Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 12 novembre 2015, 14-17.615, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 19 mars 2014), que Mme X..., engagée par la société Sud Vendée Distribution en qualité de responsable du rayon optique, a été licenciée pour faute grave par lettre du 11 mai 2011 ;

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'un rappel de salaire au titre de la mise à pied, d'une indemnité de préavis ainsi que de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :

1°/ que constitue une sanction toute mesure dépassant la simple observation verbale prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par lui comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération ; qu'en considérant que le courrier du 16 avril 2011 ne constituait pas une sanction quand elle a constaté que, dans cet écrit, l'employeur reprochait à la salariée son comportement en énumérant divers griefs qu'il lui imputait, ce dont il résultait qu'il lui imputait des fautes et que ce courrier constituait une sanction, la cour d'appel a violé l'article l'article L. 1331-1 du code du travail ;

2°/ que la salariée a expressément souligné dans ses écritures d'une part que l'employeur avait mentionné dans ce courrier du 16 avril 2011 qu'il ne pouvait tolérer le comportement et les propos qu'il lui reprochait, d'autre part que ce compte-rendu avait été conservé dans le dossier de la salariée laquelle avait été immédiatement convoquée à un entretien préalable à son licenciement et mise à pied, l'employeur se fondant sur ledit compte-rendu pour engager la procédure de licenciement et faisant état, à l'appui du licenciement pour faute grave, des faits qui avaient déjà été évoqués dans le courrier du 16 avril 2011 et qu'il considérait comme fautifs ; que la cour d'appel, qui n'a pas tenu compte des termes du courrier du 16 avril 2011 et n'a pas recherché, comme elle y était invitée, si le compte-rendu avait été conservé au dossier de la salariée et utilisé par l'employeur pour engager la procédure de licenciement, ni s'il avait prononcé le licenciement pour faute grave en faisant état des mêmes faits qui avaient déjà été évoqués dans le courrier du 16 avril 2011 et qu'il considérait comme fautifs, a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article l'article L. 1331-1 du code du travail ;

3°/ que la cour d'appel a considéré que le licenciement pour faute grave était fondé, sans répondre aux conclusions de la salariée qui contestait les propos qui lui étaient attribués en soulignant, en premier lieu, que les témoignages, dénués de toute objectivité, faisaient état de faits sortis de leur contexte et non datés, en deuxième lieu, que Mme Y... n'avait pas accepté les consignes données par sa supérieure hiérarchique qu'elle ne respectait pas et était à l'origine de la rupture de son contrat de travail, et en troisième lieu qu'elle n'avait bénéficié d'aucun soutien de la direction ni même des entretiens qui étaient pourtant prévus dans son contrat de travail, et enfin que l'employeur était lui-même conscient que le licenciement n'était pas fondé puisque, pour les mêmes faits, il avait proposé initialement à Mme X... une simple rupture conventionnelle ; que la cour d'appel, qui n'a pas répondu aux conclusions de la salariée sur ces différents points, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant relevé que le document rédigé par l'employeur n'est qu'un compte rendu d'un entretien au cours duquel il a énuméré divers griefs et insuffisances qu'il imputait à la salariée, sans traduire une volonté de sa part de les sanctionner, la cour d'appel a pu en déduire qu'il ne s'analysait pas en une mesure disciplinaire et n'avait donc pas eu pour effet d'épuiser le pouvoir disciplinaire de l'employeur ; que le moyen qui, sous le couvert d'un grief non fondé de défaut de réponse à conclusions, ne tend en sa troisième branche qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine des juges du fond des éléments de preuve soumis à son examen, n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à obtenir le paiement d'une indemnité conventionnelle de licenciement, alors, selon le moyen, que la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation emportera cassation du chef de l'arrêt relatif à l'indemnité de licenciement et ce, en application de l'article 624 du code de procédure civile ;

Mais attendu que le rejet à intervenir du premier moyen rend sans objet ce second moyen ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze novembre deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour Mme X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté les demandes de Madame Alexandra X... tendant à voir juger que son licenciement était dénué de cause réelle et sérieuse et obtenir le paiement d'un rappel de salaire au titre de la mise à pied, une indemnité de préavis ainsi que des dommages et intérêts, d'AVOIR condamné Madame Alexandra X... à payer à la société Sud-Vendée Distribution la somme de 400 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

AUX MOTIFS QUE Mme Alexandra X... fait grief à l'employeur de l'avoir licenciée pour des motifs qui avaient déjà été pris en compte à l'occasion d'une précédente sanction disciplinaire, prononcée le 16 avril 2011 ; elle précise que cette sanction a pris la forme d'un document écrit que l'employeur a fallacieusement qualifié de compte rendu d'entretien mais dont tant la forme que sur le fond correspondent à la notion de sanction au sens de l'article L 1331-1 du code du travail ; cet article énonce que constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération ; si, comme le relève Mme Alexandre X..., le document intitulé compte rendu d'entretien rédigé par l'employeur répond à la condition de forme posée par l'article L 1333-1 précité puisqu'il s'agit d'un écrit, et contient, sur le fond, des observations relatives à des comportements dont l'employeur lui faisait reproche, il ne s'analyse cependant nullement en une mesure disciplinaire traduisant la volonté réelle de ce dernier de sanctionner un fait fautif, mais bien, comme son intitulé l'indique, en un compte rendu d'un entretien au cours duquel l'employeur a énuméré divers griefs et insuffisances qu'il imputait à la salariée, et n'a donc pas eu pour effet d'épuiser le pouvoir disciplinaire de la société Sud-Vendée Distribution quant aux faits reprochés ;

Et AUX MOTIFS QUE la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rende impossible le maintien du salarié dans l'entreprise y compris pendant la durée du préavis ; l'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve ; en l'espèce et en substance, il ressort de la lettre de licenciement que lui a adressée son employeur, que le licenciement de Mme Alexandra X... a été prononcé aux motifs énoncés d'une part que cette dernière était à l'origine de " problèmes liés à la communication " avec les autres membres du personnel, et plus particulièrement à l'égard de Mmes Rolande Z..., Audrey Y... et Mme Hélène A..., et que ces problèmes avaient persisté nonobstant plusieurs alertes, et d'autre part que le comportement de la salariée portait atteinte à l'image du secteur optique que l'employeur souhaitait développer ; pour justifier de l'exactitude et de la gravité des griefs énoncés dans la lettre de licenciement, laquelle fixe les limites du litige, la société Sud-Vendée Distribution produit :- un courrier (sa pièce n° 8) de la main de Mme Séverine B... lequel n'est ni daté ni signé, et donc dépourvu de toute portée probatoire,- une attestation (sa pièce n° 9) de Mme Rolande Z..., adjointe chef de caisse, rédigée en ces termes : " Un jour que j'embauchais à 13h30 sur mon lieu de travail qui est l'accueil du magasin, elle Mme X... était là devant le comptoir, et elle me lance " tu pourrais sourire quand tu embauches ". J'estime que mon responsable pourrait me faire une telle réflexion, elle, n'avait en aucun cas à me la faire. De plus le ton moqueur et arrogant qu'elle a employé m'a été très désagréable ",- une attestation (sa pièce n° 10) rédigée de la main de M. Philippe C..., chef de caisse, en ces termes : " C'est la première fois que je rencontre une collaboratrice comme Mme X.... On ne pouvait pas se croiser sans qu'elle me glisse une remarque déplacée. Exemple : Un jour, devant des clients, Mme X... m'interpelle pour me faire une remarque concernant une erreur d'orthographe sur un pied de ticket. Deuxième fois, Mme X... attendait devant le bureau de notre directeur de magasin. Me voyant passer plusieurs fois, normal puisque mes documents de caisse sortent en salle informatique, plus fort qu'elle, elle me fait une remarque sur un ton très froid qui n'avait rien de l'humour. Je cite : Tu te promènes toujours ! Voilà quelques lignes qui résument son comportement au quotidien avec ses collègues, responsables de rayon ",- une attestation (sa pièce n° 11) rédigée par Mme Audrey Y..., employée au rayon optique, en ces termes : " Tout d'abord, Mme Alexandra X... n'a jamais apprécié le fait que je fasse une formation (qualifiée d'inutile) par le biais de l'entreprise, disant que cela coûtait cher à l'entreprise et que en ses propres mots " je la faisais chier pour l'emploi du temps ". Elle m'a aussi reproché mon salaire qui à son goût était trop élevé de par mes responsabilités au sein du magasin. J'ai pu constater que chaque semaine l'emploi du temps était modifié à mon désavantage bien sûr (plusieurs heures de pause le midi, donc je suis obligée de commencer plus tôt ou finir plus tard) ; Au quotidien je subissais son caractère lunatique, caractériel et jaloux. Sans compter ses remarques du type me qualifier de Kinder (blonde à l'intérieur et brune à l'extérieur) et ce même devant les fournisseurs. Mais le plus grave ce sont toutes les réflexions comme par exemple " tu couches avec tout le monde ", car je dis bonjour aux gens de la galerie. Tout comme " Ton copain est venu pour tirer un coup ". J'estime que ces réflexions ne sont pas dignes d'une responsable.... Ceci n'est qu'une partie des nombreuses remarques. Ces quelques exemples vous illustrent brièvement le caractère de Mme Alexandra X.... Ce qui au quotidien m'est devenu insupportable, me créant des insomnies, des nausées et vertiges. C'est pourquoi j'ai été obligée de consulter mon médecin qui m'a mise en arrêt une semaine pour état de souffrance morale. Une fois de retour, rien n'avait changé. J'ai donc pris rendez-vous avec Mme D..., directrice des ressources humaines, afin de démissionner car la situation n'était plus soutenable ",- l'arrêt de travail qui a été prescrit à Mme Audrey Y... le 24 mars 2011 pour état de souffrance morale (sa pièce n° 11 bis),- une attestation (sa pièce n° 13) rédigée de la main de Mme Hélène A..., pharmacienne dans l'entreprise, rédigée comme suit : " Le jour de mon intégration dans l'entreprise, alors que Mme D... me présentait à l'équipe de l'optique, Mme Alexandra X... m'a accueillie sans me dire bonjour mais en déclarant " C'est avec vous que je vais me prendre la tête pour l'ordinateur ". C'était une bonne entrée en matière " ; il ressort de ces pièces dont la convergence des contenus renforce la crédibilité que Mme Alexandra X... entretenait avec plusieurs de ses collègues des relations discourtoises et inadaptées qui ont eu pour effet, soit de troubler ces derniers, soit, pour ce qui concerne Mme Audrey Y... à l'égard de laquelle les propos de Mme Alexandra X... étaient en outre vulgaires et vexatoires, de porter atteinte à sa dignité et finalement à sa santé psychique ; dès lors, et notamment en raison de ce que l'employeur est tenu à l'égard de ses salariés d'une obligation de sécurité de résultat, c'est à bon droit que la société Sud-Vendée Distribution a prononcé le licenciement pour faute grave de Mme Alexandra X..., les griefs retenus et établis par l'employeur justifiant la rupture immédiate du contrat de travail ; le jugement déféré sera donc infirmé sur ce point et également en ce qu'il a alloué à Mme Alexandra X... un rappel de salaire au titre de la période de mise à pied, une indemnité au titre des congés payés y afférents, une indemnité compensatrice de préavis, une indemnité au titre des congés payés y afférents et une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse .../ ... Mme Alexandra X... succombant en toutes ses demandes, supportera les entiers dépens tant de première instance que d'appel ; en outre il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Sud-Vendée Distribution l'intégralité des frais par elle exposés et non compris dans les dépens ;

ALORS QUE constitue une sanction toute mesure dépassant la simple observation verbale prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par lui comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération ; qu'en considérant que le courrier du 16 avril 2011 ne constituait pas une sanction quand elle a constaté que, dans cet écrit, l'employeur reprochait à la salariée son comportement en énumérant divers griefs qu'il lui imputait, ce dont il résultait qu'il lui imputait des fautes et que ce courrier constituait une sanction, la cour d'appel a violé l'article l'article L 1331-1 du code du travail ;

Et ALORS subsidiairement QUE la salariée a expressément souligné dans ses écritures d'une part que l'employeur avait mentionné dans ce courrier du 16 avril 2011 qu'il ne pouvait tolérer le comportement et les propos qu'il lui reprochait, d'autre part que ce compte-rendu avait été conservé dans le dossier de la salariée laquelle avait été immédiatement convoquée à un entretien préalable à son licenciement et mise à pied, l'employeur se fondant sur ledit compte-rendu pour engager la procédure de licenciement et faisant état, à l'appui du licenciement pour faute grave, des faits qui avaient déjà été évoqués dans le courrier du 16 avril 2011 et qu'il considérait comme fautifs ; que la cour d'appel, qui n'a pas tenu compte des termes du courrier du 16 avril 2011 et n'a pas recherché, comme elle y était invitée, si le compte-rendu avait été conservé au dossier de la salariée et utilisé par l'employeur pour engager la procédure de licenciement, ni s'il avait prononcé le licenciement pour faute grave en faisant état des mêmes faits qui avaient déjà été évoqués dans le courrier du 16 avril 2011 et qu'il considérait comme fautifs, a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article l'article L. 1331-1 du code du travail ;

ALORS encore plus subsidiairement QUE la cour d'appel a considéré que le licenciement pour faute grave était fondé, sans répondre aux conclusions de la salariée qui contestait les propos qui lui étaient attribués en soulignant, en premier lieu, que les témoignages, dénués de toute objectivité, faisaient état de faits sortis de leur contexte et non datés, en deuxième lieu, que Mademoiselle Y... n'avait pas accepté les consignes données par sa supérieure hiérarchique qu'elle ne respectait pas et était à l'origine de la rupture de son contrat de travail, et en troisième lieu qu'elle n'avait bénéficié d'aucun soutien de la direction ni même des entretiens qui étaient pourtant prévus dans son contrat de travail, et enfin que l'employeur était lui-même conscient que le licenciement n'était pas fondé puisque, pour les mêmes faits, il avait proposé initialement à Madame X... une simple rupture conventionnelle ; que la cour d'appel, qui n'a pas répondu aux conclusions de la salariée sur ces différents points, a violé l'article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande de Madame Alexandra X... tendant à obtenir le paiement d'une indemnité conventionnelle de licenciement, de l'AVOIR condamnée à payer à la société Sud-Vendée Distribution la somme de 400 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

AUX MOTIFS QUE l'article 6 de l'annexe II de la convention collective du commerce de gros et détails à prédominance alimentaire dont se prévaut Mme Alexandra X... pour réclamer cette indemnité prévoit certes une indemnité de licenciement à proportion de l'ancienneté de l'intéressé dans l'entreprise ; toutefois, ce même article exclut le versement de cette indemnité en cas de faute grave ou lourde ; le contrat de travail de Mme Alexandra X... ayant été rompu pour faute grave, celle-ci sera déboutée de sa demande de ce chef et le jugement entrepris sera confirmé sur ce point par substitution de motifs ; Mme Alexandra X... succombant en toutes ses demandes, supportera les entiers dépens tant de première instance que d'appel ; en outre il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Sud-Vendée Distribution l'intégralité des frais par elle exposés et non compris dans les dépens. Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu'il a mis à la charge de la société Sud-Vendée Distribution une indemnité de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et Mme Alexandra X... versera à cette dernière la somme de 400 euros sur ce même fondement ;

ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation emportera cassation du chef de l'arrêt relatif à l'indemnité de licenciement et ce, en application de l'article 624 du code de procédure civile.

ECLI:FR:CCASS:2015:SO01863
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