Avis n° 2015-0291 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 5 mars 2015 sur le projet de loi relatif au renseignement

Version initiale


L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ci-après l'« ARCEP »),
Vu le code des postes et des communications électroniques (ci-après « CPCE »), et notamment ses articles L. 32-1, L. 33-1, L. 34-1 et L. 36-5 ;
Vu le code de la sécurité intérieure ;
Vu le courrier en date du 20 février 2015 par lequel le secrétaire général du Gouvernement a saisi l'ARCEP, pour avis, d'un projet de loi relatif au renseignement ;


  • Après en avoir délibéré le 5 mars 2015,
    Formule l'avis suivant :
    L'ARCEP a été saisie pour avis, le 20 février 2015, d'un projet de loi relatif au renseignement, qui, selon son exposé des motifs, vise à compléter et à clarifier le cadre juridique applicable aux activités de renseignement, notamment en renforçant la cohérence des règles et procédures applicables aux différentes techniques de renseignement.
    L'ARCEP se concentrera dans le présent avis - et conformément aux missions qui lui sont dévolues (1) - sur les aspects liés au projet de loi qui pourraient avoir un impact, d'une part, sur le bon fonctionnement des réseaux et des services de communications électroniques et, d'autre part, sur la sécurité juridique dont doivent bénéficier les opérateurs dans la mise en œuvre de leurs obligations légales.
    En premier lieu, dans la mesure où la mise en œuvre de certaines techniques de recueil de renseignements serait susceptible d'avoir un impact sur l'intégrité et la disponibilité des réseaux ou sur la qualité des services de communications électroniques, l'Autorité estime nécessaire, afin de limiter un tel impact, que leur mise en œuvre se fasse en concertation avec les opérateurs, selon des modalités compatibles avec les impératifs liés à l'activité des services de renseignement.
    En outre, l'Autorité rappelle que, compte tenu des obligations qui pèsent sur les opérateurs en matière de permanence, de qualité et d'intégrité des réseaux et services de communications électroniques, et au respect desquelles l'Autorité a pour mission de veiller, les opérateurs devront l'informer, le cas échéant, de toute perturbation significative de leurs réseaux ou services.
    En deuxième lieu, le projet de loi prévoit l'instauration de règles spécifiques en ce qui concerne la mise en œuvre des mesures relatives à « la surveillance et le contrôle des transmissions qui sont émises ou reçues à l'étranger […] ». L'Autorité relève que, au regard de la rédaction du projet de loi, il pourrait être délicat pour les opérateurs de déterminer de manière suffisamment certaine le régime dont relèvent les communications internationales émises ou reçues sur le territoire national.
    Enfin, et au-delà du projet de loi dont elle est saisie, l'ARCEP note qu'il existe aujourd'hui une multiplicité de régimes d'accès administratif aux données de connexion. Cette situation conduit les opérateurs à devoir répondre, en plus des demandes formulées par les autorités judiciaires, aux sollicitations de différentes autorités administratives (2). La nécessité pour les opérateurs de s'assurer que chaque demande émane bien d'une autorité compétente et est présentée dans les conditions prévues par la loi peut représenter pour eux une charge importante ou impliquer le risque qu'ils acceptent et mettent en œuvre une réquisition à tort. L'ARCEP invite donc le Gouvernement à envisager un rapprochement des différents régimes applicables, lorsque cela est possible compte tenu des contraintes et des finalités spécifiques liées à chacun de ces régimes.
    De même, si les textes prévoient que les opérateurs doivent être indemnisés des surcoûts spécifiques exposés pour répondre à ces différentes demandes, les opérateurs rencontrent parfois avec certaines autorités administratives des difficultés dans le paiement des sommes correspondantes. A cet égard, l'ARCEP invite le Gouvernement à veiller à l'indemnisation rapide et homogène des surcoûts exposés par les opérateurs.
    Le présent avis sera transmis au secrétaire général du Gouvernement et sera publié au Journal officiel de la République française.


Fait à Paris, le 5 mars 2015.


Le président,
S. Soriano

(1) Conformément à la loi, l'ARCEP doit veiller notamment au respect par les opérateurs du secret des correspondances et de leurs obligations en matière de qualité, de disponibilité, de sécurité et d'intégrité des réseaux et services de communications électroniques (voir notamment les articles L. 32-1 et L. 33-1 du CPCE). Elle doit également contrôler, en lien le cas échéant avec les autres services de l'Etat compétents, le respect par ces mêmes opérateurs de leurs obligations en ce qui concerne notamment la conservation des données de connexion (article L. 34-1 du CPCE) et la mise en place des moyens nécessaires aux interceptions de correspondances (6° du II de l'article L. 32-1, e du I de l'article L. 33-1 et article D. 98-7 du CPCE). (2) Voir l'article L. 331-21 du code de la propriété intellectuelle en ce qui concerne la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI), l'article L. 2321-3 du code de la défense pour l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI), l'article L. 621-10 du code monétaire et financier s'agissant de l'Autorité des marchés financiers (AMF) et les articles L. 83 et L. 96 G du livre des procédures fiscales en ce qui concerne l'administration fiscale.
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