la société GrDF de procéder à la régularisation des erreurs sur le CED dues aux retards d'intégration dans le système d'information OMEGA.
    53. Or, le contrat conclu entre les parties ne comporte aucune stipulation dérogeant sur ce point aux règles de droit commun applicables en matière de demandes liées à une créance dont se prévaut l'un des cocontractants.
    54. En outre, contrairement à ce que soutient la société ALTERGAZ, les stipulations des articles 15.2.1 et 15.2.2 des conditions générales du CAD se bornent à définir les conditions d'établissement des factures d'acheminement définitives pour les clients faisant l'objet de relevés mensuels ou semestriels avec facturation provisoire et ne contiennent aucune règle de prescription pouvant s'appliquer à la mise en œuvre du CED.
    55. Il en résulte que la société GrDF était bien fondée à procéder à la régularisation des erreurs sur le CED dues aux retards d'intégration et à réclamer à la société ALTERGAZ la créance correspondante, quand bien même cette régularisation n'était pas expressément prévue par les conditions générales du CAD.
    56. Dès lors, le comité de règlement des différends et des sanctions ne saurait enjoindre à la société GrDF de cesser la régularisation entreprise, ni donner acte à la société ALTERGAZ qu'elle est bien fondée à ne pas s'acquitter des montants facturés par la société GrDF au titre de la régularisation des erreurs sur le CED dues aux retards d'intégration, ni ordonner la restitution des sommes déjà versées par la société ALTERGAZ.
    Sur les demandes de la société ALTERGAZ en tant qu'elle conteste les modalités et le montant de la facturation de la société GrDF
    57. La société ALTERGAZ soutient que les modalités de facturation de la société GrDF ne permettent pas de contrôler le bien-fondé des sommes facturées.
    58. En outre, la société ALTERGAZ demande au comité de règlement des différends et des sanctions, avant dire droit, de nommer un expert spécialiste de l'énergie avec pour mission, d'une part, de vérifier l'ensemble des régularisation effectuées par la société GrDF sur les CED entre juillet 2007 et octobre 2009 et, d'autre part, de suggérer au comité de règlement des différends et des sanctions une règle de valorisation du prix du gaz dans le cadre de la régularisation au motif qu'une telle règle ne figure pas dans les conditions générales du CAD.
    59. Il ressort des pièces du dossier que la société GrDF a tenu de nombreuses réunions avec la communauté des fournisseurs, en présence des services de la CRE comme avec chacun des fournisseurs concernés, pour les informer du dysfonctionnement, de ses causes et des actions entreprises pour les éliminer ainsi que des méthodes qu'elle entendait appliquer pour corriger les erreurs apparues dans les facturations mensuelles. La société GrDF a également établi des documents permettant aux fournisseurs de comprendre le calcul des sommes qui leur ont été réclamées ou restituées. D'ailleurs, la société ALTERGAZ a été en mesure de détecter une erreur, reconnue par la société GrDF, dans un document la concernant.
    60. Dans ces conditions, une expertise est inutile.
    Sur les demandes de la société ALTERGAZ relatives à la valorisation du prix du gaz servant à la régularisation des CED
    61. En vue de valoriser le prix du gaz servant à la régularisation des CED, GrDF a eu recours au prix de compensation défini à l'annexe E aux conditions générales du contrat d'acheminement sur le réseau de distribution du gaz naturel. Ce prix a été établi dans le cadre du GTG2007, instance de concertation placée sous l'autorité de la CRE. Dès lors, le recours à un tel prix est approprié en vue du calcul des sommes dont la société ALTERGAZ est contractuellement redevable au titre de la régularisation, appliquée à tous les fournisseurs, des erreurs ayant entaché son CED.
    Sur les préjudices invoqués par la société ALTERGAZ
    62. La société ALTERGAZ soutient que l'erreur de calcul sur le CED résulte d'un dysfonctionnement du système d'information OMEGA de la société GrDF qui, pourtant, n'en assume pas les conséquences financières en méconnaissance du principe selon lequel « nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ».
    63. En conséquence, elle considère que la société GrDF ne peut lui imposer la régularisation des erreurs sur le CED dues aux retards d'intégration dans OMEGA dès lors que cette dernière a dû exercer les recours nécessaires contre son prestataire informatique et qu'elle est assurée contre les risques liés à son activité et contre les conséquences préjudiciables des éventuels dysfonctionnements de son système d'information.
    64. Ce faisant, la société ALTERGAZ ne soulève pas un problème d'accès au réseau mais met en cause la responsabilité contractuelle de la société GrDF en estimant qu'elle ne saurait supporter les conséquences préjudiciables de l'erreur commise par cette dernière.
    65. En application des dispositions précitées de l'article 38 de la loi du 10 février 2000, le comité de règlement des différends et des sanctions n'est pas compétent pour connaître des demandes relatives à la mise en œuvre de la responsabilité contractuelle de l'une des parties au contrat, dont il appartient au seul juge du contrat de connaître.


    *
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    Décide :


  • Les demandes de la société ALTERGAZ sont rejetées.


  • La présente décision sera notifiée à la société ALTERGAZ et à la société GrDF. Elle sera publiée au Journal officiel de la République française.


Fait à Paris, le 22 janvier 2010.


Pour le comité de règlement
des différends et des sanctions :
Le président,
P.-F. Racine

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