Décision du comité de règlement des différends et des sanctions du 16 décembre 2011 sur le différend qui oppose M. Sébastien NOUTARY à la société Electricité Réseau Distribution France (ERDF) relatif aux conditions de raccordement d'une installation de production photovoltaïque au réseau public de distribution d'électricité

Version initiale


Le comité de règlement des différends et des sanctions,
Vu la demande de règlement de différend, enregistrée le 19 juillet 2011, sous le numéro 223-38-11, présentée par M. Sébastien NOUTARY, Maison Biscay-Etchéa, 64120 Labets-Biscay, ayant pour avocat, Me Bertrand de GERANDO, 7, rue de Madrid, 75008 Paris.
M. NOUTARY a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie du différend qui l'oppose à la société Electricité Réseau Distribution France (ci-après désignée « ERDF »), sur les conditions de raccordement au réseau public de distribution d'électricité d'un projet de centrale photovoltaïque.
Il ressort des pièces du dossier que M. NOUTARY développe un projet de centrale photovoltaïque en toiture d'une puissance de 87 kVA sur le territoire de la commune de Labets-Biscay (Pyrénées Atlantiques). La société Electricité Réseau Distribution France (ERDF) est le gestionnaire du réseau public de distribution d'électricité sur le territoire de cette commune. Dans le cadre de ce projet, la société Cerise Energies assure la représentation de M. Sébastien NOUTARY.
Le 15 juillet 2010, M. NOUTARY a renvoyé à la société ERDF la proposition technique et financière signée.
Le 5 octobre 2010, la société ERDF a adressé à M. NOUTARY une convention de raccordement, reçue le 8 octobre 2010, relative à son projet d'installation de production photovoltaïque.
Le 3 janvier 2011, la société ERDF a adressé à la société Cerise Energies, mandataire de M. NOUTARY, un courrier daté du 30 décembre 2010 rappelant que passée la date du 5 janvier 2011 la convention de raccordement serait caduque et le projet retiré de la file d'attente.
Le 7 janvier 2011, M. NOUTARY a envoyé à la société ERDF la convention de raccordement signée.
Le 11 janvier 2011, la société ERDF a informé par courrier la société Cerise Energies que le projet de M. NOUTARY était sorti de file d'attente et considéré comme abandonné, la convention de raccordement n'ayant pas été renvoyée signée dans un délai de trois mois.
Le 20 janvier 2011, la société ERDF a adressé à la société Cerise Energies un exemplaire signé par elle de la convention de raccordement pour le site de production de M. NOUTARY.
Le 21 janvier 2011, la société ERDF a adressé un courrier à la société Cerise Energies précisant que l'exemplaire de la convention de raccordement envoyé le 20 janvier 2011 était nul et non avenu du fait de la sortie de file d'attente.
Estimant que la société ERDF n'a pas respecté la procédure de traitement des demandes de raccordement, M. NOUTARY a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions d'une demande de règlement du différend qui l'oppose à la société ERDF.
Dans ses observations, M. NOUTARY estime que le comité de règlement des différends et des sanctions est compétent pour trancher le litige l'opposant à la société ERDF dans la mesure où la société ERDF n'a pas respecté sa procédure de traitement des demandes de raccordement.
M. NOUTARY soutient que le courrier de relance adressé par la société ERDF le 3 janvier 2011 et reçu le 5 janvier 2011 ne respecte pas les dispositions de l'article 8.2.2 de la procédure de traitement des demandes de raccordement, selon lequel un courrier de relance est adressé au demandeur dix jours ouvrés avant la date d'expiration du délai de validité de la convention de raccordement.
M. NOUTARY ajoute que la société ERDF avait conscience de ce non-respect en ce qu'elle a adressé le 20 janvier 2011 une convention de raccordement.
M. NOUTARY demande en conséquence au comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie :
― d'annuler la décision de refus de raccordement et de sortie de la file d'attente prise par la société ERDF, le 11 janvier 2011 ;
― de valider la convention de raccordement signée par la société ERDF ;
― d'enjoindre à la société ERDF de reprendre la procédure de raccordement en considérant que la demande de raccordement de M. NOUTARY n'est jamais sortie de file d'attente ;
― de condamner la société ERDF au paiement de la somme de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles d'instance.


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Vu les observations en défense, enregistrées le 9 septembre 2011, présentées par la société Electricité Réseau Distribution France (ERDF), société anonyme, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le numéro B 444 608 442, dont le siège social est situé 102, terrasse Boieldieu, 92085 Paris La Défense Cedex, représentée par son secrétaire général, M. François ABKIN, et ayant pour avocat, Me Romain GRANJON, Cabinet ADAMAS, 55, boulevard des Brotteaux, 69006 Lyon.
La société ERDF soutient que, même si le délai de dix jours ouvrés n'a pas été strictement respecté en l'espèce, M. NOUTARY connaissait depuis le 5 octobre 2010 la date d'expiration de la validité de la convention de raccordement ainsi que les conséquences de la fin de ce délai, à savoir la sortie de la file d'attente.
Elle estime qu'elle a valablement mis fin au traitement de la demande de raccordement de M. NOUTARY et qu'elle ne peut accorder de traitement différent sur ce point à certains utilisateurs du réseau.
La société ERDF ajoute, enfin, que la demande de M. NOUTARY quant aux frais irrépétibles doit être rejetée, aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoyant que le comité de règlement des différends et des sanctions puisse attribuer à une partie une somme au titre des frais irrépétibles.
La société ERDF demande, en conséquence, au comité de règlement des différends et des sanctions de rejeter les demandes de M. NOUTARY.


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Vu le mémoire en réplique, enregistré le 26 septembre 2011, présenté par M. NOUTARY.
M. NOUTARY estime que le principe d'égalité commande à la société ERDF de respecter l'obligation procédurale d'adresser un courrier de relance, alors même que la société ERDF dit respecter ce principe à l'égard d'autres demandeurs.
M. NOUTARY soutient que la faute commise par la société ERDF au titre du refus de raccordement lui a causé un préjudice constitué, notamment, des frais irrépétibles insusceptibles d'être réparés au titre de l'article 700 du code de procédure civile. M. NOUTARY considère qu'il doit être indemnisé sur le fondement de l'article 1382 du code civil.
M. Sébastien NOUTARY persiste, donc, dans ses précédentes conclusions.


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Vu le mémoire en duplique, enregistré le 18 octobre 2011, présenté par la société ERDF.
La société ERDF estime que M. NOUTARY ne peut lui opposer un défaut d'information puisqu'elle avait dû lui adresser une lettre rappelant les références de la procédure et les conséquences de l'expiration du délai de trois mois lors de la validation de l'offre de raccordement.
La société ERDF soutient que, concernant la demande au titre des frais irrépétibles, le comité de règlement des différends et des sanctions a déjà eu l'occasion de rejeter de telles demandes même sans texte.
La société ERDF persiste, en conséquence, dans ses précédentes conclusions.


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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'énergie, notamment ses articles L. 134-19 et suivants ;
Vu le décret n° 2000-894 du 11 septembre 2000 modifié relatif aux procédures applicables devant la Commission de régulation de l'énergie ;
Vu la décision du 20 février 2009 relative au règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie ;
Vu la décision du 19 juillet 2011 du président du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie, relative à la désignation d'un rapporteur et d'un rapporteur adjoint pour l'instruction de la demande de règlement de différend enregistrée sous le numéro 223-38-11 ;
Vu la décision du 7 septembre 2011 du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie relative à la prorogation du délai d'instruction de la demande de règlement de différend introduite par M. NOUTARY.


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Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique du comité de règlement des différends et des sanctions, qui s'est tenue le 16 décembre 2011, en présence de :
M. Pierre-François RACINE, président du comité de règlement des différends et des sanctions, Mme Dominique GUIRIMAND, Mme Sylvie MANDEL et M. Roland PEYLET, membres du comité de règlement des différends et des sanctions ;
M. Olivier BEATRIX, directeur juridique et représentant le directeur général empêché ;
M. Jérémie ASTIER, rapporteur, et M. Didier LAFFAILLE, rapporteur adjoint ;
M. Sébastien NOUTARY, représenté par Me Bertrand de GERANDO ;
Les représentants de la société ERDF, assistés de Me Romain GRANJON.
Après avoir entendu :
― le rapport de M. Jérémie ASTIER, présentant les moyens et les conclusions des parties ;
― les observations de Me Bertrand de GERANDO pour M. Sébastien NOUTARY ; M. Sébastien NOUTARY persiste dans ses moyens et conclusions ;
― les observations de Me Romain GRANJON pour la société ERDF ; la société ERDF indique s'en remettre au comité de règlement des différends et des sanctions sur l'interprétation de la disposition concernant l'obligation d'envoi d'une lettre de relance dix jours avant la date d'expiration du délai de validité de la convention de raccordement ;
Aucun report de séance n'ayant été sollicité ;
Le comité de règlement des différends et des sanctions en ayant délibéré le 16 décembre 2011, après que les parties, le rapporteur, le rapporteur adjoint, le public et les agents des services se sont retirés.


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Sur la validité de la convention de raccordement de M. Sébastien NOUTARY :
M. NOUTARY demande au comité de règlement des différends et des sanctions d'annuler la décision de refus de raccordement et de sortie de la file d'attente prise par la société ERDF le 11 janvier 2011 et d'enjoindre à la société ERDF de reprendre la procédure de raccordement en considérant que sa demande de raccordement n'est jamais sortie de file d'attente.
M. NOUTARY soutient en effet que le courrier de relance adressé par la société ERDF le 3 janvier 2011 ne respecte pas les dispositions de l'article 8.2.2 de la procédure de traitement des demandes de raccordement.
La société ERDF soutient quant à elle que, même si le délai de dix jours ouvrés n'a pas été strictement respecté en l'espèce, M. NOUTARY connaissait depuis le 5 octobre 2010 la date d'expiration de la validité de la convention de raccordement ainsi que les conséquences de la fin de ce délai, à savoir la sortie de la file d'attente.
La procédure de traitement des demandes de raccordement des installations de production d'électricité aux réseaux publics de distribution applicable à la date du 8 octobre 2010, date de la réception par M. NOUTARY de la convention de raccordement, et consultable sur le site internet de la société ERDF est celle du 3 juillet 2010 intitulée « ERDF-PRO-RAC_14E ».
Aux termes de l'article 9.1.4 de cette procédure, le « délai de validité de la convention de raccordement est de trois mois. Un courrier de relance est adressé au demandeur dix jours ouvrés avant la date d'expiration de ce délai. Sans réponse de sa part au plus tard à la fin du délai de validité sus-indiqué, la convention de raccordement est caduque sans possibilité de prorogation, et ERDF met fin au traitement de la demande de raccordement ».
Il en résulte que le délai de trois mois de validité de la convention de raccordement est prescrit à peine de caducité sous réserve que ERDF ait adressé un courrier de relance au demandeur dix jours ouvrés avant la date d'expiration dudit délai.
Or, en l'espèce, il ressort des pièces du dossier que la société ERDF a envoyé le 3 janvier 2011 une lettre de relance reçue le 5 janvier 2011. A cette dernière date, M. NOUTARY ne disposait plus de dix jours ouvrés pour accepter, au plus tard le 8 janvier 2011, date d'expiration du délai de trois mois, la convention de raccordement reçue le 8 octobre 2010.
L'effet de cet envoi tardif est de faire courir un nouveau délai de dix jours ouvrés à compter du 5 janvier 2011. En l'espèce, la réception par la société ERDF de la convention de raccordement signée est intervenue dans ce délai.
Dans ces conditions, il y a lieu d'enjoindre à la société ERDF d'exécuter la convention de raccordement retournée signée par M. NOUTARY le 7 janvier 2011.
Dans la mesure où plusieurs projets de production pourraient être entrés en file d'attente depuis la date à laquelle la société ERDF a exclu le projet de M. NOUTARY de la file d'attente, la société ERDF veillera à ne pas remettre en cause les engagements pris auprès de ces producteurs qui ne sont pas présents à la cause.
Sur la demande de paiement de la somme de 3.500 euros au titre des frais irrépétibles d'instance :
Aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoyant que le comité de règlement des différends et des sanctions puisse attribuer à une partie une somme au titre des dépens ou des frais irrépétibles, cette demande sera rejetée.


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Décide :


  • La société Electricité Réseau Distribution France exécutera la convention de raccordement retournée par M. Sébastien NOUTARY le 7 janvier 2011.


  • La demande de M. Sébastien NOUTARY tendant à ce que lui soit attribuée une somme au titre des dépens et des frais irrépétibles est rejetée.


  • La présente décision sera notifiée à M. Sébastien NOUTARY et à la société Electricité Réseau Distribution France. Elle sera publiée au Journal officiel de la République française.


Fait à Paris, le 16 décembre 2011.


Pour le comité de règlement des différends
et des sanctions :
Le président,
P.-F. Racine

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