Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 23 septembre 2014, 12-26.585, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur contredit (Paris, 5 septembre 2012), et les productions, que la société de droit anglais Compass Group Holdings PLC (la société Compass) a acquis, par contrat du 8 avril 2010 contenant une clause attributive de juridiction, la totalité des actions représentant le capital de la société Caterine restauration, laquelle détenait 100 % du capital et des droits de vote de la société Sogirest ; que le 24 juin 2010, M. Jean-Pierre X..., qui avait cédé ses titres de la société Caterine restauration, a constitué avec son fils, M. Philippe X..., une société dénommée « Saveurs et traditions du bocage », ayant une activité similaire à celle de la société Sogirest ; que la société Compass a fait assigner pour violation de la garantie d'éviction et concurrence déloyale, devant le tribunal de commerce de Paris, MM. X... qui ont soulevé une exception d'incompétence territoriale au profit du tribunal du lieu de leur domicile ;

Attendu que MM. X... font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur contredit de compétence, alors, selon le moyen :

1°/ que la domiciliation d'une partie contractante dans un Etat autre celui du domicile de l'autre partie ne suffit pas à conférer un caractère international au contrat ; qu'en se fondant sur la seule domiciliation de la société Compass en Grande-Bretagne pour retenir l'existence d'une situation internationale, sans avoir recherché si les parties avaient entendu donné au contrat un caractère international, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 23 du règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale ;

2°/ que l'application des règles de compétence du règlement CE n° 44/2001 requiert l'existence d'un élément d'extranéité suffisant ; que le caractère international d'un rapport juridique peut découler de la circonstance que la situation en cause dans un litige est de nature à soulever des questions relatives à la détermination de la compétence des juridictions dans l'ordre international ; que le contrat, premièrement, conclu entre une personne domiciliée en France et une autre, certes domiciliée à l'étranger mais disposant en France d'une succursale immatriculée au registre du commerce et des sociétés, où devait être réalisée toute notification relative à son application ; deuxièmement, rédigé en langue française ; troisièmement, ayant pour objet l'acquisition de parts sociales de sociétés de droit français auprès de personnes de nationalité française et domiciliées en France ; quatrièmement, stipulant la compétence d'un tribunal de commerce en France en lieu et place d'un autre tribunal de commerce situé en France également, est dépourvu d'éléments d'extranéité permettant de caractériser une situation internationale ; qu'en s'étant fondée, en dépit de ces circonstances, sur la seule domiciliation du siège social de la société Compass pour retenir l'existence d'un contrat international, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 5 et 23 du règlement (CE) n° 44/2001 ;

3°/ que si la Cour de cassation estimait que les dispositions des articles 5 et 23 soulevaient une difficulté d'interprétation, elle renverrait à la Cour de justice de l'Union européenne la question préjudicielle suivante : « le règlement n° 44/2001, en particulier ses articles 5 et 23, doit-il être interprété en ce sens que les conditions d'application des règles de compétence établies par celui-ci sont remplies du seul fait que l'une des parties à la procédure juridictionnelle, personne morale, est domiciliée dans un État membre autre que celui dans lequel se déroule cette procédure et l'exécution du contrat, y compris lorsque cette partie dispose d'une succursale sur le territoire de cet Etat par l'intermédiaire de laquelle ledit contrat est exécuté » ? ;

Mais attendu que l'article 23 du règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000 (Bruxelles I) reconnaît la validité de la clause attributive de juridiction aux seules conditions que l'une des parties au moins soit domiciliée sur le territoire d'un Etat membre et que la juridiction désignée soit celle d'un Etat membre ; qu'ayant constaté que les parties étaient domiciliées sur le territoire d'Etats membres différents, la cour d'appel a, par ce seul motif, faisant ressortir un élément d'extranéité suffisant à établir le caractère international du contrat, légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne MM. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer à la société Compass Group Holdings PLC la somme globale de 3 000 euros ;

REjette leur demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour MM. X....

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté le contredit de compétence et d'avoir retenu la compétence du tribunal de commerce de Paris ;

Aux motifs que selon l'article 23 du règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, « si les parties, dont l'une au moins a son domicile sur le territoire d'un Etat membre, sont convenues d'un tribunal ou de tribunaux d'un Etat membre pour connaître des différends nés ou à naitre à l'occasion d'un rapport de droit déterminé, ce tribunal ou ces tribunaux de cet Etat membre sont compétents. Cette compétence est exclusive, sauf convention contraire des parties (...) » ; que la société Compass est une société de droit anglais ayant son siège en Grande-Bretagne, son implantation française étant une simple succursale ; que selon le contrat du 8 avril 2010 conclu entre les parties, la société Compass a acquis la totalité des actions de la société de droit français Caterine Restauration, dont MM. X... étaient actionnaires ; que l'objet du contrat était le développement du portefeuille des clients de la société anglaise sur le territoire français ; qu'ainsi, les parties étaient, à la date de la convention, domiciliées sur le territoire d'Etats membres et que la situation était internationale ;

Alors que, 1°) la domiciliation d'une partie contractante dans un Etat autre celui du domicile de l'autre partie ne suffit pas à conférer un caractère international au contrat ; qu'en se fondant sur la seule domiciliation de la société Compass en Grande-Bretagne pour retenir l'existence d'une situation internationale, sans avoir recherché si les parties avaient entendu donné au contrat un caractère international, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 23 du règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000 ;

Alors que, 2°) l'application des règles de compétence du règlement CE n° 44/2001 du 22 décembre 2000 requiert l'existence d'un élément d'extranéité suffisant ; que le caractère international d'un rapport juridique peut découler de la circonstance que la situation en cause dans un litige est de nature à soulever des questions relatives à la détermination de la compétence des juridictions dans l'ordre international ; que le contrat, premièrement, conclu entre une personne domiciliée en France et une autre, certes domiciliée à l'étranger mais disposant en France d'une succursale immatriculée au registre du commerce et des sociétés, où devait être réalisée toute notification relative à son application ; deuxièmement, rédigé en langue française ; troisièmement, ayant pour objet l'acquisition de parts sociales de sociétés de droit français auprès de personnes de nationalité française et domiciliées en France ; quatrièmement, stipulant la compétence d'un tribunal de commerce en France en lieu et place d'un autre tribunal de commerce situé en France également, est dépourvu d'éléments d'extranéité permettant de caractériser une situation internationale ; qu'en s'étant fondée, en dépit de ces circonstances, sur la seule domiciliation du siège social de la société Compass pour retenir l'existence d'un contrat international, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 5 et 23 du règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000 ;

Alors que, 3°) et subsidiairement, si la Cour de cassation estimait que les dispositions des articles 5 et 23 soulevaient une difficulté d'interprétation, elle renverrait à la Cour de justice des communautés européenne la question préjudicielle suivante : « le règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000, en particulier ses articles 5 et 23, doit-il être interprété en ce sens que les conditions d'application des règles de compétence établies par celui-ci sont remplies du seul fait que l'une des parties à la procédure juridictionnelle, personne morale, est domiciliée dans un État membre autre que celui dans lequel se déroule cette procédure et l'exécution du contrat, y compris lorsque cette partie dispose d'une succursale sur le territoire de cet Etat par l'intermédiaire de laquelle ledit contrat est exécuté » ?

ECLI:FR:CCASS:2014:CO00810
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