Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 4 décembre 2013, 12-20.158, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 19 mai 2011), que Philippe X... a signé le 10 septembre 2009 une promesse de vente d'un immeuble au profit d'une société, l'acte prévoyant sa réitération par acte authentique au plus tard le 31 octobre 2009 ; que Philippe X... est décédé le 20 septembre 2009 laissant pour lui succéder, sa veuve, Mme Y... et leur fils mineur, Lydéric X..., ainsi qu'une fille née d'une première union, Mme X... ; que Mme Y... s'opposant à la réitération de la vente, Mme X... a saisi le président du tribunal de grande instance, statuant en la forme des référés, pour être autorisée à signer seule l'acte authentique ;

Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt de rejeter l'exception d'incompétence qu'elle avait soulevée et d'accueillir la demande de Mme X..., alors, selon le moyen :

1°/ que le président du tribunal de grande instance saisi sur le fondement de l'article 815-6 du code civil, qui statue en la forme des référés, n'est pas compétent pour autoriser un indivisaire à passer seul un acte de vente d'un immeuble indivis, pour lequel le consentement d'un coïndivisaire est requis, un tel acte relevant des pouvoirs du tribunal de grande instance statuant en application de l'article 815-5 du code civil ; qu'en autorisant, sur le fondement de l'article 815-6 du code civil, Mme Delphine X... à signer seule l'acte de vente d'un immeuble dépendant de la succession de son père M. Philippe X... malgré le refus de Mme Y..., coïndivisaire, quand un tel acte ne relevait pas des pouvoirs du président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés mais des pouvoirs du tribunal de grande instance saisi dans les conditions du droit commun, la cour d'appel a violé les articles 815-5 et 815-6 du code civil ;

2°/ en tout état de cause, qu'il résulte de la combinaison des articles 815-5 et 815-6 du code civil que le président du tribunal de grande instance, saisi sur le fondement du second de ces textes, ne peut autoriser un indivisaire à passer seul un acte de vente d'un immeuble indivis pour lequel le consentement d'un coïndivisaire est requis, acte relevant de l'article 815-5 du code civil, que si la condition exigée par ce texte, tenant à ce que le refus du coïndivisaire mette en péril l'intérêt commun, est remplie ; qu'en autorisant, en application de l'article 815-6 du code civil, Mme Delphine X... à signer seule l'acte de vente d'un immeuble dépendant de la succession de son père M. Philippe X... malgré le refus de Mme Y..., coïndivisaire, sans que soit remplie la condition tenant à ce que le refus de consentir à cet acte, relevant de l'article 815-5 du code civil, mettrait en péril l'intérêt commun des indivisaires, la cour d'appel a violé les articles 815-5 et 815-6 du code civil ;

Mais attendu qu'il entre dans les pouvoirs que le président du tribunal de grande instance tient de l'article 815-6 du code civil d'autoriser un indivisaire à conclure seul un acte de vente d'un bien indivis pourvu qu'une telle mesure soit justifiée par l'urgence et l'intérêt commun ; qu'ayant constaté la réunion de ces deux conditions, l'arrêt est légalement justifié ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme Y... aux dépens ;

Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre décembre deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour Mme Y...

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté l'exception d'incompétence soulevée par Madame Muriel Y... et d'avoir autorisé Mademoiselle Delphine X... à signer seule au nom de l'indivision successorale l'acte authentique de vente de l'immeuble sis 13 avenue Paul Langevin à Lalinde, objet d'un compromis de vente signé le 10 septembre 2009 au profit de la société AURESEB,

AUX MOTIFS QU' "il résulte de l'assignation du 2 octobre 2009 que Melle Delphine X... a bien saisi le président du Tribunal de grande instance de Bergerac sur le fondement des dispositions de l'article 815-6 ; c'est au demeurant sur le fondement de ces dispositions que le président du Tribunal de grande instance a autorisé la mesure demandée ; il en résulte que Mme Y... n'est pas fondée à soutenir que la juridiction qui a statué était incompétente ; la décision entreprise doit donc être confirmée sur la compétence ;

Par ailleurs, il est indiqué à l'avant contrat signé le 10 septembre 2009 que M. Philippe X... y est représenté par M. Gérard X... en vertu des pouvoirs qui lui ont été conférés aux termes d'une procuration sous seing privé du 5 septembre 2009 dont l'original a été annexé à l'acte ; dès lors, il ne saurait être soutenu que cet acte est irrégulier faute de comporter la signature de M. Philippe X..., étant observé qu'il est bien revêtu de la signature du bénéficiaire de la procuration et que Mme Y..., qui ne soutient pas que l'acte est revêtu de fausses signatures, n'est pas fondée à soutenir que la validité de l'acte est subordonnée au respect d'une pratique d'authentification des signatures par la mairie ou le commissariat de police ; il ne saurait davantage être soutenu que l'acte est irrégulier au motif que la procuration n'a été consentie que pour la vente de l'immeuble situé 13 avenue Paul Langevin, alors qu'il s'agit de l'adresse de l'ensemble immobilier ainsi désigné dans l'avant contrat, de sorte que la procuration a bien été consentie pour la vente de la totalité des biens concernés ; s'il est exact, par ailleurs, que les biens vendus avaient fait l'objet, le 13 avril 1988 d'une donation entre vifs consentie par M. Gérard X... et son épouse, Mme Anne-Marie Z... au profit de leurs trois enfants, dont M. Philippe X..., il convient de relever d'une part, que cette donation était intervenue à titre de partage anticipé, de sorte que le consentement des deux autres enfants ¿ quoi ont reçu chacun leur part ¿ à la vente du bien attribué à leur frère n'apparaît pas nécessaire et, d'autre part, que 120511 OFD l'absence de consentement de ces deux enfants ne constitue pas, en tout état de cause, une condition de validité de la vente ; il convient de relever au surplus que les donateurs, qui s'étaient réservé l'usufruit des biens donnés, sont en revanche signataires du compromis litigieux et ont expressément consenti à l'aliénation des biens ; l'absence de mention au compromis de vente d'une prétendue servitude "liée", selon Mme Y..., à une parcelle cadastrée AX 499 ne saurait remettre en cause la validité de l'avant contrat, dès lors que, la vente porte sur une ensemble immobilier cadastré AX 496, 497 et 498, et qu'il ne ressort d'aucune des pièces versées aux débats qu'il s'agirait d'une servitude grevant le bien vendu ; par ailleurs, alors que le juge des tutelles du tribunal d'instance d'Agen a autorisé la vente de l'immeuble au prix convenu et que la cour d'appel d'Agen a confirmé cette décision en relevant notamment que le prix de vente était conforme à l'évaluation résultant de l'expertise réalisée par M. Hubert A... le 14 mai 2007, au demeurant versée aux débats, Mme Y... se borne de son côté à alléguer que ce prix est insuffisant sans fournir le moindre élément d'évaluation à l'appui de sa contestation ; elle ne saurait donc soutenir que la vente convenue n'est pas conforme aux intérêts de l'indivision et particulièrement à l'intérêt de son fils Lydéric, en raison de la prétendue insuffisance du prix de vente ; enfin, l'avant contrat qui engageait les ayants droit du vendeur en cas de décès de celui-ci , prévoyait que la signature de l'acte authentique devait intervenir au plus tard le 31 octobre 2009 ; dès lors, Melle X... était fondée à invoquer l'urgence pour obtenir du président du Tribunal de grande instance l'autorisation de signer cet acte dans l'intérêt de l'indivision ; c'est donc à juste titre que le premier juge a autorisé la signature de l'acte authentique de vente de l'immeuble ; "

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE "en vertu de l'article 815-6 du code civil, le président du Tribunal de grande instance statuant en la forme des référés peut autoriser toutes les mesures urgentes que requiert l'intérêt commun des indivisaires ; les mesures susceptibles d'être ordonnées en application de ce texte ne sont pas seulement celles visées aux alinéas 2 et 3, et la vente d'un immeuble peut donc être autorisée s'il s'agit d'une décision urgente à prendre dans l'intérêt de l'indivision ; il n'est pas nécessaire que la mesure ait été préalablement soumise à l'autorisation des coïndivisaires, et que le refus de l'un d'eux mette en péril l'intérêt commun, mais seulement que l'urgence soit démontrée et que la vente soit justifiée par ce même intérêt commun ; le mineur Lydéric X... et sa demi-soeur Delphine X... étant saisis de plein droit des biens, droits et actions de leur père depuis le décès de celui-ci, il appartient à celle-ci de gérer l'indivision, conjointement avec Mme Muriel Y..., représentant légal de son fils, sous réserve des droits éventuels du conjoint survivant ; le compromis de vente signé le 10 septembre 2009 120511 OFD par Monsieur Philippe X... fixait au 31 octobre 2009 la signature de l'acte authentique ; il n'est pas soutenu que la vente projetée soit contraire aux intérêts de l'indivision et l'urgence est suffisamment caractérisée par la volonté des parties signataires du compromis de réitérer leur accord par acte authentique avant le 31 octobre 2009 ;"

1) ALORS QUE le président du tribunal de grande instance saisi sur le fondement de l'article 815-6 du code civil, qui statue en la forme des référés, n'est pas compétent pour autoriser un indivisaire à passer seul un acte de vente d'un immeuble indivis, pour lequel le consentement d'un coïndivisaire est requis, un tel acte relevant des pouvoirs du tribunal de grande instance statuant en application de l'article 815-5 du code civil ; qu'en autorisant, sur le fondement de l'article 815-6 du code civil, Mademoiselle Delphine X... à signer seule l'acte de vente d'un immeuble dépendant de la succession de son père Monsieur Philippe X... malgré le refus de Madame Y..., coïndivisaire, quand un tel acte ne relevait pas des pouvoirs du président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés mais des pouvoirs du tribunal de grande instance saisi dans les conditions du droit commun, la cour d'appel a violé les articles 815-5 et 815-6 du code civil ;

2) ALORS, en tout état de cause, QU'il résulte de la combinaison des articles 815-5 et 815-6 du code civil que le président du tribunal de grande instance, saisi sur le fondement du second de ces textes, ne peut autoriser un indivisaire à passer seul un acte de vente d'un immeuble indivis pour lequel le consentement d'un coïndivisaire est requis, acte relevant de l'article 815-5 du code civil, que si la condition exigée par ce texte, tenant à ce que le refus du coïndivisaire mette en péril l'intérêt commun, est remplie ; qu'en autorisant, en application de l'article 815-6 du code civil, Mademoiselle Delphine X... à signer seule l'acte de vente d'un immeuble dépendant de la succession de son père Monsieur Philippe X... malgré le refus de Madame Y..., coïndivisaire, sans que soit remplie la condition tenant à ce que le refus de consentir à cet acte, relevant de l'article 815-5 du code civil, mettrait en péril l'intérêt commun des indivisaires, la cour d'appel a violé les articles 815-5 et 815-6 du code civil.

ECLI:FR:CCASS:2013:C101386
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