Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 21 mai 2014, 13-16.543, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 22 février 2013), que M. X..., engagé le 10 octobre 2000 par la société Etablissements Arod, a été licencié pour faute lourde par lettre du 26 août 2010 ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Sur le second moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le salarié a été privé de son droit individuel à la formation et de lui allouer des dommages-intérêts à ce titre, alors, selon le moyen :
1°/ que la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation entraînera la cassation du chef de dispositif attaqué par le présent moyen, en application de l'article 624 du code de procédure civile ;

2°/ qu'il résulte de l'article L. 6323-18 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009, que le droit individuel à la formation est susceptible d'être utilisé, non pas uniquement durant le préavis, mais également après la rupture du contrat de travail, plus précisément pendant la période de chômage ou chez un éventuel nouvel employeur ; qu'ainsi, la seule circonstance que le préavis n'ait pas été exécuté n'est pas en elle-même de nature à empêcher le salarié d'exercer son droit au droit individuel à la formation ; qu'en retenant que le salarié n'aurait pu exercer son droit individuel à la formation faute d'avoir pu demander à l'utiliser durant son préavis, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 6323-17, L. 6323-18 du code du travail, ensemble de l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant retenu que le licenciement notifié pour faute lourde était dénué de cause réelle et constaté que le salarié n'avait pu demander à son employeur d'utiliser ses droits acquis au titre du droit individuel à la formation pendant le délai de préavis, la cour d'appel a exactement décidé que la privation de ce droit lui avait causé un préjudice qu'elle a souverainement apprécié ;
PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Etablissements Arod aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Etablissements Arod et condamne celle-ci à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un mai deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Etablissements Arod.

PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit le licenciement de Monsieur X... sans cause réelle et sérieuse, d'AVOIR condamné l'exposante à lui verser les sommes de 3535, 58 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, de 353, 56 euros au titre des congés payés y afférent, de 2404, 52 euros à titre d'indemnité de congés payés, de 3476, 65 euros à titre d'indemnité légale de licenciement, de 1248, 86 euros à titre de rappel de salaire durant la mise à pied conservatoire, de 124, 89 euros au titre des congés payés y afférent, de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, d'AVOIR condamné l'exposante aux dépens ainsi qu'au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « Monsieur X... a été licencié pour faute lourde par une lettre du 26 août 2010 ainsi rédigée : « Nous avons eu à déplorer de votre part un agissement constitutif d'une faute lourde. En effet, le mardi 3 août 2010 à 9h30, vous vous êtes rendu coupable, devant témoins, de détournement de clientèle sur votre lieu de travail. Les faits quivous sont reprochés sont les suivants : un client de notre société s'est rendu directement dans l'atelier (pourtant interdit au public) et non pas à la réception comme c'est l'usage pour un problème technique sur une tronçonneuse. Vous vous êtes entretenu à l'atelier devant témoin avec ceclient. Quelques minutes plus tard, ce client a suivi vos instructions et a déposé cette tronçonneuse dans le coffre de votre véhicule ce qui nous laisse penser que vous vous êtes organisé à cet effet : vous laissez votre véhicule ouvert de manière intentionnelle toute la journée alors que le parking estouvert au public et de surcroît non surveillé afin que l'on puisse y déposer les matériels à réparer L'utilisation que vous faites des relations inhérentes à la fonction de technicien dans le but de détourner notre Clientèle qui se présente sur notre surface de vente nous porte gravement préjudice. Vos agissements sont inexcusables et c'est avec une indiscutable intention de nuire à notre société que vous sollicitez nos clients de la sorte sur votre lieu de travail. A la suite de ce grave incident et après enquête auprès de nos clients ainsi qu'auprès de vos collègues de travail, ils'avère qu'il ne s'agissait pas là d'un acte isolé. En effet, nous avons relevé des témoignages accablants à votre encontre qui nous indiquent que vous avez déjà pratiqué de la sorte et allant même à vous vanter de cette pratique ! Nous avons en effet découvert, qu'il vous est arrivé, d'accepter les numéros de téléphone que les clients vous glissaient dans la main dans le but évident de réaliser pour votre propre compte des travaux à notre insu. Par ailleurs, au cours de nos investigations, nous avons appris que vous avez fait courir le bruit que notre société arrêtait l'activité " Espaces Verts " ce qui, bien sûr, n'a jamais été envisagé. De plus, vous avez à cette occasion dénigré en termes méprisants le travail de notre société. Il s'agit là d'une grave atteinte à l'image et à la réputation de notre société. De plus, à la suite de votre mise à pied, vous êtes revenu dans nos locaux pour nous amener un arrêt de travail pour maladie. Suite à votre visite, nous avons constaté la disparition du carnet contenant les numéros de téléphone des clients de notre société etnous en avons déduit que vous l'aviez dérobé. Au cours de notre entretien du 13 août 2010, nous vous avons réclamé ce carnet. Vous nous avez alors confirmé que ce carnet était bien en votre possession mais que vous ne souhaitiez pas nous le restituer conforté dans cette position par le conseil qui vous accompagnait. Puis vous êtes revenu une heure plus tard et vous nous l'avez restitué. Vraisemblablement était-ce le temps nécessaire afin de vous permettre de faire une copie des informations qu'il contient. Tous ces agissements sont inexcusables et prouvent que vous cherchez à nuire à notre société. Pour finir nous ne pouvons admettre l'attitude de votre épouse dans nos locaux le mercredi 4 août à 10h00 qui, devant témoin et sans que vous ne cherchiez à l'enempêcher a menacé de représailles un salarié de notre société si ce dernier venait à témoigner contre vous. Ce genre de comportement est inqualifiable et nous a extrêmement surpris : il est bien sur inacceptable. » ; attendu qu'il incombe à l'employeur de rapporter la preuve de la faute lourde, faute commise par le salarié dans l'intention de lui nuire ; Attendu qu'au-soutien de ces griefs, la SARL ETABLISSEMENT AROD produit régulièrement aux débats : les attestations de monsieur-Y..., collègue de travail, qui précise « avoir été toujours été surpris des agissements de Monsieur X... vis-à-vis de la clientèle du magasin. C'était tout particulièrement le cas pour un certain nombre de clients se présentant directement dans l'atelier, à Monsieur X... sans passer la réception ce qui n'est pas l'usage chez nous puisque nous avons un comptoir " réception atelier " pour cela. C'est ce qui s't passé une fois de plus le 3 août 2010 lorsque qu'un client (Monsieur Edmond Z...) s'est rendu directement dans l'atelier pour s'entretenir avec monsieur X.... Ce même client a ensuite sortit une tronçonneuse Husquavarna de sa voiture pour la déposer dans le véhicule de monsieur X... laissé ouvert. » l'attestation de monsieur A..., collègue de travail qui indique « avoir été surpris de l'attitude très ambiguë d'un certain nombre de clients vis-à-vis de monsieur X... dans l'exercice de ses fonctions au sein de l'atelier Il était particulièrement frappant de constater qu'un certain nombre de clients cherchaient manifestement à s'isoler en compagnie de monsieur X... à l'extérieur de la zone atelier ce qui n'est pas l'usage chez nous » une attestation de monsieur B..., collègue de travail qui indique « avoir été très surpris, inquiet et déçu d'apprendre auprès de nos fournisseurs (Ets Sodipieces) quenous arrêtions l'activité « espaces verts » et non pas de monsieur C...» lequel contacté a démenti. « ce même fournisseur nous a appris que cette rumeur avait été propagé par Monsieur X... dans l'exercice de ses fonctions en novembre 2009 », un carnet téléphonique, se terminant par la reconnaissance suivante de monsieur X... date du 13 août 2010 « avoir donné en main propre à monsieur Denis C...mon cahier d'adresses clients que j'avais fait moi-même »- un attestation de madame D..., secrétaire-comptable de la SARL AROD, qui expliqueque depuis 2005 : « Le processus mis en place à l'époque et qui n'a pas évolué depuis est le suivant : les clients se présentent à un comptoir de réception prévu à cet effet dans la surface de vente et remplissent un document appelé " ordre de réparation ". Les clients ne pénètrent en aucun cas dansl'atelier : un panneau de grande dimension a été placé en 2009 sur la porte qui mène à l'atelier pour en interdire l'accès aux clients.... J'atteste qu'il n'y a pas eu d'ordre de réparation enregistré aunom de monsieur Z...le 3 aout 2010 et qui dénonce l'agression violente dont elle a fait l'objet de la part de l'épouse de Monsieur X..., une exemplaire d'ordre de réparation autocopiant,- un facture de l'imprimerie de cartonnage Serge E...du 31 décembre 2007 concernant une commande de « liasses ordre de réparation »- des photographies du guichet réception atelier et de la porte d'accès aux ateliers, sur lequel figurent des pictogrammes et la mention « accès interdit à toute personne étrangère au service (même accompagné d'un mécanicien) », sans indication de date de prise de ces photgraphies-un : facture que lui a adressée la société LUMINOL, du 26 juin 2009 d'un montant de 2212, 40 euros correspondant àla commandede la signalétique figurant sur les portes de l'atelier ; attendu que monsieur X... verse aux débats :- une attestation de monsieur Z..., qui précise « ayant ma tronçonneuse qui n'avait pas servi depuis l'hiver je l'ai portée à mon ami Momo pour qu'il y jette un oeil et si nécessaire la faireréparer dans son entreprise à mon compte », conteste toute demande de « travail au noir « et évoque « un conseil d'ami avant réparation éventuelle chez AROD » reproduisant les t-mes de sa lettre du 4 août 2010 ;- des attestations de clients soulignant son professionnalisme et sa compétence-un compte rendu d'entretien préalable à licenciement établi par monsieur F..., conseiller du salarié, du 18 septembre 2010, au cours duquel il a précisé avoir conseillé plusieurs personnes de ses connaissances, comme le 3 août à l'égard d'un « papy de sa connaissance », les matériels étant réparés ou achetés chez son employeur et a reconnu avoir évoqué « une baisse d'activité passagère et rien d'autre » ; attendu que les manquements retenus par l'employeur doivent être analysés ;
Sur le grief de détournement de clientèle
Attendu que monsieur X..., le 3 août 2010, a fait déposer sur son temps et lieu de travail, du matériel d'un client dans le coffre de son véhicule Que monsieur Z..., le client concerné et monsieur Y... confirment le déroulement des fait, Que les témoignages de messieurs Y... et A...établissent que monsieur OU LID avait pris l'habitude d'avoir des entretiens personnels, quelque soit le lieu où se déroulaient les entretiens, avec des clients,'au vu et su de ses collègues de travail ; Attendu que si monsieur X... entretenaient des relations très privilégiées avec certains clients et les conseillaient, il n'est nullement démontré que ces échanges personnalisés aient pu conduire à des détournements de clientèle au détriment de la société AROD ; Que monsieur Z...affirme que si des travaux étaient nécessaires ou du matériel devait être acquis, cela se ferait avec la société AROD, ce qu'a confirmé Monsieur X... lui-même ; Attendu que ce manquement retenu par la SARL ETABLISSEMENTS AROD au soutien du licenciement prononcé pour faute lourde de monsieur X... n'est pas établi
Sur le grief de dénigrement de la société ;
Attendu que l'employeur reproche à monsieur X... d'avoir fait courir une fausse rumeur d'arrêt de l'activité " Espaces Verts " et de l'avoir dénigré ; Attendu que si monsieur X... évoque une absence de motif clair et précis dans la lettre de licenciement équivalent à une absence de motifs, la cour ne peut que constater que le grief retenu est matériellement vérifiable ; Attendu que si monsieur Sébastien B...affirme avoir appris par un fournisseur que monsieur X... était à l'origine d'une rumeur et après interrogation de son employeur ; avoir appris qu'il s'agissait d'une fausse rumeur ; son seul témoignage-ne peut suffire à établir que cette rumeur, dont la teneur est contestée par monsieur X..., s'inscrit dans le cadre d'u dénigrement de son employeur, les conditions dans lesquels cette information aurait pu être donnée restant totalement inconnues
Sur le détournement du carnet de téléphone ;
Attendu que l'employeur reproche à monsieur X... d'avoir soustrait le 4 août 2010, suite à la remise de son arrêt maladie, le carnet contenant les numéros de téléphone des clients de la société ; Attendu qu'aucun élément ne vient corroborer que le carnet de téléphone ait été soustrait par monsieur X... le 4 août 2010 lors de sa visite ; Attendu que le cahier vert versé aux débats ne comporte pas l'en-tête de la SARL AROD et comporte sur 5 pages et demi le nom de clients avec leur numéro de téléphone ;
Que monsieur X... a affirmé sans être démenti que ce cahier a été mis en place par lui, renseigné par lui ; Que dans ce contexte le fait d'avoir voulu le conserver ne saurait s'analyser comme un manquement fautif. Qu'au surplus, le salarié a accepté de le remettre à son employeur à sa demande ; Que si l'employeur évoque un délai de réflexion du salarié avant de lui remettre le carnet, aucun élément ne vient établir cette résistance-même à la supposer avérée, cette résistance ne saurait être fautive ;

Sur l'attitude de \ l'épouse de monsieur X...

Attendu que l'employeur reproche au salarié le comportement de son épouse le 4 août 2010 ; Attendu que le comportement adopté par madame X..., avéré ou non, est insusceptible de pouvoir être reproché à monsieur X... et ne peut fonder son licenciement pour faute lourde ; Attendu que faute pour la SARL ETABLISSEMENTS AROD de rapporter la preuve d'une faute lourde susceptible d'avoir été commise par monsieur X... dans l'exécution de sa relation contractuelle de travail, le licenciement dont ce dernier a été l'objet se trouve dépourvu de toute cause réelle et sérieuse ; Que le jugement entrepris doit être confirmé ;
Sur les conséquences financières de la rupture
Attendu que le licenciement ayant pris effet au 26 août 2010, monsieur X... a été privé de son indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, de ses congés payés, de'son indemnité légale de licenciement, de son salaire durant la mise à pied conservatoire ; Que la décision de première instance a justement déterminé les conséquences financières en termesde rappel de salaires, d'indemnité compensatrice de préavis et de licenciement ; Que le jugement doit être confirmé de ces chefs ;
Attendu qu'en application de l'article L. 1235-5 du code du travail, monsieur X... peut prétendre à une indemnité en fonction du préjudice subi ; Qu'au regard des circonstances particulières ayant entouré la rupture des relations contractuelles, des difficultés réelles de reconversion professionnelles rencontrées par monsieur X..., salarié âgé de plus de 50 ans, une indemnité définitive devant lui revenir personnellement, pouvant être justement évaluée à la somme de 25000 euros ; Que le jugement doit être confirmé de ce chef » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE : « Aux termes des articles L 1232-1 et suivants du Code du travail, le licenciement doit être fondé sur une cause réelleet sérieuse. Le licenciement disciplinaire constitue une sanction prise par l'employeur à la suite agissement considéré comme fautif. La faute lourde est celle commise par le salarié dans l'intention de nuire à l'employeur ou à l'entreprise. Comme la faute grave, elle rend impossible le maintien dusalarié dans l'entreprise et exonère l'employeur du paiement des indemnités de préavis et des indemnités de licenciement. La faute lourde prive en outre le salarié de l'indemnité compensatrice de congés payés ; elle suppose une intention de nuire du salarié ; la preuve de la faute lourde incombe à l'employeur ; la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, reproche à Monsieur X... : « « Nous avons eu à déplorer de votre part un agissement constitutif d'une faute lourde. En effet, le mardi 3 août 2010 à 9h30, vous vous êtes rendu coupable, devant témoins, de détournement de clientèle sur votre lieu de travail. Les faits qui vous sont reprochés sont les suivants : un client de notre société s'est rendu directement dans l'atelier (pourtant interdit au public) et non pas à la réception comme c'est l'usage pour un problème technique sur une tronçonneuse. Vous vous êtes entretenu à l'atelier devant témoin avec ce client. Quelques minutes plus tard, ce client a suivi vos instructions et a déposé cette tronçonneuse dans le coffre de votre véhicule ce qui nous laisse penser que vous vous êtes organisé à cet effet : vous laissez votre véhicule ouvert de manière intentionnelle toute la journée alors que le parking est ouvert au publicet de surcroît non surveillé afin que l'on puisse y déposer les matériels à réparer L'utilisation que vous faites des relations inhérentes à la fonction de technicien dans le but de détourner notre Clientèle qui se présente sur notre surface de vente nous porte gravement préjudice. Vos agissements sont inexcusables et c'est avec une indiscutable intention de nuire à notre société que vous sollicitez nos clients de la sorte sur votre lieu de travail. A la suite de ce grave incident et après enquête auprès de nos clients ainsi qu'auprès de vos collègues de travail, il s'avère qu'il ne s'agissait pas là d'un acte isolé. En effet, nous avons relevé des témoignages accablants à votre encontre qui nous indiquent que vous avez déjà pratiqué de la sorte et allant même à vous vanter decette pratique ! Nous avons en effet découvert, qu'il vous est arrivé, d'accepter les numéros de téléphone que les clients vous glissaient dans la main dans le but évident de réaliser pour votre propre compte des travaux à notre insu. Par ailleurs, au cours de nos investigations, nous avons appris que vous avez fait courir le bruit que notre société arrêtait l'activité " Espaces Verts " ce qui, bien sûr, n'a jamais été envisagé. De plus, vous avez à cette occasion dénigré en termes méprisantsle travail de notre société. Il s'agit là d'une grave atteinte à l'image et à la réputation de notre société. De plus, à la suite de votre mise à pied, vous êtes revenu dans nos locaux pour nous amenerun arrêt de travail pour maladie. Suite à votre visite, nous avons constaté la disparition du carnet contenant les numéros de téléphone des clients de notre société et nous en avons déduit que vous l'aviez dérobé. Au cours de notre entretien du 13 août 2010, nous vous avons réclamé ce carnet. Vous nous avez alors confirmé que ce carnet était bien en votre possession mais que vous ne souhaitiez pas nous le restituer conforté dans cette position par le conseil qui vous accompagnait. Puis vous êtes revenu une heure plus tard et vous nous l'avez restitué. Vraisemblablement était-ce le temps nécessaire afin de vous permettre de faire une copie des informations qu'il contient. Tous ces agissements sont inexcusables et prouvent que vous cherchez à nuire à notre société. Pour finir, nous ne pouvons admettre l'attitude de votre épouse dans nos locaux le mercredi 4 août à 10h00 qui, devant témoin et sans que vous ne cherchiez à l'en empêcher, a menacé de représailles un salarié de notre société si ce dernier venait à témoigner contre vous. Ce genre de comportement est inqualifiable et nous a extrêmement surpris : il est bien sur inacceptable. » plusieurs griefs sont alors mis en exergue :
Le détournement de la clientèle de la société
La société ETABLISSEMENT AROD reproche à Monsieur X... d'avoir manqué à son obligation de loyauté en détournant une partie de sa clientèle. Elle ne vise cependant dans la lettre de licenciement qu'un client en particulier, en la personne de Monsieur Z.... Les autres « clients » ne sont ni cités, ni dénombrés. Il n'est pas lus indiqué dans quelle mesure Monsieur X... les aurait pris en charge à titre personnel, quel type de travaux il aurait réalisés pour eux et/ ou pour quel montant : Les deux seules attestations versées à ce propos sont très imprécises : elles se bornent à constater qu'un « certain nombre de clients » « se présent (aient) directement dansl'atelier à Monsieur X... sans passer par la réception » (Monsieur Y...) ou qu'ils « cherchaient manifestement à s'isoler en compagnie de Monsieur X... à l'extérieur de la zone atelier ; ce qui'est pas l'usage chez nous » (Monsieur A...). S'agissant des faits du 3 août 2010, il est constant et reconnu que ce jour là, Monsieur Z...s'est présenté dans les locaux de la société pour aller directement parler avec Monsieur X..., avant de déposer son matériel de jardinage dans la voiture du salarié. Monsieur Etienne Y..., salarié de l'entreprise, a été témoin des faits et a confirmé c'est ce qui s'est passé une fois de plus le 3 août 2010 lorsque qu'un client (Monsieur Edmond Z...) s'est rendu directement dans l'atelier pour s'entretenir avec Monsieur X.... Le même client a ensuite sorti une tronçonneuse Husquvarna de sa voiture pour la déposer dans le véhicule de Monsieur X... laissé ouvert ». Monsieur X..., qui ne conteste nullement ces faits, a précisé qu'il connaissait bien Monsieur Z...et que ce dernier ne venait pas en qualité de client de la société mais en tant qu'ami, afin delui déposer sa tronçonneuse et d'avoir son avis sur la nécessité de la faire réparer. Il a maintenu qu'il n'a jamais été question de transaction ou de travail dissimulé. 1 verse aux débats une attestation de Monsieur Edmond Z...dans laquelle ce dernier confirme qu'il n'avait aucunement l'intention de faire réparer sa tronçonneuse par Monsieur X.... En ce sens, il sera rappelé que le détournement de clientèle s'entend d'une activité concurrente menée pour le propre compte du salarié. En l'espèce, il n'est nullement démontré que Monsieur X... exerçait une telle activité : l'employeur ne démontre pas que son salarié ait effectué des réparations pour le compte d clients de la société en dehors de son temps de travail ou pour son propre compte, ni détourné de contrats, ou retiré un quelconque profit. L'épisode du 3 août, d'une part n'est pas établi, l'employeur ne démontrant nullement l'existence d'une transaction entre Messieurs X... et Z...et d'autre part, ne saurait constituer à lui seul le fondement d'un licenciement pour faute. La société ne verse aucun autre élément démontrant l'existence d'un détournement de clientèle « institué » ; Par ailleurs, ensuite de son licenciement, il sera remarqué que Monsieur X... n'a pas créé une société concurrentielle à son employeur. Il n'a pas cherché à démarcher les clients de la société ETABLISSEMENT AROD. La société se contente de soupçonner l'existence d'un détournement de clientèle sans apporter aucun élément probant à ce propos. Par conséquent, ce grief n'apparaît ni démontré ni fondé. 1. Le dénigrement de la société
La société ETABLISSEMENT AROD ne verse aucune pièce justifiant de ce que Monsieur X..., dans le cadre de son activité, aurait dénigré l'entreprise. Elle se contente (l'invoquer des propos, sans en rapporter la quelconque preuve. Faute d'élément probant, ce second grief n'apparaît donc pas davantage établi. 2. Le vol du carnet reprenant les coordonnées des clients
Il est reproché à Monsieur X... d'avoir fait photocopier un carnet contenant les coordonnées des clients de la société. Monsieur X... a reconnu les faits mais a indiqué qu'il s'agissait pour lui de démontrer qu'il ne pouvait détourner ces clients importants, la plupart étant des collectivités locales ou d'importantes entreprises. Il ressort des pièces du dossier que ledit carnet, d'une part n'a pas été dérobé (mais restitué immédiatement par le salarié à la demande de son employeur) et d'autre part, n'a pas été utilisé par Monsieur X.... Ce grief n'est donc pas davantage étayé. 3. L'attitude de l'épouse du salarié
Sans qu'il ne soit besoin d'étudier sur le fond ce grief il sera rappelé qu'il ne saurait être reproché au salarié, dans le cadre de sa relation de travail, le comportement d'autre personne, fut-ce t-elle son épouse. Ce grief sera donc écarté.
En somme et au regard de l'ensemble des ces éléments, il apparaît que les manquements invoqués à l'encontre de Monsieur X..., en termes d'obligation de loyauté notamment, ne sont s établis. Le licenciement pour faute lourde n'apparaît donc pas justifié. Aucune faute ne pouvant être retenue à l'encontre de Monsieur X..., il y a lieu de constater que la mesure de licenciement prise à sonencontre le 26 août 2010 est dépourvue de cause réelle et sérieuse ;
Sur les conséquences indemnitaires
Le licenciement pour faute lourde est privatif des indemnités de licenciement et des indemnités de congés payés. Le licenciement de Monsieur X... étant déclaré sans cause réelle et sérieuse, il ouvre droit aux indemnités susvisées ainsi qu'à des dommages et intérêts pour licenciement abusif. Monsieur Mohamed X... fixe à la somme de 1 767. 79 euros bruts la moyenne de ses trois derniers mois de salaire, somme non contestée par la partie défenderesse et conforme aux bulletins de salaire versés. Sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents Monsieur Mohamed X... est bien fondé à solliciter, en application des articles L1234-1 et L1234-5 du code du travail et au vu de son ancienneté de plus de deux années, l'octroi f'une indemnité compensatrice à hauteur de deux mois de salaires. La société ETABLISSEMENT AROD sera donc condamnée à lui verser la somme de 3. 535. 58 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 353. 56 ¿ bruts au titre des congés payés afférents. Sur l'indemnité légale de licenciement Monsieur Mohamed X... justifie d'une ancienneté au sein de la société ETABLISSEMENT AROD de 9 ans et 10 mois. L'indemnité légale de licenciement ne peut dès lors être inférieure à 1/ Sèmc de mois de salaire par année d'ancienneté. Elle se calculesur la base de 1767. 79 euros bruts. Le montant réclamé au titre de l'indemnité légale de licenciement, soit la somme de 3476. 65 euros bruts, n'est pas contesté et conforme aux règles édictées ci-dessus. Monsieur Mohamed X... est donc fondé à percevoir la somme de 3476. 65 ¿ à titre d'indemnité légale de licenciement. Sur le rappel de salaire durant la période de mise à pied conservatoire et les congés payés afférents Au regard des pièces versées aux débats, la société ETABLISSEMENT AROD sera en outre condamnée à verser à Monsieur Mohamed X... la somme de 1248. 86 ¿ bruts à titre de rappel de salaire durant la mise à pied conservatoire injustifiée, outre celle 124. 89 ¿ bruts au titre les congés payés afférents. Sur les dommages-et-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse----
Monsieur Mohamed X... bénéficiait au sein de la société d'une ancienneté de 9 ans t 10 mois. La société ETABLISSEMENT AROD comptait alors 8 salariés. Il résulte des dispositions de l'articleL 1235-5 du code du travail que si le licenciement survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse le salarié peut prétendre, en cas de licenciement abusif, à une indemnité correspondant au préjudice subi. Il ressort des pièces du débat que Monsieur Mohamed X... n'a pas retrouvé d'emploi après son licenciement. Il n'a travaillé, en contrat durée déterminée, que trois mois durant1'année 2011. Il a 55 ans et des charges de famille, ayant encore un enfant de 8 ans à élever Au regard de ces éléments, de l'ancienneté du salarié et du préjudice subi, il convient de condamner la société ETALISSEMENT AROD à lui verser la somme de 25000 ¿ » ;
1. ALORS QU'un salarié ne peut, sans méconnaître son obligation de loyauté, accepter de recevoir le matériel d'un client pour se prononcer sur la nécessité de le faire réparer par son entreprise, a fortiori lorsque ledit matériel lui a été remis sur son lieu de travail et pendant la durée du travail, peu important que l'intéressé n'effectue pas lui-même la réparation à la place de son employeur ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté, par motifs propres, que Monsieur X... avait, « fait déposer, sur son temps et lieu de travail, le matériel d'un client dans le coffre de son véhicule » et, par motifs adoptés des premiers juges, que ce client avait remis à Monsieur X... ledit matériel afin d'avoir son avis sur la nécessité de le faire réparer ; que la Cour d'appel en a déduit que dès lors qu'il n'avait pas lui-même procédé à une réparation du matériel du client, Monsieur X... n'avait pas détourné la clientèle de son employeur ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations en violation des articles L. 1222-1, L. 3141-26, L. 1235-1, L. 1235-3, L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 du Code du travail ;
2. ET ALORS QUE l'employeur faisait valoir que Monsieur X... recevait directement certains clients dans l'atelier dont l'accès était interdit au public, sans respecter la procédure qui imposait aux clients de passer par l'accueil du magasin et d'y remplir un « ordre de réparation » ; qu'en s'abstenant de rechercher si ces faits étaient avérés, opposant à l'employeur la circonstance que Monsieur X... avait simplement des relations « très privilégiées » avec certains clients et que le lieu où il les recevait importait peu, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1222-1, L. 3141-26, L. 1235-1, L. 1235-3, L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 du Code du travail ;
3. ET ALORS QU'un salarié ne peut s'approprier la liste de clients de l'entreprise avec leurs coordonnées ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté que Monsieur X... avait établi un carnet de 5 pages et demi où étaient recensés les clients de l'entreprise avec leurs numéros de téléphone, et qu'il l'avait conservé chez lui ; qu'en considérant, pour écarter la faute du salarié, que le carnet n'avait pas été établi sur un document à entête de l'entreprise et qu'il l'avait restitué à l'employeur, la Cour d'appel a statué par des motifs inopérants sans tirer les conséquences légales de ses constatations en violation des articles L. 1222-1, L. 3141-26, L. 1235-1, L. 1235-3, L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 du Code du travail ;
4. ET ALORS QU'en s'abstenant de rechercher si les agissements qu'elle avait constatés, à savoir de première part que Monsieur X... avait fait déposer sur son temps et lieu de travail le matériel d'un client dans le coffre de son véhicule personnel, de deuxième part qu'il entretenait des relations très privilégiées avec certains clients avec qui il avait des entretiens personnels, et de troisième part qu'il avait établi et conservé chez lui un carnet sur lequel il avait inscrit, sur 5 pages et demi, les coordonnées de clients de la société, ne contribuaient pas, pris ensemble, à caractériser un détournement de clientèle ou à tout le moins la tentatived'un tel détournement, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1222-1, L. 3141-26, L. 1235-1, L. 1235-3, L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 du Code du travail ;
5. ET ALORS QUE constitue une faute le fait pour un salarié de faire courir une fausse rumeur au préjudice de son employeur ; que la lettre de licenciement de Monsieur X... lui reprochait non seulement d'avoir dénigré le travail de la société, mais également et avant tout d'avoir fait circuler la fausse rumeur que l'entreprise arrêtait son activité « espaces verts » ; qu'en retenant, pour écarter toute faute du salarié, que l'attestation de Monsieur B...précisant que Monsieur X... avait bien fait circuler ladite rumeur ne pouvait suffire à établir que cette dernière, dont la teneur était contestée par le salarié, « s'inscri (vait) dans le cadre d'un dénigrement de l'employeur », la Cour d'appel s'est fondée sur un motif inopérant, privant ainsi sa décision de base légale au regard des articles L. 1222-1, L. 3141-26, L. 1235-1, L. 1235-3, L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 du Code du travail ;
6. ET ALORS QUE si ne peuvent être reprochés au salarié que des faits qui lui sont personnellement imputables, sa faute peut résulter de ce qu'il est demeuré passif vis-à-vis d'un comportement préjudiciable à l'entreprise ; qu'en l'espèce, était reprochée au salarié son attitude passive face aux menace de représailles proférées par son épouse à l'encontre d'une salariée de la société ; qu'en se bornant à opposer à l'employeur qu'aucun agissement de l'épouse du salarié n'était susceptible de lui être reproché, sans rechercher si le comportement de Monsieur X..., consistant à ne pas avoir empêché son épouse de proférer des menaces était ou non avéré et constitutif, le cas échéant, d'un comportement fautif, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3141-26, L. 1235-1, L. 1235-3, L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 du Code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que Monsieur X... avait été privé de son droit individuel à la formation, d'AVOIR condamné l'exposante lui verser la somme de 1098 euros à titre de dommages et intérêts pour privation de son droit individuel à la formation, de l'AVOIR condamnée aux dépens ainsi qu'au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « (..) le licenciement prononcé pour faute lourde ayant été jugé abusif, l'employeur doit indemniser monsieur X... pour les heures correspondant au droit individuel à la formation qu'il n'a pas pu demander à utiliser au moment de la rupture faute d'avoir pu exécuter le préavis ; Que la somme de 109. 8 euros allouée à titre de dommages et intérêts pour privation de ce droit par les premiers juges doit être confirmée » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « (...) aux termes de l'article L. 6323-1 du Code du travail, « tout salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée et disposant d'un ancienneté minimale dans l'entreprise déterminée par voie réglementaire, bénéficie chaque année d'un droit individuel à la formation d'une durée de 20 heures, Monsieur X... indique avoir acquis à la date de la mesure de licenciement prise à son encontre 120 heures de droit individuel à la formation, quantum non contesté par la partie défenderesse ; il apparaît dès lors bien fondé à solliciter la somme de 1098 euros à titre de dommages et intérêts pour privation du droit individuel à la formation » ;
1. ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation entraînera la cassation du chef de dispositif attaqué par le présent moyen, en application de l'article 624 du Code de procédure civile ;
2. ALORS QU'il résulte de l'article L. 6323-18 du Code du travail dans sa rédaction issue de la loi n º 2009-1437 du 24 novembre 2009, que le droit individuel à la formation est susceptible d'être utilisé, non pas uniquement durant le préavis, mais également après la rupture du contrat de travail, plus précisément pendant la période de chômage ou chez un éventuel nouvel employeur ; qu'ainsi, la seule circonstance que le préavis n'ait pas été exécuté n'est pas en elle-même de nature à empêcher le salarié d'exercer son droit au droit individuel à la formation ; qu'en retenant que le salarié n'aurait pu exercer son droit individuel à la formation faute d'avoir pu demander à l'utiliser durant son préavis, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 6323-17, L. 6323-18 du Code du Travail, ensemble de l'article 1147 du Code civil.

ECLI:FR:CCASS:2014:SO01009
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