Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 10 octobre 2013, 12-24.271, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 26 juin 2012), que M. X..., alors salarié de la société Deville (l'employeur), a déclaré, le 26 janvier 2008, une hypoacousie bilatérale qui a été prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie d'Angers, devenue caisse primaire d'assurance maladie de Maine-et-Loire (la caisse), au titre du tableau n° 42 des maladies professionnelles ; que, contestant l'opposabilité à son égard de cette décision, l'employeur a formé un recours devant une juridiction de sécurité sociale ;

Attendu que la caisse fait grief à l'arrêt d'accueillir ce recours, alors, selon le moyen, que la caisse est seulement tenue, en cas de maladie professionnelle, de mettre à la disposition de l'employeur le dossier constitué par ses services administratifs, tel qu'il est prévu à l'article R. 441-13 du code la sécurité sociale ; que « l'audiométrie diagnostique », visée par le tableau n°42 des maladies professionnelles, est un élément du diagnostic et n'est pas au nombre des pièces devant figurer au dossier, en application du texte susvisé ; qu'en décidant le contraire, pour retenir que la caisse primaire avait commis une faute en ne mettant pas à la disposition de l'employeur «l'audiométrie diagnostique » prévue par le tableau n°42, les juges du fond ont violé l'article R. 441-13 du code de la sécurité sociale, ensemble le principe du contradictoire ;

Mais attendu que lors de l'instruction d'une demande de reconnaissance du caractère professionnel de l'affection désignée au tableau n° 42 des maladies professionnelles, le dossier constitué par les services administratifs de la caisse en application de l'article R. 441-13 du code de la sécurité sociale, dont l'employeur peut demander la communication, doit comprendre les audiogrammes obtenus lors des audiométries qui doivent être réalisées dans les conditions et délais fixés par ce tableau ;

Et attendu que l'arrêt retient que la caisse reconnaît qu'elle n'a pas inclus l'audiogramme du salarié dans les pièces consultées par l'employeur à l'issue de l'instruction ;

Que la cour d'appel en a déduit à bon droit que la décision de prise en charge était inopposable à l'employeur ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de Maine-et-Loire aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la caisse primaire d'assurance maladie de Maine-et-Loire et la condamne à payer à la société Deville la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix octobre deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Foussard, avocat aux Conseils, pour la CPAM de Maine-et-Loire

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a déclaré inopposable à la société DEVILLE la décision de la CPAM DE MAINE ET LOIRE décidant de prendre en charge l'affection de Monsieur X... au titre du tableau n°42 ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « l'article R.441-11 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction en vigueur à l'époque du jugement querellé, disposait : "Hors les cas de reconnaissance implicite, et en l'absence de réserves de l'employeur, la caisse primaire assure l'information de la victime, de ses ayants droit et de l'employeur, préalablement à sa décision (de reconnaissance ou pas du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie), sur la procédure d'instruction et sur les points susceptibles de leur faire grief" ; qu'il résulte de cet article que la caisse primaire d'assurance maladie, avant de se prononcer sur le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie, doit informer l'employeur de la fin de la procédure d'instruction, des éléments recueillis susceptibles de lui faire grief, de la possibilité de consulter le dossier et de la date à laquelle elle prévoit de prendre sa décision ; que la caisse primaire d'assurance maladie de Maine et Loire (la Caisse), venant aux droits de la caisse primaire d'assurance maladie d'Angers, admet qu'elle n'a pas inclus dans les pièces soumises à la consultation de la société Deviile, à l'issue de l'instruction menée, l'audiogramme qu'a effectué M. X... le 21 décembre 2007 auprès du docteur Y..., pièce qui a servi de support dans la prise en charge de la maladie de M. X... dans le cadre du tableau n°42 des maladies professionnelles ; qu'elle oppose, qu'en tant qu'élément de diagnostic, ce document n'avait pas à figurer dans le dossier ; que l'article L.461-1 du code de la sécurité sociale dispose : "...

Est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau. Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée de l'exposition oit à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime. Peut être reconnue également d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L.434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé. Dans les cas mentionnés aux deux alinéas précédents, la caisse primaire reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles ..." ; que le tableau n°42 des maladies professionnelles, qui couvre "l'atteinte auditive provoquée par les bruits lésionnels", comporte trois colonnes, la première relative à la "désignation des maladies", la deuxième au "délai de prise en charge" et la troisième à la "liste limitative des travaux susceptibles de provoquer la maladie " ; que la "désignation des maladies" est faite en ces termes : " Hypoacousie de perception par lésion cochléaire irréversible, accompagnée ou non d'acouphènes. Cette hypoacousie est caractérisée par un déficit audiométrique bilatéral, le plus souvent symétrique et affectant préférentiellement les fréquences élevées. Le diagnostic de cette hypoacousie est établi : -par une audiométrie tonale liminaire et une audiométrie vocale qui doivent être concordantes ; - en cas de non-concordance : par une impandecemétrie et recherche du réflexe stapédien ou, à défaut, par l'étude du suivi audiométrique professionnel. Ces examens doivent être réalisés en cabine insonorisée, avec un audiomètre calibré. Cette audiométrie diagnostique est réalisée après une cessation d'exposition au bruit lésionnel d'au moins 3 jours et doit faire apparaître sur la meilleure oreille un déficit d'au moins 35 dB. Ce déficit est la moyenne des déficits mesurés sur les fréquences 500, 1 000, 2 000 et 4 000 Hertz. Aucune aggravation de cette surdité professionnelle ne peut être prise en compte, sauf en cas de nouvelle exposition au bruit lésionnel" ; qu'en conséquence, et contrairement à ce qu'affirmé la Caisse, l'audiométrie dont s'agit n'est pas un élément de diagnostic, mais un élément constitutif de l'affection mentionnée au tableau n°42 précité ; qu'en effet, la surdité provoquée par les bruits lésionnels consiste en un déficit audiométrique bilatéral par lésion cochléaire irréversible ; que lors, l'audiométrie destinée à caractériser ce déficit devait figurer au nombre des pièces portées à la connaissance de la société Deville, ce en application de l'article R.441-13 du code de la sécurité sociale ; que faute d'avoir respecté cette exigence, la décision de la Caisse du 8 juillet 2008, de prise en charge au titre du tableau n°42 des maladies professionnelles de la maladie dont soufrait M. X..., est inopposable à la société Deville. » ;

AUX MOTIFS ADOPTES QUE « le tableau 42 des maladies professionnelles prévoit les conditions dans lesquelles une atteinte auditive peut être reconnue comme maladie professionnelle ; que le diagnostic doit impérativement être établi dans les conditions suivantes : "-*- par une audiométrie tonale linéaire et une audiométrie vocale qui doivent être concordantes ; ¿*- en cas de non concordance : par une impédancemétrie et recherche du réflexe stapédien ou, à défaut, par l'étude du suivi audiométrique professionnel ; que ces examens doivent être réalisés en cabine insonorisée, avec un audiomètre calibré ; que cette audiométrie diagnostique est réalisée après une cessation d'exposition au bruit lésionnel d'au moins 3 jours et doit faire apparaître sur la meilleure oreille un déficit d'au moins 35 dB. Ce déficit est la moyenne des déficits mesurés sur les fréquences 500,1 000, 2 000 et 4 000 Hertz" ; qu'il est clair que cet audiogramme est essentiel pour établir le diagnostic et les suites de la demande visant à reconnaître le caractère professionnel de l'affection ; qu'il doit nécessairement figurer dans le dossier pour permettre de statuer sur la demande de reconnaissance de maladie professionnelle ; que la Caisse ne peut opposer le secret médical pour refuser de communiquer -cet élément essentiel au débat, d'autant qu'elle l'a enfin communiqué dans le cadre de la présente instance ; qu'l est totalement incompatible, comme le fait la caisse, de prétendre ¿ que ce document n'a pas à être dans le dossier d'enquête susceptible d'être consulté par l'employeur ¿ que la procédure e est régulière puisque l'employeur avait tout loisir de venir consulter sur place le dossier - de verser aux débats ce documents pour prouver que la décision prise le 8 juillet 2008 était justifiée ; que l'article R 441-11 du code de la sécurité sociale impose à la caisse de fournir à l'employeur préalablement à toute décision tous les éléments d'informations recueillis susceptibles de lui faire grief ; qu'en l'espèce, il est établi que la Caisse n'a pas respecté son obligation, ne mettant ainsi pas la SA DEVILLE en mesure de faire valoir tous les éléments nécessaires à sa défense ; qu'à ce titre en particulier la SA DEVILLE devait pouvoir vérifier que l'audiogramme produit avait été réalisé dans les strictes conditions prévues après cessation de l'exposition pendant au moins trois jours avant l'examen, ce qui n'est pas précisé sur le document produit » ;

ALORS QUE la caisse primaire est seulement tenue, en cas de maladie professionnelle, de mettre à la disposition de l'employeur le dossier constitué par ses services administratifs, tel qu'il est prévu à l'article R. 441-13 du code la sécurité sociale ; que « l'audiométrie diagnostique », visée par le tableau n°42 des maladies professionnelles, est un élément du diagnostic et n'est pas au nombre des pièces devant figurer au dossier, en application du texte susvisé ; qu'en décidant le contraire, pour retenir que la CPAM DE MAINE ET LOIRE avait commis une faute en ne mettant pas à la disposition de l'employeur « l'audiométrie diagnostique » prévue par le tableau n°42, les juges du fond ont violé l'article R. 441-13 du code de la sécurité sociale, ensemble le principe du contradictoire.

ECLI:FR:CCASS:2013:C201559
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