Décision n° 2008-1176 du 2 décembre 2008 portant définition de l'encadrement tarifaire des prestations de terminaison d'appel vocal mobile des opérateurs Orange France, SFR et Bouygues Telecom pour la période du 1er juillet 2009 au 31 décembre 2010

Version initiale


L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes,
Vu le code des postes et des communications électroniques (CPCE), et notamment ses articles L. 32-1, L. 36-7, L. 37-1, L. 38, et D. 301 à D. 315 ;
Vu les décisions n° 2005-0960, n° 2007-0128 et n° 2007-0129 de l'Autorité en date du 8 décembre 2005 et du 5 avril 2007 relatives aux modalités d'application des obligations de séparation comptable et de comptabilisation des coûts imposées à certains opérateurs mobiles en raison de leur influence significative sur les marchés de gros de la terminaison d'appel vocal ;
Vu les décisions n° 2006-0330, n° 2006-0331 et n° 2006-0332 du 14 mars 2006, n° 2006-1083, n° 2006-1084, n° 2006-1085, n° 2006-1086, n° 2006-1087 et n° 2006-1088 du 26 octobre 2006, n° 2007-0637, n° 2007-0639 et n° 2007-0640 du 17 juillet 2007, n° 2007-1155, n° 2007-1156 et n° 2007-1157 du 18 décembre 2007, n° 2008-0776, n° 2008-0778 et n° 2008-0779 du 3 juillet 2008, n° 2008-1157, n° 2008-1158 et n° 2008-1159 du 21 octobre 2008, publiant les attestations de conformité des états de coûts et de revenus établis par les opérateurs Orange France, SFR et Bouygues Telecom dans le cadre de leurs obligations réglementaires ;
Vu la consultation publique relative à la structure d'un modèle technico-économique de coûts d'un opérateur mobile métropolitain lancée le 9 février 2007 et clôturée le 9 mars 2007 ;
Vu les réponses à la consultation publique susvisée ;
Vu la consultation publique sur l'analyse du marché de gros de la terminaison d'appel vocal sur les réseaux mobiles lancée le 14 mars 2007 et clôturée le 16 avril 2007 ;
Vu les réponses à la consultation publique susvisée ;
Vu la consultation publique lancée sur les référentiels de coûts des opérateurs mobiles métropolitains utilisés dans le cadre de la tarification du service de terminaison d'appel vocal mobile lancée le 8 juin 2007 et clôturée le 9 juillet 2007 ;
Vu les réponses à la consultation publique susvisée ;
Vu la demande d'avis au Conseil de la concurrence relative à l'analyse des marchés de la terminaison d'appel vocal sur les réseaux mobiles en date du 26 avril 2007 ;
Vu l'avis n° 07-A-05 du Conseil de la concurrence en date du 19 juin 2007 ;
Vu la consultation publique de l'Autorité relative aux projets de décision sur la détermination des marchés pertinents relatif à la terminaison d'appel vocal sur les réseaux mobiles français en métropole et outre-mer, la désignation d'opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre pour la période 2008-2010, lancée le 24 juillet 2007 et clôturée le 14 septembre 2007 ;
Vu les réponses à cette consultation publique ;
Vu la notification des projets de décision sur la détermination des marchés pertinents relatif à la terminaison d'appel vocal sur les réseaux mobiles français en métropole et outre-mer, la désignation d'opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre pour la période 2008-2010 à la Commission européenne et aux autorités réglementaires nationales de la Communauté européenne en date du 24 juillet 2007 ;
Vu les observations de la Commission européenne en date du 13 septembre 2007 ;
Vu la décision n° 2007-0810 de l'Autorité en date du 4 octobre 2007 portant sur la détermination des marchés pertinents relatifs à la terminaison d'appel vocal sur les réseaux mobiles français en métropole, la désignation d'opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre pour la période 2008-2010 ;
Vu la consultation publique relative aux références et concepts pertinents pour la fixation des plafonds tarifaires du service de terminaison d'appel vocal mobile lancée le 4 septembre 2008 et clôturée le 6 octobre 2008 ;
Vu les réponses à la consultation publique susvisée ;
Vu la consultation publique sur le projet de décision de l'Autorité portant définition de l'encadrement tarifaire des prestations de terminaison d'appel vocal mobile des opérateurs Orange France, SFR et Bouygues Telecom pour la période du 1er juillet 2009 au 31 décembre 2010, lancée le 23 octobre 2008 et clôturée le 24 novembre 2008 ;
Vu les réponses à cette consultation publique ;
Vu la notification du projet de décision de l'Autorité portant définition de l'encadrement tarifaire des prestations de terminaison d'appel vocal mobile des opérateurs Orange France, SFR et Bouygues Telecom pour la période du 1er juillet 2009 au 31 décembre 2010 à la Commission européenne et aux autorités réglementaires nationales de la Communauté européenne en date du 23 octobre 2008 ;
Vu les observations de la Commission européenne en date du 24 novembre 2008 ;
Après en avoir délibéré le 2 décembre 2008,


    • 1.1. La terminaison d'appel vocal mobile
      1.1.1. Définition

      La terminaison d'appel vocal mobile est une prestation de gros fournie par un opérateur mobile B exploitant un réseau ouvert au public à un autre opérateur A distinct, fixe ou mobile, exploitant un réseau ouvert au public. Cette activité s'exerce dans le cadre d'une convention d'interconnexion signée entre les deux exploitants de réseaux ouverts au public. La prestation commercialisée vise à acheminer l'appel téléphonique vocal d'un client de l'opérateur A vers un client mobile de l'opérateur B (voir figure 1 ci-après). Du fait du sens des communications ainsi acheminées, on dit que cet opérateur termine les appels vers le réseau de destination.
      Par définition, cette prestation de terminaison d'appel vocal mobile ne fait pas l'objet d'une commercialisation pour une communication entre deux clients raccordés à un même réseau (appels dits on net ), mais pour des clients raccordés à des réseaux différents (appels dits off net ).
      Lorsqu'un client téléphonique veut appeler, d'un téléphone fixe ou mobile, un numéro de téléphone correspondant à un réseau mobile, l'opérateur de l'appelant (fixe ou mobile) fait payer à ce dernier le prix de détail d'une communication à destination du réseau de l'opérateur de l'appelé. Par ailleurs, cet opérateur paie à l'opérateur de l'appelé, directement (s'il est interconnecté en direct avec lui) ou par le biais d'opérateurs de transit, le prix de gros de la terminaison d'appel vocal sur le réseau de l'opérateur de l'appelé.
      Le prix de détail de la communication (fixe vers mobile ou mobile vers mobile) est fixé par l'opérateur de l'appelant. Le prix de gros de la terminaison d'appel vocal est quant à lui fixé par l'opérateur de l'appelé.


      Vous pouvez consulter le tableau dans le JO
      n° 23 du 28/01/2009 texte numéro 97


      Figure 1 : Appel vers un client d'un exploitant de réseau mobile

      La charge de terminaison d'appel vocal mobile est la charge principale supportée par l'opérateur de l'appelant dans le cadre de l'acheminement des appels en provenance de ses clients vers un réseau mobile tiers. La structure tarifaire de la prestation de terminaison d'appel est composée en France métropolitaine de plusieurs éléments dont le prix facturé à la minute, un tarif de capacité de raccordement des deux réseaux (ou BPN pour Bloc primaire numérique), ainsi que d'éventuels frais d'accès aux sites d'interconnexion.
      Par ailleurs, les tarifs issus des conventions d'interconnexion sont bâtis sur une tarification indépendante de la position de l'appelé, dans la mesure où le numéro d'appel mobile ne comporte pas d'information de localisation géographique contrairement à un numéro géographique fixe. De plus, en France métropolitaine, la tarification de l'interconnexion s'appuie sur la notion de zone arrière (ZA) et conduit à une facturation de la terminaison d'appel vocal sur le réseau d'un opérateur mobile différente, selon que l'appelant se trouve (ou pas) dans la zone arrière (ZA) du point d'interconnexion où l'opérateur de l'appelant choisit de livrer effectivement le trafic ; les opérateurs métropolitains proposent donc généralement deux prestations de terminaison d'appel vocal : une prestation qualifiée d'intra-ZA (intra-zone arrière) et l'autre qualifiée d'extra-ZA (1).
      Il convient enfin de rappeler que la terminaison d'appel vocal mobile désigne les prestations d'acheminement d'appels fournies par un opérateur exploitant des numéros mobiles à un autre opérateur de réseau auquel il est interconnecté, afin de permettre à l'appelant de ce dernier de joindre ces numéros mobiles (aujourd'hui, l'ensemble des numéros de type 06AB, toutefois, la présente décision s'applique également à toute autre ressource en numérotation qui pourrait être dédiée à la fourniture d'un service téléphonique mobile). Du point de vue de l'opérateur acheteur de prestations de terminaison, une prestation de terminaison d'appel est demandée indépendamment de la technologie d'acheminement du trafic employée par l'opérateur de l'appelé, celle-ci étant transparente pour l'acheteur.

      1.1.2. La spécificité du service de terminaison d'appel vocal

      La prestation de terminaison d'appel vocal est une prestation d'interconnexion qui comporte un caractère bien spécifique au regard des autres prestations d'accès et d'interconnexion.
      D'abord, cette prestation bénéficie à la fois au client appelant, qui initie l'appel, et au client appelé, qui le reçoit. S'il est difficile de mesurer le partage de l'utilité économique retirée de l'échange téléphonique entre ces deux acteurs, l'influence de l'appelé sur la durée de l'appel doit être reconnue, celui-ci ayant à tout moment la possibilité de raccrocher, voire même de ne pas décrocher, notamment en faisant usage de la reconnaissance du numéro. Cette utilité de l'appelé doit être prise en compte dans l'allocation des coûts entre opérateur appelant et opérateur appelé, et in fine entre appelant et appelé. Cela est d'ailleurs déjà ― en partie et implicitement ― le cas pour les réseaux fixes, pour lesquels une grande partie des coûts fixes (ceux de boucle locale) est facturée au détail à l'appelé par le biais d'un abonnement. En revanche, dans le cas des opérateurs mobiles, cette prestation est à ce jour facturée entièrement à l'opérateur de l'appelant, et donc répercutée au seul client final appelant.
      Dans ce contexte, rappelons également que la prestation de terminaison d'appel relève d'un marché biface (souvent appelé two-sided market dans la littérature économique), l'opérateur de l'appelé ayant la possibilité de recouvrer ses coûts soit par la facturation de l'opérateur de l'appelant, soit par la facturation de son client appelé, ce qui peut être proposé sous une forme forfaitaire, un abonnement, par exemple, qui traduit la possibilité d'être appelé. La tarification de détail pratiquée actuellement par les opérateurs mobiles inclut d'ailleurs un abonnement implicite, à la fois pour les offres en postpayé et en prépayé, au sens où les structures tarifaires imposent au client une dépense minimum indépendamment du volume de trafic émis et reçu.
      Enfin, la terminaison d'appel est une prestation d'accès réciproque, aussi appelée two-way access. En effet, en première analyse, les opérateurs qui facturent la terminaison d'appel sont également les opérateurs qui achètent la terminaison d'appel. In fine, la facturation entre opérateurs de terminaison d'appel est une somme de flux financiers interopérateurs équilibrés au niveau du secteur.
      L'Autorité note que ces trois caractéristiques, si elles ne sont pas nécessairement chacune propre à la prestation de terminaison d'appel vocal, se retrouvent en revanche réunies pour cette prestation (prestation d'accès réciproque/marché biface/utilité partagée entre appelé et appelant).

      1.2. Cadre juridique
      1.2.1. L'analyse des marchés de la terminaison d'appel vocal mobile

      La décision n° 2007-0810 de l'Autorité en date du 4 octobre 2007 portant sur la détermination des marchés pertinents relatifs à la terminaison d'appel vocal sur les réseaux mobiles français en métropole, la désignation d'opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre pour la période 2008-2010 déclare pertinent chacun des trois marchés de gros de la terminaison d'appel vocal mobile sur le réseau d'Orange France, de SFR et de Bouygues Telecom. Ces marchés comprennent la prestation de terminaison d'appel vocal à destination des numéros mobiles ouverts à l'interconnexion sur le réseau de chacun de ces opérateurs mobiles.
      L'analyse de la puissance sur ces marchés montre que ces prestations sont incontournables pour l'ensemble des opérateurs de communications électroniques souhaitant terminer un appel vers un numéro mobile que l'opérateur considéré a ouvert à l'interconnexion et que, dès lors, ils ne disposent d'aucun contre-pouvoir sur la fixation du tarif de la prestation de terminaison d'appel que l'opérateur offre. C'est dans ce sens que le Conseil de la concurrence a qualifié ces prestations de facilités essentielles . Il n'y a pas non plus de contre-pouvoir indirect via les clients de l'opérateur de terminaison sur le marché de détail. Chaque opérateur mobile ayant ouvert une activité commerciale se trouve ainsi en situation de monopole sur le marché de la terminaison d'appel sur son propre réseau et, de manière prospective, aucune concurrence potentielle ne peut se développer sur un marché de terminaison d'appel. En l'absence de régulation, chaque opérateur peut donc agir indépendamment des autres acheteurs sur le marché de sa terminaison d'appel vocal mobile et n'est pas incité à maintenir des tarifs raisonnables.
      En conséquence, la décision n° 2007-0810 impose aux trois opérateurs mobiles métropolitains les obligations d'accès et d'interconnexion, de non-discrimination, de transparence, de publication d'une offre de référence, de séparation comptable et de comptabilisation des coûts (2) ainsi que de pratiquer des tarifs reflétant les coûts correspondants pour les prestations de terminaison d'appel vocal mobile ainsi que d'accès aux sites relatives à la terminaison d'appel vocal. Au titre de cette dernière obligation, les trois opérateurs sont soumis à un encadrement tarifaire pluriannuel sur la durée de l'analyse concernant leurs prestations de terminaison d'appel vocal mobile, sous la forme d'un plafond de niveau tarifaire de terminaison d'appel. Pour être pleinement efficace, cette obligation s'applique à la fois à la tarification de la prestation d'acheminement du trafic de terminaison d'appel vocale (tarifée en c€/minute) d'intra-ZA et à la tarification de la composante de capacité formée par la location de blocs numériques primaires (tarifée de manière unitaire en €/BPN/an).
      Il convient de noter que l'encadrement tarifaire des niveaux tarifaires des terminaisons d'appel que l'Autorité spécifie pour les opérateurs consiste à fixer des plafonds que les tarifs de ces prestations ne doivent pas dépasser, laissant la liberté aux opérateurs de fixer leurs tarifs sous ces plafonds, au niveau qu'ils jugent pertinent. En particulier, il est de la seule responsabilité de l'opérateur de s'assurer que ses structures tarifaires sont cohérentes entre les marchés de gros et les marchés de détail et qu'elles ne l'exposent pas au risque de se voir sanctionner au titre du droit commun de la concurrence pour des pratiques exercées sur un marché de détail connexe au marché de gros sur lequel il détient une position dominante.

      1.2.2. La présente décision fixe l'encadrement tarifaire du service de terminaison d'appel
      des trois opérateurs mobiles métropolitains pour la période du 1er juillet 2009 au 31 décembre 2010

      La décision n° 2007-0810 de l'Autorité du 4 octobre 2007 susvisée, qui établissait les obligations imposées aux opérateurs au titre de leur influence significative sur les marchés de la terminaison d'appel mobile, a commencé à s'appliquer pour une durée de trois ans à compter du 1er janvier 2008.
      Son article 25 déterminait les plafonds que les tarifs de terminaison d'appel vocal mobile d'Orange France, SFR et Bouygues Telecom ne devaient pas excéder sur la période allant du 1er janvier 2008 au 30 juin 2009.
      La présente décision vient donc compléter cette décision en fixant, pour la période du 1er juillet 2009 au 31 décembre 2010, les plafonds tarifaires que devront respecter les trois opérateurs au titre de l'obligation d'orientation vers les coûts qu'elle a antérieurement imposée.

      1.3. Les références disponibles

      L'Autorité a lancé du 4 septembre au 6 octobre 2008 une consultation publique invitant les différentes parties à lui faire part de leurs avis sur les différents éléments pouvant servir de référence pour la tarification du service de terminaison d'appel des opérateurs mobiles, qu'il s'agisse des diverses sources d'information pertinentes à sa disposition ou de son analyse des différents concepts de coûts applicables.

      1.3.1. Les états de comptabilisation des coûts et de revenus audités élaborés
      selon le référentiel de comptabilité réglementaire spécifié par l'Autorité

      Historiquement, les opérateurs mobiles transmettaient à l'Autorité des rapports de comptes, élaborés selon un référentiel de comptabilité réglementaire spécifié par l'Autorité à travers la décision n° 2001-0458, mais qui n'étaient pas audités par un organisme indépendant. Orange France et SFR ont dans ce cadre transmis à l'Autorité des rapports de comptes pour les années 1999 à 2003 et Bouygues Telecom pour les années 2002 et 2003.
      Avec l'entrée en vigueur de nouvelles dispositions du code des postes et des communications électroniques et, en particulier, conformément à l'article L. 38-I (5°) de ce code, les comptes produits au titre des obligations comptables et les systèmes de comptabilisation des coûts sont désormais audités annuellement par des organismes indépendants désignés par l'Autorité, dès lors que celle-ci impose aux opérateurs concernés les obligations de comptabilisation des coûts et de séparation comptable. Les premiers travaux d'audit menés dans ce cadre ont porté sur les rapports de comptes relatifs à l'exercice comptable 2003 des trois opérateurs mobiles métropolitains, produits conformément à la décision n° 2001-458.
      Les restitutions réglementaires relatives aux exercices comptables 2004 et 2005 ont quant à elles été élaborés conformément aux spécifications définies dans l'annexe A de la décision n°s 2005-0960 de l'Autorité en date du 8 décembre 2005. Elles ont été auditées en 2006.
      Les dernières restitutions disponibles, correspondant aux états de coûts et de revenus portant sur les exercices comptables 2006 et 2007, ont été élaborées conformément à la décision n° 2007-0128 de l'Autorité en date du 5 avril 2007 spécifiant les obligations de comptabilisation et de restitution des coûts, ainsi que l'obligation de séparation comptable, imposées aux opérateurs mobiles métropolitains en raison de leur influence significative sur les marchés de gros des terminaisons d'appels mobiles (voix et SMS) sur leur réseau respectif. Les restitutions relatives à l'exercice comptable 2006 ont fait l'objet d'audits réglementaires menés en 2007. Les restitutions réglementaires relatives à l'exercice comptable 2007 ont été transmises à l'Autorité par les opérateurs le 1er juillet 2008 et ont donné lieu à des travaux d'audit en septembre 2008. A l'issue de ces travaux, l'Autorité a publié les attestations de conformité des états de coûts et de revenus constatés des trois opérateurs mobiles métropolitains pour l'année 2007 (3).
      Il convient de noter que les données issues de la comptabilité réglementaire, dans la mesure où elles sont l'image du déploiement réel historique d'un opérateur, ne représentent qu'imparfaitement les coûts d'un opérateur efficace, qui correspond à une utilisation de la technologie dans des conditions optimales de déploiement.
      L'Autorité estime que ces restitutions réglementaires constituent une source d'information importante, au regard notamment de leur source, i.e. la comptabilité sociale de l'entreprise reposant sur des données de coûts réels et soumises au contrôle des commissaires aux comptes de l'entreprise, et, le cas échéant, des travaux d'audit réglementaire complémentaires dont elles sont l'objet sous le contrôle de l'Autorité.
      Elle note qu'une partie des acteurs est globalement d'accord quant à la pertinence et la fiabilité de cette source d'information, tandis que certains contestent les spécifications précisées par la décision n° 2007-0128, ces critiques ayant peu évolué depuis 2007 et ne modifiant pas la position de l'Autorité sur le sujet (4). Certains soulignent en outre que cette référence est absolument nécessaire au bon calibrage du modèle technico-économique des coûts de réseaux d'un opérateur mobile métropolitain développé par l'Autorité.
      Les derniers éléments relatifs aux comptes 2006 et 2007 audités, élaborés selon les spécifications de la décision n° 2007-0128 susvisée, sont reportés en annexes A, B et C de la présente décision.

      1.3.2. L'analyse comparative du Groupe des régulateurs européens (GRE)

      Le GRE élabore de manière régulière une comparaison internationale des niveaux de terminaison d'appel vocal mobile dans 33 pays, publiée sur une base biannuelle (5).
      Les membres du Groupe des régulateurs indépendants (GRI) invités à participer à cette comparaison sont l'ensemble des 27 pays membres de l'Union européenne (6), les trois Etats membres de l'Espace économique européen (EEE) (7), qui mettent en œuvre le même cadre réglementaire pour le secteur des communications électroniques que les pays membres de l'Union européenne, la Suisse, seul membre de l'Association européenne de libre échange, non membre de l'EEE, et qui à ce titre ne met pas en œuvre le cadre réglementaire, ainsi que la Croatie et la Turquie, en tant que pays candidats à l'entrée dans l'Union européenne.
      L'ensemble des comparaisons européennes publiées et disponibles sur le site du GRE (à l'adresse suivante : http://erg.eu.int/documents/docs/index_en.htm) s'appuie sur des informations collectées auprès (8) des différentes ARN concernées.
      La majorité des pays concernés par cette analyse a décidé d'imposer, comme la France, une obligation d'orientation des niveaux tarifaires de terminaison d'appel vers les coûts ou de réguler le tarif de terminaison d'appel en référence aux tarifs pratiqués par d'autres pays européens. L'Autorité considère donc que les niveaux de terminaison d'appel correspondant à l'encadrement tarifaire imposé par la majorité de ces régulateurs constituent, sous réserve de la prise en compte de certaines spécificités nationales, des références de coûts pertinentes. Les éléments de comparaison européenne publiés par le GRE peuvent donc être de nature à éclairer, à travers l'illustration de la mise en œuvre dans les autres pays européens de l'obligation d'orientation des tarifs de terminaison d'appel vers les coûts, les références de coûts relatives aux opérateurs de métropole, qui seront prises en compte dans les décisions de contrôle tarifaire.
      Toutefois, l'Autorité a également conscience que l'analyse comparative établie par le GRE doit être considérée avec précaution, dans la mesure où certaines spécificités nationales, plus ou moins marquées, peuvent s'avérer structurantes pour les références de coûts pertinents de la fourniture de prestations de terminaison d'appel par un opérateur dans un pays donné et, dès lors, être incorporées dans les niveaux tarifaires de terminaison d'appel moyens tels qu'ils sont présentés par le GRE. Ces spécificités peuvent concerner tant les déterminants des coûts (9) que les méthodes de mesures de ces coûts (choix des périmètres et méthodes d'évaluation des coûts des actifs), et in fine des règles de tarification, mis en œuvre par les régulateurs. L'Autorité présente plus bas son analyse de ces spécificités (cf. 3.3). Il lui semble également pertinent de tenir compte, au-delà de la comparaison des tarifs observés, des décisions annoncées par les autorités réglementaires nationales concernant la future régulation des tarifs de terminaison d'appel.

      1.3.3. La modélisation technico-économique des coûts de réseaux d'un opérateur mobile métropolitain

      Travaux de modélisation :
      En 2006, en complément des outils existants et afin de mener à bien le nouvel exercice d'analyse de marché pour la période 2008-2010, l'Autorité a souhaité se doter d'un outil de modélisation des coûts encourus par un opérateur mobile efficace applicable aux opérateurs métropolitains, à l'instar d'autres régulateurs européens tels que les régulateurs anglais, néerlandais, roumain ou suédois.
      Elle a alors lancé une procédure d'appel d'offres pour sélectionner un consultant chargé du développement du modèle conjointement avec les services de l'Autorité. En parallèle, afin d'être en mesure de choisir une structure de modèle de départ, l'Autorité a mené une phase de concertation avec les opérateurs mobiles métropolitains qui a abouti à l'adoption de la structure du modèle mis en place par l'autorité de régulation du Royaume-Uni (l'OFCOM) et à l'identification des modifications nécessaires pour le développement d'un modèle adapté à la modélisation de la structure de coût d'un opérateur mobile français métropolitain.
      Une première version de la structure du modèle a été soumise à consultation publique du 9 février au 9 mars 2007 afin de permettre aux différents acteurs d'en discuter notamment les algorithmes de déploiement et de dimensionnement du réseau.
      Une seconde version du modèle a été mise en consultation publique du 8 juin 2007 au 9 juillet 2007 afin de discuter des données d'entrée, le modèle ayant fait l'objet d'un calibrage afin de refléter les niveaux et la structure de coûts d'un opérateur mobile métropolitain efficace considéré comme générique (c'est-à-dire ne reflétant pas d'éventuelles spécificités de déploiement de réseau et, plus largement, de structure de coûts d'un des trois opérateurs en place). Une nouvelle version légèrement amendée a été publiée sur le site web de l'Autorité en juillet 2007, en parallèle avec la consultation publique sur l'analyse de marché de la terminaison d'appel pour les années 2008-2010.
      Un certain nombre de remarques sur les données d'entrée soumises à commentaires n'ayant pu, en l'absence d'éléments quantitatifs suffisamment précis, être intégrées dans la nouvelle version du modèle, l'Autorité a, dans le courant du premier semestre 2008, mené des travaux conjointement avec les acteurs de façon à préciser quantitativement leurs remarques avant, le cas échéant, de les prendre en compte dans une version révisée du modèle. Les données collectées auprès des opérateurs métropolitains dans le cadre de ces travaux, ainsi que la mise à jour du modèle avec les données plus récentes à leur disposition (couverture, demande, équipements et coûts unitaires), ont donné lieu à des ajustements du modèle. Celui-ci a également été légèrement amendé compte tenu des données collectées dans le cadre du développement du modèle DOM, qui ont pu éclairer les paramètres retenus pour le modèle métropolitain. Une troisième version du modèle ainsi ajusté a été mise en consultation publique du 4 septembre au 6 octobre 2008.
      Bouygues Telecom considère que le modèle de coût technico-économique est relativement fiable et que son utilisation est pertinente, en complément des comptes réglementaires transmis annuellement par les opérateurs, dans le cadre de la fixation par l'Autorité des tarifs de terminaison d'appel en ce qu'elle permet d'expliquer les écarts observés entre les restitutions de la comptabilité réglementaire des opérateurs.
      A l'inverse, SFR et Orange contestent l'utilisation du modèle en tant que référence pertinente et estiment notamment que ses algorithmes de dimensionnement ne décrivent pas la réalité des réseaux. Ils estiment par ailleurs que le modèle devrait s'appuyer sur la méthode d'évaluation des coûts des actifs en coûts courants économiques plutôt que sur celle des coûts historiques. Enfin, Orange considère anormal qu'un certain nombre de paramètres d'ingénierie du module de dimensionnement réseau varient en fonction de l'opérateur.
      L'Autorité rappelle que :
      ― de manière générale, les paramètres d'ingénierie de réseaux du modèle découlent de choix propres de dimensionnement (impact sur la marge de sécurité pour la capacité du réseau, sur la qualité de service...) ou reflètent des contraintes historiques qui ont influé sur l'efficacité du déploiement des réseaux. Les moyennes réalisées pour obtenir les paramètres de l'opérateur générique font l'objet d'un examen précis pour demeurer réalistes ;
      ― en ce qui concerne la méthode de valorisation des coûts des actifs, il faut noter que les actifs sont considérés comme amortis sur leur durée de vie réelle et non sur leur durée de vie comptable dans le modèle. De plus, le progrès technique et les évolutions de prix des équipements sont bien pris en compte. Par ailleurs, l'Autorité rappelle que la méthode de valorisation des actifs en coûts courants économiques a été testée lors de l'élaboration du modèle en 2007. L'Autorité obtenait sur l'année 2006 une différence de l'ordre de 2 % sur les coûts totaux de réseau entre l'utilisation de cette méthode et celle des coûts historiques, l'impact de ce choix est donc limité et sans conséquence à ce stade de mise en œuvre de l'orientation vers les coûts ;
      ― par définition, un exercice de modélisation constitue une vision réductrice de la complexité inhérente au déploiement réel des réseaux mobiles. La pertinence des résultats du modèle est néanmoins établie, notamment compte tenu de l'exercice de mise en cohérence du modèle avec les données de coûts réels issues de la comptabilité réglementaire. Néanmoins, l'Autorité continuera ses travaux techniques de modélisation des coûts de réseaux en concertation avec les acteurs du marché.
      Suite aux retours des acteurs sur le calibrage en lui-même des données d'entrée du modèle, quelques modifications mineures ont été apportées au modèle générique portant sur le calcul (10) de la couverture 2G de l'opérateur générique pour les années 2007 et 2008 sur les géotypes rural et rural montagneux et par ailleurs sur le paramètre Recomissioned after liftetime expires (%) (11).
      Ces modifications ont un impact marginal sur les résultats de coûts tels que présentés lors de la consultation publique sur les référentiels de coûts mobiles en septembre 2008.
      Les commentaires portant sur la structure du modèle nécessitent, pour être pris en compte, la concertation des acteurs et l'apport d'éléments quantitatifs suffisants. Ceux-ci seront examinés par l'Autorité dans le cadre de la poursuite des travaux de coordination sur le modèle avec l'ensemble des opérateurs.
      Utilisation du modèle :
      L'Autorité rappelle que les coûts évalués par son modèle technico-économique se rapportent uniquement et exclusivement aux principaux coûts de réseau, à l'exclusion des autres coûts d'un opérateur mobile. Le modèle permet notamment une évaluation des coûts de terminaison d'appel en coûts complets en utilisant un mark-up des coûts communs estimé compte tenu des restitutions de la comptabilité réglementaire.
      Par ailleurs, ainsi qu'indiqué dans la consultation publique de septembre 2008, les choix effectués dans le modèle, qui restent en coûts historiques et en coûts complets, peuvent être différents du mode de comptabilisation des coûts et du périmètre des coûts pertinent retenu dans un exercice de tarification de la prestation de terminaison d'appel mobile.
      L'Autorité peut, grâce à ces travaux de modélisation, mener deux exercices différents mais complémentaires :
      Un exercice de réconciliation (pour mieux expertiser la restitution de comptabilité réglementaire de chaque opérateur). Une des finalités du modèle est de compléter la connaissance acquise par l'Autorité des structures et des niveaux de coûts supportés par les opérateurs. C'est pour cette raison qu'il a été élaboré conformément aux méthodologies d'évaluation et d'allocation des coûts adoptées dans la comptabilité réglementaire (décisions n°s 2005-0960 et 2007-0128 susvisées). Les résultats du modèle sont ainsi aisément comparables aux états de coûts audités et permettent à l'Autorité d'expertiser plus finement les éléments comptables audités restitués par les opérateurs. Le premier exercice de réconciliation a nécessité la construction de trois jeux de paramètres pour le modèle, qui correspondent, pour les choix les plus structurants, aux réseaux de chacun des trois opérateurs métropolitains. De cette manière, les éléments de coûts issus de chacun des trois modèles peuvent être rapprochés et comparés aux états de coûts de chacun des trois opérateurs. Cet exercice de réconciliation permet également à l'Autorité de déceler certaines différences de choix de mise en œuvre des obligations de comptabilisation des coûts et de séparation comptable faits par les opérateurs, afin, ensuite, de les corriger en amendant le référentiel de comptabilité règlementaire qui leur est opposable.
      Un travail d'explication des différences observées dans les restitutions de comptabilité réglementaires (entre les opérateurs) pour être en mesure d'extrapoler cette comptabilité réglementaire au cas d'un opérateur générique efficace avec des caractéristiques différentes des opérateurs du marché. Ce modèle est également utilisé par l'Autorité pour mieux comprendre les déterminants des coûts supportés par les opérateurs, afin de distinguer, parmi les différences observées entre les opérateurs dans les restitutions de comptabilité réglementaire (12), les différences de coûts qui relèvent de choix techniques propres, de différences de parts de marché ou de dates d'entrée sur le marché (induisant des différences d'effets d'échelle au bénéfice des opérateurs ayant des volumes de trafics plus importants), de fréquences disponibles à cette date et en général, etc. A cette fin, l'Autorité a développé un modèle d'opérateur mobile efficace générique, dont l'activité correspond à celle d'un opérateur métropolitain ayant fait des choix de déploiement qui ne sont pas spécifiques à un opérateur en particulier. Grâce à ce modèle d'opérateur générique, l'Autorité peut apprécier les différences d'efficacité qui peuvent exister entre opérateurs ― à effets d'échelle identiques ou corrigés de ces effets d'échelle ―, et ce sur l'ensemble de leurs structures de coûts aussi bien que sur certaines masses particulières de coûts. Le modèle d'opérateur générique efficace permet enfin d'estimer une terminaison d'appel de référence corrigée des effets d'échelle et d'éventuelles spécificités d'un des trois opérateurs en place.

      (1) Le tarif extra-ZA est supérieur à celui du tarif intra-ZA et est facturé lorsque l'appelant ne se trouve pas dans la ZA (zone arrière) du point d'interconnexion où est livré effectivement le trafic. Le nombre, la taille et la définition de ces zones arrière dépendent du choix de l'opérateur mobile.
      (2) Les obligations de séparation comptable et de comptabilisation des coûts sont des obligations distinctes que peut imposer l'Autorité à un opérateur déclaré puissant sur un marché donné au terme des analyses de marché, dont les modalités sont définies par des décisions prises séparément par l'Autorité. La décision actuellement en vigueur portant sur la spécification de ces obligations est la décision n° 2007-0128. L'imposition de l'obligation de comptabilisation des coûts, qui, après spécification des règles, permet à l'Autorité de développer un référentiel robuste de coûts d'un opérateur et en se dotant d'un outil de modélisation complémentaire d'apprécier l'efficacité des opérateurs, est directement associée à la mise en œuvre de l'obligation d'orientation des tarifs vers les coûts. La séparation comptable est liée quant à elle à l'obligation de non-discrimination et à la vérification de l'absence de subventions croisées abusives, en ce qu'elle permet de détecter les distorsions discriminatoires sur les marchés de gros et de détail qui pourraient être mises en œuvre par les opérateurs mobiles.
      (3) Décisions de l'ARCEP n° 2008-1157, n° 2008-1158 et n° 2008-1159 en date du 21 octobre 2008 respectivement pour Orange France, SFR et Bouygues Telecom.
      (4) Voir les décisions antérieures de l'Autorité, n° 2007-0128 (spécifications comptables) et n° 2007-0810 (analyse de marché).
      (5) La première comparaison européenne rendue publique présentait les niveaux applicables au 1er janvier 2004.
      (6) L'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, la Bulgarie, Chypre, le Danemark, l'Espagne, l'Estonie, la Finlande, la France, la Grèce, la Hongrie, l'Irlande, l'Italie, la Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg, Malte, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, la République slovaque, la République tchèque, la Roumanie, le Royaume-Uni, la Slovénie, la Suède.
      (7) L'Islande, le Liechtenstein et la Norvège.
      (8) Ces comparaisons se fondent, pour calculer le niveau moyen de la charge de terminaison d'appel, sur la moyenne de la charge de terminaison correspondant à un appel fixe vers mobile de trois minutes, passé en heures pleines ( peak ) et de celle correspondant à un appel passé en heures creuses ( off peak ). Ce calcul prend en compte le ratio du nombre d'appels passés en heures pleines sur le nombre d'appels passés en heures creuses, communiqué par l'Autorité de régulation nationale (ARN) concernée. A défaut, un ratio peak/off peak de 1 est appliqué, ou un ratio peak, off-peak et week-end de 50 %, 25 %, 25 %. Par ailleurs, le niveau moyen de charge de terminaison d'appel calculé au niveau national correspond à la moyenne des niveaux moyens de charge de terminaison d'appel calculée pour chaque opérateur actif dans le pays pondérés par le nombre respectif de clients. Enfin, lorsque les charges d'interconnexion sont exprimées en devises locales, l'analyse comparative du GRE les convertit en euros en utilisant les taux de change spécifiés sur son site.
      (9) Par exemple, des différences dans la fiscalité, le coût des fréquences, les coûts du travail...
      (10) Module Traffic, Onglet Inputs, cases U112, U113, V112, V113.
      (11) Paramètre qui correspond au pourcentage d'actifs achetés dans l'année devant être remplacés après la fin de leur durée de vie. Module Cost, Onglet Asset demand for costs, cases F2813 :AD 3209.
      (12) Pour l'exercice 2004, des différences de choix de mise en œuvre des obligations de comptabilisation des coûts et de séparation comptable ont pu par ailleurs apparaître entre les opérateurs. L'Autorité a complété en 2007 (décision n° 2007-0128 susvisée) les spécifications de comptabilisation des coûts opposables aux opérateurs, de façon à limiter l'impact que ces éventuelles divergences peuvent avoir sur les références de coûts audités.

    • 2.1. Contexte et objectifs
      2.1.1. Les finalités et modalités de définition de l'encadrement tarifaire
      de la prestation de terminaison d'appel vocal mobile

      Nécessaire en l'absence de toute pression concurrentielle s'exerçant sur le prix offert par le vendeur du fait du monopole structurel exercé par les opérateurs dans la fourniture de la terminaison d'appel, l'encadrement tarifaire de la prestation de terminaison d'appel vocal mobile vise notamment à assurer des conditions d'exercice d'une concurrence loyale sur les marchés de communications électroniques en aval des marchés de la terminaison d'appel vocal mobile. L'Autorité a notamment indiqué dans son analyse de marché du 4 octobre 2007 (décision n° 2007-0810 susvisée) que l'absence d'obligation de reflet des coûts par les tarifs serait susceptible de permettre à Bouygues Telecom, Orange France et SFR de bénéficier d'une rente liée à leur position monopolistique sur les marchés de gros en cause, ce qui pourrait soulever de nombreux problèmes concurrentiels et entraverait notamment l'exercice d'une concurrence effective sur les marchés de détail avals.
      En retenant une référence de coûts pertinents pour la tarification de la prestation considérée et en considérant les problèmes concurrentiels identifiés pour définir l'obligation de contrôle tarifaire, l'Autorité doit ainsi s'efforcer de corriger les effets de l'absence de concurrence effective sur le marché pertinent régulé. La référence en coûts et le tarif de terminaison d'appel en découlant doivent par ailleurs permettre à l'ensemble des acteurs, i.e. acheteurs ou vendeurs, de recevoir des signaux économiques cohérents avec les structures de coût d'un opérateur efficace garants d'un fonctionnement soutenable des marchés. La mise en œuvre de l'encadrement tarifaire de la terminaison d'appel mobile doit répondre à l'objectif de développement d'une concurrence loyale et durable sur les marchés, et plus largement aux objectifs généraux fixés à l'article L. 32-1-II du CPCE.
      Le choix de la référence de coûts pertinents implique notamment de préciser le périmètre de coûts à prendre en compte en fonction de règles d'efficience et de rationalité économiques et la bonne allocation des coûts joints entre les différentes prestations produites par un opérateur de réseau mobile (le réseau de l'opérateur étant unique et servant à produire de multiples produits). Le concept de coût pris en compte par l'Autorité pour spécifier les modalités de contrôle tarifaire dépend dès lors directement des choix d'allocation qu'elle arrête pour imputer ces masses de coûts joints à l'ensemble des prestations qui les induisent, en particulier à la terminaison d'appel vocal. L'Autorité définit donc, à travers les plafonds tarifaires, la part maximum des coûts joints qu'un opérateur peut recouvrer à travers la tarification de la terminaison d'appel voix, prestation commercialisée en monopole, le reste des coûts pouvant être recouvré sur l'ensemble des autres prestations (de détail notamment) qu'il offre et pour lequel l'opérateur est libre de sa politique tarifaire. Il n'y a par conséquent pas de risque de non-recouvrement de l'ensemble des coûts encourus.
      Enfin, l'Autorité définit des méthodes de valorisation et de dépréciation des actifs et détermine les taux de rémunération du capital correspondants. L'Autorité a ainsi retenu jusqu'à présent la méthode des coûts historiques comme méthode de valorisation des coûts des actifs pertinente. A cet égard, l'Autorité considère que la méthode d'évaluation des coûts des actifs des réseaux mobiles par les coûts historiques est toujours adaptée par rapport aux autres méthodes, telles que celle des coûts courants économiques, notamment compte tenu du stade de mise en œuvre de l'orientation vers les coûts et parce qu'à la différence des actifs d'un réseau fixe (comme celui de France Telecom), les actifs de très longue durée et comptablement complètement amortis sont peu nombreux. Ce choix permet actuellement une bonne comparabilité entre les données issues de la comptabilisation réglementaire et des travaux de modélisation. Enfin, l'impact d'un changement de méthode au profit de la méthode d'évaluation en coûts courants est relativement faible (2 % en 2006 sur le modèle d'opérateur générique) et confirme donc son choix d'utilisation de la méthode des coûts historiques comme méthode de valorisation des actifs pertinente dans le cadre de la présente décision. Toutefois, et compte tenu de la réduction attendue des écarts entre coûts et tarifs, l'Autorité n'écarte pas la possibilité d'adapter la méthode de valorisation du coût des actifs dans le futur, en particulier pour limiter les variations liées aux cycles d'investissement et pour mieux intégrer les effets de progrès technique.
      Par ailleurs, les niveaux des tarifs des terminaisons d'appel de l'ensemble des opérateurs sont soumis à un processus de plafonnement graduel de ces niveaux au regard des structures et des références de coûts pertinentes. Les références de coûts retenues aujourd'hui pour tous les opérateurs mobiles identifiés comme puissants sur leurs marchés respectifs de terminaison d'appel sont celles d'un opérateur générique efficace et non les propres coûts des opérateurs.
      Dans la poursuite de ces différentes étapes de détermination des coûts, le contexte concurrentiel du marché est un des éléments majeurs d'appréciation, l'objectif étant in fine d'aboutir à la définition des structures et références de coûts pertinentes pour la régulation de la terminaison d'appel vocal mobile dans le contexte précis de la prise de décision. Les choix pertinents au regard des objectifs de la régulation peuvent par exemple différer lorsque le marché et ses acteurs sont en plein développement et que la préoccupation principale des acteurs est de déployer des réseaux et d'acquérir des clients primo-accédants, ou, au contraire, lorsque le marché est arrivé à maturité avec des réseaux pleinement déployés et une concurrence consistant principalement à conserver ses clients et conquérir ceux de ses concurrents.
      Ainsi, si l'Autorité, pour fixer les plafonds tarifaires en métropole pour la période du 1er janvier 2008 au 30 juin 2009, indiquait dans sa décision n° 2007-0810 susvisée prendre pour référence pertinente les coûts d'un appel entrant moyen évalués selon la méthode des coûts historiques et selon une approche d'allocation en coûts complets, elle précisait également : si la méthode retenue à ce jour est une approche en coûts complets, [l'Autorité] considère qu'il pourrait être nécessaire de revisiter à terme ce concept afin d'adopter une méthodologie cohérente utilisée dans la mise en œuvre de la régulation des terminaisons d'appel, qu'il s'agisse de terminaison d'appel fixe ou de terminaison d'appel mobile . Plus loin, elle indiquait également : sans préjuger de l'approche qui pourrait être retenue sur ce point, l'Autorité s'interroge aujourd'hui sur le périmètre des coûts pertinents relatif au calcul de la terminaison d'appel vocal mobile. S'agissant de ce périmètre, l'Autorité n'exclut pas de le faire évoluer à terme de façon à mieux l'harmoniser avec celui retenu pour la terminaison d'appel fixe et à respecter ainsi une meilleure homogénéité des approches comptables entre les marchés fixes et mobiles . Plus loin, elle indiquait : [L'Autorité] souligne que si les coûts complets peuvent être utilisés dans une première étape, ce concept de coûts complets pourrait être amené à évoluer :
      ― en ce qui concerne le périmètre pertinent de coûts à considérer, et ce afin de garantir une cohérence avec l'approche retenue dans le calcul des terminaisons d'appel fixes. Ainsi, dans le cadre d'une concurrence frontale entre opérateurs fixes et mobiles, la régulation ne biaisera pas l'adoption de la technologie la plus efficace ;
      ― vers un concept de coûts incrémentaux, et ce afin de garantir une cohérence avec les références de coûts utilisés en interne par les opérateurs lorsqu'ils formulent leurs offres sur le marché de détail, en particulier leurs offres on-net. Ainsi, la concurrence sur le marché de détail mobile ne sera pas biaisée par des perceptions de coûts radicalement différentes pour les offres on-net et off-net.
      Afin de définir correctement les modalités d'application de l'obligation d'orientation des tarifs vers les coûts pour la période du 1er juillet 2009 au 31 décembre 2010, objet de la présente décision, il convient donc de prendre en compte le contexte actuel, notamment concurrentiel, de développement du marché. Les références pertinentes devront également tenir compte des principales spécificités du service de terminaison d'appel vocal.
      Il convient en particulier de noter, ainsi qu'indiqué dans la partie 1.1.2, que l'ensemble des coûts de réseaux encourus sont in fine totalement recouvrés par l'intermédiaire des tarifs pratiqués sur les marchés de détail. En effet, et à l'extrême, du fait des spécificités de la terminaison d'appel mobile décrites dans cette partie, si un tarif de terminaison d'appel nul devait être imposé, les opérateurs pourraient toujours recouvrer l'ensemble des coûts encourus par les tarifs pratiqués sur les marchés de détail. Il convient par ailleurs de rappeler que la terminaison d'appel constitue à la fois une source de revenus pour les appels entrants mais également une charge pour les appels sortants, l'ensemble des flux financiers d'interconnexion étant mécaniquement équilibrés à l'échelle du secteur. De même, l'utilisation, pour la fixation des plafonds tarifaires de la terminaison d'appel, de la méthode d'allocation actuelle, dite des coûts complets distribués, c'est-à-dire qui alloue l'intégralité des coûts à l'ensemble des prestations techniques fournies par les opérateurs (13) n'est pas la seule envisageable. L'utilisation d'une méthode incrémentale, qui mesure uniquement les coûts additionnels occasionnés par la prise en charge du trafic entrant, et qui n'alloue par conséquent pas l'intégralité des coûts, et notamment les coûts réseaux, à l'ensemble des prestations techniques fournies par l'opérateur mobile au titre de la prise en charge de ce trafic entrant, est compatible avec le fait pour les opérateurs de recouvrer l'ensemble de leurs coûts.
      Le choix de la méthode d'allocation repose ainsi principalement sur son efficacité économique et sur l'impact qu'elle génère au niveau du consommateur. Ceci correspond pleinement aux objectifs de l'Autorité impartis par l'article L. 32-1 du CPCE et rappelés à l'article D. 311, qui impliquent que les tarifs fixés doivent permettre l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques et, à ce titre, doivent s'adapter au contexte, notamment concurrentiel, actuel.
      En particulier, les choix pertinents dans un exercice de tarification de la prestation de terminaison d'appel mobile peuvent être différents des choix effectués dans le passé, et en particulier des choix de spécification qui ont été précisés dans le cadre des restitutions réglementaires au titre des obligations de comptabilisation des coûts et de séparation comptable, qui sont aujourd'hui évalués en coûts historiques et suivant la méthode d'allocation en coûts complets.

      2.1.2. L'évolution du marché mobile en France

      Aux débuts du marché de la téléphonie mobile, le coût le plus élevé à encourir pour les opérateurs mobiles correspondait au déploiement de leurs réseaux vocaux, en termes de couverture comme de capacité. Le trafic des réseaux fixes vers les réseaux mobiles restait marginal relativement au trafic total des opérateurs fixes, et le trafic entre opérateurs mobiles était géré dans un régime de bill & keep (14). Par ailleurs, les opérateurs mobiles avaient une incitation très forte à acquérir de nouveaux clients (primo-accédants) afin d'accroître leurs économies d'échelle et de rentabiliser des réseaux à forts coûts fixes. Enfin, aucune concurrence n'existait encore entre opérateurs mobiles et opérateurs fixes, et les offres de convergence n'étaient pas encore envisagées ou commercialisées.
      Dans ce contexte, de hauts niveaux de tarifs de terminaison d'appel permettaient, par le biais des appels fixes vers mobiles, de contribuer au financement du déploiement de ces réseaux, menant ainsi à développer et pérenniser les services mobiles. En particulier, les niveaux de tarifs de terminaison d'appel étaient très supérieurs aux niveaux de leurs coûts complets distribués. Se fondant sur le développement de modèles de coûts, l'Autorité a alors progressivement fait baisser ces tarifs vers les coûts calculés selon cette méthode.
      Aujourd'hui se pose la question de la pertinence de ce concept appliqué dans le cadre de la fixation des tarifs de terminaison d'appel. En effet, le contexte concurrentiel a fortement évolué et les terminaisons d'appel ont une importance grandissante dans la formulation des offres de détail des opérateurs, ainsi que dans les modalités de la concurrence entre opérateurs mobiles ou entre opérateurs fixes et mobiles.
      D'abord, le développement du marché a atteint sa maturité et la concurrence pour les services vocaux se tourne désormais vers la rétention de clients et l'acquisition de clients des opérateurs concurrents.
      De plus, les marchés de détail ont subi une évolution majeure avec la multiplication des offres d'abondance. Ces offres, qui permettent de communiquer de façon illimitée pour un prix forfaitaire, se sont en effet fortement développées.


      Vous pouvez consulter le tableau dans le JO
      n° 23 du 28/01/2009 texte numéro 97


      Sources : Etude Suivi des tarifs pour le compte de l'ARCEP, sites internet des opérateurs, communiqués de presse, sites internet spécialisés (limité aux offres grand public ; une gamme est comptée comme une seule offre).


      Au départ des réseaux fixes ou internet, les offres d'abondance concernent les appels à destination des opérateurs fixes ou les offres de transports de données. Aujourd'hui, 30 % des abonnements à la téléphonie fixe sont en voix sur large bande et incluent donc de telles offres (15).
      Au départ des réseaux mobiles, les offres d'abondance peuvent concerner les appels, les SMS ou les offres d'échanges de données. Les contraintes associées à la plage d'illimité varient d'une offre à l'autre et peuvent être cumulées : communications illimitées à certaines tranches horaires, vers plusieurs numéros choisis, à destination des abonnés du réseau de l'opérateur (on-net), vers les numéros fixes ou vers tous les opérateurs (off-net). Ainsi, le nombre d'offres comportant des appels illimités proposées sur le marché par les opérateurs de réseau mobile a été multiplié par huit depuis 2004. Néanmoins, l'Autorité note que, contrairement aux offres d'abondance sur les SMS, les offres d'abondance sur la voix présentes sur le marché restent principalement limitées aux appels on-net et à destination des fixes (près de 80 % des offres illimitées au T2 2008).
      L'Autorité constate enfin que, si plus de la moitié des offres d'abondance des opérateurs mobiles incluent des appels illimités vers les fixes, aucun opérateur fixe ne propose actuellement de forfaits avec appels illimités vers les mobiles.
      Par ailleurs, maintenant que les réseaux mobiles vocaux ont atteint un fort niveau de couverture et de capacité, une concurrence entre opérateurs mobiles et opérateurs fixes s'est faite jour pour les appels en position déterminée (16). Ainsi, les opérateurs fixes sont désormais en concurrence directe avec les offres convergentes des opérateurs mobiles telles qu' Unik de Orange ou HappyZone de SFR par exemple.
      Orange France et SFR ne partagent pas la vision de l'Autorité en matière de convergence ; le premier estimant que la concurrence entre opérateurs mobiles et fixes a toujours existé de façon partielle et qu'elle est aujourd'hui en décroissance, les services fixes et mobiles étant de moins en moins substituables à mesure que le fixe devient principalement dédié au haut-débit, et qu'en outre les offres d'abondance proposées par les opérateurs mobiles sont reproductibles par les opérateurs fixes avec les niveaux de tarifs de terminaison d'appel actuels ; les deux affirmant que les offres de convergence ne constituent qu'une partie très limitée du marché.
      Bouygues Telecom estime à l'inverse que les offres convergentes fixe-mobile sont amenées à se développer, notamment sur le marché entreprises et que des tarifs de terminaison d'appel mobile élevés augmentent le pouvoir de marché des opérateurs intégrés, fortement présents sur les deux marchés de détail. Ceux-ci pourraient commercialiser des offres de convergence avec des tarifs on-net fixe-mobile attractifs, leur permettant de capter et fidéliser leur base de clientèle fixe-mobile et qui ne seraient pas reproductibles par les opérateurs alternatifs.
      L'Autorité ne conteste pas que les offres de convergence constituent aujourd'hui une partie limitée du marché. Pour autant, ces offres sont amenées à se développer dans les années à venir en raison de la convergence des réseaux. Sur le marché entreprises, une enquête TNS Sofrès de mai 2007 montre que 58 % des entreprises sont convaincues que la convergence fixe-mobile va s'imposer comme la norme dans les trois prochaines années.
      Sur le marché résidentiel, une enquête Ipsos réalisée pour le compte de l'ARCEP en novembre 2007 (17) montre que les offres convergentes suscitent un intérêt réel chez les consommateurs. En effet, près de 40 % des usagers mobiles se disent prêts souscrire à une telle offre (18). Ils sont principalement attirés par la possibilité d'appeler en illimité les numéros fixes depuis leur domicile : un critère important voire essentiel pour 94 % des personnes intéressées (19). L'enquête montre aussi qu'une telle possibilité inciterait plus de la moitié des personnes non intéressées à changer d'avis (20). Au total, les trois quarts des usagers mobiles portent un intérêt aux offres convergentes. L'enquête révèle également que les offres convergentes répondent à une autre attente forte des consommateurs, à savoir la simplification de la gestion de la ligne, c'est-à-dire l'unicité de l'interlocuteur pour les services de téléphonie fixes et mobiles, l'unicité du répertoire et de la messagerie vocale, cette dernière constituant un critère essentiel pour 90 % des intéressés. Cette enquête confirme ainsi le potentiel des offres convergentes, qu'il faut prendre en compte afin de mettre en œuvre une régulation adaptée.
      En ce qui concerne la substituabilité fixe-mobile, l'Autorité note que si les services fixes connaissent une transition vers le haut débit, le seul couplage commercial multiplay ne suffit pas à supprimer complètement la substituabilité depuis une ligne fixe ou mobile du service de voix à destination des mobiles. Plus de 60 % des clients résidentiels qui disposent à la fois d'une ligne fixe et d'une ligne mobile utilisent cette dernière à leur domicile occasionnellement, souvent, voire systématiquement (21). En outre, ce service n'est en général pas inclus dans les forfaits et reste facturé à la minute. La décroissance de la substituabilité fixe-mobile à ce niveau n'est donc absolument pas certaine.
      En conclusion, l'Autorité estime que ces évolutions posent un certain nombre de problématiques concurrentielles nouvelles, qu'il convient de prendre en compte afin de mettre en œuvre une régulation adaptée, et en particulier, dans une logique de convergence, cohérente entre les marchés fixes et mobiles.

      2.1.3. La traduction des objectifs poursuivis par l'encadrement tarifaire de la prestation
      de terminaison d'appel vocal mobile au regard du développement actuel du marché

      Comme indiqué précédemment, il s'agit, au regard de l'objectif de développement d'une concurrence loyale et durable sur les marchés, et plus largement des objectifs généraux fixés à l'article L. 32-1-II du CPCE, et en tenant compte du contexte de développement de ces marchés, de la concurrence sur ces marchés et des spécificités du service de terminaison d'appel, de définir les modalités précises de mise en œuvre de l'obligation d'orientation des tarifs vers les coûts du service de terminaison d'appel, de manière à ce que le signal économique ainsi établi pour les marchés soit adapté et efficace. Dans le contexte actuel, la traduction des objectifs fixés à l'article L. 32-1-II du CPCE implique de retenir un signal de coût correspondant, dans la mesure du possible, aux caractéristiques suivantes.
      La référence de coûts pertinente à prendre en compte doit, en premier lieu, empêcher les opérateurs de bénéficier d'une rente liée à leur position monopolistique sur les marchés de gros en cause, afin d'assurer des conditions de libre exercice d'une concurrence loyale sur les marchés de communications électroniques qui y sont liés. Cela demande donc de limiter les distorsions de concurrence entre opérateurs mobiles, mais aussi, dans le contexte actuel de convergence entre les secteurs fixes et mobiles, de veiller à l'absence ou à la limitation de distorsions de concurrence entre opérateurs mobiles et fixes et in fine aux distorsions des consommations des abonnés fixes et mobiles.
      Ceci rejoint les objectifs de neutralité technologique, d'investissement efficace dans les infrastructures et d'utilisation efficace des fréquences radioélectriques qui, toujours dans un contexte de convergence, non seulement commerciale, mais aussi technique entre les réseaux fixes et mobiles, se traduisent par l'objectif de mise en œuvre d'une régulation qui n'avantage pas artificiellement une technologie par rapport à l'autre.
      L'objectif de libre exercice de la concurrence sur les marchés a pour but in fine de permettre un développement efficace des marchés au bénéfice du consommateur final. Ainsi, les objectifs précédents se traduisent pour les consommateurs par celui de ne pas brider le développement naturel des marchés de détail, en particulier le déploiement des offres de convergence. Plus généralement, il convient d'encourager l'innovation, ce qui se traduit aujourd'hui par le choix d'une référence de coûts qui ne limite pas les innovations commerciales ou technologiques, comme les offres de convergence, mais aussi les offres de voix illimitées et/ou forfaitaires, dans une forme la plus ouverte possible.
      A cet égard, alors que l'on voit se développer fortement les offres d'abondance sur tous les marchés de détail confondus (au départ des réseaux mobiles, fixes ou internet), on observe que, pour les appels à destination des opérateurs mobiles, ces offres sont souvent conditionnées par le réseau de destination de l'opérateur ou par des horaires limités. Plus précisément, on observe une tendance à la tarification différenciée au détail entre trafic on-net et off-net, ce qui réduit de facto l'interopérabilité des réseaux et renforce les effets de réseaux et leurs effets anticoncurrentiels. Or l'un des objectifs principaux fixés à l'Autorité par l'article L. 32-1-II du CPCE consiste à inciter à l'interopérabilité des réseaux et plus précisément à définir des conditions d'interconnexion qui garantissent la possibilité pour tous les utilisateurs de communiquer librement et l'égalité des conditions de la concurrence .
      Or, même si elle peut connaître un certain succès commercial du fait des offres d'abondance qui y sont associées, la distinction entre communications on-net et communications off-net n'a pas de pertinence du point de vue de l'utilisateur final qui, toutes choses étant égales par ailleurs, souhaite avant tout joindre un correspondant indépendamment de son réseau de raccordement. Sur le plan économique, le développement des offres on-net illimitées conduit donc à une discrimination sur le marché de détail qui n'est pas fondée sur des différences de préférence de premier rang de la part des demandeurs. Sur le plan tarifaire, il conduit à une moindre transparence et à une complexification des offres, en particulier dans un contexte de croissance des services de portabilité des numéros, qui rendent moins identifiables les numéros de tel ou tel opérateur. Lorsqu'il émet un appel, un consommateur peut ainsi ne pas savoir à l'avance s'il lui sera facturée une communication on-net ou off-net. Or, l'objectif de protection des consommateurs passe notamment par la fourniture d'informations claires, notamment par la transparence des tarifs.
      Il convient, donc, de choisir une référence de coûts impliquant des tarifs de terminaison d'appel mobile limitant l'incitation à la tarification différenciée au détail entre trafic on-net et off-net, ou tout du moins ne l'encourageant pas artificiellement. Cela rejoint d'ailleurs, comme expliqué ci-dessous, l'objectif de l'exercice d'une concurrence loyale entre acteurs de la téléphonie mobile.
      Enfin, au regard de l'objectif de développement de la concurrence au bénéfice du consommateur, il convient de mettre en œuvre une régulation des tarifs de terminaison d'appel qui ne limite pas le jeu concurrentiel des opérateurs mobiles sur le marché de détail.

      2.2. L'orientation des tarifs vers les coûts incrémentaux de long terme
      est le signal efficace à terme compte tenu des objectifs poursuivis
      2.2.1. Des tarifs de terminaison d'appel sensiblement supérieurs aux coûts internes de production
      de la terminaison d'appel par les opérateurs induisent une distorsion concurrentielle

      Ainsi qu'indiqué précédemment, un objectif important, dans le choix d'une référence de coûts pour la fixation des plafonds tarifaires de la terminaison d'appel, consiste à choisir une référence en coûts permettant de définir un tarif de terminaison d'appel mobile entraînant le moins de distorsions de concurrence possible sur les marchés de détail en aval de cette prestation de gros. Cela implique de choisir un signal de coût qui corresponde au signal de coût perçu en interne par un opérateur dans la construction de ses offres, pour les raisons développées ci-après.
      Dès lors que les opérateurs se facturent entre eux une terminaison d'appel sensiblement supérieure au coût interne d'un appel on-net, un opérateur a un intérêt économique immédiat à inciter ses clients à pratiquer des appels on-net, à coût incrémental de long terme faible, et non des appels off-net, dont le coût incrémental immédiat est égal a minima au tarif de la terminaison d'appel mobile de l'opérateur de destination. Cette incitation prend la forme de tarifs faciaux plus bas pour les appels on-net, ou encore d'une tarification forfaitaire par laquelle le client final bénéficie d'une offre d'abondance pour ses minutes on-net (22). L'opérateur limite ainsi le volume et le coût des terminaisons d'appel payé à ses concurrents.
      En effet, outre le fait que le coût qu'il perçoit pour la terminaison d'un appel on-net est sensiblement inférieur à celui d'un appel off-net du fait même des tarifs de terminaison d'appel, le fait pour un opérateur de commercialiser des offres comprenant un volume important de communications on-net présente l'avantage de permettre à ce dernier de proposer un service de communication n'entraînant pas de versement de charge de terminaison d'appel à un opérateur mobile tiers.
      Or le solde d'interconnexion associé à une offre, qui joue un rôle prépondérant dans l'équilibre économique de chaque offre que l'opérateur propose, correspond à la différence entre les charges d'interconnexion qu'il doit payer à ses concurrents au titre du trafic entrant sur leurs réseaux respectifs, et les revenus d'interconnexion qu'il perçoit auprès de ses concurrents au titre du trafic entrant vers ses numéros mobiles pour une offre donnée. Une variation de ces charges et revenus se traduit concrètement pour l'opérateur par une diminution, respectivement un accroissement, instantanée de sa marge brute.
      Il apparaît donc que l'intérêt économique immédiat qu'a tout opérateur à inciter ses clients à pratiquer des appels on-net est corrélé positivement à l'écart entre sa structure de coût propre et le tarif de la terminaison d'appel de ses concurrents (incitation directe en coût) et à l'écart entre sa structure de coût et le tarif de sa propre terminaison d'appel (incitation indirecte du fait de la difficulté pour ses concurrents de répliquer ces appels en raison du tarif de sa propre terminaison d'appel).
      L'intérêt à développer le trafic on-net dans le but d'améliorer son solde d'interconnexion pour chacune de ses offres s'applique à l'ensemble des opérateurs indépendamment de leur taille. Cet intérêt devient d'autant plus grand que le tarif de terminaison d'appel est élevé.
      En première analyse, on pourrait penser que le niveau de tarif de la terminaison d'appel est neutre sur les flux financiers d'interconnexion entre opérateurs mobiles, en partant du constat que ces flux financiers sont globalement équilibrés dans la mesure où les trafics entrants et sortants des différents opérateurs s'équilibrent naturellement. Toutefois, cette assertion n'est vraie que dans l'hypothèse où tous les opérateurs possèdent des parcs de clients ayant des caractéristiques homogènes, notamment en termes de préférences et de profils de consommation, en particulier entre appels on-net et appels off-net. Or, cette condition n'est pas remplie.
      De plus, si les trafics entrant et sortant peuvent rester, d'un point de vue macroscopique (23), globalement équilibrés, il n'en demeure pas moins que, d'un point de vue microscopique (24), il existe des déséquilibres importants selon la catégorie de consommateurs, le segment de clientèle ou l'offre considérés. Or, un opérateur appréhende en général offre de détail par offre de détail les flux d'interconnexion résultant des trafics entrant et sortant. Pour une offre donnée, il peut donc exister des déséquilibres importants entre opérateurs. L'écart entre les tarifs de terminaison d'appel des opérateurs et leurs structures de coûts peuvent donc avoir des effets incitatifs inefficaces sur les offres présentes sur le marché quand bien même les flux de trafic entre les opérateurs seraient globalement équilibrés.
      Par ailleurs, plus l'opérateur dispose d'une part de marché élevée, plus ses offres de communications on-net à tarif privilégié sont attractives pour ses clients ; la contrainte sur le choix des destinataires de l'appel étant d'autant plus souple pour le client.
      Sur un plan concurrentiel, un opérateur de taille importante a un intérêt immédiat à développer les offres on-net illimitées, dans la mesure où ces dernières favorisent l'attractivité de son réseau relativement à un opérateur plus petit. Inversement, dans le cas d'un opérateur de faible taille, l'attractivité des offres de communications on-net à tarif privilégié qu'il pourrait proposer sera plus réduite, l'intérêt commercial des offres on-net croissant avec la taille du parc, dans la mesure où les clients finaux valorisent d'autant plus ce type d'offres qu'il est probable que leurs correspondants usuels appartiennent effectivement au même réseau que le leur.
      La différenciation entre on-net et off-net favorise l' effet club , c'est-à-dire le fait qu'un client prospectif préférera, toutes choses égales par ailleurs, souscrire auprès de l'opérateur auprès duquel ses correspondants sont déjà clients, afin de bénéficier du tarif on-net sur un maximum d'appels. Or même si le périmètre des correspondants les plus appelés d'un client peut être stable dans le temps, la probabilité qu'à un moment donné ces correspondants soient clients d'un même opérateur est directement reliée à la part de marché de cet opérateur. Ainsi, l'effectivité de l'effet club croît avec l'écart de taille entre le parc clients de cet opérateur et ceux de ses concurrents, dans la mesure où l'intérêt d'une offre on-net croît avec la probabilité que les correspondants les plus fréquents du client potentiel auront souscrit une offre auprès de cet opérateur plutôt qu'un autre.
      L'avènement des offres d'abondance susmentionnées présente ainsi un risque de distorsion concurrentielle vis-à-vis d'un opérateur de taille réduite tenant à ce que, en première analyse, ce dernier ne puisse potentiellement les répliquer de manière pertinente qu'en proposant des communications illimitées vers tous les opérateurs (on-net et off-net). Or la commercialisation d'une telle offre entraîne, à l'échelle de cette offre, de fortes dépenses de terminaison pour la majorité des appels sortants car ils correspondent à des appels off-net. De surcroît, dans cet exercice, l'opérateur est contraint tant par le fait que la terminaison d'appel est facturée à la minute ― alors même qu'il ne peut proposer qu'un prix au détail forfaitaire ―, que par le niveau facial de ces terminaisons d'appel.
      Ainsi lorsque le coût interne ― coût incrémental de long terme ― et le prix de cession externe ― tarif de la terminaison d'appel mobile ― diffèrent, il apparaît que le risque de non-réplicabilité économique des offres d'abondance on-net défavorise les opérateurs dont les parcs sont significativement les plus faibles (25) en limitant leur capacité à se maintenir dans le jeu concurrentiel et ce indépendamment de leurs propres structures de coût. Il pourrait néanmoins être objecté que la différenciation tarifaire entre on-net et off-net induit une dynamique proconcurrentielle en incitant chaque opérateur à accroître sa part de marché pour bénéficier au maximum de l'effet club . Cet argument, issu de la littérature économique, revêt une certaine pertinence lorsque les parts de marché initiales des opérateurs sont équilibrées. Chacun tire alors un même bénéfice de l'effet club et cherche à prendre un avantage sur ses concurrents (pour peu que les conditions de marché ainsi que le cadre juridique permettent la mise en œuvre d'une telle politique commerciale). En revanche, lorsque les parts de marché sont asymétriques (comme c'est notamment le cas en métropole, et encore plus outre-mer), l'effet club, magnifié par l'écart entre coût et tarif de terminaison d'appel, crée au contraire un handicap artificiel pour les plus petits opérateurs, enfermant ces derniers dans un cercle vicieux : plus leur part de marché est faible, moins leurs offres sont attractives, plus leur part de marché est faible, etc.
      Cette structuration des offres favorise en outre la stabilité de ces clubs et réduit donc également l'intensité concurrentielle. En effet, une fois qu'un club est formé et qu'un consommateur est client du même opérateur que ses correspondants les plus fréquents, le changement d'opérateur est pour lui d'autant plus coûteux qu'il lui ferait perdre le bénéfice des tarifs préférentiels offerts pour les appels on-net vers ces correspondants.
      Dans l'ensemble de cette partie, l'Autorité confirme les conclusions qu'elle a déjà pu adopter lors de ses analyses de marché précédemment publiées, et notamment dans sa décision d'analyse des marchés de la terminaison d'appel mobile du 4 octobre 2007.
      Elle rappelle enfin que, dans son avis (26) sur le projet de décision d'analyse de marché du 4 octobre 2007 en application de laquelle la présente décision est prise, le Conseil de la concurrence procède à l'examen du caractère concurrentiel du marché de gros et des marchés de détail qui lui sont associés pour relever des problématiques concurrentielles similaires à celles évoquées par l'Autorité. Ainsi, il relève que (...) la fin du système de Bill and Keep au 1er janvier 2005, dénoncé unilatéralement par Orange, a fait que les contraintes pesant sur le jeu concurrentiel se sont déplacées sur le marché de détail de la téléphonie mobile. (...) Les évolutions récentes de la politique commerciale des trois opérateurs mobiles ne confirment pas cette analyse. Elles font plutôt apparaître des risques de déséquilibre concurrentiel liés au niveau des terminaisons d'appel dans une situation d'asymétrie persistante des parts de marché des trois opérateurs mobiles. (...) 19. Dans ces conditions, il est important pour les opérateurs de maîtriser leurs dépenses de terminaison d'appel off-net. C'est ainsi que les "offres d'abondance” (appels illimités vers quelques numéros pré-désignés) lancées par SFR puis par Orange, qui correspondent à une forte demande des abonnés dans le prolongement des offres illimitées sur le fixe, sont exclusivement on-net. Ces appels illimités sont à destination de trois numéros mobiles de leurs propres réseaux. (...) Ainsi, pour concurrencer les offres d'abondance on-net des deux autres opérateurs, Bouygues Telecom n'aurait, selon elle, d'autre choix que de développer des offres illimitées vers tous les opérateurs. Toutefois, en générant pour Bouygues Telecom de nombreux appels off-net, cette offre a rendu substantiellement déficitaire son solde d'interconnexion au bénéfice de SFR et d'Orange et entraîne d'importants transferts de trésorerie du plus petit opérateur vers les deux autres (...).

      2.2.2. Par construction, la logique des coûts incrémentaux répond à l'objectif de concurrence loyale entre opérateurs
      tout en permettant aux opérateurs de recouvrer, via le tarif de terminaison d'appel, les coûts induits par ce service

      La partie précédente montre que lorsque le coût interne et le prix de cession externe des services de terminaison d'appel mobile diffèrent le risque de non-réplicabilité économique des offres d'abondance on-net défavorise les opérateurs dont les parcs sont significativement les plus faibles en limitant leur capacité à se maintenir dans le jeu concurrentiel et ce indépendamment de leurs propres structures de coût, ce qui risque de fragiliser artificiellement la situation de certains opérateurs et in fine la concurrence.
      Ainsi, de manière à ce que le tarif de terminaison d'appel vocal entraîne le moins de distorsions de concurrence possible entre les opérateurs mobiles, il ne doit pas y avoir de différence significative entre les équations économiques sous-tendant l'équilibre financier d'une offre on-net ou d'une offre off-net, c'est-à-dire entre le coût interne et le prix de cession externe des services de terminaison d'appel mobile.
      Or, ainsi qu'Orange France le relevait dans le cadre de la décision n° 2007-0810 susvisée, un opérateur tient compte des effets de long terme sur le dimensionnement de son réseau des offres proposées sur le marché . De fait, le coût interne perçu par un opérateur pour la fourniture d'une offre intégrant des appels on-net correspond à une anticipation des investissements nécessaires pour assurer l'accroissement de la capacité de son réseau afin d'acheminer le trafic additionnel généré par cette offre. Ces coûts correspondent par exemple aux coûts de densification en stations de base qu'il sera nécessaire de mettre en service pour assurer la capacité nécessaire à l'acheminement de ce nouveau trafic.
      Symétriquement, le coût supplémentaire encouru par un opérateur pour terminer sur son propre réseau les appels off-net d'un opérateur tiers par rapport à une situation où il ne fournirait pas cette prestation de terminaison d'appel, s'ils peuvent être légèrement différents du coût interne, correspondent principalement aux coûts de densification en stations de base qu'il sera nécessaire de mettre en service pour assurer la capacité nécessaire à l'acheminement de ce nouveau trafic.
      Pour promouvoir l'efficacité économique, et notamment l'utilisation efficace des fréquences, le tarif de terminaison d'appel doit rémunérer ces coûts additionnels. Par ailleurs, ceux-ci doivent être évalués sur le long terme afin de prendre en considération les variations induites de dimensionnement du réseau des opérateurs. Inversement, pour promouvoir la concurrence, et au regard des développements précédents, la régulation doit proposer un tarif de terminaison d'appel qui soit orienté vers ces seuls coûts, à l'exclusion de tout autre qui ne soit pas induit par le trafic entrant de terminaison d'appel.
      Il résulte de cette analyse que, pour limiter les distorsions de concurrence possibles entre les opérateurs mobiles, l'opérateur appelant devrait payer les coûts associés à ses appels, tandis que les autres coûts de réseau qui auraient de toute façon été encourus par l'opérateur appelé pour cause d'exercice de son activité commerciale devraient être recouvrés sur les marchés de détail auprès de l'appelé, ces coûts pouvant par exemple être associés à la possibilité d'être joint. Ceci aboutit en effet à des signaux de coûts efficaces pour les opérateurs :
      ― l'opérateur appelant doit payer les coûts additionnels qu'il occasionne du fait de son trafic sortant et donc se doit d'internaliser le bon signal de coûts lorsqu'il construit ses offres de détail ;
      ― l'opérateur appelé, qui lorsqu'il est seul sur un marché recouvre tous ses coûts auprès de ses clients de détail, recouvre auprès de l'opérateur appelant les coûts additionnels que ce dernier engendre en envoyant désormais du trafic sur son réseau.
      Cette approche correspond à la méthode dite des coûts incrémentaux de long terme , en prenant pour incrément l'ensemble du trafic entrant d'un opérateur. Le coût de référence correspond aux coûts (efficaces) encourus du fait de la fourniture en gros du service de terminaison d'appel et qui ne le seraient pas si ce service n'était pas fourni, ou encore à la différence entre les coûts totaux de long terme d'un opérateur fournissant sa gamme complète de services et les coûts totaux déterminés à long terme de cet opérateur fournissant sa gamme complète de services sauf le service de terminaison d'appel fourni sur le marché de gros à des tiers. Pour ramener ce coût incrémental total à un coût de référence à la minute, on le divise par l'ensemble du trafic correspondant à ce service incrémental de terminaison d'appel, soit le trafic total entrant de l'opérateur.
      L'Autorité tient à souligner à nouveau que, contrairement aux affirmations de certains acteurs, l'approche en coûts incrémentaux ne remet absolument pas en cause la capacité des opérateurs à recouvrer la totalité de leurs coûts, mais qu'elle a juste pour effet de limiter la part de leurs coûts joints recouvrables au travers du tarif de terminaison d'appel sur leurs concurrents et d'augmenter la part recouvrable sur d'autres services où ils ne sont pas en position de monopole mais soumis à une pression concurrentielle exercé par les autres opérateurs et par leurs clients.
      Par construction, cette approche tient compte exactement des coûts engendrés par la fourniture de cette prestation supplémentaire : elle tient compte de l'ensemble de ces coûts et seulement de ces coûts. En particulier, avec cette méthode, on suppose que tous les actifs sont remplacés à long terme. Autrement dit, tous les coûts sont variables et pris en compte, y compris les coûts d'investissement pertinents.
      Elle diffère de l'approche en coûts complets en ce qu'elle n'alloue pas uniformément l'intégralité des coûts, et notamment les coûts réseaux, à l'ensemble des prestations techniques fournies par l'opérateur mobile. A titre d'exemple, une approche en coûts incrémentaux ne prend en compte pour le calcul des coûts de terminaison d'appel que les besoins en capacité nécessaires à l'acheminement du trafic tiers, mais ne retient plus les besoins en couverture nécessaires pour proposer des offres commerciales de détail à ses propres clients indépendamment de tout trafic entrant tiers. De même, les coûts de licence, dans la mesure où ils ne sont pas conditionnés par le trafic entrant, ne sauraient être pris en compte pour le calcul des coûts de terminaison d'appel car nécessaires à une exploitation commerciale d'opérateur mobile indépendamment de l'existence d'un trafic entrant tiers. Les coûts de couverture et de licence, s'ils ne sont pas pris en compte dans le coût de la terminaison d'appel, le sont intégralement dans le calcul des coûts d'accès aux réseaux et d'appels sortants qui fondent la tarification de détail des opérateurs vis-à-vis de leurs clients.

      2.2.3. Analyse au regard des objectifs poursuivis

      Non-discrimination entre opérateurs mobiles et non-incitation à la différenciation tarifaire on-net/off-net.
      Tout d'abord, comme développé précédemment, une régulation des tarifs de terminaison d'appel en référence aux coûts incrémentaux élimine par construction les distorsions de concurrence liées aux différences d'internalisation des coûts en fonction de la destination des appels et rétablit un jeu concurrentiel loyal entre acteurs de la téléphonie mobile, basé uniquement sur les prestations de détail, apparaissant ainsi comme le bon niveau de coûts permettant d'éliminer toute forme d'asymétrie artificielle due à des déséquilibres de trafic éventuels.
      En outre, l'intérêt économique immédiat qu'a tout opérateur à inciter ses clients à pratiquer des appels on-net étant corrélé positivement à l'écart entre sa structure de coût propre et le tarif de la terminaison d'appel de ses concurrents (incitation directe en coût) et à l'écart entre sa structure de coût et le niveau tarifaire de sa propre terminaison d'appel (incitation indirecte du fait de la difficulté pour ses concurrents de répliquer ces appels en raison du tarif de sa propre terminaison d'appel), cette approche limite, également par construction, l'incitation artificielle à la tarification différenciée au détail entre trafic on-net et off-net, due aux tarifs de gros de la terminaison d'appel, bien que de telles offres puissent toutefois perdurer sur le marché du fait de l'incitation commerciale des gros opérateurs à favoriser les effets de réseau.
      Inversement, des niveaux de tarifs de terminaison d'appel mobile fixés en référence aux coûts complets, et donc (par définition) supérieurs aux coûts incrémentaux, encouragent la différenciation tarifaire entre appels on-net et appels off-net, les signaux de coûts étant différents entre ces deux types d'appels, les premiers étant fortement favorisés dans les offres de détail au détriment des seconds, ce qui a des conséquences néfastes en termes de concurrence entre opérateurs mobiles sur les marchés de détail, entraînant notamment un désavantage concurrentiel pour les opérateurs ayant proportionnellement plus de volumes de trafic off-net et ce, dans un marché où la concurrence pour les services vocaux se tourne désormais vers l'acquisition de clients des opérateurs concurrents, le développement du marché ayant atteint sa maturité. Plus globalement, en introduisant artificiellement (27) un coût variable élevé pour les appels off-net, le maintien de niveaux élevés de tarifs de terminaison d'appel mobile constitue un frein au jeu concurrentiel entre opérateurs mobiles et à la baisse des prix unitaires d'appel.
      Neutralité technologique et concurrence loyale entre opérateurs mobiles et fixes, au bénéfice du consommateur :
      L'approche en coûts incrémentaux limite les distorsions de concurrence entre les opérateurs mobiles, mais permet également d'éliminer les distorsions de concurrence entre opérateurs mobiles et opérateurs fixes.
      Il convient tout d'abord de rappeler que les périmètres des coûts considérés jusqu'à ce jour par le régulateur comme pertinents pour la prestation de terminaison d'appel fixe, d'une part, et mobile, d'autre part, sont différents, dans la mesure où la charge de terminaison d'appel vocal mobile rétribue plus de services que celle relative à la terminaison d'appel fixe. En effet, la terminaison d'appel mobile rémunère la sollicitation de tous les éléments de réseau activés par la transmission de l'appel du point d'interconnexion à l'appelé, segment d'accès compris. Pour rappel, dans le cas du fixe, la terminaison d'appel ne recouvre pas les coûts associés au segment d'accès jusqu'à l'utilisateur final. Le coût de ce segment d'accès (par exemple, la paire de cuivre), qui est entièrement dédié à l'utilisateur fixe, est recouvré à travers une tarification, qui prend en compte ce coût, des services offerts au détail à l'utilisateur final.
      De tels niveaux de tarifs de terminaison d'appel vocal, bien supérieurs aux coûts complets et issus d'une pratique de financement des réseaux mobiles par les appels fixes vers mobiles dans un contexte de bill and keep entre opérateurs mobiles, ont pour conséquence que les niveaux tarifaires de terminaison d'appel vocal mobile sont à ce jour bien supérieurs à ceux de la terminaison d'appel vocal fixe, atteignant des niveaux absolus structurellement élevés, au-delà des différences technologiques (et de coûts subséquentes) évidentes.
      Ainsi, l'ordre de grandeur des tarifs de terminaisons d'appel vocal fixe est inférieur à un c€, lorsque, dans le même temps, il est actuellement en moyenne de l'ordre de 7 c€ pour le monde mobile. Ces prix de gros élevés se traduisent, sur le marché de détail, notamment par des tarifs élevés des communications fixe vers mobile en comparaison des communications fixe vers fixe. Par ailleurs, l'ensemble des acteurs de la téléphonie vocale est engagé dans une transition des structures de tarification historique où le service téléphonique est facturé au nombre et à la durée des appels vers une facturation forfaitaire. Cette tendance est très avancée en téléphonie fixe et progresse rapidement en téléphonie mobile. Cette évolution découle de la maturité des réseaux des opérateurs qui peuvent absorber la croissance des volumes à moindre coût et de la très forte préférence exprimée par les utilisateurs finals pour ce type d'offre permettant une meilleure maîtrise de leur dépense. Néanmoins cette tendance structurelle ne s'applique pas aux communications fixe vers mobile , qui du fait du tarif élevé de la terminaison d'appel mobile, ne peuvent être commercialisées sous forme forfaitaire. La part relative des communications fixe vers mobiles chute ainsi régulièrement, non pas du fait des préférences des consommateurs mais en conséquence des niveaux tarifaires actuels des appels fixes vers mobiles.
      Le maintien d'un niveau de tarif de terminaison d'appel mobile artificiellement élevé par rapport à celui de terminaison d'appel fixe constitue un transfert de la disponibilité à payer des abonnés fixes vers les opérateurs mobiles au détriment des opérateurs fixes, de nature à conduire sur la période considérée à des déséquilibres, des modifications artificielles des préférences des consommateurs et des transferts de valeur inefficaces entre les consommateurs fixes et mobiles. Or, si ce transfert pouvait apparaître raisonnable lors du déploiement des boucles locales radio mobiles, son maintien au moment où les opérateurs fixes déploient une nouvelle boucle locale filaire n'apparaît plus légitime, et il convient de s'interroger sur le bien-fondé de continuer à subventionner la téléphonie mobile via les opérateurs de téléphonie fixe.
      Inversement, l'application d'une approche en coûts incrémentaux dans la tarification des terminaisons d'appel mobiles pourrait conduire à limiter considérablement les déséquilibres et transferts de valeur des opérateurs fixes vers les opérateurs mobiles, ainsi que les distorsions pouvant impacter les choix des consommateurs, ce qui serait susceptible de stimuler les usages des clients des opérateurs fixes.
      Par ailleurs, cette approche aurait pour effet de rapprocher les niveaux des tarifs de terminaisons d'appel fixes et mobiles. Or, par-delà les implications en termes de surplus du consommateur de services de communications fixes, il convient de relever que le maintien, dans un contexte de convergence où les opérateurs fixes et mobiles sont de plus en plus en concurrence, d'un tarif de terminaison d'appel mobile élevé et supérieur à ses coûts crée, alors que les concepts ne sont pas harmonisés entre fixe et mobile, un avantage certain pour les opérateurs mobiles, ce qui biaise le jeu concurrentiel. Le développement d'offres de convergence virtuelle ou plus technique faisant reposer la prestation de services mobiles concurrents de services fixes sur la perception de tarifs de terminaison d'appel élevés emporte en effet une distorsion concurrentielle du fait de la subvention croisée opérée entre marché de gros et marché de détail (au détriment de l'opérateur pâtissant de l'asymétrie de niveaux de tarifs de terminaison) et peut être considéré comme générateur d'inefficacités productives (c'est-à-dire d'une mobilisation de ressources radio injustifiées au regard des conditions effectives d'utilisation par le consommateur final).
      En supprimant la césure artificielle entre les produits fixes et mobiles, une régulation des plafonds tarifaires de terminaison d'appel mobile en référence aux coûts incrémentaux permettrait ainsi de rétablir une concurrence loyale entre les opérateurs mobiles et fixes, et notamment aux opérateurs fixes de plus facilement répondre aux offres des opérateurs mobiles avec lesquels ils sont en concurrence, tel qu' Unik de Orange ou HappyZone de SFR et ainsi de ne pas biaiser l'adoption de la technologie la plus efficace. Le marché serait ainsi en mesure de mieux tirer partie de la convergence technique entre les réseaux, favorisant l'émergence d'offres innovantes sur le marché de détail.
      Dans son avis sur l'analyse de marché du 4 octobre 2007 (28), le Conseil de la concurrence émet des commentaires similaires :
      25. Enfin, le Conseil de la concurrence remarque que la frontière entre les services de téléphonie mobile et les services de téléphonie fixe devient de plus en plus poreuse, d'une part, du fait du développement d'offres de convergence (voir supra), d'autre part, en raison du lancement d'offres purement mobiles concurrençant directement les offres fixes. Ainsi, SFR a lancé récemment l'option "Happy Zone” qui propose des appels illimités vers tous les fixes 24 heures sur 24 pour les appels passés par ses clients dans une zone proche de leur résidence (offre de type "Cell-ID”). Ces offres s'appuient notamment sur le constat que plus de 30 % des appels mobiles sont passés depuis le domicile des utilisateurs. Ces offres sont susceptibles de concurrencer les offres de téléphonie fixe illimitées proposées par les opérateurs de téléphonie fixe et plus marginalement par les opérateurs internet (dans le cadre d'offre double ou triple play). Or, les économies de ces offres seront radicalement différentes selon qu'elles s'appuient sur des revenus entrants consistant en des charges de terminaison d'appels fixes (environ 1 c€ par minute en moyenne) ou mobiles (environ 8 c€ en moyenne à ce jour). Sachant que les revenus entrants sont particulièrement importants dans l'élaboration de ce type d'offres, il convient de veiller à ce que la régulation des niveaux de terminaison d'appel (revenus entrants) du fixe et du mobile n'introduise pas un biais dans la concurrence sur le marché de détail entre des services en compétition et respecte le principe de neutralité technologique.
      Développement de la concurrence et de l'innovation au bénéfice du consommateur :
      Comme indiqué précédemment, une régulation des tarifs de terminaison d'appel mobile en référence aux coûts incrémentaux induits par cette prestation est de nature à rétablir une concurrence loyale entre acteurs mobiles et fixes, favorisant un développement efficace des marchés, et en particulier l'adoption de la technologie la plus efficace, et stimulant l'innovation et le développement d'offres de convergence, au bénéfice du consommateur. Cette stimulation vaut pour la convergence technique, mais aussi commerciale. Ainsi, dans le cadre d'une tendance forte au développement des offres illimitées, des niveaux tarifaires de terminaison d'appel mobile élevés font peser un aléa financier considérable sur les opérateurs fixes qui voudraient développer des offres illimitées vers les mobiles. Une référence aux coûts incrémentaux permettrait de rétablir le bon signal de coûts sur ces marchés et de stimuler le développement d'offres illimitées et/ou forfaitaires, y compris vers les mobiles, en cohérence avec le coût réel induit par ce nouveau trafic.
      De même, en réduisant l'écart entre le coût perçu pour la fourniture d'une terminaison d'appel en interne et l'achat d'une terminaison d'appel externe, cette approche limite l'incitation pour les opérateurs à la différenciation entre les appels on-net et off-net, au bénéfice de la transparence des offres de détail, et permet le développement d'offres illimitées sans restriction d'usage (vers tous les réseaux et à toute heure), le choix du lancement de ces offres ne dépendant plus que de la politique commerciale des opérateurs, et non plus de différences de coûts artificielles entre les communications on-net et communications off-net. A titre d'illustration, la mise en place d'une régulation des terminaisons d'appel SMS en métropole par l'Autorité à l'été 2006 par l'imposition entre autres de plafonds tarifaires pour ces prestations a permis le développement rapide d'offres illimitées SMS sans effet de réseau durant l'année 2007.
      Parce qu'elle laisse un écart important entre le coût interne pour la fourniture d'une minute incrémentale de terminaison d'appel et l'achat d'une terminaison d'appel externe, une tarification en référence aux coûts complets renforce les incitations au développement d'offres avec effet de réseau et limite le développement d'offres illimitées vers les mobiles au départ du fixe ou sans restrictions d'usage (offres illimitées on-net ou à certaines heures, illimitées vers les fixes...). L'utilisation de cette méthode revient également à ne pas reconnaître que l'utilité de la communication est partagée entre l'appelé et l'appelant, ce qui entraîne des tarifs off-net élevés, notamment pour les communications fixe vers mobile, une sous-consommation d'appels et une moindre satisfaction des consommateurs. En effet, lorsque l'utilité retirée par l'appelant est inférieure au prix de l'appel, ce dernier y renonce, alors même que l'utilité globalement retirée par l'appelé et l'appelant peut, elle, être supérieure à ce prix et donc correspondre à une consommation efficace si l'appelé pouvait participer au paiement de l'appel.
      Enfin, avec la tarification de la terminaison d'appel en coûts complets, plus un opérateur est agressif commercialement en offrant à son client plus de minutes pour une dépense donnée, plus il va devoir s'acquitter d'un montant élevé de terminaison d'appel et participer ainsi au financement des coûts fixes de ses concurrents, payant notamment une partie de leurs coûts de licence. Ainsi, cette méthode limite fortement les incitations concurrentielles à baisser les tarifs de communication sur les marchés de détail mobiles. Cet effet négatif sur la dynamique concurrentielle est particulièrement préjudiciable alors même que les fortes incitations concurrentielles qui prévalaient dans un marché en pleine croissance ont disparu avec la quasi-maturité de ce marché en termes de taux de pénétration.

      2.3. Le changement de référence de coûts pertinente appelle un nouvel équilibre
      sur le marché plus efficace à terme, dans un marché en permanente adaptation

      L'évolution dans le choix du concept retenu, d'une référence aux coûts complets vers une référence aux coûts incrémentaux, représente à terme un changement assez profond, qui implique une modification de l'équilibre économique des offres de détails, et qui devrait par conséquent induire une adaptation progressive de ces offres par les opérateurs mobiles.
      Si l'équilibre économique ainsi prévu à terme apparait plus efficace que l'équilibre actuel, l'ajustement des marchés qu'il nécessite ne devrait pas être immédiat mais devrait plutôt s'envisager progressivement dans un marché en permanente adaptation. C'est la raison pour laquelle l'analyse doit être menée dans un contexte dynamique.

      2.3.1. La tarification de la terminaison d'appel en référence aux coûts incrémentaux
      permet l'enrichissement des offres et la stimulation des usages pour les consommateurs

      Le passage d'une régulation en référence aux coûts complets à une régulation en référence aux coûts incrémentaux implique que la structure des offres de détail mobile sera probablement à terme différentes, les opérateurs les ayant progressivement réexaminées et adaptées à ces nouvelles conditions tarifaires de gros. Le changement de concept de coûts n'est donc pas neutre pour les consommateurs.
      Innovation, stimulation des usages et baisse globale des prix :
      Ainsi qu'esquissé précédemment, une régulation des tarifs de terminaison d'appel mobile en référence aux coûts incrémentaux devrait rétablir les bons signaux de coûts sur les marchés de gros concernés, limitant les distorsions artificielles de prix sur les marchés de détail (on-net / off-net, fixe vers mobile / mobile vers fixe), permettant le développement d'offres d'abondance à destination de tous les réseaux (all-net) et/ou depuis les réseaux fixes et d'offres de convergence, libérant ainsi les usages.
      En rétablissant les bons signaux de coûts sur les marchés de gros concernés, les tarifs étant ramenés aux seuls coûts encourus par l'opérateur concerné pour la fourniture de la terminaison d'appel, une régulation en référence aux coûts incrémentaux devrait plus précisément induire un nouvel équilibre entre accès et trafic, et moins de subventions croisées et de transferts entre consommateurs. Alors que la partie abonnement , implicite aujourd'hui, pourrait être plus explicite, le prix à la minute des appels devrait baisser, permettant de rétablir également aux clients les bons signaux de coûts et donc de les inciter à adopter des comportements de consommation plus efficaces.
      Globalement, cela devrait avoir pour conséquence une plus grande satisfaction des consommateurs, une augmentation des volumes de communications et une baisse globale des tarifs.
      En effet, le surcoût actuel de certaines communications a pour conséquence une sous-consommation d'appels, liée à des comportements de restriction de la part des consommateurs en position d'appelant mais aussi en position d'appelé. En particulier, actuellement, les utilisateurs de téléphonie fixe limitent les appels à destination des réseaux mobiles. Ce phénomène est relativement fort chez les clients des fournisseurs d'accès à Internet ne disposant pas pour la plupart d'appels vers les mobiles inclus dans leur forfait. Ainsi seulement 4 % des appels émis depuis une ligne de voix sur large bande ont pour destination un mobile (29). De plus, les usagers mobiles appelés par une ligne fixe cherchent à limiter les frais de leur correspondant : 45 % d'entre eux écourtent la conversation et 37 % proposent souvent à leur correspondant de les rappeler, souvent voire systématiquement (30). La baisse des tarifs des appels fixe vers mobile ou l'inclusion des communications fixe vers mobile dans les forfaits des opérateurs fixes devraient ainsi par exemple assouplir et développer les usages sous-jacents, pour une meilleure satisfaction des consommateurs.
      Un impact limité sur les petits consommateurs :
      A première vue, cette réorganisation de la structure tarifaire, et notamment la diminution des subventions croisées entre consommateurs, pourrait pénaliser les clients qui émettent globalement moins d'appels qu'ils n'en reçoivent (clients dits asymétriques ). En effet, en analyse statique, les offres concernant ces clients seront moins rentables pour les opérateurs, lesquels pourraient alors avoir une incitation à augmenter leurs tarifs. Or, les clients plus fortement asymétriques sont plutôt les petits consommateurs , c'est-à-dire les consommateurs émettant relativement peu d'appels et donc la facture est relativement basse.
      Les opérateurs affirment par exemple que certaines cartes prépayées, qui semblent actuellement équilibrées économiquement grâce notamment aux revenus d'interconnexion, pourraient voir leur rentabilité diminuer, ce qui impliquerait un réajustement à la hausse de leur prix et/ou un réajustement à la baisse de leur durée de validité. Une part de la clientèle actuelle pourrait ainsi être pénalisée, voire exclue du marché.
      Ainsi, Orange France cite une étude du cabinet Frontier economics (31), qui affirme qu'à l'échelle de l'Union Européenne, l'établissement des terminaisons d'appel mobile à 2 c€/min se traduirait pas une baisse de la pénétration en Europe de 9 % . SFR estime que, selon la théorie économique du waterbed effect (32), une baisse des tarifs de terminaison d'appel se traduit, toutes choses égales par ailleurs, par une hausse des prix, et que ces hausses seront d'autant plus importantes que les clients reçoivent relativement plus d'appels qu'ils n'en émettent, ce qui est le cas des clients les plus modestes .
      Si Bouygues Telecom estime également que ce risque existe, il précise en revanche que si une période de transition suffisante est mise en œuvre, le marché sera capable d'adapter la structure de ses offres aux nouvelles conditions, et de trouver des solutions adaptées pour éviter l'exclusion de ces petits consommateurs.
      Tout d'abord, l'Autorité tient à souligner ici que le passage aux coûts incrémentaux remet en cause l'équilibre économique des offres pour les consommateurs asymétriques dans leurs communications off-net, c'est-à-dire caractérisés par un volume entrant off-net supérieur à un volume sortant off-net, et non pour les consommateurs simplement asymétriques.
      Dès lors, l'impact statique (33) sur ces offres est d'autant plus faible pour les plus gros opérateurs qu'ils ont un faible volume off-net. De plus, l'impact d'une baisse des tarifs de terminaison d'appel sur l'équilibre économique des offres est d'autant moins fort que le coût d'accès au réseau supporté par l'opérateur est faible. Il est donc moins important chez les plus gros opérateurs, qui, du fait de leur part de marché, ont un coût fixe moyen par client moins élevé.
      Par ailleurs, l'Autorité estime que les conclusions précédentes reposent sur une analyse statique du marché, qui n'est pas adaptée. Il est nécessaire au contraire de raisonner en analyse dynamique.
      De fait, l'adaptation des comportements des opérateurs mobiles aux conséquences du choix d'un nouveau concept de référence tarifaire n'a pas de raison d'être restreinte à une réaction à une simple baisse ou hausse des prix. Les opérateurs ont à leur disposition de multiples leviers d'ajustement pour s'adapter aux nouvelles conditions tarifaires sur les marchés de gros et restructurer leurs offres de détail. Outre le prix facial des offres, ils peuvent agir sur la durée de l'abonnement ou de la validité de la carte en entrant, sur l'équilibrage entre le prix à la minute des communications et celui de l'accès (une forme d'abonnement). Ils peuvent modifier leur politique de subventionnement des terminaux ou de distribution. Ils peuvent enfin modifier le système de marges sur l'ensemble de leurs offres, et non offre par offre.
      Ainsi, le marché est en permanente adaptation, comme on a pu le voir au cours des années passées, où les précédentes baisses tarifaires de terminaison d'appel (― 50 % sur le cycle d'analyse de marché passé) ont été absorbées par le marché, sans entraîner une disparition des offres du bas de marché , avec à l'inverse une hausse de la pénétration (hors saisonnalité) et une légère baisse du prix moyen par minute.
      En effet, mis à part une refonte de la gamme prépayée d'Orange intervenue à l'été 2006, l'Autorité relève que les cartes prépayées classiques proposées par les autres opérateurs depuis 2005 n'ont pas été modifiées malgré les baisses successives des tarifs de terminaison d'appel. Alors que, sur la période, les niveaux de tarifs de terminaison d'appel ont baissé de plus de 40 %, le prix de ces cartes, les tarifs associés aux différents services ― et par suite la durée de communication proposée ― n'ont pas changé. Il en est de même pour la durée de validité de ces cartes. Si Orange a refondu ses offres de cartes prépayées à l'été 2006 avec pour conséquence un ratio prix/durée de validité moins intéressant pour le consommateur, l'opérateur n'en a pas pour autant supprimé les cartes les moins chères et a au contraire enrichi sa gamme prépayée d'une recharge à 5 € et d'un bonus permettant de passer des appels en illimité vers un numéro Orange le mois suivant pour tout rechargement de plus de 30 € dans le mois.
      Ainsi, le passé montre qu'une baisse du tarif de terminaison d'appel n'entraîne pas systématiquement la hausse des tarifs ni la disparition des offres prépayées. Au contraire, l'Autorité note qu'en matière de SMS, la baisse du tarif de gros intervenue à l'été 2006 a permis l'enrichissement des offres prépayées, avec notamment l'apparition de cartes avec SMS illimités tous opérateurs. Ces cartes sont aujourd'hui proposées par tous les opérateurs. Parallèlement, un opérateur a développé depuis avril 2007 des options SMS instantanées pour les clients du prépayé (exemples : option SMS illimités le jour de la souscription à 3 €, option 100 SMS offerts pour 1 SMS envoyé à 8 €). Outre ces recharges et ces options, les opérateurs ont mis en place depuis 2006 des promotions ponctuelles réservées aux nouveaux clients ou aux gros consommateurs du prépayé, comme par exemple des SMS illimités vers 1 numéro pendant 30 jours pour tout rechargement de plus de 30 € dans le mois, ou des SMS illimités pendant 20 jours pour tout nouveau client. Ces promotions se sont développées en parallèle pour la voix mais l'Autorité note qu'elles restent à ce jour limitées aux appels on-net et vers les fixes. Une baisse des tarifs de terminaison d'appel voix pourraient donc induire un enrichissement des offres prépayées, comme cela a été constaté pour les services SMS.
      L'Autorité constate également que les précédentes baisses des tarifs de terminaison d'appel n'ont pas eu d'effet sur la pénétration mobile, qui a augmenté sur la période. Le taux de pénétration actif en métropole est en effet passé de 73,8 % à 85,3 % entre juin 2005 et juin 2008. Il existe encore aujourd'hui des relais de croissance sur la 3G, qui aideront le marché à absorber un changement des conditions tarifaires sur les marchés de gros.
      Ainsi, au regard de l'affrontement actuel de visions divergentes sur l'existence et l'ampleur du waterbed effect, l'Autorité ne souhaite pas se prononcer à ce stade sur son application au cas du marché de détail mobile métropolitain mais note qu'elle n'est pas prouvée. Elle note également que, si l'analyse empirique de Genakos et Valetti (34) visant à tester cette théorie semble montrer une hausse des tarifs de détail suite à l'introduction d'une régulation des tarifs de terminaisons d'appel, elle montre également que cette hausse affecte principalement le post-payé. Sans se prononcer sur la pertinence de la modélisation de l'équilibre concurrentiel retenue, l'Autorité note que cette conclusion va ainsi à l'encontre de l'impact principal annoncé par les opérateurs.
      Au demeurant, alors qu'aujourd'hui les petits consommateurs paient leurs consommations à la minute à un prix relativement élevé au regard de la moyenne du marché compte tenu de l'abonnement implicite intégré dans les tarifs des communications, il n'est pas exclu qu'une grande partie d'entre eux pourraient au contraire bénéficier d'une nouvelle structure d'offre fixant explicitement une facturation périodique minimum pour rémunérer l'accès au réseau, associée à un prix à la minute de la communication beaucoup plus faible, ce qui pourrait de fait leur permettre de consommer plus de minutes sortantes pour une dépense donnée.
      L'Autorité note à cet égard que les opérateurs n'ont pas intérêt que la pénétration baisse et devraient, sous réserve de leur capacité à segmenter, ajuster leurs offres de manière que tout client leur apportant une marge positive, même avec une rentabilité inférieure, reste sur le marché (35), de manière à participer au financement des coûts fixes du réseau.
      Enfin, face à une restructuration potentielle des offres de détails des opérateurs de réseau, et notamment des offres prépayées ou du bas de marché, l'Autorité souligne que les MVNO pourraient exercer une force de rappel. En effet, ceux-ci sont déjà présents sur le bas de marché et sont relativement insensibles au niveau du tarif de terminaison d'appel puisqu'ils achètent uniquement des minutes sortantes en gros à leur opérateur hôte.
      Le tarif de terminaison d'appel n'a pas vocation à être un outil de politique redistributive :
      Tout d'abord, l'Autorité juge utile de préciser qu'il est erroné d'assimiler petits consommateurs et petits revenus , et donc d'assimiler les consommateurs asymétriques aux consommateurs à revenus modestes.
      Elle note qu'il existe deux catégories de petits consommateurs , correspondant aux deux types de consommations : en prépayé et en postpayé. Or, le prépayé est avant tout un mode de consommation attirant les personnes ne souhaitant pas contraindre la régularité de leurs dépenses de téléphonie mobile. Ce type de consommation présente principalement une dimension générationnelle, les seniors étant surreprésentés dans la clientèle du prépayé : 32 % des seniors équipés de mobile sont clients de cartes prépayées contre 21 % de la population totale (36). La seconde catégorie de petits consommateurs correspond aux clients des petits forfaits, principalement les comptes bloqués, qui sont principalement souscrits, à l'inverse, par les jeunes générations, les parents de jeunes et adolescents payant leur abonnement et désirant en contrôler le montant. Rien n'indique donc que les personnes payant ces offres de petits consommateurs soient plus modestes que les autres.
      En tout état de cause, si les niveaux des tarifs de terminaison d'appel actuels avaient pour conséquence de permettre à une partie de clients modestes d'accéder au marché de la téléphonie mobile via la subvention des consommateurs asymétriques par les plus gros consommateurs, ça n'est pas l'objectif de la régulation tarifaire de la terminaison d'appel. Celle-ci vise à soutenir une concurrence loyale entre opérateurs et permettre le développement efficace des marchés au bénéfice des consommateurs. Elle répond donc à une problématique concurrentielle et économique et n'est pas adaptée pour répondre à une problématique de redistribution.
      De fait, une politique redistributive indirecte via le niveau des tarifs de terminaison d'appel, visant à subventionner les revenus modestes, ne serait pas efficace en ce qu'elle n'atteindrait qu'une partie de la cible visée, et subventionnerait à l'inverse de nombreuses personnes n'étant pas dans la cible. Par exemple, 13 % des cadres et professions intellectuelles achètent des cartes prépayées (37). Enfin, une politique de tarifs de terminaison d'appel hauts maintiendrait les problèmes concurrentiels, biaiserait les consommations et limiterait le développement du marché, et serait donc inefficace économiquement.
      L'introduction de tarifs sociaux en téléphonie mobile constituerait à ce titre une politique redistributive efficace car ciblant directement les revenus modestes, sans par ailleurs induire les problématiques concurrentielles, détaillées plus haut, liées à une tarification de la terminaison d'appel supérieure à ses coûts incrémentaux.
      L'Autorité note par ailleurs que l'article 111 de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie (38) permet l'établissement d'une convention entre l'Etat et les opérateurs mobiles qui proposeraient des tarifs sociaux aux personnes ayant un revenu modeste.

      2.3.2. La tarification de la terminaison d'appel en référence aux coûts incrémentaux permet le rétablissement
      d'une concurrence saine entre les acteurs sans réduire les incitations à l'investissement, y compris en matière de couverture du territoire

      Ainsi qu'il a été développé au 2.2, une régulation du tarif de terminaison d'appel en référence aux coûts incrémentaux devrait limiter les distorsions de concurrence entre opérateurs mobiles, ainsi qu'entre opérateurs mobiles et fixes.
      Ainsi, la concurrence ne sera plus faussée au détriment des plus petits opérateurs mobiles et des opérateurs fixes, ce qui devrait stimuler le jeu concurrentiel sur le marché mature de la voix, les petits opérateurs pouvant être agressifs commercialement sans participer au financement des coûts fixes ou des inefficacités de leurs concurrents, et stimuler le développement d'offres d'abondance et de convergence, qu'elles soient techniques ou commerciales.
      Un rééquilibrage sain des flux financiers entre opérateurs :
      Le passage aux coûts incrémentaux diminue également fortement la distorsion de concurrence entre opérateurs intégrés et opérateurs non intégrés, puisque les premiers peuvent internaliser en partie leurs soldes d'interconnexion fixe mobile et ainsi moins subir le niveau élevé des tarifs de terminaisons d'appel en coûts complets. Or, au-delà du contexte de convergence, au moment où les opérateurs fixes investissent dans le déploiement d'une nouvelle boucle locale en fibre il est important que la concurrence ne soit pas faussée entre opérateurs fixes intégrés ou non.
      Quant aux conséquences de la disparition des transferts entre opérateurs évoqués précédemment et par suite le rééquilibrage financier occasionné, on s'aperçoit naturellement que cela favorisera le petit opérateur mobile et les opérateurs fixes tandis que l'impact restera limité sur les deux principaux opérateurs mobiles. Le solde financier d'interconnexion mobile à mobile du plus petit opérateur qui est très négatif, se redressera et permettra à terme la disparition de l'asymétrie tarifaire. Au-delà de cet effet sur Bouygues Telecom, l'effet principal pour le secteur se concentre sur les flux financiers que les opérateurs fixes versent aux opérateurs mobiles. A titre d'ordre de grandeur, une baisse de 1c€ correspondrait, toutes choses égales par ailleurs, à une perte pour les opérateurs mobiles de l'ordre de 125 millions d'euros (39), soit environ 1,5 % de leur EBITDA (40). Cet effet est d'autant plus faible que l'on tient compte des regroupements Orange-France Télécom d'un côté et SFR-Neuf de l'autre.
      Dans leurs réponses à la consultation publique de septembre 2008, les opérateurs mettent en avant le risque d'un développement massif du call-back (41) dans l'optique d'une tarification en référence aux coûts incrémentaux. Si Bouygues Telecom demande simplement une période de transition pour adapter leurs offres au nouveau concept, Orange et SFR redoutent un impact non négligeable sur leur chiffre d'affaires. Orange craint par exemple que le phénomène observé sur les publiphones, contraignant France Télécom à surtaxer les appels entrants, se reproduise sur le segment du prépayé en mobile.
      L'Autorité reste relativement sceptique quant à l'ampleur de ce phénomène. D'abord, elle note que l'espace économique est à ce jour déjà important pour que de telles offres se développent et que ce phénomène ne semble pas s'être développé massivement, ou même au-delà d'une consommation de niche. De fait, les services de call-back requièrent bien souvent l'installation d'un logiciel sur le mobile, à condition toutefois que le système d'exploitation soit ouvert (environ [SDA] (42) des terminaux vendus). Au demeurant, l'utilisation d'un service de call-back nécessite de toute façon l'accès à un réseau mobile, ce qui doit permettre à l'opérateur mobile de recouvrer ses coûts d'accès via le prix de la carte prépayée, et si la rentabilité de chaque minute entrante diminue avec la référence en coûts incrémentaux, elle n'en reste pas moins positive pour l'opérateur.
      La tarification de la terminaison d'appel en référence aux coûts incrémentaux n'aura pas d'impact négatif sur l'investissement :
      Au contraire elle permet de rétablir les bons signaux de coûts permettant des investissements efficaces et une utilisation efficace des ressources, en particulier du spectre.
      Comme le soulignent Free et UFC-Que choisir dans leurs réponses à la consultation publique de septembre 2008, le passage au concept de coûts incrémentaux libère les capacités d'investissement des opérateurs actuellement pénalisés par des tarifs de terminaison d'appel mobile trop élevés : c'est le cas des opérateurs fixes qui sont pénalisés pour leurs investissements dans le déploiement de la boucle locale fibre ; c'est également le cas du petit opérateur mobile qui est pénalisé par son solde d'interconnexion avec ses concurrents.
      En outre, une tarification en référence aux coûts incrémentaux rémunère les opérateurs pour les coûts d'investissement induits par la fourniture de la terminaison d'appel. Il n'y a donc pas de phénomène de passager clandestin.
      En particulier, le tarif de terminaison d'appel n'est pas un outil d'incitation à la couverture du territoire :
      Orange et SFR affirment que le passage aux coûts incrémentaux va diminuer l'incitation à couvrir le territoire.
      Selon SFR, cette mesure reviendrait à récompenser les opérateurs qui investissent le moins dans le réseau et qui visent une couverture minimale du territoire : en effet, les opérateurs ne couvrant qu'une partie limitée du territoire pourraient bénéficier de la meilleure couverture des opérateurs des personnes appelés par leurs clients sans pour autant y contribuer. Cela limiterait donc mécaniquement l'intérêt pour les opérateurs de couvrir au mieux le territoire national.
      Selon Orange, en supposant que le rééquilibrage entre le coût d'accès, susceptible d'augmenter, et le coût unitaire de la minute, susceptible de baisser, va conduire à une forfaitisation des offres, les opérateurs n'auront plus intérêt à développer leur réseau. En effet, le supplément de trafic obtenu grâce à l'extension du réseau ne serait pas profitable aux opérateurs mobiles, qui ne facturerait pas les minutes sortantes supplémentaires et ne recevraient qu'un faible revenu de terminaison d'appel pour les minutes entrantes off-net supplémentaires.
      L'Autorité souligne à ce sujet que l'équation économique d'une zone blanche est beaucoup moins sensible au trafic que celle d'une zone dense.
      Il ne faut également pas oublier que le niveau de couverture est un élément capital pour l'image des opérateurs et qui influence en tout premier lieu les consommateurs dans le choix des offres de téléphonie mobile : selon une enquête de 2007 (43), la qualité du réseau est un critère important voire essentiel pour 96 % des personnes interrogées et ce critère arrive très largement en première position.
      En outre, la couverture du territoire n'évolue plus, aux niveaux de couverture actuels, en fonction de la rentabilité économique d'une zone, ce niveau ayant déjà été dépassé, du fait des obligations de couverture inscrites dans les licences des opérateurs ou du programme zones blanches. Le raisonnement concernant un hypothétique opérateur qui chercherait à profiter du réseau de ses concurrents pour ne faire aucun effort sur sa propre couverture paraît donc peu réaliste.
      Conclusion :
      Au regard des développements précédents, l'Autorité fait évoluer les références pertinentes des coûts de façon à mieux prendre en compte les nouvelles problématiques concurrentielles qui se posent et à mieux les harmoniser avec celles retenues pour la terminaison d'appel fixe, afin notamment de mettre en œuvre une meilleure cohérence de la régulation des marchés fixes et mobiles dans une logique de convergence.
      Ainsi, elle considère que les coûts pertinents devant servir de référence à la fixation des plafonds tarifaires au titre de l'obligation d'orientation des tarifs vers les coûts de la prestation de terminaison d'appel vocal correspondent aux coûts incrémentaux induits par la fourniture du service de terminaison d'appel dans son ensemble. Il s'agit en effet de la référence en coûts correspondant au signal efficace au regard des objectifs de l'Autorité, tel que décrits et analysés ci-dessus. En particulier, le niveau optimal à terme de tarification de la terminaison d'appel est un niveau orienté vers les coûts incrémentaux, en ce qu'il permet le développement d'une concurrence saine et loyale entre les opérateurs mobiles et qu'il entraîne une réorganisation efficace du marché globalement au bénéfice des consommateurs.
      L'Autorité note, à titre incident, que ce choix de référence est cohérent avec la proposition développée dans le projet de recommandation de la Commission européenne sur la régulation des services de terminaison d'appel fixe et mobile dans l'Union européenne, publié le 26 juin 2008 et soumis à consultation publique jusqu'au 10 septembre 2008 (44).
      Si le signal efficace correspond à des tarifs du service de terminaison d'appel reflétant les coûts incrémentaux, l'Autorité estime cependant, comme développé ci-après, qu'une application brutale du changement de concept risquerait d'être contre-productive. Une période de transition de plusieurs années vers les coûts incrémentaux de long terme doit être mise en place de manière pragmatique en cohérence avec les spécificités du secteur mobile français et les évolutions du cadre européen. Ceci apparaît nécessaire pour laisser au marché le temps de s'adapter.

      (13) A titre d'exemple, l'ensemble des coûts joints de boucle locale radio sont partagés entre les différentes prestations (voix entrante et sortante, SMS et MMS entrants et sortants, autres données entrantes et sortantes) au prorata de l'usage de la ressource radio.
      (14) Dans un tel régime, les opérateurs mobiles s'étaient mis d'accord pour ne pas se facturer de prestations de terminaison d'appel vocal entre eux. Ce régime a cessé au 1er janvier 2005. (15) Source : ARCEP, Observatoire des marchés, T1 2008.
      (16) Dans sa consultation publique sur la téléphonie fixe du 22 février 2008, l'Autorité a analysé la substituabilité, pour les communications passées depuis une position déterminée, entre les communications au départ des lignes fixes et celles au départ des lignes mobiles. Elle a alors conclu à la complémentarité des accès fixes et mobiles et à la substituabilité des communications en position déterminée depuis un accès fixe ou mobile.
      (17) Enquête sur le comportement des consommateurs finaux réalisée par téléphone auprès de 1 000 utilisateurs de téléphone mobile en France métropolitaine entre le 25 octobre et le 12 novembre 2007. L'échantillon interrogé était représentatif des utilisateurs de téléphone mobile de 18 à 65 ans selon les critères suivants : âge, sexe, opérateur, type d'abonnement (forfait ou carte prépayée), PCS du chef de ménage, taille d'agglomération, possession ou non de ligne fixe.
      (18) A la question : Pensez-vous que vous pourriez souscrire à une offre de convergence ? , 39 % des 986 personnes de l'échantillon n'ayant pas encore souscrit une telle offre répondent positivement.
      (19) Résultat de la question sur les critères de choix des offres de convergence posée aux 397 personnes de l'échantillon intéressées par ces offres. Chacun des sept critères suivants, proposés en assisté, devait être classé comme essentiel, important ou peu important : avoir des appels illimités vers les fixes depuis votre domicile ; avoir un seul interlocuteur, c'est-à-dire une seule facture et un seul service client ; avoir un seul répertoire ; avoir une seule messagerie vocale ; avoir des appels illimités vers les fixes, en dehors de votre domicile, à condition que vous soyez à proximité d'une borne Wi-Fi ; avoir un accès en illimité à internet et à la TV sur votre mobile, dès que vous êtes à proximité d'une borne Wi-Fi ; avoir des appels illimités vers l'international depuis votre domicile, ou en dehors de votre domicile, à condition que vous soyez à proximité d'une borne Wi-Fi.
      (20) A la question : Pour chacun des aspects suivants de l'offre, pouvez-vous me dire s'ils vous inciteraient à souscrire une offre de ce type ? , 59 % des 603 personnes de l'échantillon ayant répondu négativement à la question citée à la note de bas de page 18 répondent : oui probablement ou : oui, certainement pour le critère avoir des appels illimité vers les fixes depuis votre domicile .
      (21) Source : Enquête IPSOS pour le compte de l'ARCEP auprès d'usagers mobiles, novembre 2007. Sur les 847 personnes de l'échantillon ayant une ligne fixe, à la question : Vous arrive-t-il d'utiliser votre téléphone mobile à la place de votre fixe pour passer des appels lorsque vous êtes chez vous ? , 8 % répondent : oui systématiquement , 20 % répondent : oui souvent , 36 % répondent : oui occasionnellement et 37 % répondent : non jamais .
      (22) Il convient ici de préciser que la différenciation tarifaire évoquée dans la présente section n'est pas induite par l'existence d'un écart significatif entre les tarifs de gros de terminaison d'appel des opérateurs : elle existe même dans la situation où l'ensemble des terminaisons d'appel mobiles sont symétriques.
      (23) C'est-à-dire sur l'ensemble des offres de l'opérateur.
      (24) C'est-à-dire sur chaque offre de l'opérateur prise individuellement.
      (25) Dans sa décision n° 02-D-69 du 26 novembre 2002 relative aux saisines et aux demandes de mesures conservatoires présentées par la société Bouygues Telecom, l'Union fédérale des consommateurs-Que Choisir et la Confédération de la consommation, du logement et du cadre de vie, le Conseil de la concurrence relevait ainsi que : la différenciation tarifaire peut influer sur le choix des clients lors du premier achat ou d'un renouvellement, dans la mesure où ils seront désormais susceptibles de tenir compte des réseaux auxquels appartiennent leurs principaux correspondants. Ces effets sont de nature à limiter l'interopérabilité des réseaux et donc à favoriser le plus grand des parcs, les clients valorisant la possibilité d'appeler et d'être appelés par le plus grand nombre possible de correspondants.
      (26) Avis n° 07-A-05, précité.
      (27) Ce coût est artificiel au sens où il n'est pas induit par la structure de coût des opérateurs mobiles mais uniquement par le mode de facturation des relations d'interconnexion.
      (28) Avis n° 07-A-05, précité.
      (29) Source : ARCEP, Observatoire des marchés.
      (30) Source : Enquête IPSOS pour le compte de l'ARCEP auprès d'usagers mobiles, novembre 2007. Réponses à la question : Lorsqu'un proche vous appelle sur votre téléphone mobile depuis son téléphone fixe, cherchez-vous à limiter ses frais en écourtant la conversation ? , et à la question : Lorsqu'un proche vous appelle sur votre téléphone mobile depuis son téléphone fixe, cherchez-vous à limiter ses frais en proposant de le rappeler ? .
      (31) Assessing the impact of lowering Mobile TRs, juillet 2008.
      (32) Le principe du waterbed effect est le suivant : les opérateurs mobiles bénéficient de deux sources de revenus, les revenus de gros et les revenus de détail. Sous certaines hypothèses portant sur les conditions de concurrence sur le marché de détail, ce principe théorique avance que, si l'on baisse les revenus de gros, l'opérateur devra, pour compenser, augmenter ses revenus de détail.
      (33) C'est-à-dire sans ajustement des offres des opérateurs et des comportements des clients.
      (34) Testing the Waterbed Effect in Mobile Telephony, Genakos et Valleti, juin 2007.
      (35) Dans la mesure où leur capacité à discriminer les différentes catégories de clientèle n'est pas remise en cause.
      (36) Source : baromètre Novascope Consumer, mars 2008. L'étude a été réalisée avec une double approche équipements et usages du 3 au 31 mars 2008 à partir de 4 071 interviews pour les foyers et 4 687 interviews pour les individus, ces échantillons de grande taille offrant une grande finesse par catégorie. L'étude donne la constitution du parc par âge et fait ressortir que 32 % des 65 à 74 ans utilisant la téléphonie mobile ont choisi une carte prépayée.
      (37) Source : Baromètre Novascope Consumer, mars 2008. L'étude donne la constitution du parc par PCS et fait ressortir que 13 % des cadres et professions intellectuelles utilisant la téléphonie mobile ont choisi une carte prépayée. Cette même proportion est à 15 % sur l'ensemble des PCS A, contre 25 % pour les PCS B et 26 % sur les PCS C.
      (38) Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, publiée au Journal officiel de la République française n° 181 du 5 août 2008, page 12471. Son article 111 a introduit au CPCE un article L. 33-9, ainsi rédigé : Une convention entre l'Etat et les opérateurs de téléphonie mobile détermine les conditions dans lesquelles ceux-ci fournissent une offre tarifaire spécifique à destination des personnes rencontrant des difficultés particulières dans l'accès au service téléphonique en raison de leur niveau de revenu.
      (39) Sur la base des données de volume de l'Observatoire en 2007.
      (40) Source : Merrill Lynch.
      (41) Le call-back est un système qui permet de mettre en relation deux correspondants en payant deux terminaisons d'appel, à l'aide d'une plateforme qui rappelle l'initiateur de l'appel et qui appelle le destinataire. Le déclenchement de ce service peut se faire à l'aide d'un SMS ou bien à l'aide d'un logiciel téléchargé sur le mobile, et qui provoque directement le rappel automatique de manière transparente.
      (42) [SDA] : informations soumises au secret des affaires.
      (43) Source : Enquête IPSOS pour le compte de l'ARCEP auprès d'usagers mobiles, novembre 2007. Sur l'ensemble des 1 000 personnes interrogées, en assisté, 96 % considèrent le critère avoir un réseau de qualité comme important voire essentiel au moment de choisir une offre de téléphonie mobile. Chacun des 10 critères proposés est classé comme essentiel, important mais pas essentiel ou peu important. Les autres critères proposés sont : obtenir un terminal moins cher ; permettre à vos proches de vous appeler ou de vous envoyer des SMS à des prix peu élevés ; avoir des tarifs pour les minutes de communications et pour les SMS peu élevés ; avoir une durée d'engagement courte ; avoir accès à un réseau d'agences pour rencontrer un conseiller en cas de besoin ; avoir des appels ou des SMS illimités (à certaines heures ou pour certains numéros ou pour certaines destinations) ; avoir le même opérateur que vos amis ou votre famille ; avoir accès à des options spécifiques (par exemple : la 3G, les appels de l'international) ; obtenir un terminal avec des caractéristiques spécifiques.
      (44) Le projet et sa note explicative sont téléchargeables aux adresses suivantes : http://ec.europa.eu/information_society/policy/ecomm/doc/library/public_consult/termination_rates/termination.pdf et http://ec.europa.eu/information_society/policy/ecomm/doc/library/public_consult/termination_rates/explanatory.pdf.

    • 3.1. Une période de transition est nécessaire entre les deux équilibres
      3.1.1. La prévisibilité nécessaire pour le secteur

      Les tarifs de terminaison d'appel vocal mobile sont très structurants pour le secteur. Les acheteurs de cette prestation doivent donc connaître avec un préavis raisonnable ces niveaux pour construire leurs offres de détail. A cet égard, même si les opérateurs ont la possibilité de modifier leurs offres de détail afin de maintenir leur équilibre économique, ces modifications comportent un risque important pour les opérateurs dans la mesure où elles sont particulièrement coûteuses et notamment rendent possible la résiliation sans pénalité par les consommateurs des contrats pour lesquels les conditions contractuelles sont modifiées, conformément à l'article L. 121-84 du code de la consommation (45). Les modifications des conditions générales de vente des contrats déjà en vigueur restent par conséquent délicates à mettre en œuvre dans un marché mobile où l'équilibre économique des offres repose couramment sur des clauses de durée d'engagement minimal. Ces éléments justifient donc que l'Autorité s'attache à donner le maximum de prévisibilité au secteur en définissant des plafonds tarifaires explicites dans le cas de l'obligation de pratiquer des tarifs reflétant les coûts et en publiant sa décision plusieurs mois avant leur date d'application et pour une période de 18 mois.
      L'importance d'une visibilité donnée au secteur à travers une prévisibilité des tarifs de cette prestation s'inscrit de manière pleinement cohérente avec les objectifs assignés à l'Autorité, notamment celui de veiller à l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques ; au développement de [...] l'investissement efficace dans les infrastructures [...] .
      Les acteurs eux-mêmes sont demandeurs d'une telle prévisibilité sur ces tarifs.

      3.1.2. Un processus d'ajustement du marché à la nouvelle référence en coûts

      Par ailleurs, étant donné le caractère structurant pour le secteur des tarifs de terminaison d'appel vocal mobile et les contraintes associées à la modification des offres de détail citées plus haut, il convient d'appliquer des baisses proportionnées et permettant l'adaptation des offres à ces nouvelles conditions tarifaires de gros.
      En effet, l'adaptation du marché à ce changement de concept se traduira vraisemblablement par un ajustement dynamique des offres tarifaires des opérateurs et des habitudes de consommation. Ce processus d'ajustement des offres demande un minimum de temps aux opérateurs, que ce soit pour faire évoluer leurs offres (structure commerciale à adapter, études marketing complémentaires à lancer...) ou faire migrer progressivement leurs parcs de clientèle vers ces nouvelles offres. L'Autorité note en particulier que le segment du post-payé manque de fluidité. Inversement, le segment du prépayé est relativement plus fluide et peut s'adapter vite, mais est aussi relativement plus sensible aux niveaux des tarifs de terminaison d'appel compte tenu du fait que les clients de ce segment reçoivent en général plus d'appels qu'ils n'en émettent. Ainsi, les acteurs font valoir qu'un choc trop violent et rapide sur les prix pourrait déstabiliser le marché de façon inefficace, créant des opportunités de call-back ou déstabilisant les petits acteurs sur le bas de marché, notamment le segment du prépayé, au risque de réduire le degré de concurrence.
      Aussi, alors que l'Autorité estime pertinent d'envisager de réguler les tarifs de terminaison d'appel mobile en référence aux coûts incrémentaux, elle considère qu'il n'est pas réaliste de vouloir fixer immédiatement les plafonds tarifaires aux niveaux correspondant à cette nouvelle cible de coûts de référence, l'écart entre la cible et les niveaux actuels étant trop important. Une période de transition adaptée de plusieurs années semble donc nécessaire pour permettre aux opérateurs d'adapter leurs offres au nouveau concept et d'apprendre progressivement à s'adapter aux préférences des consommateurs dans ce nouveau contexte.
      Elle note que cette approche est cohérente avec celle de la Commission telle qu'indiquée dans sa recommandation du 19 septembre 2005 susvisée concernant la séparation comptable et les systèmes de comptabilisation des coûts. Elle indique en effet dans son considérant (7) : La mise en œuvre d'une méthode de comptabilisation des coûts nouvelle ou révisée peut donner à penser que les niveaux actuels des tarifs réglementés et/ou des mécanismes de régulation des prix sont inadaptés ou déséquilibrés d'une manière ou d'une autre. Si une autorité réglementaire nationale estime que des mesures correctives s'imposent, il y a lieu de prendre dûment en compte l'environnement commercial et économique afin de réduire au minimum les risques et l'incertitude sur les marchés pertinents. Ces mesures pourraient comprendre, par exemple, un étalement raisonnable dans le temps de tout ajustement des prix.

      3.2. La nécessité de maintenir une asymétrie des tarifs
      de Bouygues Telecom dans le cadre d'une période de transition

      En remarque liminaire, l'Autorité souhaite rappeler qu'elle défend le principe de symétrie des tarifs de terminaison d'appel des opérateurs qui doivent tendre à long terme vers le niveau du coût considéré comme pertinent pour la prestation de terminaison d'appel vocal mobile que supporte un opérateur efficace. En cela, elle soutient la Commission qui estime que les tarifs de terminaison devraient en principe être symétriques et que l'asymétrie, acceptable dans nombre de cas, doit être convenablement motivée . (Observations en date du 4 septembre 2006 au projet de décision n° 2006-0779 de l'ARCEP, cas FR/2006/0461.)
      L'Autorité considère que l'asymétrie, consentie de manière transitoire, ne saurait être justifiée que pour tenir compte de coûts additionnels supportés par un acteur et résultant de données d'entrée sur le marché hors du contrôle de cet opérateur, ou pour remédier, le cas échéant, à des problèmes concurrentiels résultant du processus graduel de convergence des tarifs de terminaison d'appel vers les références de coûts sous-jacentes.
      Or, l'Autorité veut précisément mettre en place une période de transition pour permettre aux acteurs (opérateurs et consommateurs) de s'adapter au changement de concept de coûts, à savoir le passage aux coûts incrémentaux. Cette transition implique alors comme corollaire immédiat le maintien sur la période en question d'une asymétrie des tarifs de Bouygues Telecom. En effet, le troisième opérateur français subit des surcoûts directs dus à l'écart entre les tarifs de terminaison d'appel et les coûts, écart d'autant plus grand que la référence devient les coûts incrémentaux. Ces surcoûts sont la première et la principale justification d'une asymétrie tarifaire transitoire.

      3.2.1. Les attributions initiales de fréquences GSM

      L'attribution des fréquences et notamment leurs modalités financières peuvent être vues comme une donnée hors du contrôle des opérateur, lorsque ces attributions n'ont pas été réalisées avec un système d'enchères. Or, les différences de coûts de réseau induites par des attributions aux opérateurs de plages de fréquences très différentes peuvent se révéler significatives.
      Ainsi, la Commission reconnaît que, dans certains cas exceptionnels, une asymétrie pourrait se justifier par des différences de coûts dont l'opérateur concerné n'a pas la maitrise. Les différences de coûts entre l'exploitation d'un réseau GSM900 et DCS1800 pourraient constituer des motifs valables (commentaire du 4 septembre 2006 au projet de décision n° 2006-0779 de l'ARCEP). Cette position est également retenue dans la position commune du GRE publiée le 12 mars 2008 sur la symétrie des tarifs des services de terminaison d'appel fixe et la symétrie des tarifs des services de terminaison d'appel mobile (46).
      En France métropolitaine, les fréquences 2G ont été allouées en fonction de leur disponibilité et réparties entre les opérateurs mobiles. Orange France et SFR se sont vu attribuer des ressources en fréquences GSM900 début 1991. Fin 1994, Bouygues Telecom a été autorisé à utiliser des ressources en fréquences DCS1800, avec lesquelles il a commencé son déploiement. Comme un site couvre une superficie du territoire plus faible avec des fréquences DCS1800 qu'avec des fréquences GSM900, Bouygues Telecom a alors dû déployer davantage de sites.
      L'accès de Bouygues Telecom aux fréquences GSM900 est quasiment comparable à celui de ses concurrents depuis juillet 2002. Il n'y a donc plus actuellement de différence significative entre les attributions de fréquences des trois opérateurs. Cependant, Bouygues Telecom supporte encore des coûts additionnels hérités de ses attributions passées, qui proviennent :
      ― du déploiement de sites sous-optimal qu'il a été contraint de réaliser, du fait que les emplacements ont été initialement prévus pour des fréquences 1 800 MHz et sont maintenant utilisés pour des fréquences 900 MHz ;
      ― de l'amortissement des coûts de transformation de sites 1 800 MHz en sites 900 MHz, transformations qui ont été réalisées ces dernières années.
      L'Autorité a modélisé les surcoûts induits par ces attributions de fréquences initialement différentes pour Bouygues Telecom par rapport à un opérateur qui aurait obtenu directement des fréquences 900. Les résultats du modèle en coûts complets donnent pour la période 2006-2011 un impact assez faible de l'ordre de 0,3 c€/min à ce jour, l'effet s'atténuant au fur et à mesure du temps.
      Avec le passage aux coûts incrémentaux, les surcoûts induits par les attributions de fréquences n'ont plus les mêmes conséquences et ne seront plus pris en compte. En effet, le supplément de trafic apporté par l'entrant off-net ne fait pour le réseau de l'opérateur de l'appelé que rajouter des besoins en capacité et non des besoins en couverture. Les fréquences 1 800 MHz sont naturellement les mieux adaptées pour répondre à ces besoins incrémentaux en capacité, surtout dans les zones denses. Or, les opérateurs ont tous accès à ces fréquences depuis l'an 2000.
      L'Autorité a annoncé lors de sa dernière analyse de marché en octobre 2007 qu'elle prendrait en compte cet effet relatif à la différence d'attribution initiale de fréquences défavorable à Bouygues Telecom pour la dernière fois dans ce cycle portant sur la période allant du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010. Elle considérait donc qu'à compter de début 2011 Bouygues Telecom aura bénéficié d'un délai suffisant pour optimiser son réseau avec les fréquences GSM dont il dispose. D'un point de vue pratique, on constate que l'annulation, du fait du passage aux coûts incrémentaux, de l'effet relatif à la différence d'attribution initiale de fréquences coïncide temporellement avec l'atténuation de cet effet dans le cadre des coûts complets, ce qui permet une transition naturelle sans porter préjudice aux opérateurs.

      3.2.2. Le délai d'entrée sur le marché de détail

      Un opérateur entré tardivement sur un marché a, à un instant donné, une part de marché plus faible que ses concurrents lancés depuis plus longtemps. Or, pour entrer sur le marché, il doit déployer un réseau présentant une couverture minimale, compatible avec les attentes de ses clients potentiels. Ainsi, cet opérateur supporte un coût fixe qu'il ne peut amortir, au début de son activité, que sur un nombre faible de clients et un volume de trafic restreint. Mécaniquement, lorsque les coûts complets sont la référence, le niveau de coût qui est alloué à la terminaison d'appel vocal est très élevé par rapport à ceux de ses concurrents. Ces coûts supplémentaires liés à l'absence d'effets d'économies d'échelle peuvent d'ailleurs se révéler significatifs.
      Les états de coûts audités font apparaître des surcoûts pour Bouygues Telecom, sans qu'il soit toutefois possible d'évaluer dans quelle mesure ces différences sont attribuables à des différences d'économies d'échelle ou à d'autres facteurs, par exemple relatifs à des différences d'efficacité.
      L'Autorité a précisé dans son analyse de marché d'octobre 2007 qu'elle ne considère pas que les coûts supplémentaires résultant de différences d'économies d'échelles constituent en eux-mêmes une justification d'un différentiel des tarifs de terminaison d'appel d'un opérateur. En cela, elle rejoint la position de la Commission qui affirme que le fait qu'un opérateur mobile soit entré sur le marché plus tard et a donc une part de marché plus petite ne peut justifier un tarif de terminaison plus élevé que pour une période transitoire limitée. Le maintien d'un tarif de terminaison plus élevé ne serait pas justifié après une période suffisamment longue pour que l'opérateur s'adapte aux conditions de marché et devienne efficace ; elle pourrait même décourager les petits opérateurs de chercher à accroitre leur part de marché. Le fait qu'un opérateur soit entré plus tard ne peut justifier une asymétrie sur son niveau de terminaison d'appel que dans la mesure où, pour des raisons exogènes, il a été dans l'impossibilité d'acquérir une part de marché comparable à celle de ses concurrents.
      L'Autorité a souligné que l'appréciation de la prise en compte des surcoûts associés à des économies d'échelles inférieures pour Bouygues Telecom repose sur de nombreux critères ou indices, souvent à nuancer (marché de croissance et non de renouvellement au moment de l'entrée certes tardive de Bouygues Telecom, condamnation pour entente par le Conseil de la Concurrence [47]...), et qu'au final cette appréciation reste intrinsèquement très subjective.
      Le modèle bottom-up développé par l'Autorité permet de faire varier la part de marché d'un opérateur générique efficace et la demande à laquelle il répond. On peut ainsi observer les différences de coûts directement imputables à des différences d'économies d'échelles. Le modèle fait apparaître la relation suivante pour un opérateur générique efficace entre part de marché et coût unitaire de terminaison d'appel : un opérateur qui dispose de 18 % de part de marché supporte en coûts complets 34 % de coûts supplémentaires par rapport à un opérateur qui bénéficie d'une part de marché de 33 %. Selon le modèle bottom-up, les effets de parts de marché induisent donc des différences d'économies d'échelles comprises entre 0,49 c€/min et 1,18 c€/min, suivant la référence retenue : opérateur générique ou opérateur réel, part de marché de l'opérateur associée à une consommation moyenne ou à la consommation réelle de ses clients (les différences de consommation entre les opérateurs modifient significativement les effets d'échelles dus à la simple part de marché).


      Vous pouvez consulter le tableau dans le JO
      n° 23 du 28/01/2009 texte numéro 97


      Coût complet unitaire alloué à la TA vocale d'un opérateur générique efficace en fonction de sa part de marché
      (la référence de 100 % de coûts correspond à la référence d'un opérateur à 33 % de part de marché)

      L'Autorité a déjà étudié l'horizon temporel d'une prise en compte des effets d'économies d'échelles en fonction du délai d'entrée sur le marché de détail. Cette analyse faisait ressortir que le marché mobile français semble être particulièrement peu fluide (69 % des clients en post-payé dont seulement 21,1 % sans engagement en juin 2008, avec un faible taux de churn (48), et qu'il est donc difficile pour un opérateur de gagner des parts de marché. De plus, la portabilité du numéro était peu effective jusqu'en mai 2007 (processus relativement long et organisé en double guichet ), limitant le churn en créant un coût de changement d'opérateur important. L'introduction de la portabilité du numéro à simple guichet qui facilite les démarches de résiliation et de portage des numéros mobiles est toutefois susceptible d'induire une dynamique nouvelle sur le marché et de nuancer ainsi cet état de fait avec environ 2 millions de numéros portés depuis 2003 désormais. Cependant, le succès de la portabilité du numéro à simple guichet a certes un effet prépondérant sur le taux de résiliation avec portage du numéro mais un effet beaucoup plus mesuré sur le taux global de résiliation. Avec un taux de churn de l'ordre de 15 % (celui du post-payé actuellement), Bouygues Telecom atteindrait une part de marché de 30 % en 2013 s'il capte un tiers des clients qui changent d'opérateur.
      Avec le passage aux coûts incrémentaux, les surcoûts dus aux différences d'économies d'échelles disparaissent. En effet, en première approximation, on s'affranchit du coût fixe de couverture, quelle que soit la part de marché ou la demande pour un opérateur donné.
      Les tests effectués à l'aide du modèle bottom-up semblent même indiquer que le coût incrémental n'est pas plus élevé pour un opérateur générique ayant la part de marché de Bouygues Telecom que pour un opérateur générique avec 33 % de part de marché. Ceci peut s'expliquer par le fait que l'incrément représenté par le trafic entrant ne nécessite pas beaucoup d'investissements supplémentaires car le réseau est déjà probablement surdimensionné avec la seule couverture, notamment dans les zones peu denses. Ainsi l'incrément de trafic permet une meilleure rentabilisation du réseau.
      En conclusion, les surcoûts associés au délai d'entrée sur le marché de détail ne semblent plus vraiment significatifs si on se place en référence aux coûts incrémentaux, de même que les surcoûts liés aux différences d'attributions initiales de fréquences. Le point essentiel justifiant le maintien d'une asymétrie des tarifs de Bouygues Telecom reste donc l'écart entre les tarifs de terminaison d'appel et les coûts pertinents associés.

      3.2.3. Le problème concurrentiel résultant de la combinaison de l'existence de déséquilibres de trafic
      et du caractère progressif d'orientation des tarifs vers le niveau de coût pertinent

      L'analyse de l'Autorité a montré au chapitre 2 que l'avènement des offres d'abondance on-net présente un risque de déséquilibres économiques importants au profit d'opérateurs disposant des plus grands parcs de clients, et que ces déséquilibres sont d'autant plus importants que le niveau de tarif de terminaison d'appel fixé est éloigné des coûts de l'opérateur.
      Dans un marché présentant une forte dissymétrie en termes de parts de marché comme le marché français, le potentiel d'attractivité des offres d'abondance on-net est particulièrement contrasté et contribue ainsi à une dynamique commerciale favorable aux opérateurs ayant les parts de marché les plus élevées. En effet, toute chose égale par ailleurs, le consommateur préférera souscrire à une telle offre auprès de l'acteur ayant la part de marché la plus forte pour maximiser la probabilité d'avoir des correspondants principaux relevant du réseau en cause. Pour répliquer de telles offres de façon pertinente, un opérateur qui dispose de parts de marché plus réduites devra donc proposer des offres d'abondance en on-net et off-net. Par ce choix, il attire des clients qui émettent plus d'appels sortants off-net qu'ils ne reçoivent d'appels entrants en provenance d'autres réseaux. Il subit donc, au final, un déséquilibre de trafic défavorable vers chacun de ses concurrents.
      Ce déséquilibre de trafic entrant/sortant n'introduirait nullement de biais concurrentiel si la prestation de gros de terminaison d'appel vocal mobile était tarifée au niveau des coûts tels qu'internalisés par les opérateurs lorsqu'ils composent leurs offres tarifaires de détail, en particulier des offres on-net, car, dans ce cadre, il n'y aurait pas de différence entre les équations économiques sous-tendant l'équilibre financier d'une offre on-net ou d'une offre off-net.
      En effet, le coût internalisé par un opérateur qui construit une offre on-net est l'accroissement anticipé de ses investissements pour augmenter la capacité de son réseau afin d'acheminer le trafic additionnel généré par cette offre. Ces coûts correspondent par exemple aux coûts de densification en stations de base qu'il sera nécessaire de mettre en service pour assurer la capacité nécessaire à l'acheminement de ce nouveau trafic.
      Un opérateur tiers qui veut proposer la même offre que cet opérateur, c'est-à-dire en visant comme appelés les clients de cet opérateur, doit proposer, lui, une offre off-net et supportera alors les tarifs de terminaison d'appel fixé par cet opérateur, qui se traduit par un paiement impactant directement sa trésorerie. L'équation économique intervenant dans la construction de l'offre off-net de l'opérateur tiers est directement reliée au niveau de tarif de la terminaison d'appel.
      Cependant, aujourd'hui la prestation de gros de terminaison d'appel vocal mobile est tarifée significativement au-dessus du niveau de ses coûts. Un biais concurrentiel apparaît sous la forme d'un flux financier inter-opérateurs important en provenance des opérateurs qui produisent plus d'appels sortants que d'appels entrants, et qui, pour les raisons de différences d'attractivités des offres on-net présentées précédemment, sont les opérateurs avec les plus petites parts de marché. Ce biais concurrentiel est d'autant plus problématique que le flux financier relatif à des prestations de gros d'interconnexion est réalisé entre des opérateurs directement concurrents sur le marché de détail.
      Sur le marché français, depuis 2005, les opérateurs mobiles Orange et SFR ont fait apparaître et renforcé sur le marché de détail leurs offres d'abondance à effet de réseau, i.e. des offres de communication permettent d'appeler un certain nombre de clients (3, 4, 5, etc.), voire l'ensemble des clients du seul opérateur qui commercialise les offres pour un prix forfaitaire indépendant du nombre et de la durée des appels. Ces offres peuvent aussi inclure la possibilité d'appeler les numéros fixes de façon illimitée.
      Sur la base d'informations transmises à sa demande par les opérateurs, l'Autorité a constaté l'existence d'un déséquilibre de trafic très significatif entre Bouygues Telecom et ses concurrents. L'Autorité estime que ce déséquilibre a effectivement été induit par la succession des faits relatifs aux stratégies commerciales des opérateurs qu'elle a précédemment évoquée. Un solde de trafic négatif apparaît nettement entre Bouygues Telecom, d'une part, et Orange et SFR, d'autre part. Bouygues a ainsi généré en 2007 un trafic sortant de [SDA] milliards de minutes vers les réseaux d'Orange et SFR et a reçu un trafic entrant de [SDA] milliards de minutes. Le solde de trafic sortant-entrant atteint donc [SDA] milliards de minutes.
      Ce déséquilibre de trafic, si la terminaison d'appel était tarifée aux coûts incrémentaux de référence (ordre de grandeur de 1,5 c€ par minute pour ce coût incrémental), représenterait un flux financier de [SDA] millions d'euros de Bouygues Telecom vers ses concurrents. En réalité, le solde financier d'interconnexion versé par Bouygues Telecom aux autres opérateurs mobiles sur cette période était de [SDA] millions d'euros. Si Bouygues n'avait pas bénéficié d'une différenciation tarifaire, le solde d'interconnexion aurait atteint [SDA] millions d'euros en 2007.
      Orange France et SFR estiment que Bouygues Telecom a lancé son offre illimitée vers tous les opérateurs pour se différencier avec une offre plus haut de gamme, mais que c'est un simple choix commercial et que Bouygues Telecom dispose de possibilités de réplique sur les autres segments de marchés. Ce dernier conteste cette analyse en affirmant que ses concurrents sont beaucoup plus rentables que lui sur les offres d'entrée de gamme, notamment en raison de l'écart entre les tarifs et les coûts de terminaison d'appel.
      Compte tenu de l'ensemble des éléments précédemment exposés et de la mise en évidence de ce problème concurrentiel structurant pour le jeu des acteurs, qui résulte de la combinaison de l'existence de déséquilibres de trafic et du caractère progressif d'orientation des tarifs vers le niveau de coût pertinent, l'Autorité considère qu'une différenciation des tarifs de Bouygues Telecom doit être mise en œuvre transitoirement pour tenir compte de la progressivité du processus de convergence des tarifs vers les coûts.
      L'amplitude de cette différenciation est alors corrélée aux facteurs suivants :
      ― le niveau de terminaison d'appel fixé ;
      ― le déséquilibre de trafic entrant-sortant que le plus petit opérateur subit ;
      ― le niveau des coûts réels de terminaison d'appel en référence aux coûts incrémentaux de long terme d'un opérateur générique efficace métropolitain.
      Cependant, l'Autorité souligne qu'il ne serait pas justifié de prendre en compte l'intégralité de la différence tarifaire qui résulte de ces éléments. En effet, la terminaison d'appel de Bouygues Telecom est payée à la fois par les opérateurs mobiles et les opérateurs fixes. L'atténuation de la distorsion artificielle de concurrence observée sur le seul marché mobile par une différenciation des tarifs des opérateurs mobiles induit une externalité sur les opérateurs fixes (et donc sur leurs clients). La prise en compte de cette externalité doit donc inciter l'Autorité à prendre en compte cet effet avec mesure.
      De plus, Bouygues Telecom définit sa stratégie commerciale dans un contexte de régulation formé entre autres de l'ensemble de niveaux de terminaison d'appel qui lui est connu. Lorsqu'il lance son offre illimitée vers tous les opérateurs mobiles, il est de sa responsabilité de prendre en compte les niveaux de tarifs de terminaison d'appel de ses concurrents et leur évolution probable, en fonction non seulement des niveaux de coûts qu'il anticipe mais aussi du contexte européen. Il ne peut donc prétendre à une atténuation intégrale d'un effet qu'il pouvait partiellement anticiper.
      Enfin, comme indiqué précédemment, la différenciation tarifaire est sensible aux déséquilibres de trafic on-net / off-net qui dépendent aujourd'hui et dépendront pour la période de l'analyse de marché de la stratégie commerciale, non seulement de Bouygues Telecom, mais aussi de ses concurrents. Or la prise en compte intégrale de cet effet par l'Autorité reviendrait à valider les choix stratégiques de Bouygues Telecom, et notamment leur pertinence, sur lesquels l'Autorité ne souhaite pas porter une appréciation aussi marquée. Par ailleurs, en ne prenant pas intégralement cet effet en compte, l'Autorité souhaite permettre à SFR et Orange sur la période couverte par l'encadrement tarifaire envisagé dans le présent document de proposer également davantage d'offres d'abondance off-net, qui auront pour effet de limiter les effets de déséquilibres de trafic. Cela nuancera de fait la nécessité pour l'Autorité de remédier au problème concurrentiel résultant de la combinaison de l'existence de déséquilibres de trafic et du caractère progressif d'orientation des tarifs vers le niveau de coût pertinent.
      L'Autorité confirme qu'une telle différenciation tarifaire n'a pas vocation à perdurer, dès lors que les tarifs de terminaison d'appel sont alignés sur le concept de coûts pertinents et qu'ils n'induiront ainsi plus de biais concurrentiel artificiel sur le marché de détail au détriment des opérateurs à plus faibles parts de marché. En ce sens, l'Autorité considère qu'elle est pleinement cohérente avec le principe de symétrie des terminaisons d'appel des opérateurs à long terme, qu'elle défend ainsi qu'elle l'a rappelé précédemment, à l'instar de la Commission européenne.

      3.3. Les éléments permettant de fixer le plafond tarifaire applicable à la prestation
      d'acheminement du trafic de terminaison pour la période du 1er juillet 2009 au 31 décembre 2010
      3.3.1. Le contexte européen

      Présentation de la dernière analyse comparative publiée par le GRE :
      La dernière comparaison européenne rendue publique par le GRE présente les niveaux de charge de terminaison d'appel applicables au 1er juillet 2008 :


      Vous pouvez consulter le tableau dans le JO
      n° 23 du 28/01/2009 texte numéro 97


      La France apparaît à la 7e place, que l'on considère les 27 pays de l'Union européenne, les 29 pays de l'EEE ou l'ensemble des pays pris en compte par cette analyse comparative.
      Depuis la comparaison établie au 1er janvier 2007 et présentée lors de la consultation publique de juin 2007, la France est donc passée de la 5e à la 7e place (l'Autriche et la Slovénie sont passées devant), alors même qu'est intervenue, au 1er janvier 2008, une baisse des tarifs de terminaison d'appel des opérateurs mobiles français. De fait, on peut observer qu'une baisse est également intervenue dans quasiment tous les pays de la comparaison entre celle établie au 1er janvier 2007 et celle du 1er juillet 2008, et en particulier Chypre, Finlande, Suède, Autriche, Slovénie et Roumanie.
      Mise en perspective des résultats du benchmark du GRE :
      Comme elle l'a indiqué plus haut, l'Autorité estime que cette comparaison internationale peut être de nature à éclairer les références de coûts relatives aux opérateurs français. Toutefois, il lui apparaît également pertinent, ainsi qu'elle l'a déjà souligné dans sa précédente consultation publique de juin 2007, de la mettre en perspective au regard de certaines spécificités nationales, que ces dernières résultent de décisions réglementaires, de caractéristiques intrinsèques du pays considéré, de choix faits par les opérateurs ou des comportements particuliers des consommateurs de téléphonie mobile.
      D'abord, l'analyse comparative élaborée par le GRE ne peut pas être appréhendée indépendamment de la méthodologie choisie, dans la mesure où une évolution méthodologique est susceptible d'entraîner, pour certains pays, des variations significatives des niveaux respectifs de tarifs de terminaison d'appel calculés (49).
      Par ailleurs, dans certains pays le tarif de terminaison d'appel a été basé uniquement sur une analyse comparative des tarifs pratiqués dans les autres pays, ce qui risque de créer une référence circulaire. Un nouveau benchmark pourrait éventuellement être étudié, ne tenant pas compte des pays dont le tarif de terminaison d'appel a été basé uniquement sur une analyse comparative des tarifs pratiqués dans d'autres pays européens. Cela dit, il convient de noter que cela ne modifierait pas le rang de la France dans la comparaison, seulement son écart à la moyenne, et que le niveau moyen des tarifs de terminaisons d'appel du nouvel échantillon serait inférieur à celui de la comparaison européenne présentée.
      Ensuite et surtout, l'analyse comparative du GRE, telle que publiée sur son site, offre une vision brute de la situation des tarifs de terminaison d'appel en Europe, sans toutefois analyser les spécificités nationales des pays concernés. Or une grande disparité entre pays peut, sur certains aspects, exister, emportant des effets particulièrement structurants sur le coût, l'estimation de ce coût, et, de manière induite, sur le niveau du tarif de terminaison d'appel vocal mobile fournie par un opérateur dans ce pays.
      L'Autorité rappelle ci-dessous les principaux éléments qui doivent être pris en compte lors de l'interprétation et de l'utilisation de cette comparaison européenne (50) :
      ― le prix associé à l'acquisition des autorisations d'usage de fréquences, en particulier UMTS, qui présente de grandes disparités dans des pays ayant pourtant des caractéristiques socio-économiques proches, et dont l'importance dans le coût de TA dépend également fortement de choix du régulateur, notamment relatifs au périmètre des coûts pertinents pour la terminaison d'appel, à la méthode de dépréciation retenue pour cet actif, et à l'allocation des coûts associés aux différentes prestations ;
      ― la structure de marché, qui présente également de grandes disparités en Europe et conditionne beaucoup les effets d'échelle dont chaque acteur peut bénéficier, la structure de coûts d'un opérateur mobile étant essentiellement formée de coûts fixes. Toutes choses égales par ailleurs, le coût unitaire de la prestation de terminaison d'appel fournie par un opérateur actif sur un marché très concentré sera ainsi plus faible que celui associé à la fourniture de la même prestation par un opérateur actif sur un marché avec un grand nombre d'acteurs ;
      ― le périmètre et les méthodes de comptabilisation des coûts pertinents : les références de coûts obtenues seront très différentes selon que certains coûts, par exemple les coûts commerciaux, sont imputés ou non à la prestation de terminaison d'appel, ou que la méthode d'allocation des coûts repose sur une approche de coûts complets (fully distributed costs) ou incrémentale. Les niveaux de référence de coûts obtenus dépendent de nombreux autres choix ou paramètres ― très souvent réglementaires ―, tels que la méthode de valorisation (i.e. de dépréciation) des actifs (51) ou de la valeur du coût de rémunération du capital... ;
      ― la demande : on note des différences très importantes dans la consommation par client entre les pays et en particulier, mais pas exclusivement, en ce qui concerne le nombre moyen de minutes sortantes de voix par usager, ce qui a un impact, toutes choses égales par ailleurs (notamment le nombre de clients et le déploiement géographique du réseau), un opérateur qui a de plus gros consommateurs bénéficiera d'effets d'échelle plus importants qu'un opérateur avec de plus petits consommateurs ;
      ― la couverture du pays, des disparités existant aussi bien en matière de caractéristiques intrinsèques du pays (la superficie, la densité de population, le relief, les axes de transports) et les obligations réglementaires de couverture (de la population et du territoire) ;
      ― les technologies déployées, dépendant entre autres des fréquences employées et du calendrier de déploiement, ces trois paramètres ayant des impacts importants sur le nombre et les contraintes de localisation des sites déployés, la nécessité de faire des remplacements ou mises à jour d'équipements, la vitesse d'adoption de la technologie par les consommateurs qui est fortement liée à la disponibilité et au prix des terminaux mobiles, et donc sur les structures et les niveaux de coûts induits par la fourniture d'une même prestation, la terminaison d'appel vocale mobile, lesquels peuvent ainsi être différents, non seulement entre opérateurs de différents pays mais aussi au sein d'un même pays ;
      ― les autres facilités ou obligations réglementaires : roaming national pour un nouvel entrant, accès aux points hauts, partage d'infrastructures passives ou actives...
      Depuis la consultation publique lancée le 4 septembre 2008, l'Autorité a procédé à de nouveaux tests de sensibilité afin de quantifier l'impact des différentes spécificités nationales. Ces tests confirment l'importance de prendre en compte les différences entre pays et indiquent que, dans le cadre d'une tarification en référence aux coûts complets, il est normal que la France se situe dans le bas du benchmark, notamment compte tenu de sa structure de marché et du coût relativement moins élevé des licences.
      Le tableau suivant présente les résultats obtenus à l'aide du modèle bottom-up d'un opérateur générique efficace. Les calculs sont effectués pour l'année 2008 avec un volume moyen mensuel de communications sortantes par abonné de 155 minutes par mois. Le coût de base (coûts de réseau + mark-up) de la terminaison d'appel voix pour l'opérateur générique en 2008 est de 2,64 c€. Les différents scénarios sont testés un par un, indépendamment les uns des autres et ne peuvent être additionnés ou superposés sans précaution.


      MODIFICATION

      COÛT COMPLET DE TA
      (en c€)

      IMPACT PAR RAPPORT
      à la base (en c€)

      IMPACT PAR RAPPORT
      à la base (en %)

      Coût de la licence 3G du Royaume-Uni (soit 6,5 Md€)

      4,13

      + 1,49

      + 57 %

      Présence de 4 opérateurs sur le marché (part de marché à 25 %)

      2,94

      + 0,3

      + 11,4 %

      Présence de 5 opérateurs sur le marché (part de marché à 20 %)

      3,33

      + 0,69

      + 26,3 %

      Baisse de la demande de 20 %

      2,88

      + 0,24

      + 9,3 %

      Hausse de la demande de 20 %

      2,47

      ― 0,18

      ― 6,3 %

      Absence de zones rurales à couvrir

      2,44

      ― 0,2

      ― 9 %

      Géographie similaire à celle du Royaume-Uni

      2,38

      ― 0,26

      ― 11,2 %


      Les résultats des tests présentés ci-dessus confirment l'importance quantitative des spécificités nationales et montrent en particulier qu'il est normal, dans le cadre d'une régulation en référence aux coûts complets, que la France se trouve dans le bas du benchmark européen. On s'aperçoit par exemple que l'impact de la couverture du territoire, souvent invoqué par les opérateurs français pour justifier des coûts élevés est bien moindre que l'impact du prix des licences 3G qui se répercute directement sur le coût de la terminaison d'appel en coûts complets.
      Les travaux d'harmonisation européenne :
      Bien que la majorité des opérateurs européens soient soumis à une obligation d'orientation vers les coûts, le benchmark correspond à une comparaison de tarifs et non de coûts. La mise en œuvre d'un même remède, l'orientation vers les coûts, sur des prestations comparables en Europe, peut mener à des décisions tarifaires très différentes, en raison notamment de l'utilisation de méthodologies ou de principes d'allocation très différents.
      Dans sa décision d'analyse du marché de la terminaison d'appel du 4 octobre 2007, l'Autorité a ainsi mis en évidence, au-delà de caractéristiques nationales intrinsèques (structure du marché, couverture, etc.), d'importantes hétérogénéités dans la mise en œuvre de la régulation des terminaisons d'appel, et en particulier les méthodologies de coûts (comptabilisation des coûts, le périmètre des coûts pertinents, allocation, valorisation, etc.) utilisées par les régulateurs. Ces hétérogénéités perdurent.
      Des travaux européens ont été lancés afin d'harmoniser ces différences. Le Groupe des régulateurs européens (GRE) a publié une position commune sur la symétrie des services de terminaison d'appel fixe et la symétrie des services de terminaison d'appel mobile (52).
      Celle-ci confirme notamment position de l'Autorité sur la symétrie, et en particulier le fait que les terminaisons d'appel des opérateurs à long terme doivent tendre vers le niveau du coût considéré comme pertinent pour la prestation de terminaison d'appel vocal mobile que supporte un opérateur efficace et à ce titre être symétriques, mais que des asymétries peuvent être justifiées, du fait de différences de coûts exogènes ou, temporaires, dues à un mauvais ajustement des tarifs aux coûts. L'asymétrie des tarifs de terminaison est donc, selon la position commune du GRE, acceptable, mais doit être convenablement motivée. Elle présente par ailleurs les critères d'analyse communs permettant de justifier une asymétrie, cohérents avec ceux présentés par l'Autorité dans le chapitre précédent.
      Par ailleurs, la Commission européenne a publié le 26 juin 2008 un projet de recommandation sur la régulation des services de terminaison d'appel fixe et mobile dans l'Union européenne, actuellement soumis à consultation publique jusqu'au 10 septembre 2008 (53).
      Bien que ce projet n'ait pas encore abouti à une recommandation, et n'aie donc encore ce jour de valeur juridique, l'Autorité note que la proposition de la Commission a relancé la dynamique européenne dans le sens d'une baisse des niveaux de terminaison d'appel. A cet égard, elle rappelle que la dynamique a déjà existé (les niveaux de terminaison d'appel ayant été très fortement réduit au cours des années passées), mais semblait quelque peu ralentir récemment. La démarche de la Commission européenne semble avoir réengagé le mouvement à la baisse, les déclarations les plus récentes des régulateurs en matière de régulation des terminaisons d'appel correspondant toutes à des projets de baisses des niveaux des plafonds tarifaires.
      D'ailleurs, dans sa réponse à la consultation publique de la Commission, le GRE indique qu'il partage fortement l'objectif d'assurer que les tarifs de terminaison d'appel fixe et mobile soient orientés vers les coûts et qu'il s'accorde sur le fait que cet objectif stratégique permettra de continuer à faire baisser les charges de terminaison, au bénéfice du consommateur. Il rappelle également qu'au cours des quatre dernières années les terminaisons d'appel mobile en Europe ont baissé de près de 40 %, notamment du fait des encadrements tarifaires progressifs, lesquels assurent que cette tendance se maintiendra (54).

      3.3.2. Les références de coûts

      L'Autorité a indiqué plus haut que la prise en compte des différences entre pays indiquent que, dans le cadre d'une tarification en référence aux coûts complets, il est normal que la France se situe et se maintienne dans le bas de la comparaison européenne pour ce qui est des tarifs de terminaisons d'appel, lesquels ont par ailleurs vocation à globalement baisser en Europe.
      Les données de coûts dont l'Autorité dispose au niveau national montrent également qu'il est pertinent que les plafonds tarifaires de terminaison d'appel vocal mobile en France continuent à baisser.
      Les états de comptabilisation des coûts et de revenus audités issus de la comptabilité réglementaire ainsi que les modélisations de coûts de réseaux d'un opérateur générique efficace, dont le calibrage résulte lui-même notamment d'une réconciliation avec les données de la comptabilité réglementaire, sont deux sources permettant d'obtenir des données de coûts complets ou incrémentaux.
      Pour calculer le coût incrémental de la terminaison d'appel, deux méthodes peuvent être employées :
      ― d'une part, les données issues de la comptabilité réglementaire des opérateurs entre 1999 et 2007 permettent, en utilisant des hypothèses raisonnables de taux de progrès technique et de coût moyen pondéré du capital, d'évaluer la relation entre les coûts d'un opérateur efficace et son volume de trafic, puis d'en déduire une estimation du coût incrémental d'une terminaison d'appel pour un opérateur efficace ;
      ― d'autre part, en utilisant le modèle bottom-up d'opérateur efficace métropolitain, il est possible de calculer un coût incrémental, comme la différence entre le coût total du réseau et le coût d'un réseau modélisé sans l'incrément correspondant. Cette différence peut ensuite être ramenée, le cas échéant, à la minute d'incrément. Cette méthode permet de mesurer le coût le coût incrémental de la terminaison d'appel en prenant comme incrément le trafic entrant.
      L'ensemble de ces calculs donnent des résultats cohérents et indiquent que le coût incrémental d'une terminaison d'appel d'un opérateur métropolitain se situe dans une fourchette très certainement comprise entre 1 et 2 centimes d'euro. Ce résultat provient de premières estimations et nécessitera d'être affiné ultérieurement. On peut noter que la logique incrémentale donnerait des résultats bien inférieurs pour le coût incrémental d'une terminaison d'appel fixe, ce qui résulte du fait qu'une partie de la boucle locale radio mobile (capacitaire) est sensible au trafic.
      Dans le cadre d'une tarification en référence aux coûts incrémentaux, la cible à viser au terme de la période de transition nécessaire (cf. partie 3.1) est ainsi comprise entre 1 et 2 centimes d'euro. Que cette estimation soit une fourchette qui nécessite d'être affinée ne remet donc pas en cause le fait que les tarifs actuels sont très supérieurs à la cible.
      L'Autorité note à titre incident que les plafonds tarifaires de terminaison d'appel sont aujourd'hui encore très supérieurs à une cible qui resterait fixée en référence aux coûts complets. Les sources dont elle dispose au niveau national indiquent en effet qu'en 2008 le coût complet de la terminaison d'appel d'un opérateur efficace métropolitain se situe dans une fourchette comprise entre 2,4 et 2,9 centimes d'euro. Il convient en outre de noter que les niveaux de coûts complets que l'on pourra observer en 2009 et 2010 sur le même périmètre, seront certainement inférieurs compte tenu du progrès technique et des économies d'échelle. Ainsi, il est possible d'affirmer que le coût complet de la terminaison d'appel en 2009 et 2010 sera inférieur à 3 centimes d'euros.

      3.4. Discussion sur l'encadrement tarifaire relatif aux BPN

      Concernant les tarifs applicables aux blocs primaires numériques (BPN), l'Autorité ne dispose pas d'élément nouveau par rapport à l'analyse de marché du 4 octobre 2007. Ne disposant pas de référence de coûts précise sur les BPN des opérateurs mobiles, elle choisit donc de conserver la même référence, à savoir les tarifs pratiqués par France Télécom sur son réseau fixe. Il convient néanmoins de mettre en œuvre une politique de convergence du prix des BPN de Bouygues Telecom vers ceux de ses concurrents. Elle rappelle qu'à ce jour ces prestations sont beaucoup moins structurantes que les prestations de terminaison d'appel sur le marché de l'interconnexion mobile, dans la mesure où elles représentent environ 2 % des revenus directs d'interconnexion des opérateurs mobiles. Le volume en minutes constitue à ce jour selon l'Autorité le principal inducteur de coûts de la majorité des éléments de réseau sollicités par la fourniture de la prestation de la terminaison d'appel vocal mobile. Toutefois, elle n'exclut pas que cette pratique, qui peut s'expliquer par des raisons historiques, puisse avoir vocation à être remplacée à moyen terme par une tarification ou la composante tarifaire forfaitaire au BPN, i.e. tarification à la capacité maximale de communications pouvant être terminées simultanément sur un réseau mobile et indépendante de la durée, verrait son poids relatif renforcé, voire deviendrait prépondérant.

      (45) Article L. 121-84 du code de la consommation : Tout projet de modification des conditions contractuelles de fourniture d'un service de communications électroniques est communiqué par le prestataire au consommateur au moins un mois avant son entrée en vigueur, assorti de l'information selon laquelle ce dernier peut, tant qu'il n'a pas expressément accepté les nouvelles conditions, résilier le contrat sans pénalité de résiliation et sans droit à dédommagement, jusque dans un délai de quatre mois après l'entrée en vigueur de la modification. Pour les contrats à durée déterminée ne comportant pas de clause déterminant précisément les hypothèses pouvant entraîner une modification contractuelle ou de clause portant sur la modification du prix, le consommateur peut exiger l'application des conditions initiales jusqu'au terme de la durée contractuelle. Toute offre de fourniture d'un service de communications électroniques s'accompagne d'une information explicite sur les dispositions relatives aux modifications ultérieures des conditions contractuelles.
      (46) Voir : http://erg.eu.int/doc/publications/erg_07_83_mtr_ftr_cp_12_03_08.pdf.
      (47) Décision 05-D-65...
      (48) Le taux de churn est entendu ici comme le ratio entre le nombre de résiliations et le parc.
      (49) Par exemple, la prise en compte de l'existence d'éventuelles charges d'établissement d'appel est liée au choix d'une durée de référence de trois minutes. De même, le niveau moyen de TA mobile est calculé sur la base d'une moyenne d'appels, passés soit en heures pleines ( peak ), soit en heures creuses ( off peak ), qui peut être biaisé dans le cas où le ratio appliqué pour un pays ne correspond pas à la répartition horaire réelle des appels. Enfin, le niveau moyen de TA mobile est calculé en prenant comme référence les charges d'interconnexion relatives au trafic fixe vers mobile, qui sont dans certains pays différentes des charges d'interconnexion relatives au trafic mobile vers mobile.
      (50) Pour plus de détails, elle invite le lecteur à se reporter au document de consultation publique de juin 2007 : http://www.arcep.fr/uploads/tx_gspublication/consult―ref-couts-mobiles-080607.pdf.
      (51) En France, la méthode de valorisation des actifs opposable aux opérateurs mobiles est la méthode en coûts historiques.
      (52) Position commune accessible à l'adresse internet suivante : http://erg.eu.int/doc/publications/erg_07_83_mtr_ftr_cp_12_03_08.pdf.
      (53) Le projet et sa note explicative sont téléchargeables aux adresses suivantes : http://ec.europa.eu/information_society/policy/ecomm/doc/library/public_consult/termination_rates/termination.pdf http://ec.europa.eu/information_society/policy/ecomm/doc/library/public_consult/termination_rates/explanatory.pdf
      (54) Ce document est accessible à l'adresse internet suivante : http://erg.eu.int/doc/publications/consult_term_rates/erg_08_31_rev1_resp_publ_cons_term_rates.pdf.


    • 4.1. L'avis de la Commission européenne


      Le projet de décision de l'Autorité a été notifié à la Commission européenne et aux autorités réglementaires nationales de la communauté européenne le 23 octobre 2008.
      Dans sa lettre de commentaires du 24 novembre 2008, la Commission « se félicite de l'approche adoptée par l'ARCEP qui prévoit une réduction des tarifs de terminaison d'appel au niveau des coûts incrémentaux de long terme d'un opérateur efficace, ce qui se traduira par des tarifs symétriques. La Commission prend acte du point de vue de l'ARCEP selon lequel une période de transition doit être mise en place de manière pragmatique, en tenant compte des spécificités du secteur mobile français et des évolutions du cadre européen, avant de parvenir à des TTM (tarifs de terminaison d'appel mobile) totalement fondés sur les coûts incrémentaux de long terme.
      « La Commission partage l'avis de l'ARCEP selon lequel toute asymétrie des TTM doit être temporaire, hors du contrôle du ou des opérateurs concernés et justifiée de manière appropriée par des différences de coûts objectives. La Commission constate que l'ARCEP, dans la ligne de sa décision de 2007, considère que la principale justification du maintien de TTM asymétriques en faveur de Bouygues est la distorsion de concurrence découlant des surcoûts directs supportés par cette entreprise en raison de la différence qui existe entre les TTM et les coûts efficaces sous-jacents, associée aux déséquilibres de trafic qu'elle subit par rapport à ses concurrents aux parts de marché plus importantes. À cet égard, la Commission souhaite rappeler que les déséquilibres de trafic, au lieu d'être imputables à des effets de réseau, peuvent en fait être causés par le niveau asymétrique actuel des TTM ainsi que par une différenciation des prix de détail on-net/off-net qui est du ressort des opérateurs.
      « La Commission constate en outre que l'ARCEP, tout en affirmant que les différences de coûts subies par Bouygues à cause des assignations de fréquence et d'une entrée tardive sur le marché ne seront plus significatives avec le passage aux coûts incrémentaux, rappelle néanmoins sa décision de 2007 qui stipulait qu'elle prendrait en compte les effets de l'attribution initiale défavorable de fréquences à Bouygues pour la dernière fois dans le plan de réduction de l'asymétrie des TTM qu'elle propose actuellement.
      « Compte tenu des éléments qui précèdent, la Commission invite l'ARCEP à aboutir à des TTM symétriques pour les trois opérateurs et à envisager de fixer une date butoir pour le passage aux TTM au niveau des coûts d'un opérateur efficace, tout en tenant compte à la fois des différences de coûts objectives définies ci-dessus et des évolutions constatées à l'échelon européen, lors du prochain cycle d'analyse des marchés aux fins de régulation. »


      4.2. Synthèse des contributions reçues lors de la consultation publique


      L'Autorité a lancé une consultation publique sur son projet de décision le 23 octobre 2008, clôturée le 24 novembre 2008. Elle a reçu sept réponses à cette consultation : cinq opérateurs, dont les trois opérateurs de réseaux mobiles métropolitains (Orange France, SFR, Bouygues Telecom), Kertel et GlobalCom, et deux associations de consommateurs et d'utilisateurs (l'AdUF, association des utilisateurs de Free, et l'UFC-Que Choisir). Orange France, SFR et Bouygues Telecom ont souhaité soumettre intégralement leurs réponses au secret des affaires. L'ensemble des réponses non confidentielles sont publiées sur le site de l'ARCEP. L'Autorité demandera aux trois opérateurs mobiles d'identifier les éléments d'information relevant strictement du secret des affaires et rendra publique leurs contributions expurgées de ces éléments. Par ailleurs, les principaux points présentés par l'ensemble des acteurs sont résumés ci-dessous.


      4.2.1. Sur la référence aux coûts incrémentaux


      Orange France et SFR ne partagent pas l'analyse de l'Autorité selon laquelle les évolutions du marché mobile en métropole, notamment le développement d'offres d'abondance on-net et à destination des fixes et l'émergence d'offres de convergence, posent de nouvelles problématiques concurrentielles qu'il convient de prendre en compte afin de mettre en œuvre une régulation adaptée. Ils estiment à l'inverse que ces problématiques concurrentielles n'existent pas.
      Concernant les offres d'abondance on-net, ces deux opérateurs estiment qu'elles n'induisent pas de distorsion concurrentielle en défaveur de Bouygues Telecom : ces offres sont, selon eux, parfaitement reproductibles par Bouygues Telecom, le choix de celui-ci de développer des offres d'abondance all-net relevant de sa stratégie commerciale propre. Bouygues Telecom exprime l'avis opposé.
      Orange France et SFR considèrent également que, quand bien même des distorsions concurrentielles sur le marché de détail seraient avérées, il n'appartient pas à l'Autorité de chercher à y remédier dans le cadre de la régulation du marché de gros. Selon Orange France, la faiblesse actuelle du parc de Bouygues Telecom, supposée engendrer un effet club négatif, ne résulte pas de contraintes de marché subies par celui-ci dans la mesure où Bouygues Telecom aurait pu atteindre une taille équivalente à celle de ses concurrents. Selon SFR, il est du ressort du Conseil de la concurrence de juger des pratiques de différenciation des tarifs on-net/off-net.
      SFR s'oppose à l'analyse de l'Autorité selon laquelle la référence, pour la fixation des tarifs de terminaison d'appel, aux coûts incrémentaux de long terme, correspondant au coût interne de production de la terminaison d'appel, limite l'incitation à la différenciation on-net/off-net des tarifs de détail et contribue ainsi à une concurrence loyale entre opérateurs mobiles. Selon SFR, la distinction on-net/off-net pratiquée sur le marché de détail est pertinente du point de vue de l'investisseur, qui cherche à obtenir la meilleure valorisation de ses investissements. Permettre à d'autres opérateurs d'accéder au réseau au coût incrémental, c'est-à-dire au même coût que s'ils avaient investi, sans participer aux coûts fixes, constituerait selon lui une atteinte au droit de propriété. Par ailleurs, dussent les offres d'abondance on-net être problématiques du point de vue concurrentiel, il estime qu'une baisse des tarifs de terminaison d'appel au niveau des coûts incrémentaux n'y remédierait pas mais pourrait avoir pour effet contraire de les généraliser. Il souligne l'exemple des Etats-Unis et du Canada où les tarifs de terminaison d'appel mobile sont très faibles et où les offres de type on-net sont très développées.
      A l'opposé, Bouygues Telecom soutient l'analyse de l'Autorité et considère que la convergence des niveaux de terminaison d'appel vers les coûts incrémentaux permettra de réduire les effets anticoncurrentiels des offres on-net des gros opérateurs. L'UFC-Que Choisir considère qu'elle permettra le développement d'offres d'abondance sans effet de réseaux (ou all-net).
      Concernant la capacité des opérateurs à recouvrer leurs coûts, SFR estime que l'approche en coût incrémental revient à faire une allocation totalement asymétrique des coûts joints et communs qui ne seraient pas affectés au marché de gros. Il considère qu'une telle allocation asymétrique n'est pas optimale économiquement, les coûts fixes devant être répartis sur les marchés de gros et les marchés de détail. De plus, selon l'opérateur, la fixation des terminaisons d'appel au niveau des coûts incrémentaux reviendrait pour les opérateurs à pratiquer une discrimination positive en faveur de leurs concurrents, ceux-ci étant exemptés de toute participation aux coûts fixes.
      Orange France et SFR rejettent l'analyse de l'Autorité selon laquelle l'approche en coûts incrémentaux limite les distorsions de concurrence entre opérateurs fixes et opérateurs mobiles.
      Selon SFR, l'écart actuel entre les terminaisons d'appel fixe et les terminaisons d'appel mobile ne constitue que la contrepartie des différences techniques et économiques des deux marchés, cet écart ne biaise donc en rien le jeu concurrentiel.
      Par ailleurs, celui-ci considère que les offres de convergence de type HappyZone ne font nullement appel à la terminaison d'appel mobile (qui n'est d'après cet opérateur nullement nécessaire aux opérateurs fixes pour répliquer aux offres des opérateurs mobiles), puisqu'il s'agit d'offres d'appels illimités vers les numéros fixes. Par ailleurs, SFR met en avant la marge actuelle des opérateurs fixes sur les appels à destination des mobiles, qui autoriserait ceux-ci à proposer des forfaits de communications illimitées vers les mobiles dans des conditions financières concurrentielles avec celles des opérateurs mobiles, la marge de ceux-ci sur la terminaison d'appel mobile étant plus faible.
      Orange France met en avant la nécessité d'un accès fixe pour profiter d'une offre de convergence technique ; dès lors, les offres de convergence ne concurrencent pas les offres fixes.
      Les deux opérateurs estiment que les marchés fixes et mobiles constituent de toute façon des marchés pertinents distincts. Selon Orange France, les opérateurs fixes et mobiles ne sont donc pas en concurrence.
      Cet avis n'est pas partagé par l'Association des utilisateurs de Free (ci-après AdUF), qui considère que l'écart entre terminaisons d'appel mobile et terminaisons d'appel fixe introduit une distinction artificielle entre téléphonie fixe et téléphonie mobile, qui pénalise les utilisateurs finals en ce qu'il empêche l'apparition d'offres d'abondance ou de tarifs avantageux vers les mobiles au départ des lignes fixes. L'UFC-Que Choisir et Kertel partagent l'analyse de l'AdUF. L'AdUf et l'UFC-Que Choisir mettent en outre en avant que les réseaux mobiles sont aujourd'hui rentabilisés, et que leur subventionnement par les opérateurs fixes ne se justifie plus. Les trois acteurs s'expriment en faveur d'une régulation aux coûts incrémentaux, permettant de mettre fin aux distorsions de concurrence entre opérateurs fixes et mobiles.
      Orange France et SFR ne partagent pas l'avis de l'Autorité selon lequel la fixation des tarifs de terminaison d'appel en référence aux coûts incrémentaux permettrait l'enrichissement des offres, la stimulation des usages et la baisse globale des prix pour les consommateurs.
      Orange France constate que la croissance du trafic voix est en baisse bien que les niveaux des terminaisons d'appel aient baissé. Il souligne en outre que de nombreuses offres illimitées se sont développées sur le marché même en l'absence de terminaisons d'appel mobiles très basses. Enfin, il estime que la politique de baisse des terminaisons d'appel conduit à une moindre croissance du parc mobile et donc du nombre de correspondants potentiels.
      Orange France et SFR ne croient pas en une baisse globale des prix. Au contraire, ils estiment que le transfert sur le marché de détail des coûts non recouvrés sur le marché de gros ne peut avoir pour effet qu'une hausse ou une stagnation de la facture des consommateurs et invitent à l'Autorité à reconnaître l'existence du waterbed effect. Un des opérateurs met en avant la stabilisation de la recette moyenne de trafic sortant facturée aux clients (15 c€/min), ce qui est selon lui une illustration du waterbed effect, les opérateurs mobiles voyant leurs recettes de gros diminuer et ne pouvant restituer ces gains à leurs clients.
      Au contraire, l'UFC-Que Choisir estime que le projet de l'Autorité ouvre la voie à une baisse forte des prix de détail, favorable aux consommateurs.
      S'agissant du cas particulier des prépayés, SFR souligne que les données de l'Observatoire des marchés montrent la hausse de la facture moyenne des clients prépayés à mesure que les tarifs de terminaison d'appel baissent, ce qui est contradictoire avec l'analyse de l'Autorité.
      S'agissant du cas particulier des appels fixes vers mobiles, il doute de l'impact d'une baisse des tarifs de terminaison d'appel mobile sur le prix final de ces appels pour les consommateurs. Il souligne que les précédentes baisses des tarifs de gros mobiles n'ont pas été répercutées sur les tarifs de détail mais se sont plutôt traduites par une augmentation de la marge des opérateurs fixes. Au contraire, l'UFC-Que Choisir estime que la fixation des tarifs de terminaison d'appel au niveau des coûts incrémentaux permettrait l'intégration des appels vers les mobiles dans les forfaits multiple-play des opérateurs fixes, ce qui constituerait un progrès pour le consommateur. L'AdUF estime quant à elle qu'elle permettrait l'émergence de tarifs avantageux pour les communications fixes vers mobiles.
      Par ailleurs, l'UFC-Que Choisir considère que la régulation des tarifs de terminaison d'appel mobiles aux niveaux des coûts incrémentaux constituerait une avancée pour le consommateur en introduisant une rupture et en donnant une nouvelle impulsion au marché, qui deviendrait plus fluide et plus concurrentiel. En particulier, l'UFC-Que Choisir estime que ces nouvelles conditions de gros permettraient le développement d'offres d'abondance all-net, qui libérerait en partie les abonnés captifs des offres d'abondance on-net, ceux-ci pouvant dès lors retrouver les mêmes avantages chez d'autres opérateurs.
      SFR considère que ce projet vise à réaliser un transfert financier en faveur de Bouygues Télécom et des opérateurs fixes, dont en particulier France Télécom. Il lui porterait donc un préjudice direct et quasi exclusif, France Telecom regagnant en grande partie sur son activité fixe ce qu'elle perd sur son activité mobile.
      Orange France et SFR estiment le projet de l'Autorité nuisible aux investissements. SFR met en avant deux raisons principales : la suppression d'une des assiettes de recouvrement des coûts fixes et l'exigence de rentabilités plus fortes de la part des investisseurs, leurs revenus étant plafonnés au coût comptable. Par ailleurs, cet opérateur considère que le transfert de revenus en faveur des opérateurs fixes via la baisse des terminaisons d'appel mobiles ne peut pas avoir pour effet d'inciter les opérateurs fixes à investir dans la fibre, cette incitation dépendant en premier lieu du cadre réglementaire spécifique à la boucle locale fixe et aux fourreaux, et de la rentabilité différentielle par rapport au dégroupage.
      Orange France estime que le passage aux coûts incrémentaux peut diminuer l'incitation naturelle des opérateurs mobiles à investir dans la qualité de service et la couverture, notamment dans les zones les moins denses.


      4.2.2. Sur le contexte européen


      Orange France et SFR constatent que les niveaux de plafonds de terminaison d'appel mis en consultation publique placeraient la France dans une position singulière en Europe, et notamment vis-à-vis des grands pays comparables (Allemagne, Espagne, Italie, Grande-Bretagne), même en intégrant la perspective d'une baisse du niveau moyen de terminaison d'appel en Europe à l'horizon 2010.
      Orange France estime que la divergence de la France en matière de régulation induit un risque de déséquilibre entre opérateurs européens.
      SFR rappelle que la convergence des niveaux de terminaison d'appel au coût incrémental n'est pas décidée au niveau européen. Dès lors, le projet de l'ARCEP entraverait toute possibilité d'harmonisation européenne sur une méthodologie en coût complet.


      4.2.3. Sur la transition


      Kertel et l'Association des utilisateurs de Free (AdUF) critiquent la mise en place d'une période de transition.
      Kertel ne partage pas l'avis de l'Autorité sur le besoin d'une période de transition de plusieurs années pour permettre aux opérateurs de s'adapter aux nouvelles conditions de marché. Selon Kertel, le marché de la téléphonie mobile est mature et oligopolistique et il ne faudrait pas le scléroser davantage au détriment des opérateurs alternatifs et des consommateurs. En conclusion, Kertel affirme qu'une période de transition de plusieurs années vers les coûts incrémentaux n'est pas justifiée et que, par conséquent les tarifs de terminaison d'appel devraient être alignés sur les objectifs de la Commission européenne pour atteindre 2 c€/min au plus tard en 2011.
      De même, l'AdUF regrette que « l'ARCEP ne soit pas allée au bout de sa démarche, en imposant des tarifs de terminaison orientés vers les coûts, soit comme indiqué dans le document de consultation ayant un montant situé entre 1 et 2 centimes d'euro par minute ». Selon l'AdUF, une telle décision aurait de fait mis fin à la distinction actuellement artificiellement entretenue entre les tarifs de terminaison d'appel fixe et mobile, qui pénalise in fine principalement les utilisateurs. La suppression de cette distinction artificielle aurait bénéficié selon l'association à tous les acteurs, utilisateurs et opérateurs. Il aurait également eu l'avantage de permettre la mise en œuvre de certaines évolutions du plan de numérotation, afin de mettre ce dernier plus en accord avec les usages et attentes d'aujourd'hui.
      Au contraire, selon Bouygues Telecom, une transition d'au moins six ans est nécessaire pour permettre aux opérateurs d'ajuster leurs offres. En effet, indépendamment de l'évolution des tarifs de terminaison d'appel, les opérateurs doivent s'adapter à la hausse du prix des terminaux (avec le développement de la 3G et des technologies HSPA) et à la baisse des revenus des services mobiles. En cas de rupture dans les tarifs de terminaison d'appel, le marché pourrait être déséquilibré de manière inefficace et cela conduirait à un ralentissement de la pénétration des services et donc de l'investissement. En l'absence d'ajustement graduel, les offres aux « petits consommateurs » seraient notamment fortement affectées.
      Cet opérateur souscrit à l'analyse dynamique de l'Autorité selon laquelle les opérateurs disposent cependant de nombreux leviers d'ajustement mais estime qu'un délai suffisant doit être laissé aux opérateurs pour adapter leurs offres. En conséquence, il soutient la proposition de l'Autorité, sous réserve d'une baisse plus progressive au cours du cycle d'analyse de marché suivant pour aboutir à une transition étalée sur six ans.


      4.2.4. Sur la gestion des conséquences de la transition


      Orange, SFR et Kertel se prononcent contre le maintien d'une asymétrie tarifaire et souhaiteraient sa disparition avant même la fin du présent cycle d'analyse de marché. Ils considèrent en effet que l'asymétrie n'est pas justifiée et qu'elle constitue un avantage financier accordé à Bouygues Telecom sans contrepartie.
      Kertel souhaite même voir disparaître l'asymétrie tarifaire dès juillet 2009 pour la terminaison d'appel et souhaite également une symétrie des tarifs de BPN.
      Globalcom estime que les prix des BPN devraient être alignés et subir une baisse proportionnelle à celle de la terminaison d'appel, afin de ne pas induire une mauvaise appréciation du prix réel total par les consommateurs.
      Orange France rappelle que la Commission européenne prône une symétrie des tarifs qui serait atteinte dès que possible et a déjà signifié à l'Autorité à travers ses observations sur les précédentes décisions que seuls des éléments hors de contrôle d'un opérateur peuvent temporairement justifier une asymétrie.
      L'opérateur affirme alors que l'Autorité a surestimé les surcoûts pour Bouygues Telecom dus aux différences d'allocation de fréquences et au délai d'entrée sur le marché. Orange France critique notamment les calculs mis en œuvre pour évaluer l'impact de ces deux facteurs et affirme que Bouygues Telecom a déjà largement pu compenser les surcoûts dus à ses attributions de fréquences et qu'il avait la possibilité d'atteindre une part de marché de 30 % dès 2008 car il était dans des conditions comparables à celles de ses concurrents dès 2002.
      Orange France conclut que le niveau d'asymétrie proposé représente une subvention illégitime de la stratégie commerciale de Bouygues Telecom. Selon lui, l'asymétrie corrige les effets de choix stratégiques propres à cet opérateur (qui ont fortement augmenté son ratio de trafic off-net/on-net ces dernières années) alors même que ce dernier ne doit pas faire face à une structure de marché qui l'empêcherait de se développer à égalité de chances avec ses concurrents. D'après ses propres calculs effectués pour l'année 2008, il estime que le niveau d'asymétrie tarifaire susceptible d'être associé au déséquilibre subi par Bouygues Telecom dans ses échanges de trafic off-net avec ses concurrents ne saurait dépasser 0,11 c€ environ, ce qui est à comparer aux 2 c€ actuellement en vigueur.
      Orange France remarque enfin que les niveaux d'asymétrie proposés par l'Autorité augmentent en valeur relative pour dépasser 30 % au moment où les niveaux absolus deviennent les plus bas d'Europe (près de 50 % inférieurs à la moyenne) et où les autres pays réduisent leurs niveaux d'asymétrie en valeur relative.
      Orange France conclut sur le fait que l'asymétrie tarifaire en faveur de Bouygues Telecom constitue une aide d'Etat prohibée.
      SFR note que la compensation des asymétries de trafic n'est pas prévue dans le CPCE et que l'asymétrie est calculée sur la base des coûts incrémentaux qui ne constituent pas une référence valide sur la période visée selon l'opérateur. En effet, la recommandation de la Commission européenne n'a pas encore été publiée et il n'est même pas certain qu'elle tranche en faveur des coûts incrémentaux.
      L'Association des utilisateurs de Free (AdUF) est quant à elle défavorable à l'asymétrie car elle considère que ce remède s'est déjà avéré inefficace et que son maintien a minima jusqu'à la fin du cycle d'analyse de marché ne fera que prolonger les effets de club et l'illisibilité des tarifs, mal perçue par les consommateurs.
      Au contraire, Bouygues Telecom souscrit à l'analyse de l'Autorité et défend le principe du maintien transitoire d'une asymétrie tarifaire, pour tenir compte du déficit d'interconnexion engendré par l'écart entre le tarif de terminaison d'appel et les coûts réellement supportés. L'asymétrie s'avère donc indispensable pendant la phase transitoire. Cependant, Bouygues Telecom juge le différentiel de 1,5 c€ puis 1 c€ insuffisant pour compenser les transferts de marge vers Orange et SFR anticipés pour la période concernée. Cet opérateur ajoute en outre que le principe de symétrie n'a pas de fondement économique en cas de référence aux coûts complets.


      4.2.5. Sur les données de coûts


      Orange France et SFR rappellent qu'ils ne sont pas d'accord avec l'Autorité sur la pertinence et la fiabilité du modèle de restitution comptable (top-down) et du modèle technico-économique d'un opérateur générique efficace (bottom-up).
      En ce qui concerne la comptabilité réglementaire, Orange France réitère ainsi ses commentaires, déjà formulés dans ses précédentes contributions, sur la valorisation des équipements complètements amortis, l'exclusion des dettes sur fournisseurs d'immobilisations et les règles d'allocation des coûts au prorata de l'usage du spectre, qui « déportent » des coûts de la voix vers la data selon l'opérateur, qui revient selon lui à réguler le marché mobile différemment du marché fixe.
      De même, SFR réitère ses commentaires sur l'exclusion des coûts commerciaux, des coûts de messagerie vocale, du besoin en fonds de roulement dans la comptabilité réglementaire ou encore l'oubli des coûts de personnel et de systèmes d'information dans le modèle technico-économique de l'Autorité.
      En ce qui concerne le modèle technico-économique, les deux opérateurs contestent également le paramétrage du modèle pour un opérateur générique efficace et affirment que le réseau théorique modélisé ne correspond pas à une moyenne pertinente des configurations des réseaux réels et que, par suite, il ne pourrait pas fonctionner.
      Orange France ajoute enfin que les données de coûts utilisées par l'Autorité ne sont pas adaptées au cadre des coûts incrémentaux, puisque la comptabilité réglementaire restitue des coûts complets.


      4.3. Conclusions tirées par l'Autorité


      Sans répondre à l'ensemble des points présentés, dont certains trouvent notamment leur réponse dans le présent document et/ou dans ses précédentes décisions, l'Autorité souhaite apporter les précisions suivantes.


      4.3.1. Sur la référence aux coûts incrémentaux


      En premier lieu, l'Autorité rappelle qu'elle avait annoncé sa volonté de réexaminer la pertinence du concept de coût complet distribué dans sa décision n° 2007-0810 en date du 4 octobre 2007, au vu des problèmes concurrentiels découlant de la position dominante des opérateurs mobiles sur les marchés de la terminaison d'appel mobile.
      L'Autorité maintient son analyse sur les problématiques concurrentielles au niveau des offres de convergence et sur la substituabilité fixe/mobile. Il n'existe certes pas de substituabilité entre l'accès fixe et l'accès mobile, mais il existe bien une substituabilité partielle sur les communications depuis une position déterminée. Comme l'Autorité l'a noté dans ce document, les mobiles sont beaucoup utilisés à domicile et les consommateurs choisissent le réseau par lequel ils passent leurs appels, notamment en fonction des tarifs et du numéro appelé, d'où une réelle concurrence entre opérateurs fixes et mobiles à ce niveau.
      Il est par ailleurs inexact d'affirmer que l'équation économique de l'offre HappyZone ne fait pas appel à la terminaison d'appel mobile puisque cette offre est associée à un numéro mobile. Ce numéro permet des revenus d'interconnexion liés au niveau du tarif de terminaison d'appel mobile lorsque l'abonné est appelé, y compris lorsqu'il est à son domicile.
      De plus, la comparaison des marges réalisées au détail par les opérateurs fixes et les marges réalisées au gros par les opérateurs mobiles pour les appels vers les mobiles n'est pas pertinente. Cela ne permet donc pas de remettre en cause l'existence d'une distorsion de concurrence entre ces deux catégories d'opérateurs pour ce type d'appels.
      Par ailleurs, l'argument selon lequel la régulation en référence aux coûts incrémentaux est assimilable à une atteinte au droit de propriété qui oblige un opérateur à faire bénéficier ses concurrents du même coût incrémental pour la terminaison d'appel semble ne pas prendre en compte le fait que le service de terminaison d'appel constitue une facilité essentielle pour laquelle s'applique un principe de non-discrimination.
      Sur la question du prépayé, l'Autorité observe que la hausse de la dépense moyenne observée sur les dernières années résulte d'une hausse des consommations et non d'une hausse du prix moyen.
      Enfin, en ce qui concerne les incitations à l'investissement et à la couverture, l'Autorité n'entend pas modifier son analyse et renvoie aux arguments présentés au sein du présent texte.
      En conclusion, l'Autorité estime que les réponses reçues n'apportent pas d'éléments nouveaux susceptibles de remettre en cause la référence aux coûts incrémentaux.
      A la lecture des réponses reçues, elle réaffirme que la méthode des coûts incrémentaux de long terme crée un signal économique mieux adapté et plus efficace pour les marchés que les coûts complets distribués. L'Autorité note que la Commission européenne, ainsi que la plupart des acteurs, confirment cette approche.


      4.3.2. Sur le contexte européen


      Concernant le contexte européen, l'Autorité rappelle que les spécificités du marché mobile français (coût des licences, mais aussi structure du marché à trois acteurs, consommation moyenne, etc.) expliquent que la France se situe transitoirement plus bas que les autres pays européens, tel que cela ressort du comparatif européen établi par le Groupe des régulateurs européens (GRE).
      De plus, l'ARCEP prend bonne note que la Commission entend jouer un rôle accru en s'assurant que les régulateurs prennent des décisions qui vont dans le sens d'une baisse des niveaux des tarifs de terminaison d'appel et d'une harmonisation à terme vers une référence aux coûts incrémentaux.


      4.3.3. Sur la transition


      Ainsi qu'elle l'a développé ci-dessus, s'il lui semble souhaitable que les tarifs de terminaison d'appel convergent vers les niveaux de coûts incrémentaux aussi rapidement que possible, l'Autorité estime qu'elle doit également prendre en compte le fait qu'un ajustement trop brutal des prix de gros pourrait déstabiliser le marché, notamment en remettant en cause l'équilibre économique de certaines offres de détail sans que les opérateurs disposent du temps d'adaptation nécessaire. Etant donné qu'il existe des différences importantes entre les coûts incrémentaux d'un opérateur efficace et les niveaux actuels des tarifs de terminaison d'appel mobile, l'ARCEP considère donc qu'une période de transition est nécessaire.
      Cette transition doit alors intégrer deux contraintes a priori opposées : d'un côté assurer la convergence la plus rapide possible des tarifs de terminaison d'appel vers le niveau de coûts incrémentaux d'un opérateur efficace et de l'autre éviter de déstabiliser le marché par une transition trop rapide.
      L'Autorité estime que le projet de décision notifié à la Commission européenne et mis en consultation publique concilie ces deux contraintes de manière raisonnable et proportionnée. Elle estime que les réponses reçues n'apportent pas d'éléments nouveaux susceptibles de remettre en cause cette position.


      4.3.4. Sur la gestion des conséquences de la transition


      L'Autorité tient à souligner qu'elle est en accord avec le principe d'une symétrie des tarifs à terme, et que c'est bien la nécessité d'une période de transition vers la référence en coûts incrémentaux qui implique le maintien d'une asymétrie dans les tarifs de terminaison d'appel mobile pour atténuer les conséquences sur le jeu concurrentiel entre opérateurs mobiles de cette orientation graduelle des tarifs vers les coûts. A cet égard, l'Autorité souhaite rappeler qu'elle ne cherche ni à « compenser les déséquilibres de trafic off-net entre Bouygues Telecom et ses concurrents » ni à résoudre un problème concurrentiel sur le marché de détail, mais bien à corriger les effets de la mise en œuvre graduelle d'une régulation optimale sur les marchés de gros de la terminaison d'appel, en évitant de créer une distorsion de concurrence artificielle due à l'écart entre tarifs et coûts sous-jacents. Cette asymétrie demeure bien par nature transitoire et est réduite au fur et à mesure de l'orientation vers les coûts incrémentaux des tarifs de terminaison d'appel mobile.
      L'Autorité avait souligné dans son analyse de marché d'octobre 2007 trois raisons de mettre en œuvre une asymétrie tarifaire transitoire. Dans son projet de décision mis en consultation publique, l'ARCEP a réétudié la pertinence de chacun de ces trois points en référence aux coûts incrémentaux. Cette analyse est reprise plus haut dans le présent document. Elle conclut que dans le cadre d'une régulation en référence aux coûts incrémentaux les deux premières raisons ne justifient plus le maintien d'une asymétrie tarifaire. En effet, les surcoûts associés au délai d'entrée sur le marché de détail ne semblent plus significatifs si on se place en référence aux coûts incrémentaux, de même que les surcoûts liés aux différences d'attributions initiales de fréquences. En revanche, la troisième raison justifie encore le maintien transitoire d'une asymétrie tarifaire dans le cadre d'une régulation en référence aux coûts incrémentaux et explique le niveau d'asymétrie proposé.
      En effet, l'écart entre les coûts incrémentaux d'un opérateur efficace et les tarifs de terminaison d'appel, associé aux forts déséquilibres de trafic entre Orange et SFR d'une part et Bouygues Telecom d'autre part, engendre une distorsion artificielle de concurrence sur le marché de détail qu'il est nécessaire de prendre en compte. De fait, l'aspect progressif de la convergence des tarifs de terminaison d'appel vers les coûts sous-jacents a un impact direct sur l'écart susmentionné, en particulier avec la nouvelle référence des coûts incrémentaux.
      A cet égard, l'Autorité souhaite rappeler, comme elle l'a indiqué plus haut, qu'elle ne propose pas de prendre en compte l'intégralité de cet écart, ce qui ne serait pas justifié pour les raisons détaillées dans les développements précédents. Elle prend notamment en compte cet effet dans une mesure réduite compte tenu de l'externalité induite sur les opérateurs fixes (et donc leurs clients) par la différenciation des tarifs de Bouygues Telecom, et de ce que le déséquilibre de trafic dans le futur est sensible à la stratégie commerciale des opérateurs.
      Au demeurant, l'obligation de contrôle tarifaire imposé à Bouygues Telecom impose à cet acteur des baisses de tarifs supérieures à celles imposées à Orange France et SFR (une baisse de 4,5 c€ sur la période versus une baisse de 3,5 c€).
      A la lecture des réponses reçues, l'Autorité estime que les réponses reçues n'apportent pas d'éléments nouveaux susceptibles de modifier son appréciation de l'asymétrie tarifaire à mettre en œuvre pour les tarifs de terminaison d'appel mobile.


      4.3.5. Sur les données de coûts


      L'Autorité rappelle qu'elle a déjà répondu dans ses précédentes décisions (55) à nombre de commentaires déjà formulés à l'époque et réitérés par les opérateurs sur la comptabilité réglementaire (justification de l'exclusion des coûts de messagerie vocale, des dettes sur fournisseurs d'immobilisations, du besoin en fonds de roulement, etc.). Il n'y a donc pas lieu de remettre en question la pertinence des niveaux de coûts issus de cette comptabilité sur ces points. Cela n'est pas contradictoire avec le fait que l'Autorité a souhaité préciser ces spécifications comptables en sollicitant la contribution des opérateurs dans un souci d'harmonisation des pratiques.
      L'allocation des coûts aux différents services en proportion de l'utilisation des fréquences se justifie pleinement et ne « déporte » pas de coûts de la voix vers les données. D'une part, dans la technologie GSM, une partie des ressources est réservée aux données, ce qui fixe sans contestation possible l'allocation des coûts liés au spectre. D'autre part, une des principales motivations au déploiement de la technologie UMTS est le développement des services de données, qui influent largement sur le dimensionnement de la boucle radio 3G. Il paraît donc naturel que ces services de données, consommateurs de spectre, supportent les coûts correspondants, et que ces coûts ne soient pas reportés sur la terminaison d'appel vocale.
      Concernant les remarques des opérateurs sur les algorithmes et les paramètres du modèle technico-économique, l'Autorité s'en tient aux modifications évoquées au paragraphe 1.3.3 de ce document. En effet, une démarche de modélisation, intrinsèquement réductrice de la complexité des réseaux, nécessite de faire des choix entre diverses représentations de la réalité. Retenir un algorithme plutôt qu'un autre ne signifie pas qu'il existe une seule « bonne » vision des choses. Les tests de sensibilité qu'elle a menés sur le modèle métropolitain montrent que le choix de tel ou tel algorithme n'induit que des variations marginales des coûts qui ne remettent pas en cause les résultats annoncés.
      Le modèle technico-économique a été initialement développé dans le but de calculer les coûts complets distribués (avec un résultat entre 2.4 et 2.9 c€ pour un opérateur générique métropolitain en 2008). Cependant, ce modèle permet d'ores et déjà de calculer des estimations des coûts incrémentaux (entre 1 et 2 c€ pour un opérateur générique métropolitain en 2008), en ôtant les coûts qui doivent sortir du périmètre, tels que les coûts de licence ou encore certains coûts de couverture. Notamment, les tests effectués à l'aide du modèle pour estimer la pertinence des trois sources d'asymétrie sont compatibles avec le cadre des coûts incrémentaux. Les comparaisons menées dans le présent document avec les mêmes tests effectués en coûts complets ont pour objet d'expliquer l'évolution de la position de l'ARCEP.
      Il convient de noter que par définition le coût incrémental est supérieur au coût complet distribué. Aussi, l'incertitude qui demeure sur le niveau précis des coûts incrémentaux (que l'Autorité estime entre 1 et 2 c€/min) est non pertinente dans le cadre de la présente décision dans la mesure où les plafonds imposés sont supérieurs au niveau des coûts complets qui est connu avec précision et fiabilité.
      A l'avenir, l'ARCEP souhaite affiner l'adaptation de ces modèles ou données de coûts à la méthode des coûts incrémentaux afin de préciser son évaluation de ces niveaux de coûts. Ainsi, la comptabilité réglementaire de même que le modèle technico-économique nécessiteront une mise à jour pour laquelle la période de transition pourra être mise à profit.


      4.3.6. Sur l'avis de la Commission européenne


      La Commission européenne invite « l'ARCEP à aboutir à des TTM symétriques pour les trois opérateurs et à envisager de fixer une date butoir pour le passage aux TTM au niveau des coûts d'un opérateur efficace, tout en tenant compte à la fois des différences de coûts objectives définies ci-dessus et des évolutions constatées à l'échelon européen, lors du prochain cycle d'analyse des marchés aux fins de régulation ».
      Le cadre juridique français (article D. 301 à D. 303 du CPCE) impose un réexamen de la définition des marchés, de la désignation des opérateurs puissants et des obligations qui leurs sont imposées tous les trois ans. Par ailleurs, ce même cadre interdit d'imposer une obligation au-delà de la date de révision de la définition de marché et de la puissance des acteurs. A ce titre, l'Autorité devra initier un troisième cycle d'analyse des marchés durant l'année 2010 en vue de remotiver une prorogation de la régulation des terminaisons d'appel mobile sur la période 2011-2013.
      L'Autorité prend acte du commentaire de la Commission européenne et l'examinera lors du prochain cycle d'analyse des marchés.



    • Au vu des éléments présentés, l'Autorité considère qu'à terme la meilleure solution pour répondre aux objectifs concurrentiels qu'elle a identifiés consiste à fixer des tarifs orientés vers les coûts en référence à l'approche en coûts incrémentaux de long terme, l'incrément correspondant à l'ensemble du trafic entrant d'un opérateur efficace. Cependant, compte tenu des niveaux tarifaires actuels, la mise en œuvre immédiate de ce principe reviendrait à baisser de manière très significative les niveaux de terminaison d'appel mobile et infliger un choc trop rapide sur les marchés, et donc pourrait entraîner des effets indésirables. Une période de transition permettant d'aller à un rythme raisonnable vers les coûts incrémentaux est donc nécessaire. Pour cette même raison, elle propose une transition en deux marches, une première baisse intervenant au 1er juillet 2009 pour un an, permettant aux opérateurs d'ajuster une première fois leurs offres et d'analyser la réaction du marché, afin de pouvoir mieux s'adapter, via ce retour d'expérience, à la seconde baisse, qui interviendra au 1er juillet 2010. Aussi, cette baisse progressive en deux étapes permet la mise en œuvre de marches relativement moins importantes.
      L'encadrement tarifaire sur la période allant du 1er juillet 2009 au 30 juin 2010 :
      Pour la période allant du 1er juillet 2009 au 30 juin 2010, l'Autorité impose un prix maximum de la terminaison d'appel vocal mobile intra-ZA au plus égal à 4,5 c€/min pour Orange France et SFR, et au plus égal à 6 c€/min pour Bouygues Telecom.
      Les plafonds suscités sont imposés aux prix de la terminaison d'appel vocal mobile intra-ZA pratiqués en heures pleines. Dans la mesure où un opérateur mobile considérerait qu'une modulation horaire de sa charge de terminaison d'appel serait une incitation efficace pour que les opérateurs répartissent plus efficacement la livraison du trafic au point d'interconnexion, l'Autorité invite cet opérateur à fixer pour les heures creuses un tarif inférieur au plafond tarifaire maximum qu'elle a imposé (au tarif heures pleines).
      Ces évolutions correspondent à une baisse relative du prix maximum de terminaison d'appel vocal d'environ 30,8 % pour Orange France et SFR, et d'environ 29,4 % pour Bouygues Telecom.
      L'encadrement tarifaire sur la période allant du 1er juillet 2010 au 31 décembre 2010 :
      Pour la période allant du 1er juillet 2010 au 31 décembre 2010, l'Autorité impose, un prix maximum de la terminaison d'appel vocal mobile intra-ZA au plus égal à 3 c€/min pour Orange France et SFR, et au plus égal à 4 c€/min pour Bouygues Telecom.
      Les plafonds suscités sont imposés aux prix de la terminaison d'appel vocal mobile intra-ZA pratiqués en heures pleines. Dans la mesure où un opérateur mobile considérerait qu'une modulation horaire de sa charge de terminaison d'appel serait une incitation efficace pour que les opérateurs répartissent plus efficacement la livraison du trafic au point d'interconnexion, l'Autorité invite cet opérateur à fixer pour les heures creuses un tarif inférieur au plafond tarifaire maximum qu'elle a imposé (au tarif heures pleines).
      Ces évolutions correspondent à une baisse relative du prix maximum de terminaison d'appel vocal d'environ 33,3 % pour Orange France et SFR, et d'environ 33,3 % pour Bouygues Telecom.
      L'Autorité considère que, sur les deux périodes considérées, les structures de coûts des trois opérateurs sont compatibles avec ces niveaux de terminaison d'appel.
      En ce qui concerne la différenciation à des tarifs de Bouygues Telecom, les différents facteurs susceptibles de justifier un écart de terminaison d'appel sont compatibles avec les niveaux de terminaison d'appel respectivement imposés.
      Comme précisé précédemment, la différenciation des tarifs de Bouygues Telecom n'a pas vocation à perdurer. L'horizon temporel de la fin de la prise en compte de coûts supplémentaires supportés par Bouygues Telecom qui justifient l'asymétrie des tarifs de terminaison d'appel correspond à la date à laquelle les tarifs de terminaison d'appel seront considérés comme étant alignés sur les références pertinentes de coûts. Ainsi, l'Autorité considère que l'existence d'une asymétrie des tarifs de Bouygues Telecom résultant du caractère progressif de la convergence des tarifs vers les coûts dans un contexte de déséquilibres de trafic peut être justifiée tant que les terminaisons d'appel ne sont pas alignées sur les coûts incrémentaux.
      L'encadrement tarifaire des BPN du 1er juillet 2009 au 31 décembre 2010 :
      En ce qui concerne les blocs primaires numériques, l'Autorité définit l'encadrement tarifaire suivant :
      Pour la période allant du 1er juillet 2009 au 31 décembre 2010, l'Autorité impose que le prix annuel d'un BPN n'excède pas 2 939 € pour Orange France et SFR.
      Pour la période allant du 1er juillet 2009 au 30 juin 2010 d'une part, l'Autorité impose que le prix annuel d'un BPN n'excède pas 3800 € pour Bouygues Telecom. Pour la période allant du 1er juillet 2010 au 31 décembre 2010 d'autre part, l'Autorité impose que le prix annuel d'un BPN n'excède pas 3 500 € pour Bouygues Telecom.
      Perspectives, évolutions futures relatives au contrôle tarifaire :
      L'Autorité a indiqué qu'une période transitoire est nécessaire pour permettre au marché de s'adapter, et envisage donc de descendre progressivement vers la cible correspondant aux coûts incrémentaux de long terme d'un opérateur efficace. Elle ne peut pas s'engager aujourd'hui sur une échéance finale à laquelle les niveaux de plafonds tarifaires rejoindront la cible. En effet, elle estime pertinent d'adapter la transition au regard de l'évolution du marché. A cet égard, si elle est en accord avec la Commission sur le fait qu'une harmonisation des méthodes est nécessaire, et notamment l'utilisation d'une référence aux coûts incrémentaux de long terme en matière de régulation des tarifs des services de terminaison d'appel sur l'ensemble des marchés, il ne lui semble pas qu'une échéance unique et relativement rapide pour l'ensemble des marchés européens pour atteindre cette cible en niveaux doive s'imposer. En effet, elle considère que, bien qu'il soit pertinent d'éviter qu'un trop fort écart se creuse entre les pays en matière de mise en œuvre et de rapidité de la transition, cette période transitoire doit être adaptée, notamment, au contexte du marché considéré, qu'il s'agisse de la situation concurrentielle et de la concentration des acteurs, du développement du marché et notamment des profils de consommation (répartition prépayé-postpayé), ou du niveau de départ de la transition vers les coûts incrémentaux.
      Cette période de transition est nécessaire au marché pour s'adapter, mais permettra par ailleurs à l'Autorité d'approfondir son travail sur les coûts incrémentaux de long terme d'un opérateur efficace. En particulier, son estimation du niveau de ces coûts, si elle est fiable, reste encore comprise dans une fourchette relativement large et nécessite encore d'être affinée, afin de pouvoir prendre en compte une cible plus précise au fur et à mesure que les tarifs se rapprocheront des coûts incrémentaux de référence. L'Autorité travaillera avec les acteurs sur ce sujet. La décision n° 2007-0128 susvisée de comptabilisation des coûts et de séparation comptable pourra notamment évoluer afin d'assurer que les spécifications précisées dans le cadre des restitutions réglementaires des opérateurs au titre de l'obligation de comptabilisation des coûts et de séparation comptable, qui sont aujourd'hui en coûts historiques et en coûts complets soient adaptées à la définition de cette nouvelle référence de coûts et permettent une évaluation fiable et précise des niveaux des coûts incrémentaux de long terme des opérateurs mobiles métropolitains. De même, une évolution du modèle bottom-up de modélisation d'un opérateur générique métropolitain pourra être envisagée en ce sens.
      Enfin, au niveau européen, des travaux d'approfondissement sur les coûts incrémentaux pourront être menés au sein du GRE.
      Par ces motifs, décide :


    • Orange France et SFR mettent en œuvre des tarifs de terminaison d'appel vocal mobile, tels que, à compter du 1 er juillet 2009 et jusqu'au 30 juin 2010, le prix maximal d'une terminaison d'appel intra-ZA n'excède pas 4,5 centimes d'euro par minute et le prix annuel d'un bloc primaire numérique n'excède pas 2 939 euros.
      Bouygues Telecom met en œuvre des tarifs de terminaison d'appel vocal mobile, tels que, à compter du 1er juillet 2009 et jusqu'au 30 juin 2010, le prix maximal d'une terminaison d'appel intra-ZA n'excède pas 6 centimes d'euro par minute et le prix annuel d'un bloc primaire numérique n'excède pas 3 800 euros.
      Orange France et SFR mettent en œuvre des tarifs de terminaison d'appel vocal mobile, tels que, à compter du 1er juillet 2010 et jusqu'au 31 décembre 2010, le prix maximal d'une terminaison d'appel intra-ZA n'excède pas 3 centimes d'euro par minute et le prix annuel d'un bloc primaire numérique n'excède pas 2 939 euros.
      Bouygues Telecom met en œuvre des tarifs de terminaison d'appel vocal mobile, tels que, à compter du 1er juillet 2010 et jusqu'au 31 décembre 2010, le prix maximal d'une terminaison d'appel intra-ZA n'excède pas 4 centimes d'euro par minute et le prix annuel d'un bloc primaire numérique n'excède pas 3 500 euros.


    • Le directeur général de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes est chargé de l'application de la présente décision. Il notifiera aux sociétés Orange France, SFR et Bouygues Telecom cette décision ainsi que, le cas échéant, les annexes soumises au secret des affaires les concernant. La présente décision et ses annexes, à l'exclusion des parties couvertes par le secret des affaires, seront publiées au Journal officiel de la République française.



    • A N N E X E A
      ANALYSE DES COÛTS DE TERMINAISON D'APPEL VOIX
      RELATIFS AU RÉSEAU D'ORANGE FRANCE


      La présente annexe comprend les éléments du document qui sont partiellement confidentiels. Ceux-ci font référence à des données comptables d'Orange France qui ne sont pas publiques et que l'opérateur a communiquées à l'Autorité (cf. section 1.3.1).
      L'Autorité s'intéresse à deux références de coûts relatives à la prestation de terminaison d'appel vocal mobile, produites conformément aux décisions susvisées n° 2005-0960 pour les comptes 2004 et 2005 et n° 2007-0128 pour les comptes 2006 et 2007, tous ces comptes ayant été audités :
      ― les coûts réseau de la prestation de terminaison d'appel ;
      ― l'ensemble des coûts alloués à la prestation de terminaison d'appel.
      [SDA]


      A N N E X E B
      ANALYSE DES COÛTS DE TERMINAISON D'APPEL VOIX
      RELATIFS AU RÉSEAU DE SFR


      La présente annexe comprend les éléments du document qui sont partiellement confidentiels. Ceux-ci font référence à des données comptables de SFR qui ne sont pas publiques et que l'opérateur a communiquées à l'Autorité (cf. section 1.3.1).
      L'Autorité s'intéresse à deux références de coûts relatives à la prestation de terminaison d'appel vocal mobile, produites conformément aux décisions susvisées n° 2005-0960 pour les comptes 2004 et 2005 et n° 2007-0128 pour les comptes 2006 et 2007, tous ces comptes ayant été audités :
      ― les coûts réseau de la prestation de terminaison d'appel ;
      ― l'ensemble des coûts alloués à la prestation de terminaison d'appel (après retraitement ARCEP des éléments faisant l'objet de réserves de la part de l'auditeur).
      [SDA]


      A N N E X E C
      ANALYSE DES COÛTS DE TERMINAISON D'APPEL VOIX
      RELATIFS AU RÉSEAU DE BOUYGUES TELECOM


      La présente annexe comprend les éléments du document qui sont partiellement confidentiels. Ceux-ci font référence à des données comptables de Bouygues Telecom qui ne sont pas publiques et que l'opérateur a communiquées à l'Autorité (cf. section 1.3.1).
      L'Autorité s'intéresse à deux références de coûts relatives à la prestation de terminaison d'appel vocal mobile, produites conformément aux décisions susvisées n° 2005-0960 pour les comptes 2004 et 2005 et n° 2007-0128 pour les comptes 2006 et 2007, tous ces comptes ayant été audités :
      ― les coûts réseau de la prestation de terminaison d'appel ;
      ― l'ensemble des coûts alloués à la prestation de terminaison d'appel.
      [SDA]

      (55) Voir les décisions antérieures de l'Autorité, n° 2007-0128 (spécifications comptables) et n° 2007-0810 (analyse de marché). [SDA] Secret des affaires.


Fait à Paris, le 2 décembre 2008.


Le président,
P. Champsaur

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