Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 28 octobre 2015, 13-88.513, Inédit
Cour de cassation - Chambre criminelle
- N° de pourvoi : 13-88.513
- ECLI:FR:CCASS:2015:CR04480
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
- Président
- M. Guérin (président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- L'administration des douanes et droits indirects, partie poursuivante,
contre l'arrêt n° 2 de la cour d'appel de PARIS, chambre 5-12, en date du 10 décembre 2013, qui l'a déboutée de ses demandes après relaxe de M. X... et de la société France Quick du chef d'infraction à la législation sur les contributions indirectes ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 16 septembre 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Soulard, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Hervé ;
Sur le rapport de M. le conseiller SOULARD, les observations de la société civile professionnelle FOUSSARD et FROGER, de la société civile professionnelle CÉLICE, BLANCPAIN, SOLTNER et TEXIDOR, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général BONNET ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 520A-I-b, 520A-II, 1791, 1799, 1800, 1804-B du code général des impôts, L. 235 du livre des procédures fiscales, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs ;
"en ce que l'arrêt attaqué a relaxé les prévenus du chef d'infraction aux règles gouvernant le droit spécifique de fabrication et rejeté les demandes de la Direction des douanes et droits indirects à raison d'un défaut d'élément intentionnel ;
" aux motifs propres tout d'abord que l'infraction reprochée, sur le plan matériel, est suffisamment caractérisée ; qu'il apparaît en effet que la doctrine administrative, à supposer qu'elle écarte en l'espèce l'application du droit spécifique, ne s'impose pas au juge judiciaire ; que la société France Quick ne distribue pas un simple sirop ; qu'elle mélange selon des règles très strictes les sirops qui lui sont fournis par les sociétés Coca-cola ou Orangina Schweppes avec de l'eau et du gaz alimentaire en vue d'obtenir des produits identiques à ceux produits par ces sociétés ; qu'élaborant selon des règles très strictes, et en quantités particulièrement importantes, les sodas qu'elle livre à sa clientèle, elle peut être assimilée à un fabricant industriel ; qu'elle prépare des produits identiques, sur le plan de la composition et des qualités organoleptiques, à ceux produits par les sociétés Coca-cola entreprise ou Orangina Schweppes ; que celles-ci soucieuses de protéger leur marque, veillent particulièrement au respect des ratios de dilution et de carbonation ; qu'elles agréent à cette fin les fontaines à boissons, contrôlent leur fonctionnement, assurent leur maintenance ; que ces appareils, opérant différentes phases de filtration, de refroidissement, de dilution et de carbonation, s'apparentent ainsi à de mini-chaînes de fabrication ; que la société France QUICK, par ailleurs, par l'importance des volumes de boissons qu'elle commercialise dans l'ensemble de ses établissements ne peut être comparée à un simple débitant ; que l'article 520 A I-b du code général des impôts s'applique dès lors que les produits sont conditionnés dans une unité autonome, quelque soit sa dénomination ; que ce conditionnement doit s'entendre dans une acception large, le texte n'étant pas exhaustif ; que les gobelets relativement hermétiques dans lesquels sont fournis les boissons constituent un tel conditionnement, particulièrement adapté à un service sur place, au sein même de l'établissement ; qu'aucun texte n'introduit par ailleurs d'exigence relative à la conservation du produit ; que la livraison des boissons, sur le plan juridique, ne correspond pas à une opération logistique de transport, mais bien à l'obligation de délivrance du vendeur qui s'entend, en application des articles 1604 et 1606 du code civil, comme la remise de la chose vendue à l'acheteur ; que les nouveaux articles 520 B et C du CGL dans leur rédaction de 2012, sont sans effet sur l'article 520 A dont les dispositions sont toujours en vigueur ;
"aux motifs propres ensuite que l'infraction reprochée, en revanche, n'est pas suffisamment établie sur le plan intentionnel ; que les interprétations de l'article 520A du code général des impôts et les décisions judiciaires le concernant sont diversifiées ; que l'administration des douanes, ainsi que l'ont exposé les prévenus dans leurs conclusions de relaxe, a manifesté des hésitations dans l'exercice des poursuites qu'elle a engagées au titre de cet article ;
"et aux motifs éventuellement adoptés des premiers juges que les ratios de dilution étant imposés par les fabricants de BIB, en l'espèce l'entreprise Coca-cola, il convient de relaxer les prévenus, si bien que transformant les BIB acquis en soda dans leurs établissements ne sont pas maître du procédé de fabrication ; que l'élément intentionnel n'est pas suffisamment caractérisé à leur égard ;
"1°) alors que, à supposer que des décisions adoptant des solutions diverses aient pu être rendues par les juridictions de l'ordre judiciaire, cette circonstance est inopérante quant au point de savoir si, en matière de contributions indirectes, l'élément intentionnel peut ou non être caractérisé ; que de ce point de vue, l'arrêt attaqué a violé les textes susvisés ;
"2°) alors que, à supposer que l'administration ait pu prendre des décisions divergentes, s'agissant des faits qu'elle a constatées quant à l'exercice des poursuites, cette circonstance est également inopérante quant au point de savoir si l'élément intentionnel est caractérisé ; que de ce point de vue également, l'arrêt attaqué a été rendu en violation des textes susvisés ;
"3°) alors que les éléments visés à la première et la deuxième branches n'auraient être pris en compte, le cas échéant, que dans le cadre d'un moyen concernant l'erreur de droit ; que non seulement les prévenus ne se sont pas prévalus de l'erreur de droit, mais que de surcroît, l'arrêt n'est pas fondé sur l'erreur de droit que les juges du fond n'auraient pu relever en tout état de cause d'office ; que de ce point de vue également, l'arrêt attaqué a été rendu en violation des articles susvisés ;
"4°) alors que, s'il faut considérer que les motifs du jugement se sont incorporés à l'arrêt, force est de constater qu'il était également indifférent de savoir si les ratios de dilution étaient ou non imposés par un tiers, l'application de la règle étant seulement liée à l'existence d'un procédé de fabrication ; que de nouveau, l'arrêt attaqué a été rendu en violation des textes susvisés ;
"5°) alors qu'en matière de contributions indirectes, l'intention est définie comme la violation en connaissance de cause d'une prescription légale ou réglementaire ; qu'en s'abstenant de dire si tel était le cas, en l'espèce, en recherchant si, eu égard à leur qualité de professionnel, les prévenus pouvaient savoir ou non qu'ils recouraient à un procédé de fabrication, entrainant l'application d'un droit spécifique, les juges du fond ont à tout le moins privé leur décision de base légale au regard des textes susvisés" ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 520A-I-b, 520A-2, 1791, 1799, 1800, 1804-B du code général des impôts, L. 235 du livre des procédures fiscales, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et omission de statuer ;
"en ce que l'arrêt attaqué a, en tout état de cause, omis, après avoir constaté que l'élément matériel de l'infraction était caractérisé et que les droits étaient dus, de condamner le prévenu ayant la qualité de contribuable au paiement de l'impôt éludé ;
"aux motifs propres tout d'abord que l'infraction reprochée, sur le plan matériel, est suffisamment caractérisée; qu'il apparaît en effet que la doctrine administrative, à supposer qu'elle écarte en l'espèce l'application du droit spécifique, ne s'impose pas au juge judiciaire ; que la société France QUICK ne distribue pas un simple sirop ; qu'elle mélange selon des règles très strictes les sirops qui lui sont fournis par les sociétés Coca-Cola ou Orangina Schweppes avec de l'eau et du gaz alimentaire en vue d'obtenir des produits identiques à ceux produits par ces sociétés ; qu'élaborant selon des règles très strictes, et en quantités particulièrement importantes, les sodas qu'elle livre à sa clientèle, elle peut être assimilée à un fabricant industriel ; qu'elle prépare des produits identiques, sur le plan de la composition et des qualités organoleptiques, à ceux produits par les sociétés Coca-cola entreprise ou Orangina Schweppes ; que celles-ci soucieuses de protéger leur marque, veillent particulièrement au respect des ratios de dilution et de carbonation ; qu'elles agréent à cette fin les fontaines à boissons, contrôlent leur fonctionnement, assurent leur maintenance ; que ces appareils, opérant différentes phases de filtration, de refroidissement, de dilution et de carbonation, s'apparentent ainsi à de mini-chaînes de fabrication ; que la société France Quick, par ailleurs, par l'importance des volumes de boissons qu'elle commercialise dans l'ensemble de ses établissements ne peut être comparée à un simple débitant ; que l'article 520A I-b du code général des impôts s'applique dès lors que les produits sont conditionnés dans une unité autonome, quelque soit sa dénomination ; que ce conditionnement doit s'entendre dans une acception large, le texte n'étant pas exhaustif ; que les gobelets relativement hermétiques dans lesquels sont fournis les boissons constituent un tel conditionnement, particulièrement adapté à un service sur place, au sein même de l'établissement ; qu'aucun texte n'introduit par ailleurs d'exigence relative à la conservation du produit ; que la livraison des boissons, sur le plan juridique, ne correspond pas à une opération logistique de transport, mais bien à l'obligation de délivrance du vendeur qui s'entend, en application des articles 1604 et 1606 du code civil, comme la remise de la chose vendue à l'acheteur ; que les nouveaux articles 520 B et C du CGL dans leur rédaction de 2012, sont sans effet sur l'article 520 A dont les dispositions sont toujours en vigueur ;
"aux motifs propres ensuite que l'infraction reprochée, en revanche, n'est pas suffisamment établie sur le plan intentionnel ; que les interprétations de 520 A du code général des impôts et les décisions judiciaires le concernant sont diversifiées ; que l'administration des douanes, ainsi que l'ont exposé les prévenus dans leurs conclusions de relaxe, a manifesté des hésitations dans l'exercice des poursuites qu'elle a engagées au titre de cet article ;
"et aux motifs éventuellement adoptés des premiers juges que « les ratios de dilution étant imposés par les fabricants de BIB, en l'espèce l'entreprise Coca-cola, il convient de relaxer les prévenus, si bien que transformant les BiB acquis en soda dans leurs établissements ne soient pas maître du procédé de fabrication ; que l'élément intentionnel n'est pas suffisamment caractérisé à leur égard ;
"alors que, si même l'infraction peut être regardée comme non constituée, faute d'élément intentionnel, la constatation de l'élément matériel fait apparaît qu'un impôt était dû et qu'il a été éludé ; que dans cette hypothèse, en application de l'article 1804-B du code général des impôts, le juge répressif, dès lors qu'il y est invité par l'administration, doit condamner le prévenu ayant la qualité de contribuable au paiement des impôts fraudés ; que faute de ce faire à l'égard de la société ayant la qualité de contribuable, les juges du fond ont violé les textes susvisés" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la société France Quick vend, dans les établissements de restauration rapide qu'elle exploite, des sodas gazeux préparés dans une fontaine à boissons mélangeant le sirop, fourni par les firmes fabriquant ces boissons, avec de l'eau et du gaz carbonique alimentaire, selon des ratios et techniques conformes à ceux imposés par ces dernières, sodas qui sont servis dans des gobelets composés d'un cartonnage spécial et d'un couvercle en plastique amovible ; que la société France Quick et son dirigeant, M. X..., sont poursuivis pour avoir omis de payer le droit prévu à l'article 520 A-I, b) du code général des impôts ;
Attendu que, pour les relaxer, faute d'élément intentionnel, et débouter l'administration de sa demande tendant au paiement des droits éludés, l'arrêt prononce par les motifs repris aux moyens ;
Attendu que si de tels motifs sont erronés, l'arrêt n'encourt cependant pas la censure, dès lors qu'une personne qui se borne à préparer, à l'aide des sirops fournis et conformément aux instructions données par le fabricant, des boissons qui ne sont pas livrées par un transporteur, mais directement vendues au détail au consommateur et conditionnées dans des gobelets qui, insuffisamment hermétiques pour permettre leur transport et leur stockage, ne peuvent être assimilés à des fûts, bouteilles ou boîtes, ne peut être qualifiée de fabricant au sens du texte susvisé ;
D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-huit octobre deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.