Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2009-80 du 22 janvier 2009 relative à l'appel public à l'épargne et portant diverses dispositions en matière financière

NOR : ECET0825537P
ELI : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/rapport/2009/1/23/ECET0825537P/jo/texte
JORF n°0019 du 23 janvier 2009
Texte n° 13

Version initiale


Monsieur le Président,
L'article 152 (b et c du 1°) de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie a habilité le Gouvernement à prendre par ordonnance, dans les conditions prévues par l'article 38 de la Constitution, les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires à la modernisation du cadre juridique de la place financière française.
En vertu de cette habilitation, la présente ordonnance procède à plusieurs réformes destinées à faciliter le financement des entreprises sur les marchés, notamment en rapprochant le droit français applicable en matière d'offre au public de titres financiers des standards européens connus des investisseurs internationaux. Pour ce faire, l'ordonnance :
― substitue à la notion française d'appel public à l'épargne les notions européennes d'offre au public de titres financiers, d'une part, et d'admission aux négociations sur un marché réglementé, d'autre part ;
― supprime les règles récurrentes liées à la réalisation d'une offre au public et, ce faisant, le statut de société « faisant appel public à l'épargne » ;
― permet aux émetteurs de procéder à une augmentation de capital par placement privé dans des conditions plus rapides et moins coûteuses ;
― modifie les conditions de capital social minimum en vue de faciliter l'offre au public ;
― finalise la réforme des publications au Bulletin des annonces légales obligatoires amorcée par le décret n° 2008-258 du 13 avril 2008 relatif à la publication de l'information financière réglementée.
Le chapitre Ier modifie le code monétaire et financier.
L'article 1er modifie le titre Ier du livre IV du code monétaire et financier.
Le premier alinéa remplace la notion d'appel public à l'épargne par la notion de l'offre au public de titres financiers en vue de faire correspondre fidèlement le droit français à la définition correspondante de l'offre au public retenue dans la directive européenne 2003 / 71 / CE dite « Prospectus ». La nouvelle définition ne modifie pas le type d'opérations d'offre au public issu de la définition en droit français de l'appel public à l'épargne. Cependant, conformément à la directive précitée, il est précisé que l'offre au public porte sur les titres financiers et non plus sur les instruments financiers, ces derniers ne pouvant faire l'objet à proprement parler d'une offre au public puisqu'ils ne font pas l'objet d'une émission. Cette nouvelle définition est plus lisible, en particulier pour les acteurs internationaux qui sont soumis au droit français lorsqu'ils choisissent de réaliser leurs opérations de financement sur la place financière française. Elle a aussi l'avantage d'être commune aux principaux Etats membres de l'Union européenne, ce qui permet aux acteurs de marché de fonder leur action sur une interprétation de l'offre au public commune à l'ensemble de l'Union européenne.
L'article L. 411-2 est modifié pour permettre à toute société, dès lors qu'elle est autorisée à procéder à une offre au public, de bénéficier des dérogations à l'établissement d'un prospectus.
L'article L. 412-1 est modifié pour dispenser de l'obligation de traduction du résumé du prospectus les opérations de placement privé sur le compartiment du marché réglementé réservé aux professionnels.L'objectif est de rendre la place financière française plus accueillante à l'égard des émetteurs de pays étrangers notamment émergents, sans pour autant porter atteinte à la bonne information des investisseurs qui n'ont pas vocation à réaliser l'acquisition sur ce compartiment de titres réservés lors de leur émission à un petit nombre d'investisseurs ou aux seuls investisseurs qualifiés au sens de la directive 2003 / 71 / CE dite « Prospectus ».
Le statut de société faisant appel public à l'épargne est supprimé par l'abrogation du III de l'article L. 412-1. Le fait de procéder à une offre au public à un instant donné n'imposera plus d'obligations récurrentes à la société du fait de cette offre.L'objectif de cette suppression est d'améliorer la sécurité juridique du droit des sociétés et d'aligner les obligations des sociétés sur celles du cadre communautaire, afin de faciliter leur développement à travers la diversification de leur financement par le recours aux marchés de capitaux.
L'article L. 412-2 rappelle le régime des interdictions de procéder à une offre au public de titres financiers ou, le cas échéant, de faire admettre ceux-ci sur un marché réglementé en fonction du type d'entité concerné.L'article L. 412-3 énonce la sanction de nullité des contrats en cas de manquement à ces interdictions.
Les articles 2 et 3 modifient les livres II et III du code monétaire et financier. Ils remplacent les mentions de l'appel public à l'épargne par celle de l'offre au public.
L'article 4 redéfinit notamment, par cohérence avec le périmètre des dispositions relatives aux abus de marché (article 6), le périmètre des sociétés au sujet desquelles les autorités judiciaires peuvent demander l'avis de l'Autorité des marchés financiers (AMF), à savoir les sociétés cotées sur le marché réglementé ou sur un marché organisé.
L'article 5 clarifie la possibilité offerte aux banques coopératives et mutualistes de procéder à une offre au public de leurs parts sociales, compte tenu de la réforme du droit des instruments financiers en cours par ailleurs et de la restriction de l'offre au public aux titres financiers (article 1er de la présente ordonnance). Le prospectus demandé pour ce type d'offre au public sera néanmoins adapté par le règlement général de l'AMF, compte tenu du fait que les parts sociales de coopératives sont en dehors du champ de la directive dite « Prospectus ».
L'article 6 modifie par cohérence les articles du livre VI du code monétaire et financier relatifs à l'AMF, afin de tenir compte de la suppression du statut de société faisant appel public à l'épargne et du remplacement de la notion d'appel public à l'épargne par celle d'offre au public.
A l'article L. 621-7, le champ du règlement général de l'AMF est modifié en fonction de ces évolutions. Ainsi, le règlement général détermine les règles de pratique professionnelle qui s'imposent aux émetteurs à l'occasion d'une offre au public (règles relatives au prospectus) ainsi qu'aux émetteurs dont les titres sont cotés sur un marché réglementé. Dans le cadre de la prévention des abus de marché, il détermine également les règles applicables aux opérations sur des titres cotés sur un marché réglementé ou un marché organisé, en conformité avec le champ des articles L. 621-9 et L. 621-15.
Aux articles L. 621-9 et L. 621-15, le champ du contrôle, des enquêtes et des sanctions de l'AMF est redéfini de façon à correspondre aux opérations effectuées sur des instruments financiers à l'occasion de leur offre au public ainsi que sur des instruments financiers cotés sur un marché réglementé et sur un marché organisé.L'objectif est de donner à ce champ le périmètre le plus adapté à une surveillance effective de l'AMF, afin d'assurer la protection la plus efficace des investisseurs.
Le champ de l'article L. 621-18-2 relatif à l'obligation de déclarations des opérations sur titres des dirigeants est aligné sur celui de la directive 2003 / 6 / CE sur les abus de marché. Cependant, le projet prévoit que toute entreprise de marché peut demander l'application sur son marché de cette obligation, auquel cas l'AMF en fixe les modalités par son règlement général.
L'article L. 621-18-3 modifie le champ de l'obligation d'établir et de publier un rapport sur le contrôle interne en ciblant celle-ci sur les émetteurs pour lesquels elle revêt une importance particulière en raison de la complexité de leur organisation, à savoir les sociétés françaises dont la taille les a conduites à être cotées sur un marché réglementé en cohérence avec les modifications effectuées dans le code de commerce (article 7 de la présente ordonnance). Cette obligation peut être applicable sur un système multilatéral de négociation qui se soumet aux obligations de la directive « abus de marché », lorsque l'opérateur d'un système multilatéral de négociation en fait la demande.
Le champ de l'article L. 621-22 relatif aux relations entre l'AMF et les commissaires aux comptes est adapté par cohérence au champ du contrôle, des enquêtes et des sanctions de l'AMF.
Le chapitre II modifie le code de commerce d'une part sur l'appel public à l'épargne et d'autre part sur l'augmentation de capital.
L'article 7 modifie le titre II du livre II.
Le capital social minimal d'une société par actions est fixé à 37 000 € par l'article L. 224-2. Pour procéder à une émission de titres financiers, plutôt qu'un critère de capital social minimum, des critères tels que l'obligation de disposer de fonds propres ou la capitalisation envisagée paraissent plus adaptés à la protection des intérêts des investisseurs. Le projet prévoit qu'il revient désormais à l'opérateur de marché de fixer les critères de capital et son montant minimal au titre des conditions d'admission à la cotation sur un marché réglementé qu'il lui appartient de définir en vertu de la directive européenne « Marchés d'instruments financiers ».
L'obligation d'établir un rapport sur le contrôle interne (articles L. 225-37 et L. 225-68) est limitée aux sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé.L'opérateur d'un marché organisé peut demander que cette obligation s'impose sur son marché. Cette modification de champ est également effectuée par cohérence pour les sociétés en commandite par actions concernées à l'article L. 226-10-1 (XIII de l'article 7).
L'article L. 227-2 est modifié pour permettre aux sociétés par actions simplifiées de procéder à une offre au public de titres financiers à condition que le montant par investisseur ou que la valeur nominale du titre dépassent certains seuils. Il lui demeure interdit de faire admettre ses actions aux négociations sur un marché réglementé.
L'article 8 tire les conséquences rédactionnelles du remplacement de la notion d'appel public à l'épargne par celle de l'offre au public dans plusieurs dispositions du code de commerce.
L'article 9 assouplit les conditions auxquelles une société coopérative agricole ou d'intérêt collectif agricole peut faire appel à une fédération agréée pour la révision de ses comptes dans la mesure où les réviseurs de cette fédération peuvent opter pour le statut de commissaire aux comptes, ce qui permet de garantir leur indépendance.
L'article 10 modifie certaines dispositions relatives aux commissaires aux comptes, notamment pour tenir compte du champ du contrôle et des sanctions de l'AMF ou des relations habituelles entre l'AMF et les commissaires aux comptes. Il précise par exemple que le rôle de l'AMF dans les enquêtes visant des commissaires aux comptes porte sur ceux des sociétés cotées sur un marché réglementé ou organisé (articles L. 821-8 et 9).
L'article 11 permet de procéder à une augmentation de capital sans droit préférentiel de souscription par placement privé, à l'intention d'investisseurs qualifiés ou d'un cercle restreint d'investisseurs, dans la limite de 20 % du capital social par an.L'objectif est de faciliter le recours à ce mode de financement pour les sociétés, plus rapide et plus simple qu'une augmentation de capital par offre au public.
Le chapitre III vise à modifier les autres codes concernés par le présent dispositif.
Les articles 12, 14 et 17 tirent les conséquences de la suppression de la notion d'appel public à l'épargne dans le code pénal, le code du sport et le code des assurances.
A l'article 15, l'article 1841 du code civil est maintenu en ce qu'il interdit l'offre au public aux sociétés qui n'y auraient pas été autorisées. Il est modifié en ce qu'il n'interdit plus désormais par principe l'admission à la négociation des titres émis par les sociétés sur un marché réglementé puisque la directive relative aux marchés d'instruments financiers (2004 / 39 / CE) impose aux Etats membres de laisser au seul opérateur de marché le pouvoir de fixer des règles d'admission aux négociations sur un marché réglementé.
L'article 16 modifie le code général des impôts pour tenir compte du remplacement de la notion d'appel public à l'épargne par celle de l'offre au public et de la suppression du statut de société faisant appel public à l'épargne. Les modifications des dispositions relatives à la taxe professionnelle visent à produire un effet équivalent aux critères actuels notamment afin de ne pas exonérer de taxe professionnelle les sociétés coopératives dont le capital est détenu pour une part significative par des associés non coopérateurs.
L'article 18 modifie le code rural en tenant compte des modifications effectuées dans le code de commerce notamment en ce qui concerne la modification du capital social minimum et le recours à une fédération agréée pour la révision des comptes.
Le chapitre IV modifie les dispositions non codifiées concernées par la réforme pour tenir compte de la suppression de la notion d'appel public à l'épargne et de la suppression du statut de société faisant appel public à l'épargne.
Le chapitre V finalise la réforme des publications au Bulletin des annonces légales obligatoires initiée par le décret du 13 avril 2008 précité en supprimant notamment la publication d'un rapport semestriel dans le code de commerce ainsi que l'élaboration d'un inventaire des valeurs mobilières.
Le chapitre VI désigne la Direction des Journaux officiels comme organisme de stockage de l'information réglementée, prévu par la directive 2004 / 109 / CE dite « Transparence ».
Tel est l'objet de la présente ordonnance que nous avons l'honneur de soumettre à votre approbation.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de notre profond respect.

Extrait du Journal officiel électronique authentifié PDF - 363,2 Ko
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