Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 9 avril 2015, 14-13.519, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 8 novembre 2012), que M. X... a accordé à Mme Y... un entretien filmé, dont un extrait a été inséré dans le documentaire intitulé « La vérité est ailleurs ou la véritable histoire des protocoles des sages de Sion », réalisé par cette dernière et coproduit par les sociétés Arte France et Doc en Stock ; que ce documentaire a été diffusé sur la chaîne de télévision Arte sans que, contrairement aux termes de la « lettre d'autorisation d'utilisation d'image » qu'il avait signée, M. X... n'ait été préalablement invité à le visionner ; qu'invoquant l'atteinte ainsi portée au droit dont il dispose sur son image, il a assigné les sociétés Arte France et Doc en Stock en réparation du préjudice en résultant ;

Sur le second moyen :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à la condamnation in solidum des sociétés Arte France et Doc en Stock à lui payer une certaine somme en réparation du préjudice subi du fait du non-respect de son droit à l'image alors, selon le moyen, que seules les dispositions de l'article 9 du code civil, à l'exclusion notamment du code de la propriété intellectuelle, sont applicables en matière de cession du droit à l'image, convention relevant de la liberté contractuelle pour la définition des conditions et limites dans lesquelles l'autorisation d'exploitation est consentie et pour la détermination d'une éventuelle rémunération ; qu'en déboutant M. X... de sa demande indemnitaire fondée sur les dispositions de l'article 9 du code civil, au motif qu'aucune atteinte n'avait été portée à l'image de l'intéressé, dès lors que l'intervention de celui-ci dans le débat d'idées faisant l'objet du documentaire litigieux était d'intérêt général, tout en constatant que « la lettre d'autorisation d'utilisation d'image du 18 juillet 2007 prévoyait qu'à défaut de pouvoir visualiser préalablement la ou les séquences retenues lors du montage de l'émission, aucune prise de vue de l'entretien ne saurait être diffusée », et en relevant « qu'il n'est pas contesté que les séquences de l'entretien accordé par Alain X..., d'une durée totale d'une minute sur les 52 minutes d'émission, ont été intégrées dans le documentaire diffusé sur la chaîne de télévision Arte et qu'une fois ce documentaire monté, Barbara Y... ne l'a pas fait visionner par Alain X... avant sa diffusion », ce dont il s'évinçait nécessairement que le droit à l'image de M. X..., dont les conditions d'utilisation étaient précisées dans la convention du 18 juillet 2007, avait été méconnu, puisque l'intéressé n'avait pu visionner les séquences dans lesquelles il apparaissait avant la diffusion du documentaire et qu'il n'avait donc pas consenti à la diffusion de son image, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 9 du code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel a retenu que M. X... n'avait pas été filmé à son insu, qu'il avait accepté de répondre aux questions de la réalisatrice destinées à connaître sa position sur l'ouvrage intitulé « Protocoles des sages de Sion », publié dans la revue qu'il dirigeait, et que cet entretien s'inscrivait dans un débat d'idées d'intérêt général sur le retentissement actuel de cet ouvrage, ainsi que sur la remise en cause par les milieux négationnistes de l'inauthenticité de ce document ; qu'elle en a exactement déduit que l'implication de M. X... dans ce débat justifiait d'illustrer son témoignage par la diffusion de son image, qui n'avait pas été détournée du contexte dans lequel elle avait été fixée, sans qu'il y ait lieu de recueillir son autorisation et peu important, dès lors, que les stipulations de la « lettre d'autorisation d'utilisation d'image » aient été méconnues ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu que le premier moyen n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... et le condamne à payer à la société Doc en Stock la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf avril deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt.

Moyens produits par Me Balat, avocat aux Conseils, pour M. X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir, « vu les dernières conclusions signifiées le 3 septembre 2012 » par la société Doc en Stock, débouté M. Alain X... de l'intégralité de ses demandes ;

ALORS QUE les conclusions non signifiées à la partie adverse doivent être écartées des débats ; qu'en statuant au vu des « dernières conclusions signifiées le 3 septembre 2012 » par la société Doc en Stock (arrêt attaqué, p. 3 alinéa 3 et p. 8 alinéa 3), cependant que ces conclusions n'avaient pas été signifiées à M. X..., la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. Alain X... de sa demande tendant à la condamnation des sociétés Arte France et Doc en Stock, in solidum, à lui payer la somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 9 du code civil pour non-respect de son droit à l'image et en réparation de son préjudice ;

AUX MOTIFS QUE sur l'atteinte au droit à l'image, M. Alain X... invoque (...) une atteinte à son droit au respect de son image, par la diffusion sans son autorisation de l'entretien qui s'est déroulé à son domicile ; que la lettre d'autorisation d'utilisation d'image du 18 juillet 2007 prévoyait qu'à défaut de pouvoir visualiser préalablement la ou les séquences retenues lors du montage de l'émission, aucune prise de vue de l'entretien ne saurait être diffusée ; qu'Alain X... n'a pas été filmé à son insu mais a accepté de répondre aux questions de la réalisatrice de l'émission télévisée, afin de recueillir sa position en sa qualité d'éditeur de la revue « Révision » dans le cadre d'un débat sur les « Protocoles des sages de Sion », publié dans cette revue ; que cet entretien s'inscrivait dans un débat d'idées d'intérêt général sur l'impact actuel de l'ouvrage à travers les générations et dans différents pays ainsi que sur la remise en cause par les milieux négationnistes de la position des historiens sur la fausseté de ce document ; que l'implication d'Alain X... dans ce sujet d'intérêt général justifiait d'illustrer son témoignage par la diffusion de son image, sans qu'il y ait à recueillir son autorisation, étant relevé qu'elle n'a pas été détournée du contexte dans lequel elle a été fixée ;


ALORS QUE seules les dispositions de l'article 9 du code civil, à l'exclusion notamment du code de la propriété intellectuelle, sont applicables en matière de cession du droit à l'image, convention relevant de la liberté contractuelle pour la définition des conditions et limites dans lesquelles l'autorisation d'exploitation est consentie et pour la détermination d'une éventuelle rémunération ; qu'en déboutant M. X... de sa demande indemnitaire fondée sur les dispositions de l'article 9 du code civil, au motif qu'aucune atteinte n'avait été portée à l'image de l'intéressé, dès lors que l'intervention de celui-ci dans le débat d'idées faisant l'objet du documentaire litigieux était d'intérêt général (arrêt attaqué, p. 7 alinéa 8), tout en constatant que « la lettre d'autorisation d'utilisation d'image du 18 juillet 2007 prévoyait qu'à défaut de pouvoir visualiser préalablement la ou les séquences retenues lors du montage de l'émission, aucune prise de vue de l'entretien ne saurait être diffusée » (arrêt attaqué, p. 7 alinéa 5), et en relevant « qu'il n'est pas contesté que les séquences de l'entretien accordé par Alain X..., d'une durée totale d'une minute sur les 52 minutes d'émission, ont été intégrées dans le documentaire diffusé sur la chaîne de télévision Arte et qu'une fois ce documentaire monté, Barbara Y... ne l'a pas fait visionner par Alain X... avant sa diffusion » (arrêt attaqué, p. 5 alinéa 4), ce dont il s'évinçait nécessairement que le droit à l'image de M. X..., dont les conditions d'utilisation étaient précisées dans la convention du 18 juillet 2007, avait été méconnu, puisque l'intéressé n'avait pu visionner les séquences dans lesquelles il apparaissait avant la diffusion du documentaire et qu'il n'avait donc pas consenti à la diffusion de son image, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 9 du code civil.

ECLI:FR:CCASS:2015:C100398
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