Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 21 janvier 2014, 12-29.206, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le groupement d'intérêt économique Pari mutuel urbain (le PMU), qui est titulaire de plusieurs marques verbales et semi-figuratives enregistrées pour désigner divers produits et services en classes 16 et 41, estimant que les sociétés Unibet International limited, Unibet London limited et Global Entertainment Antigua limited (les sociétés) reproduisaient, sans son autorisation, les termes « simple », « couplé », « trio », « quarté+ », « quinté+ », « 2 sur 4 » et « multi » pour proposer des paris en ligne sur des courses hippiques, les a fait assigner en contrefaçon ; que reconventionnellement les sociétés ont sollicité l'annulation de ces marques ;

Sur le premier moyen, pris en sa septième branche :

Vu la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 et l'arrêté du 13 septembre 1985 dans sa rédaction applicable, ensemble les articles L. 711-2 et L. 714-3 du code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que pour annuler, pour défaut de caractère distinctif, les marques verbales « simple», « couplé », « trio », « tiercé », « quarté+ », « quinté+ », « 2 sur 4 » et « multi », la cour d'appel retient que ces signes constituent les désignations officielles des paris hippiques réglementés par des arrêtés ministériels s'imposant à tout opérateur exerçant une activité de pari hippique ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que les arrêtés ministériels ayant autorisé les paris « simple », « couplé », « trio », « tiercé », « quarté+ », « quinté+ », « 2 sur 4 » et « multi » ne font qu'en définir les règles et que les opérateurs de paris en ligne sont soumis exclusivement aux exigences de la loi relative à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne laquelle ne fait pas référence à ces désignations, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Sur le premier moyen, pris en sa onzième branche :

Vu l'article L. 712-6 du code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que pour annuler les marques verbales « simple », « couplé », « trio », « tiercé », « quarté+ », « quinté+ », « 2 sur 4 » et « multi », la cour d'appel retient que le PMU les a déposées de mauvaise foi dans l'intention de conserver le monopole dont il bénéficiait avant la loi du 12 mai 2010 et de priver les tiers d'un signe nécessaire à la poursuite de leurs activités ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors qu'aux dates auxquelles ces marques ont été déposées, le PMU exploitait depuis 2001 et 2002 des marques semi-figuratives incorporant ces signes verbaux, qu'il a continué à utiliser ces derniers ultérieurement et n'a perdu son monopole que pour l'organisation des paris hippiques en ligne, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

Sur le second moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que pour annuler les marques semi-figuratives « simple », « couplé », « trio », « tiercé », « quarté+ », « quinté+ », « 2 sur 4 » et « multi », la cour d'appel, après avoir constaté que les éléments verbaux de ces marques remplissaient la fonction essentielle de la marque qui est de permettre au public concerné de reconnaître sans confusion possible le produit ou le service et de le différencier d'autres produits de même nature, retient que ces marques sont nécessaires pour désigner les produits ou services enregistrés, lesquels se référent aux paris sur les courses hippiques ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, par des motifs contradictoires, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;

Et sur le second moyen, pris en sa quatrième branche :

Vu les articles L. 712-6 et L. 714-3 du code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que pour annuler les marques semi-figuratives « simple », « couplé », « trio », « tiercé », « quarté+ », « quinté+ », « 2 sur 4 » et « multi », la cour d'appel retient que le PMU les a déposées de mauvaise foi dans l'intention de conserver le monopole dont il bénéficiait avant la loi du 12 mai 2010 en détournant le droit des marques de sa finalité ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si, à la date du dépôt des marques litigieuses le 7 juin 2001 et le 31 décembre 2002, le PMU pouvait avoir connaissance de la future ouverture à la concurrence des paris en ligne, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a annulé les marques verbales « simple » n° 083619823, « couplé » n° 083549359, « tiercé » n° 083549357, « trio » n° 083549362, « quarté+ » n° 083549356, « quinté+ » n° 083549354, « 2 sur 4 » n° 083549363 et « multi » n° 083549360 et les marques semi-figuratives « multi » n° 013104291, « simple » n° 023202259, « couplé » n° 023202257, « trio » n° 023202258, "tiercé" n° 023202260, « quarté+ » n° 023202263, « quinté+ » n° 023202261, « 2 sur 4 » n° 023202262, l'arrêt rendu le 14 septembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne les sociétés Unibet International limited, Unibet London limited et Global Entertainment Antigua limited aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer au groupement d'intérêt économique Pari mutuel urbain la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un janvier deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt.

Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour le groupement d'intérêt économique Pari mutuel urbain.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir annulé les marques verbales du G.I.E. P.M.U. « Simple », « Couplé », « Tiercé », « Trio », « Quarté + », « Quinté + », « 2 sur 4 » et « Multi », d'avoir ordonné la transcription de la décision au registre national des marques et d'avoir déclaré irrecevables les demandes du G.I.E. P.M.U. fondées sur la contrefaçon,

AUX MOTIFS QUE, contrairement à ce que soutient le G.I.E. P.M.U., et conformément à la motivation des premiers juges que la cour adopte, la situation de monopole qui a existé antérieurement à la loi du 12 mai 2010, conjuguée au processus de création des paris a fait que chaque dénomination, qui a seule été exploitée sur le territoire français, est devenue nécessaire pour désigner le type de pari proposé sous cette appellation et dont les règles sont définies par les arrêtés ministériels, de sorte que le droit des marques a permis au G.I.E. P.M.U. d'évincer ses concurrents potentiels des paris en ligne en leur interdisant d'utiliser les dénominations qui sont, sur le territoire considéré, utilisées et connues par tous les parieurs comme représentant nécessairement un type de pari, les parieurs qui constituent le public pertinent ne pouvant qu'associer les noms des paris aux marques verbales déposées ; que le G.I.E. P.M.U. a donc de cette façon utilisé à mauvais escient le droit des marques afin de continuer à bénéficier du monopole qui était le sien avant la loi du 12 mai 2010 ; que les marques déposées, dont la distinctivité a pu être acquise par un usage ancien remontant pour certaines à plusieurs décennies, sont en outre devenues génériques, nécessaires et usuelles pour le public pertinent constitué de parieurs pour désigner les produits et services visés dans les enregistrements, lesquels font expressément référence aux paris des courses hippiques, puisqu'ils visent les tickets de jeux, l'organisation de paris sur les courses de chevaux, l'enregistrement de paris sur les courses de chevaux, le service d'aide aux paris sur les courses de chevaux et la génération instantanée de paris sur les courses de chevaux ; que la distinction opérée par le G.I.E. P.M.U., selon lequel les marques ne protègent pas des noms de paris dont l'usage serait nécessaire, est illusoire dans la mesure où lesdites marques servent à désigner des produits ou services qui se rattachent directement aux paris hippiques connus par les turfistes sous le nom des marques litigieuses ; que le G.I.E. P.M.U. soutient avec raison que le caractère distinctif des marques doit, en application du principe de spécialité, être apprécié au seul regard des produits et services qu'elles visent à leur enregistrement ; qu'il focalise cependant son propos spécialement sur les tickets de jeux et les jeux d'argent, en omettant les autres mentions figurant à l'enregistrement, pour conclure que les marques verbales n'étaient pas en 2008 exclusivement des termes nécessaires et usuels pour désigner ces deux services ; que, si les désignations en classes 16 et 41 concernent bien des jeux d'argent, il y a lieu d'observer qu'ils sont mis en oeuvre à l'aide de tickets de jeux conçus sous la forme de formulaires, de récépissés pré-imprimés à remplir et servant de support à la prise de paris sur les courses de chevaux et qu'ils nécessitent une organisation, des enregistrements de paris, des services d'aide et de conseil en matière de paris sur les courses de chevaux, ainsi que la génération instantanée de paris sur lesdites courses de sorte que les marques litigieuses utilisent des termes nécessaires, descriptifs et usuels pour désigner ces deux services ; qu'en outre, la similitude du nom de pari hippique « tiercé », par exemple, et de la marque éponyme fait que le tiers qui souhaite utiliser le nom de pari hippique « tiercé » s'en trouvera empêché du fait de la marque déposée ; que le fait que d'autres opérateurs monopolistiques que le G.I.E. P.M.U. aient utilisé, avant le dépôt des marques, les noms de paris hippiques et en particulier les noms « Simple », « Couplé » et « Trio » est dépourvu de pertinence pour évaluer la validité des marques litigieuses ; (¿) que les sociétés Unibet, Unibet London et G.E.A.L. sont donc fondées à soutenir que les signes verbaux « Simple », « Couplé », « Tiercé », « Trio », « Quarté+ », « Quinté + », « 2 sur 4 » et « Multi » représentent les désignations officielles et nécessaires des paris hippiques réglementés par des arrêtés ministériels, lesquels s'imposent à tout opérateur exerçant une activité de pari hippique ; qu'il convient ainsi de reconnaître que lesdits termes sont descriptifs et usuels pour désigner des paris hippiques, quand bien même il en existerait d'autres susceptibles d'être retenus pour désigner le même type d'activités commerciales ; qu'il peut valablement être soutenu, comme le font les sociétés Unibet, Unibet London et G.E.A.L., que le dépôt des marques litigieuses a été effectué de mauvaise foi et donc de façon fautive, puisque fait dans l'intention de priver autrui d'un signe nécessaire à la poursuite de ses activités ;

ET AUX MOTIFS QUE, pris individuellement, les éléments verbaux « Simple », « Couplé », « Tiercé », « Trio », « Quarté + », « Quinté + », « 2 sur 4 » et « Multi » remplissent la fonction essentielle de la marque, qui est de permettre au public concerné de reconnaître sans confusion possible le produit ou le service et de le différencier d'autres produits de même nature ;

1°/ ALORS QUE, lorsqu'un opérateur est le seul à offrir un produit particulier sur le marché, l'usage fréquent du signe qui le désigne conduit le public pertinent à associer le signe audit opérateur, à l'exclusion de toute autre entreprise ou, à tout le moins, à croire que les produits désignés par ce signe proviennent de cet opérateur ; qu'en se bornant à affirmer de manière générale, pour annuler les marques verbales « Simple », « Couplé », « Tiercé », « Trio », « Quarté + », « Quinté + », « 2 sur 4 » et « Multi », qu'eu égard à la situation de monopole du G.I.E. P.M.U., elles étaient nécessairement devenues usuelles pour désigner les paris hippiques, sans rechercher, marque par marque, si le public pertinent n'était pas conduit à associer les marques verbales en litige au G.I.E. P.M.U. ou à croire que les paris proposés sous ces marques provenaient nécessairement du G.I.E. P.M.U., en sorte qu'elles présentaient bien un caractère distinctif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 711-1, L. 711-2 et L. 714-3 du code de la propriété intellectuelle ;

2°/ ALORS QU' en toute hypothèse, en affirmant que la perte de pouvoir distinctif des marques litigieuses était la conséquence de la situation de monopole du G.I.E. P.M.U., conjuguée au processus de création des paris, sans expliquer comment l'existence d'un unique opérateur sur le marché et le processus de création des paris avaient pu affecter le pouvoir distinctif des signes litigieux, dont elle a constaté par ailleurs qu'ils avaient pu acquérir un caractère distinctif par l'usage, dans la même situation de monopole, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 711-1, L 711-2 et L. 714-3 du code de la propriété intellectuelle ;

3°/ ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en constatant, d'une part, s'agissant du caractère distinctif des marques verbales, que les termes « Simple », « Couplé », « Tiercé », « Trio », « Quarté + », « Quinté + », « 2 sur 4 » et « Multi » étaient nécessaires, génériques, usuels et descriptifs pour désigner des paris hippiques et, d'autre part, s'agissant du caractère distinctif des marques semi-figuratives, que les éléments verbaux « Simple », « Couplé », « Tiercé », « Trio », « Quarté + », « Quinté + », « 2 sur 4 » et « Multi » remplissaient la fonction essentielle de la marque, qui est de permettre au public concerné de reconnaître sans confusion possible le produit ou le service et de le différencier d'autres produits de même nature, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs, en méconnaissance des exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ ALORS QUE, si l'enregistrement de la marque qui, au jour du dépôt, est, dans le langage courant ou professionnel, exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service encourt l'annulation, la perte du caractère distinctif postérieur au dépôt n'est justiciable que d'une action en déchéance, à supposer qu'elle soit le fait du propriétaire de la marque ; qu'en se bornant à relever, pour annuler les marques verbales « Couplé », « Trio », « Tiercé », « Quarté + », « Quinté + », « 2 sur 4 » et « Multi », déposées le 16 janvier 2008 et la marque verbale « Simple », déposée le 24 décembre 2008, qu'elles avaient pu acquérir un caractère distinctif par l'effet d'un usage ancien, mais qu'elles étaient ensuite devenues usuelles, sans préciser à quelle date chacune des marques avait perdu son caractère distinctif, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 711-2, L. 714-3 et L. 714-6 du code de la propriété intellectuelle ;

5°/ ALORS QU' en se fondant sur une prétendue perte de pouvoir distinctif des marques en litige, la cour d'appel, qui était saisie, non d'une action en déchéance du droit de marque, mais d'une action en annulation, s'est prononcée par des motifs inopérants, en violation des articles L. 711-2, L. 714-3 et L. 714-6 du code de la propriété intellectuelle ;

6°/ ALORS QUE le caractère distinctif d'un signe de nature à constituer une marque s'apprécie à l'égard des produits ou services désignés ; qu'en se bornant à affirmer de manière générale, pour annuler l'enregistrement des marques verbales « Simple » « Couplé », « Trio », « Tiercé », « Quarté + », « Quinté + », « 2 sur 4 » et « Multi » pour désigner les tickets de jeux, les jeux d'argent, l'organisation de paris sur les courses de chevaux, 'enregistrement de paris sur les courses de chevaux, les services d'aide aux paris sur les courses de chevaux et la génération instantanée de paris, que ces produits et services se rattachaient directement aux paris hippiques connus des turfistes sous le nom des marques litigieuses, sans démontrer que chacun des signes « Simple » « Couplé », « Trio », « Tiercé », « Quarté + », « Quinté + », « 2 sur 4 » et « Multi » était devenu la désignation générique, nécessaire, usuelle et descriptive de chacun des produits et services visés au dépôt, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 711-2 et L. 714-3 du code de la propriété intellectuelle ;

7°/ ALORS QUE les arrêtés ministériels qui ont successivement autorisé les paris « Simple », « Couplé », « Trio », « Tiercé », « Quarté Plus », « Quinté Plus » « 2 sur 4 » et « Multi », consolidés au sein de l'arrêté du 13 septembre 1985 portant règlement du parti mutuel urbain et sur les hippodromes, constituent des décisions individuelles qui ne créent d'obligations qu'au G.I.E. P.M.U. ; que les opérateurs de jeux en ligne sont exclusivement soumis aux exigences de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne ; qu'en retenant, pour affirmer que les marques verbales « Simple », « Couplé », « Trio », « Tiercé », « Quarté + », « Quinté + » « 2 sur 4 » et « Multi » n'étaient pas distinctives, qu'elles étaient la dénomination « officielle » des paris hippiques, résultant de l'arrêté du 13 septembre 1985 s'imposant à tout opérateur, la cour d'appel a violé le texte précité par fausse application, ensemble les articles L. 711-2 et L. 714-3 du code de la propriété intellectuelle ;

8°/ ALORS QU' une décision individuelle autorisant un opérateur, par exception au principe d'interdiction des paris, à proposer un jeu dont elle précise la dénomination et la règle, constitue une mesure de police spéciale, qui n'a ni pour objet ni pour effet d'affecter l'aptitude de la dénomination à constituer une marque au sens du code de la propriété intellectuelle ; qu'en énonçant que les arrêtés ministériels ayant successivement autorisé les paris « Simple », « Couplé », « Trio », « Tiercé », « Quarté + », « Quinté + » « 2 sur 4 » et « Multi », consolidés au sein de l'arrêté du 13 septembre 1985, avaient rendu « officielles » les dénominations correspondantes, en sorte qu'elles ne pouvaient être choisies à titre de marques, la cour d'appel a violé les articles L. 711-2 et L. 714-3 du code de la propriété intellectuelle ;

9°/ ALORS QUE les caractères nécessaire, usuel, générique ou descriptif d'un signe, s'ils font également obstacle à son adoption en tant que marque à défaut de distinctivité, constituent des notions distinctes ; qu'en qualifiant indifféremment les signes en litige de nécessaires, génériques, usuels ou descriptifs, sans s'en expliquer plus avant, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 711-2 et L. 714-3 du code de la propriété intellectuelle ;

10°/ ALORS QU' en particulier, est qualifié de descriptif le signe qui peut servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l'époque de la production du bien ou de la prestation de service ; que le caractère descriptif d'un signe ne saurait se déduire de son caractère usuel, générique ou nécessaire ; qu'en affirmant qu'il convenait de reconnaître que les signes en litige, qualifiés d'usuels, génériques et nécessaires, étaient « ainsi descriptifs », sans exposer quelle caractéristique des biens et produits visés au dépôt ils pouvaient servir à désigner, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 711-2 et L. 714-3 du code de la propriété intellectuelle ;

11°/ ALORS QU' en toute hypothèse, un dépôt de marque n'est entaché de fraude que s'il n'est dicté que par des considérations étrangères à la fonction essentielle du droit de marque, et notamment par la seule intention de priver autrui d'un signe nécessaire à son activité ; qu'en se bornant à affirmer, pour prononcer l'annulation des marques verbales « Simple », « Couplé », « Trio », « Tiercé », « Quarté + », « Quinté + » « 2 sur 4 » et « Multi », que le G.I.E. P.M.U. avait procédé à leur dépôt afin de continuer à bénéficier du monopole qui était le sien avant la loi du 12 mai 2010, bien qu'il ait exploité les signes litigieux de manière constante avant et après leur dépôt, qu'ils aient tous figuré au sein des marques semi-figuratives déposées en 1988 et 1989, à l'exception des signes « 2 sur 4 » et « Multi », puis en 2001 et 2002, et que les dépôts critiqués aient fait suite au changement d'identité visuelle de l'opérateur, ce dont il résultait que le G.I.E. P.M.U. était mu par la volonté, exclusive de toute intention frauduleuse, de consolider ses droits sur les signes exploités dans le cadre de son activité, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 712-6 et L. 714-3 du code de la propriété intellectuelle.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir annulé les marques semi-figuratives « Simple », « Couplé », « Tiercé », « Trio », « Quarté + », « Quinté + », « 2 sur 4 » et « Multi », d'avoir ordonné la transcription de la décision au registre national des marques et d'avoir déclaré irrecevables les demandes du G.I.E. P.M.U. fondées sur la contrefaçon,

AUX MOTIFS QUE, s'agissant de marques semi-figuratives, les sociétés Unibet, Unibet London et G.E.A.L. font pertinemment grief au G.I.E. P.M.U. d'avoir déposé des noms à titre de marque en méconnaissance notamment des dispositions de l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle lesquelles prévoient que le caractère distinctif d'un signe de nature à constituer une marque s'apprécie à l'égard des produits et services désignés, l'absence de distinctivité s'appliquant aux signes ou dénominations qui, dans le langage courant ou professionnel sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service, ou les signes ou dénominations qui servent à désigner une caractéristique du produit ou du service, la provenance géographique, l'époque de la production du bien ou de la prestation de service ou les signes constitués exclusivement par la forme imposée par la nature ou la fonction du produit ou conférant à ce dernier sa valeur substantielle ou encore des dispositions de l'article L. 711-4 du même code qui interdit d'adopter comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs, et notamment ceux énoncés aux alinéas a) à h) ; que le caractère distinctif d'une marque s'apprécie au regard de tous ses éléments constitutifs pris dans leur ensemble au jour de son dépôt au regard des produits et/ou services désignés et du public auquel les produits ou services s'adressent ; que les marques semi-figuratives « Simple », « Couplé », « Tiercé », « Trio », « Quarté + », « Quinté + » et « 2 sur 4 » doivent donc être appréciées à la date du 31 décembre 2002 et la marque « Multi » à la date du 7 juin 2001 pour les « formulaires, récépissés pré-imprimés à remplir et servant de support à la prise de paris sur les courses de chevaux ; tickets de jeux » en classe 16 et des « jeux d'argent ; organisation de paris sur les courses de chevaux ; enregistrement de paris sur les courses de chevaux, service d'aide aux paris sur les courses de chevaux (services de jeux d'argent) ; génération instantanée de paris sur les courses de chevaux (services de jeux d'argent) » en classe 41 ; que les marques ci-dessus évoquées se composent de la combinaison de trois éléments : un élément verbal « Simple », « Couplé », « Tiercé », « Trio », « Quarté + », « Quinté + », « 2 sur 4 » et « Multi », un cartouche pour chacune des marques, respectivement, de couleur bleue claire, orangé, vert, jaune, bleue foncée, rouge, violette et rose, un élément figuratif sur chaque signe dont il est soutenu qu'il représente une tête stylisée de cheval ; que, prises dans leur globalité, ces marques sont nécessaires, génériques ou usuelles pour caractériser les produits et services qu'elles servent à désigner ; qu'elles s'appliquent aux caractéristiques des produits ou services visés dans les classes 16 et 41 dans la mesure où dépendantes d'eux, elles visent les éléments qui permettent de mettre en oeuvre l'activité des paris hippiques, c'est-à-dire l'ensemble de l'organisation comprenant les formulaires, les documents à remplir ou à émarger par les parieurs, les enregistrement des coupons et des informations en général, l'organisation technique, comptable et financière des paris hippiques ; que, pris individuellement, les éléments verbaux « Simple », « Couplé », « Tiercé », « Trio », « Quarté + », « Quinté + », « 2 sur 4 » et « Multi » remplissent la fonction essentielle de la marque qui est de permettre au public concerné de reconnaître sans confusion possible le produit ou le service et de le différencier d'autres produits de même nature ; que, si l'ensemble de ces marques reprennent le nom d'un pari sur les courses proposé par le G.I.E. P.M.U. ou les sociétés de courses hippiques, si des autorisations ont été données exclusivement au G.I.E. P.M.U. ou aux sociétés hippiques qui avaient alors le monopole sur lesdits paris avant que ne survienne la libéralisation de l'activité des paris hippiques, si les arrêtés du ministère de l'intérieur du 28 avril 1887, la lettre du ministre de l'agriculture des 9 et 11 juin 1949 ou les arrêtés du ministère de l'agriculture des19 janvier 1954, 10 avril 1979, 26 juin 1987, 31 mai 1989, 7 mai 1993 et 28 août 2001 ont précisé en quoi consistait chaque type de pari (articles 22, 41, 59, 70, 76 86-1, 95-1,87 et 49 de l'arrêté du ministre de l'agriculture du 13 septembre 1985), il apparaît que ces dénominations sont nécessaires pour désigner les produits et services enregistrés lesquels se réfèrent immanquablement aux paris de courses hippiques, l'élément figuratif représenté par une tête de cheval stylisée ne faisant que confirmer cette référence ; que le G.I.E. P.M.U. doit donc se voir reprocher par les sociétés Unibet, Unibet London et G.E.A.L. d'avoir méconnu les dispositions des articles L. 711-2 et L. 711-4 du code de la propriété intellectuelle ; que ces dépôts de marque réalisés antérieurement à l'application de la loi du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne par le G.I.E. P.M.U. ont été réalisés de façon fautive dans le but de maintenir la situation de monopole passée en détournant le droit des marques de sa finalité et constituent une atteinte au principe de la liberté du commerce et de l'industrie ;

1°/ ALORS QUE la cour d'appel a retenu, pour annuler les marques semi-figuratives « Simple », « Couplé », « Trio », « Tiercé », « Quarté + », « Quinté + », « 2 sur 4 » et « Multi », que les dénominations correspondantes étaient nécessaires et descriptives pour désigner les produits et services visés au dépôt, l'élément figuratif consistant en une tête de cheval stylisée ne faisant que confirmer la référence aux paris sur les courses hippiques ; que la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation entraînera, par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la censure des chefs de dispositif qui ont prononcé l'annulation des marques semi-figuratives précitées et déclaré l'action en contrefaçon du G.I.E. P.M.U. irrecevable ;

2°/ ALORS QU' en toute hypothèse, la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; que la cour d'appel, qui a constaté, d'une part, que les éléments verbaux « Simple », « Couplé », « Tiercé », « Trio », « Quarté + », « Quinté + », « 2 sur 4 » et « Multi » remplissaient la fonction essentielle de la marque qui est de permettre au public concerné de reconnaître sans confusion possible le produit ou le service et de le distinguer des produits et services identiques ou similaires et, d'autre part, qu'elles étaient nécessaires pour désigner les produits et services enregistrés, lesquels se réfèrent aux paris sur les courses hippiques, a entaché sa décision d'une contradiction de motifs, en méconnaissance des exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ ALORS QUE le caractère distinctif d'une marque complexe s'apprécie de manière globale, en considération de l'impression d'ensemble qu'elle produit sur le public pertinent ; qu'ayant constaté que les marques semi-figuratives en litige se composaient de la combinaison d'un élément verbal et deux éléments figuratifs, consistant d'une part, en un cartouche d'une couleur différente pour chaque type de pari et, d'autre part, en une tête stylisée de cheval, la cour d'appel, qui s'est bornée à retenir, pour prononcer leur annulation, que le caractère générique et descriptif de la dénomination était conforté par la représentation d'une tête stylisée de cheval, sans tenir aucun compte du cartouche de couleur, n'a pas procédé à une appréciation globale de l'impression d'ensemble produite par les marques en litige et n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 711-2 et L. 714-3 du code de la propriété intellectuelle ;

4°/ ALORS QU' en toute hypothèse, un dépôt de marque n'est entaché de fraude que s'il n'est dicté que par des considérations étrangères à la fonction essentielle du droit de marque, notamment par la seule intention de priver autrui d'un signe nécessaire à son activité ; qu'en affirmant, pour qualifier de frauduleux le dépôt des marques litigieuses et justifier leur annulation, que les dépôts critiqués avaient été réalisés par le G.I.E. P.M.U. avant l'adoption de la loi du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne dans le but de maintenir la situation de monopole passée en détournant le droit des marques de sa finalité, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si, d'une part, le G.I.E. P.M.U. pouvait avoir connaissance, lors du dépôt des marques litigieuses les 7 juin 2001 et 31 décembre 2002, de la future ouverture du secteur des paris en ligne à la concurrence, quand la lettre de mise en demeure de la Commission européenne à la France datait du 12 octobre 2006, et si, d'autre part, les marques litigieuses n'avaient pas effectivement été exploitées par le G.I.E. P.M.U., excluant toute fraude de sa part, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 712-6 et L. 714-3 du code de la propriété intellectuelle.ECLI:FR:CCASS:2014:CO00073
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