Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 13 février 2014, 12-16.839, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Donne acte à la société Arkema France du désistement partiel de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre les consorts X... ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 7 février 2012), qu'Alain X..., salarié de la société Arkema France (l'employeur), victime d'un mésothéliome pleural pris en charge au titre de la législation professionnelle par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère (la caisse), a saisi une juridiction de sécurité sociale pour faire reconnaître une faute inexcusable de son employeur ; que ses ayants droit ont repris l'instance à son décès survenu le 4 septembre 2008 des suites de cette maladie ;

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire que la décision de prise en charge de la maladie au titre de la législation professionnelle lui est opposable, alors, selon le moyen, qu'en vertu de l'article 1316-1 du code civil, l'écrit sous forme électronique ne vaut preuve qu'à condition que son auteur puisse non seulement être dûment identifié, mais également qu'il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité ; qu'au cas présent, l'employeur exposait que rien ne permettait de démontrer que le document présenté par la caisse prétendument adressé le 9 novembre 2007 aurait effectivement été constitué à cette date et conservé depuis dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité ; qu'il ajoutait que la caisse ne produisait aux débats aucun élément de nature à démontrer que le document informatique litigieux aurait été établi et conservé dans des conditions susceptibles d'en garantir l'intégrité ; qu'en se contentant d'affirmer que «le rédacteur du courrier est dûment identifié» sans rechercher, malgré les demandes insistantes de l'employeur en ce sens, s'il avait été constitué le 9 novembre 2007 comme le prétendait la caisse et conservé depuis dans des conditions conformes aux exigences de l'article 1316-1 du code civil, la cour d'appel a refusé de procéder aux vérifications qui lui incombaient en application de l'article 1316-1 du code civil et a donc violé ce texte ;

Mais attendu que les dispositions invoquées par le moyen ne sont pas applicables au courrier électronique produit pour faire la preuve d'un fait, dont l'existence peut être établie par tous moyens de preuve, lesquels sont appréciés souverainement par les juges du fond ;

Et attendu que l'arrêt relève qu'est produite la copie informatique du courrier adressé le même jour et dans des termes identiques à Alain X... ;

Que par ce constat, procédant de son appréciation souveraine des faits et des éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

Et attendu qu'en sa seconde branche le moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Arkema France aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Arkema France ; la condamne à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère la somme de 2 400 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize février deux mille quatorze.


MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour la société Arkema France

Le pourvoi fait grief à l'arrêt d'avoir dit la décision de prise en charge de la maladie et du décès d'Alain X... opposable à la société ARKEMA ;

AUX MOTIFS QUE «que la société Arkema invoque le manquement de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère à son obligation d'information telle qu'elle résulte des dispositions de l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale et lui reproche de ne pas l'avoir informée du ternie de l'instruction, de la date prévisible de sa décision et de la possibilité de consulter les pièces du dossier ; que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère produit la copie informatique d'un courrier du 9 novembre 2007 dont l'objet est ainsi précisé "Consultation du dossier avant décision sur maladie professionnelle" et dont le rédacteur est identifié ; que ce courrier contient l'information de la fin de l'instruction, de la date à laquelle la décision sera prise (24 novembre 2011) et de la possibilité pour l'employeur de venir consulter le dossier ; qu'il est également produit la copie informatique du courrier adressé le même jour et dans des termes identiques à Alain X... ; que la société Arkema qui a reçu tous les autres courriers simples qui lui ont été adressés dans ce dossier, prétend ne pas avoir été destinataire du courrier du 9 novembre 2007 ; que la caisse rappelle à juste titre que le respect de son devoir d'information ne lui impose pas d'adresser par courrier recommandé la lettre de clôture à l'employeur ; que la caisse qui établit l'envoi de ce courrier a satisfait à son obligation d'information, de sorte que c'est à tort que les premiers juges ont déclaré la prise en charge de la maladie professionnelle inopposable à la société Arkema» ;

ALORS, D'UNE PART, QU'en vertu de l'article 1316-1 du code civil, l'écrit sous forme électronique ne vaut preuve qu'à condition que son auteur puisse non seulement être dûment identifié, mais également qu'il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité ; qu'au cas présent, la société ARKEMA exposait que rien ne permettait de démontrer que le document présenté par la CPAM de GRENOBLE prétendument adressé le 9 novembre 2007 aurait effectivement été constitué à cette date et conservé depuis dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité ; qu'elle ajoutait que la Caisse ne produisait aux débats aucun élément de nature à démontrer que le document informatique litigieux aurait été établi et conservé dans des conditions susceptibles d'en garantir l'intégrité ; qu'en se contentant d'affirmer que «le rédacteur du courrier est dûment identifié» (Arrêt p. 3 alinéa 12) sans rechercher, malgré les demandes insistantes de la société ARKEMA en ce sens, s'il avait été constitué le 9 novembre 2007 comme le prétendait la Caisse et conservé depuis dans des conditions conformes aux exigences de l'article 1316-1 du code civil, la cour d'appel a refusé de procéder aux vérifications qui lui incombaient en application de l'article 1316-1 du code civil et a donc violé ce texte ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE l'admission par le juge judiciaire d'une prétendue copie informatique qui ne présente aucune garantie de fidélité, d'inaltérabilité et d'intégrité n'est pas conforme aux exigences du procès équitable ; de sorte qu'en admettant que la preuve de l'exécution de son obligation d'information par la caisse était rapportée par la production d'un document informatique dont rien ne permettait de garantir qu'il n'avait pas été établi par la caisse pour les besoins du litige, la cour d'appel a violé l'article 6-1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

ECLI:FR:CCASS:2014:C200255
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