Décret n°2006-1044 du 23 août 2006 relatif aux prescriptions de sécurité et de santé applicables en cas d'exposition aux risques dus au bruit des personnels employés à bord des navires.

Dernière mise à jour des données de ce texte : 14 février 2011

NOR : EQUT0501633D

Version en vigueur au 19 mars 2024

Le Premier ministre,

Sur le rapport du ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer,

Vu la directive 2003/10/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 février 2003 concernant les prescriptions minimales de sécurité et de santé relatives à l'exposition des travailleurs aux risques dus aux agents physiques (bruit) (dix-septième directive particulière au sens de l'article 16, paragraphe 1, de la directive 89/391/CEE) ;

Vu le code du travail, notamment son article L. 230-2 ;

Vu l'avis du Conseil supérieur de la marine marchande en date du 25 octobre 2005 ;

Le Conseil d'Etat (section sociale) entendu,

  • Les dispositions du présent décret sont applicables aux navires à bord desquels sont employés des personnels exposés ou susceptibles d'être exposés de ce fait à des risques dus au bruit.

  • Les paramètres physiques utilisés comme indicateurs du risque sont définis comme suit :

    1° Niveau de pression acoustique de crête : niveau de la valeur maximale de la pression acoustique instantanée mesurée avec la pondération fréquentielle C ;

    2° Niveau d'exposition quotidienne au bruit : moyenne pondérée dans le temps des niveaux d'exposition au bruit pour une journée de travail nominale de huit heures ;

    3° Niveau d'exposition hebdomadaire au bruit : moyenne pondérée dans le temps des niveaux d'exposition quotidienne au bruit pour une semaine nominale de cinq journées de travail de huit heures.

    Le mode de calcul de ces paramètres physiques est fixé par arrêté du ministre chargé de la mer.

  • I. - Les valeurs limites d'exposition et les valeurs d'exposition déclenchant l'action de prévention sont définies par rapport aux paramètres physiques mentionnés à l'article 2 du présent décret et fixées comme suit :

    1° Les valeurs limites d'exposition sont un niveau d'exposition quotidienne au bruit de 87 dB(A) ou un niveau de pression acoustique de crête de 140 dB(C) ;

    2° Les valeurs d'exposition supérieures déclenchant l'action de prévention prévue à l'article 6, paragraphes II et III, à l'article 7, paragraphe I, point b, et à l'article 10, paragraphe I, sont un niveau d'exposition quotidienne au bruit de 85 dB(A) ou un niveau de pression acoustique de crête de 137 dB(C) ;

    3° Les valeurs d'exposition inférieures déclenchant l'action de prévention prévue à l'article 7, paragraphe I, point a, à l'article 9 et à l'article 10, paragraphe II, sont un niveau d'exposition quotidienne au bruit de 80 dB(A) ou un niveau de pression acoustique de crête de 135 dB(C).

    II. - Pour l'application des valeurs limites d'exposition définies au 1° du I, la détermination de l'exposition effective des personnels au bruit tient compte de l'atténuation assurée par les protecteurs auditifs individuels portés par ces personnels.

    Les valeurs d'exposition déclenchant l'action de prévention définies aux 2° et 3° du I ne prennent pas en compte l'effet de l'utilisation de ces protecteurs.

    III. - Dans des circonstances dûment justifiées auprès de l'inspecteur du travail maritime et pour des activités caractérisées par une variation notable d'une journée de travail à l'autre de l'exposition quotidienne au bruit, le niveau d'exposition hebdomadaire au bruit peut être utilisé au lieu du niveau d'exposition quotidienne pour évaluer les niveaux de bruit auxquels les personnels sont exposés, aux fins de l'application des valeurs limites d'exposition et des valeurs déclenchant l'action de prévention.

    Cette substitution peut être effectuée à condition que le niveau d'exposition hebdomadaire au bruit indiqué par un contrôle approprié ne dépasse pas la valeur limite d'exposition de 87 dB(A) et que des mesures appropriées soient prises afin de réduire au minimum les risques associés à ces activités.

  • I. - L'évaluation des risques pour la santé et la sécurité des personnes employées à bord des navires, effectuée en application du a du III de l'article L. 230-2 du code du travail, détermine notamment la nature, la durée et le niveau de l'exposition au bruit auxquels ces personnes sont soumises. L'armateur fait éventuellement procéder au mesurage de ce niveau d'exposition.

    II. - L'évaluation des risques est fondée sur :

    1° L'observation des travaux spécifiques, des différents postes de travail, l'appréciation de la notion de confort ou d'inconfort au niveau des locaux de vie et plus particulièrement des cabines des personnels ;

    2° Les informations fournies par le fabricant des équipements et par le constructeur du navire et toutes autres informations pertinentes relatives aux bruits générés par ces équipements et le navire dans des conditions normales d'utilisation ;

    3° Si nécessaire, le mesurage par équipement, par poste, par zone, ou éventuellement global, du niveau d'exposition au bruit auquel ces personnels sont susceptibles d'être exposés.

    L'évaluation des niveaux de bruit et les résultats de leur éventuel mesurage sont systématiquement effectués en cas de transformation majeure du navire, avec le concours, le cas échéant, des médecins des gens de mer, et les préconisations des inspecteurs du travail maritime et des inspecteurs de la sécurité des navires et de la prévention des risques professionnels.

    Les conditions du mesurage des niveaux de bruit sont fixées par arrêté.

    III. - Lorsqu'il procède à l'évaluation des risques, l'armateur prend en considération les éléments suivants :

    1° Le niveau, le type et la durée d'exposition au bruit, en fonction du type de navigation, y compris toute exposition au bruit impulsif, évalués ou mesurés conformément aux I et II ci-dessus ;

    2° Les valeurs limites d'exposition ou les valeurs d'exposition déclenchant l'action de prévention fixées à l'article 3 du présent décret ;

    3° Toute incidence sur la santé et la sécurité des personnels particulièrement sensibles à ce risque, notamment les femmes enceintes et les jeunes de moins de dix-huit ans ;

    4° Toute incidence sur la santé et la sécurité des personnels résultant d'interactions entre le bruit et des substances ototoxiques d'origine professionnelle et entre le bruit et les vibrations, compte tenu de l'état des connaissances scientifiques et dans la mesure où cela est techniquement réalisable ;

    5° Toute incidence indirecte sur la santé et la sécurité des travailleurs résultant d'interactions entre le bruit et les signaux d'alarme ou d'autres sons qu'il importe d'observer afin de réduire le risque d'accidents ;

    6° Les renseignements sur les émissions sonores fournis par les fabricants des équipements de travail ;

    7° L'existence d'équipements de travail conçus pour réduire les émissions sonores et susceptibles d'être utilisés en remplacement des équipements existants ;

    8° La prolongation de l'exposition au bruit au-delà des heures de travail, par exemple lorsque l'activité amène les personnels employés à bord du navire à utiliser des locaux de repos exposés au bruit ;

    9° La mise à disposition de protecteurs auditifs individuels ayant des caractéristiques d'atténuation adaptées aux niveaux et fréquences des alarmes sonores et ne compromettant pas la nécessité pour les personnels de disposer des repères auditifs avertissant d'un danger ;

    10° Les conclusions fournies par le médecin des gens de mer ou le médecin du travail chargé de la surveillance de la santé des personnes employées à bord.

    Les résultats issus de l'évaluation des niveaux de bruit ou du mesurage sont conservés sous une forme susceptible d'en permettre la consultation pendant une durée de dix ans et tenus à la disposition des membres du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, des délégués du personnel ou des délégués de bord, ainsi que du médecin des gens de mer ou du médecin du travail.

    Ils sont également tenus, sur leur demande, à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail maritime, et de l'inspecteur de la sécurité des navires et de la prévention des risques professionnels.

    IV. - Lorsque les résultats de l'évaluation mettent en évidence des risques pour la santé ou la sécurité des personnes employées à bord, l'armateur met en oeuvre les mesures prévues par les articles 6, 7, 8 et 9 du présent décret.

  • L'inspecteur du travail maritime peut mettre en demeure l'armateur de faire procéder à un mesurage de l'exposition au bruit des personnes employées à bord par un organisme accrédité dans ce domaine par le Comité français d'accréditation ou par tout autre organisme d'accréditation signataire de l'accord multilatéral européen établi dans le cadre de la coordination européenne des organismes d'accréditation.

    Un arrêté du ministre chargé de la mer précise les conditions d'accréditation et les méthodes à utiliser pour le mesurage.

    L'armateur justifie qu'il a saisi l'organisme accrédité dans le mois suivant la date de mise en demeure et transmet à l'inspecteur du travail maritime les résultats qui lui sont communiqués dans les dix jours qui suivent cette transmission.

    Le coût des prestations liées au mesurage de l'exposition au bruit est à la charge de l'armateur.

  • I. - L'armateur prend des mesures de prévention visant à supprimer ou à réduire les risques résultant de l'exposition au bruit.

    Il tient compte du progrès technique et de la disponibilité de mesures de maîtrise du risque à la source, notamment lors de la conception et de la construction du navire. La réduction de ces risques se fonde sur les principes généraux de prévention mentionnés au II de l'article L. 230-2 du code du travail.

    II. - Lorsque les valeurs d'exposition supérieures définies au 2° du I de l'article 3 sont dépassées, l'armateur établit et met en oeuvre un programme de mesures techniques ou organisationnelles visant à réduire en dessous du seuil l'exposition au bruit et les risques qui en résultent.

    Il prend notamment en considération :

    1° D'autres procédés de travail permettant de réduire l'exposition au bruit ;

    2° Le choix d'équipements de travail appropriés, émettant, compte tenu du travail à effectuer, le moins de bruit possible ;

    3° La conception et l'agencement des lieux et postes de travail ;

    4° L'information et la formation adéquates des personnels afin qu'ils utilisent correctement et de manière sûre les équipements de travail, de façon à réduire au minimum leur exposition au bruit ;

    5° Des moyens techniques pour réduire le bruit aérien en agissant sur son émission, sa propagation, sa réflexion, tels que réduction à la source, écrans, capotages, correction acoustique du local ;

    6° Des moyens techniques pour réduire le bruit de structure, par exemple par l'amortissement ou par l'isolation ;

    7° Des programmes appropriés de maintenance des équipements de travail et du lieu de travail ;

    8° La réduction de l'exposition au bruit par une meilleure organisation du travail en limitant la durée et l'intensité de l'exposition et en organisant convenablement les horaires de travail, prévoyant notamment des périodes de repos de l'ouïe.

    III. - Sur la base de l'évaluation des risques visée à l'article 4 du présent décret, les lieux de travail à bord où les personnels sont susceptibles d'être exposés à un bruit dépassant les valeurs d'exposition supérieures définies au 2° du I de l'article 3 font l'objet d'une signalisation appropriée.

    Ces lieux sont, en outre, délimités et font l'objet d'une limitation d'accès lorsque cela est techniquement faisable et que le risque d'exposition le justifie.

    IV. - Le bruit dans les locaux de vie et de repos doit demeurer à un niveau compatible avec leur fonction et leurs conditions d'utilisation.

    V. - L'armateur adapte, en liaison avec le médecin des gens de mer, les mesures prévues au présent article aux personnels particulièrement sensibles à ce risque.

  • I. - Si d'autres moyens ne permettent pas de limiter l'exposition au bruit, des protecteurs auditifs individuels, appropriés et correctement adaptés, sont mis à la disposition des personnels dans les conditions suivantes :

    1° Lorsque l'exposition au bruit dépasse les valeurs d'exposition inférieures définies au 3° du I de l'article 3, l'armateur met des protecteurs auditifs individuels à la disposition des personnels ;

    2° Lorsque l'exposition au bruit égale ou dépasse les valeurs d'exposition supérieures définies au 2° du I de l'article 3, les personnels utilisent des protecteurs auditifs individuels.

    Les protecteurs auditifs individuels sont choisis de façon à éliminer le risque pour l'ouïe ou à le réduire le plus possible.

    II. - Les protecteurs auditifs individuels sont choisis après avis des personnels concernés et de leurs représentants, du médecin des gens de mer et, éventuellement, des agents des services de prévention des organismes de sécurité sociale et des organismes mentionnés au 4° de l'article L. 231-2 du code du travail.

    III. - L'employeur est tenu de vérifier l'efficacité des mesures prises en application du présent article.

    IV. - L'employeur conserve les références des types et modèles de protecteurs auditifs individuels affectés aux personnels en vue d'en assurer un remplacement adéquat lorsqu'ils sont usagés.

  • I. - L'exposition des personnels employés à bord, telle que déterminée conformément aux dispositions de l'article 3, paragraphe II, ne peut en aucun cas dépasser les valeurs limites d'exposition définies au 1° du I de cet article.

    II. - Si, en dépit des mesures mises en oeuvre par l'employeur, en application des articles 6 et 7 du présent décret, des expositions dépassant les valeurs limites d'exposition sont constatées, l'employeur :

    1° Prend immédiatement des mesures pour réduire l'exposition à un niveau inférieur à ces valeurs limites d'exposition ;

    2° Détermine les causes de l'exposition excessive et adapte les mesures de protection et de prévention en vue d'éviter toute récurrence.

  • L'armateur ou l'employeur veille à ce que les personnels et leurs représentants, soumis à un niveau sonore égal ou supérieur aux valeurs d'exposition inférieures déclenchant l'action, reçoivent des informations et une formation en rapport avec le résultat de l'évaluation, portant notamment sur :

    1° La nature de ce type de risque ;

    2° Les mesures prises en application des articles 6, 7 et 8 du présent décret en vue de supprimer ou de réduire les risques résultant de l'exposition au bruit, y compris les circonstances dans lesquelles les mesures s'appliquent ;

    3° Les valeurs limites d'exposition et les valeurs d'exposition déclenchant l'action de prévention fixées à l'article 3 du présent décret ;

    4° Les résultats des évaluations et éventuellement des mesurages de l'exposition au bruit effectués en application de l'article 4 du présent décret, accompagnés d'une explication relative à leur signification et aux risques potentiels ;

    5° L'utilisation correcte des protecteurs auditifs individuels ;

    6° L'utilité et la façon de dépister et de signaler des symptômes de l'altération de l'ouïe ;

    7° Les conditions dans lesquelles les personnels ont droit à une surveillance médicale renforcée ;

    8° Les pratiques professionnelles sûres, permettant de réduire au minimum les risques dus à l'exposition au bruit.

  • I. - Le médecin des gens de mer exerce une surveillance médicale renforcée pour les marins exposés à des niveaux de bruit supérieurs aux valeurs d'exposition supérieures définies au 2° du I de l'article 3.

    II. - Un examen audiométrique préventif est également proposé aux personnels dont l'exposition au bruit dépasse les valeurs d'exposition inférieures définies au 3° du I de l'article 3, lorsque l'évaluation et les mesurages visés à l'article 4, paragraphe I, du présent décret révèlent un risque pour la santé.

    III. - Cette surveillance médicale renforcée, organisée par arrêté du ministre chargé de la mer, a pour objectif le diagnostic précoce de toute perte auditive due au bruit et la préservation de la fonction auditive.

    IV. - Lorsque la surveillance de la fonction auditive fait apparaître qu'un marin souffre d'une altération identifiable de l'ouïe, le médecin des gens de mer évalue si cette altération est susceptible de résulter d'une exposition au bruit à bord du navire. Dans ce cas, le marin est informé par le médecin des gens de mer des résultats et de l'interprétation des examens médicaux dont il a bénéficié.

    L'armateur est informé de toute conclusion significative provenant de la surveillance de la santé, dans le respect du secret médical.

    L'armateur en tire toutes les conséquences utiles en procédant notamment à une nouvelle évaluation des risques résultant de l'exposition au bruit, conformément à l'article 4 du présent décret.

    Il réexamine les mesures prévues pour supprimer ou réduire les risques conformément à l'article 6 du présent décret. Il tient compte de l'avis du médecin des gens de mer, de l'inspecteur du travail maritime et de l'inspecteur de la sécurité des navires et de la prévention des risques professionnels pour la mise en oeuvre de toute mesure jugée nécessaire pour supprimer ou réduire les risques, y compris l'éventuelle affectation du marin à un autre poste ne comportant plus de risque d'exposition.

    Dans ce cas, le médecin des gens de mer détermine la pertinence et la nature des examens éventuellement nécessaires pour les autres marins ayant subi une exposition semblable.

    V. - Les personnels embarqués n'exerçant pas la profession de marin sont soumis à une surveillance médicale équivalente organisée dans le cadre du service de santé au travail dont ils relèvent.

  • Dans des cas exceptionnels où, en raison de la nature du travail et en l'absence d'alternative technique, l'utilisation permanente des protecteurs auditifs individuels serait susceptible d'entraîner un risque plus grand pour la santé ou la sécurité que leur non-utilisation, l'inspecteur du travail maritime peut accorder, après avis du chef du centre de sécurité des navires et du médecin des gens de mer ou du travail en charge de la surveillance des personnels concernés, des dérogations aux dispositions de l'article 7 du présent décret, paragraphe I, points a et b, et de l'article 8.

    L'armateur ou l'employeur précise dans sa demande les circonstances qui justifient cette dérogation et transmet l'avis du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou, à défaut, des délégués de bord ou des délégués du personnel.

    La dérogation est assortie de conditions garantissant, compte tenu des circonstances particulières, que les risques qui en résultent sont réduits au minimum. Les personnels concernés font l'objet d'un contrôle audiométrique périodique.

    La dérogation est accordée pour une durée d'un an renouvelable.

  • Pour la mise en oeuvre des dispositions du présent décret, l'armateur tient à la disposition de l'employeur des personnels n'exerçant pas la profession de marin employés à bord et du médecin du travail chargé de leur surveillance toute information nécessaire relative à l'évaluation des risques liés à l'exposition au bruit à bord, notamment les mesurages effectués.

  • Les dispositions de l'article 8 entreront en vigueur le 14 février 2011.

  • Le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer est chargé de l'exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.

Par le Premier ministre :

Dominique de Villepin

Le ministre des transports, de l'équipement,

du tourisme et de la mer,

Dominique Perben

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