Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 29 janvier 2014, 12-28.836, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 312-17 du code de la consommation ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 juin 2012), que Mme X... a promis de vendre un immeuble à M. Y... ; que celui-ci ayant renoncé à l'acquisition, elle l'a assigné en paiement de l'indemnité d'immobilisation et de dommages-intérêts ;

Attendu que pour rejeter ces demandes, l'arrêt retient que M. Y... devait recourir à un emprunt pour financer l'achat du bien immobilier de Mme X... comme l'ajout de la mention du recours à un prêt relais éventuel l'indique, et qu'ainsi, nonobstant la mention manuscrite contraire apposée par lui sur la promesse de vente, en réalité le prix de cet immeuble devait être payé à l'aide d'un prêt, en sorte que l'acte était nécessairement conclu sous la condition suspensive de son obtention ;

Qu'en statuant ainsi, sans rechercher si Mme X... avait connaissance, lors de la conclusion de la promesse de vente, de l'intention de M. Y... de recourir à un prêt, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 juin 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ; rejette la demande de M. Y... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf janvier deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour Mme Z...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté madame Christine X... de ses demandes tendant à la condamnation de monsieur Y... à lui verser la somme de 120 000 € au titre de l'indemnité d'immobilisation prévue par la promesse de vente des 7 mars et 8 septembre 2008 ;

AUX MOTIFS QU'au paragraphe de la promesse unilatérale de vente intitulé « financement de l'opération » il était indiqué que le prix de l'acquisition de 1 250 000 ¿ augmenté des frais de représentant un total de 1 329 000 € serait financé à l'aide d'un prêt relais éventuel, hors condition suspensive, et que pour satisfaire aux dispositions de l'article L.312-17 du code de la consommation, monsieur Y... a écrit de sa main « je déclare que j'effectuerai cette acquisition sans recourir à un prêt. Je reconnais avoir été informé que si je recours néanmoins à un prêt, je ne pourrai me prévaloir de la condition suspensive de son obtention prévue par le chapitre II du titre I du livre III du code de la consommation relatif au crédit immobilier », suivi de sa signature ; que monsieur Y... devait financer son acquisition au moyen du prix de la revente d'un autre bien immobilier qu'il avait concomitamment mis en vente et que dans l'attente de cette négociation, il a sollicité un prêt relais, raison pour laquelle la promesse de vente a fait l'objet d'un avenant les 8 et 10 septembre prorogeant la validité qui expirait le 8 septembre 2008 au 10 novembre 2008, prêt dont il est établi qu'il lui a été refusé ; que monsieur Y... conclut à l'illicéité de sa renonciation au bénéfice de la condition suspensive d'obtention d'un prêt au regard des dispositions de l'article L.312-16 du code de la consommation, lesquelles sont d'ordre public de protection, au motif que sa renonciation à la condition suspensive ne pouvait intervenir qu'une fois le droit acquis alors qu'en l'espèce il a renoncé aux dispositions protectrices de la loi dès la signature de la promesse, et non une fois que le prêt lui a été refusé, qu'en outre cette renonciation qui a été renouvelée lors de l'avenant, n'était pas conforme à la réalité en ce sens qu'elle était contraire aux énonciations mêmes de la promesse de vente aux termes de laquelle le cadre préimprimé « financement avec emprunt » a été ainsi complété de sa main « éventuel, hors condition suspensive » et que madame X... ne pouvait lui imposer une renonciation à ce droit alors qu'elle savait qu'il entendait recourir à un prêt ; que si les dispositions de l'article L.312-17 du code de la consommation autorisent la renonciation au droit de recourir à un prêt pour financer l'acquisition d'un bien immobilier dès lors que cette renonciation, sur la portée de laquelle l'attention de l'acquéreur est attirée en ce qu'elle doit être manuscrite et suivie de sa signature, est expresse, toutefois sa portée doit être interprétée de façon stricte ; qu'en l'espèce il est acquis aux débats que monsieur Y..., ne serait-ce que dans l'attente de la vente d'un autre bien immobilier, devait recourir à un emprunt pour financer l'achat du bien immobilier de madame X... comme l'ajout de la mention du recours à un prêt relais éventuel l'indique, et qu'ainsi, nonobstant la mention manuscrite contraire apposée par lui sur la promesse de vente, en réalité le prix de cet immeuble devait être payé à l'aide d'un prêt, en sorte que l'acte était nécessairement conclu sous la condition suspensive de son obtention ; qu'il est justifié que monsieur Y... n'a pas obtenu le prêt relais d'un montant de 850 000 € au taux de 5% sur une durée de deux années qu'il avait sollicité auprès de la société Marseillaise de crédit, ce qui a motivé son refus de poursuivre l'acquisition de l'immeuble en sorte que la condition suspensive étant défaillie, il est fondé à obtenir restitution de l'indemnité d'immobilisation d'un montant de 120 000 € qui avait été séquestrée ; qu'il s'ensuit que madame X... doit être déboutée de sa demande d'acquisition de l'indemnité d'immobilisation ainsi que de celle tendant à l'allocation de dommages et intérêts ;

1°) ALORS QU' en énonçant qu'il était acquis aux débats que monsieur Y... devait recourir à un emprunt pour financer l'achat du bien de madame X..., quand cette dernière n'avait, au contraire, cessé de le contester et soutenait que monsieur Y... devait financer son acquisition au moyen du prix de la revente d'un autre bien immobilier qu'il avait concomitamment mis en vente (conclusions d'appel du 5 octobre 2011, p. 7 § II.2/ à p.10 § 3 ; p.11 § F. à p. 13 § 4), la cour d'appel a dénaturé les conclusions de l'appelante, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QU' en énonçant que monsieur Y... devait recourir à un prêt pour financer l'achat du bien immobilier de madame X..., lorsqu'elle avait précédemment constaté que monsieur Y... devait financer son acquisition au moyen du prix de la revente d'un autre bien immobilier qu'il avait concomitamment mis en vente, la cour d'appel s'est contredite, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE l'acquéreur indiquait dans la promesse de vente que le « financement avec emprunt » était « éventuel, hors condition suspensive », excluant ainsi lui-même toute certitude sur le recours à l'emprunt et excluant de même expressément qu'un tel recours, purement éventuel, puisse être érigé en condition suspensive ; qu'en déduisant néanmoins de cette mention, relative au recours « éventuel » à un prêt, que monsieur Y... « devait » recourir à un prêt pour financer l'achat du bien immobilier de madame X... et que l'acte était donc « nécessairement » conclu sous la condition suspensive de son obtention, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de la promesse de vente, en violation de l'article 1134 du code civil ;

4°) ALORS QUE l'acquéreur d'un bien immobilier, qui a déclaré que le prix serait payé sans l'aide d'un ou plusieurs prêts et qui a porté à l'acte la mention manuscrite prescrite par l'article L.312-17 du code de la consommation, ne peut, s'il recourt néanmoins à un prêt, se prévaloir du défaut d'obtention d'un prêt, sauf en cas de fraude à la loi, laquelle n'est caractérisée qu'autant qu'il soit établi et constaté que le promettant était informé, avant la conclusion de la promesse, de la nécessité pour l'acquéreur de recourir à un prêt ; qu'en retenant que la promesse unilatérale de vente avait été conclue sous la condition suspensive de l'obtention d'un prêt par monsieur Y... nonobstant la mention manuscrite contraire apposée par lui sur la promesse de vente, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si madame X... avait connaissance, lors de la conclusion de la promesse de vente, de la nécessité pour monsieur Y... de recourir à un prêt pour financer l'acquisition du bien qu'elle s'engageait à lui céder, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.321-17 du code de la consommation, ensemble le principe Fraus omnia corrumpit ;

5°) ALORS QUE la condition est réputée accomplie lorsque c'est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché la réalisation ; que c'est au bénéficiaire d'une promesse de vente, obligé sous la condition d'obtenir un prêt, de démontrer que la demande de prêt était conforme aux caractéristiques de la promesse de vente ; qu'en se bornant à retenir, pour ordonner la restitution de l'indemnité d'immobilisation au bénéficiaire, que la condition suspensive stipulée à la promesse de vente était défaillie faute pour l'intéressé d'avoir obtenu un prêt relais d'un montant de 850 000 ¿ au taux de 5 % sur une durée de deux années qu'il avait sollicité auprès de la société Marseillaise de crédit, sans rechercher, comme il lui était demandé à titre subsidiaire (conclusions de madame X... du 5 octobre 2011, p.10-11), si monsieur Y... justifiait avoir accompli les démarches nécessaires à l'obtention du prêt dans le délai imparti par la promesse de vente et conformément aux caractéristiques de cette dernière, et s'il n'avait pas, ainsi, empêché l'accomplissement de l'obligation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision, en violation de l'article 1178 du code civil.

ECLI:FR:CCASS:2014:C300097
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