Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 25 septembre 2013, 11-25.884, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 1er septembre 2011), qu'engagée le 14 avril 2009 en qualité de technicienne financière par la société AGL finances, Mme X... a été licenciée pour faute grave par lettre du 7 septembre 2009 ; que, contestant son licenciement, elle a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, que si une partie conteste l'authenticité d'un courrier électronique, il appartient au juge de vérifier si les conditions mises par les articles 1316-1 et 1316-4 du code civil à la validité de l'écrit ou de la signature électroniques sont satisfaites ;
qu'en affirmant que le gérant de la société AGL finances « est bien l'auteur et l'expéditeur » d'un courrier électronique dont l'authenticité était contestée, aux motifs que l'employeur « ne rapport (ait) pas la preuve que l'adresse de l'expéditeur mentionnée sur le courriel soit erronée ou que la boîte d'expédition de la messagerie de l'entreprise ait été détournée » et qu'« en tout état de cause, un tel détournement ne pourrait être imputé à Mme X... », sans vérifier, comme elle y était tenue, si ledit courriel avait été établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité et s'il comportait une signature électronique résultant de l'usage d'un procédé fiable d'identification, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 287 du code de procédure civile, 1316-1 et 1316-4 du code civil ;

Mais attendu que les dispositions invoquées par le moyen ne sont pas applicables au courrier électronique produit pour faire la preuve d'un fait, dont l'existence peut être établie par tous moyens de preuve, lesquels sont appréciés souverainement par les juges du fond ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société AGL finances aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq septembre deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Tiffreau, Corlay et Marlange, avocat aux Conseils, pour la société AGL finances

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Madame X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse, et condamné la société AGL FINANCES à lui payer les sommes de 5. 000 ¿ à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et 4. 000 ¿ à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant des circonstances brutales et vexatoires du licenciement,

AUX MOTIFS QUE « La faute grave est un manquement aux obligations contractuelles du salarié d'une gravité telle qu'elle rend impossible son maintien dans l'entreprise.

L'employeur qui allègue une faute grave doit en rapporter la preuve. »

« En l'espèce, la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est, ainsi, rédigée " Je fais suite, à l'entretien préalable à votre licenciement qui s'est déroulé le 2 septembre 2009.

J'ai décidé de vous licencier pour faute grave pour le motif suivant Au terme de la suspension de votre contrat pour cause de maladie le 5 août 2009 vous deviez reprendre le travail le 6 août 2009.

Or, depuis plus d'un mois à la date de la présente, vous êtes absente de votre poste sans le moindre justificatif Vous n'êtes pas sans savoir, que compte tenu de la petite taille de notre entreprise, votre absence en perturbe le bon fonctionnement.

Lors de l'entretien préalable, vous n'avez donc aucune explication de nature à me permettre de modifier mon appréciation à ce sujet.

Eu égard à la gravité de la faute qui vous est reprochée, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible.

Par conséquent, votre licenciement prend effet immédiatement à la date du 7 septembre 2009 sans indemnité de préavis.

Je vous invite à prendre attache avec l'entreprise afin de convenir d'un rendez-vous pour que vous, veniez chercher vos documents de fin de contrat (certificat de travail, solde de tout compte, attestation Pôle-Emploi) " ».


« Si l'employeur a demandé à Mme X..., par courrier du 7 septembre 2009, de justifier son absence depuis la fin de son arrêt maladie, le 25 juillet 2009, il apparaît, cependant, que cette version des faits est réfutée par la salariée qui soutient qu'à l'issue de l'arrêt de travail, le gérant de la société, M. Y..., lui avait demandé de ne plus revenir travailler. »

« A l'appui de cette allégation, elle produit aux débats un courriel signé de Alban Y... du 20 août 2009 et portant l'adresse électronique de Emprunt direct. Ce document est rédigé en ces termes :

" Salut grosse vache Alors t'es contente que Marjorie t'ai appelé ?

En tous cas sache que ca ne changera rien du tout ! ! ! ! j'attends toujours ta lettre de démission car après mon comportement tu dois bien comprendre que je ne veux plus voir ta gueule et qu'il est hors de question que je débourse un centime pour ton licenciement ! ! ! ! ! Et pas la peine que tu me casses les couilles avec tes conneries de prud'homme parce que moi j'ai un avocat et je t'enfoncerai encore plus que je l'ai déjà fais et crois moi c'est possible "

Alors ? ? ? toujours pas les boules d'avoir quitté sofinco et ton petit cdi tranquille !

je tiens quand même à te remercier grâce à toi j'ai pu monter ma boîte à moindre frais et qui aurait cru que tu serais assez naïve pour me suivre après que je t'ai recrutée pour Epargne sans frontière alors que je savais depuis des mois qu'on allait déposé lé bilan ! !

Pauvre conne ! tu croyais vraiment que je t'avais recruté pour tes compétences ?
Alors je te préviens envoie moi ta lettre et plus vite que ça, tu vas enfin bouger ton gros cul pour quelque chose ! ! ! ! !

Et t'avises pas d'essayer de me la faire à l'envers avec la Marjorie sinon tu vas voir ce que c'est du harcèlement, je vais te montrer ce que c'est moi une dépression grosse vache ! ! ! !

Alors ? ? ? ? ? ? tu regrettes toujours pas ? ? ? ? il aurait peut être été plus simple de coucher finalement ! ! ! l maintenant t'a plus rien, plus de boulot, plus d'argent et toujours pas de mec tu peux la faire ta dépression ! ! ! !

Juste pour info change de secteur je t'ai grillé chez toutes les banques tu feras plus rien dans ce métier.


A bon entendeur salut ! ! ! ! ! ! !
PS : tes heures sup tu peux te les foutre au cul.

Alban " ».

« L'employeur prétend qu'il n'est pas l'expéditeur du courriel compte tenu de son caractère outrancier. Il s'étonne, en outre, qu'il ait été communiqué seulement au jour de l'audience de conciliation, le 13 janvier 2010, et qu'il ait été tardivement édité, soit le 19 octobre 2009. »

« La date d'édition de ce document et de sa communication dans le cadre du débat judiciaire sont sans incidence sur l'appréciation de sa validité. »

« A cet égard, il convient de relever que l'employeur ne rapporte pas la preuve que l'adresse de l'expéditeur mentionnée sur le courriel soit erronée ou que la boîte d'expédition de la messagerie de l'entreprise ait été détournée. »

« En tout état de cause, un tel détournement ne pourrait être imputé à Mme X... qui n'était pas présente dans la société à la date de l'envoi du courriel. »

« Il y a lieu de considérer, en conséquence, que M. Y... est bien l'auteur et l'expéditeur de ce courriel dont la teneur apparaît conforme à sa personnalité ainsi que quatre autres salariés l'ont décrite à la présidente de la société dans une lettre ouverte du 17 décembre 2010 où les intéressés se plaignent de " son comportement déconcertant, versant dans la violence verbale avec une attitude physiquement menaçante... " »

« Il résulte du courriel que M. Y... avait demandé, auparavant, à Mme X..., une lettre de démission afin d'éviter les frais d'un licenciement ; le ton et les expressions employés ne laissent aucun doute sur la volonté de l'employeur de rompre, par tous moyens y compris sous la menace, le contrat de travail de la salariée. »

« Dés lors, la cour estime, contrairement aux premiers juges, que la version de la salariée selon laquelle l'employeur lui a refusé l'accès aux locaux de l'entreprise à compter du 6 août est fondée et que, dés lors, le contrat de travail a été rompu à cette date sans motifs valables, la procédure de licenciement engagée postérieurement étant, de ce fait, privé de cause réelle et sérieuse. »

« Le jugement sera, donc, réformé sur ce point et il sera alloué à Mme X... une indemnité sur le fondement de l'article L 1235-5 du code du travail d'un montant de 5000 euros. »
« Bien que ne pouvant être juridiquement qualifiées de harcèlement moral, les circonstances de la rupture ont été brutales et vexatoires au point de rendre nécessaire la prise d'un traitement anti dépresseur par Mme X... ; le comportement fautif de l'employeur a causé à la salariée un préjudice qui sera réparé par l'octroi de dommages et intérêts pour un montant de 4000 euros (...) »,

ALORS QUE si une partie conteste l'authenticité d'un courrier électronique, il appartient au juge de vérifier si les conditions mises par les articles 1316-1 et 1316-4 du Code civil à la validité de l'écrit ou de la signature électroniques sont satisfaites ; qu'en affirmant que le gérant de la société AGL FINANCES « est bien l'auteur et l'expéditeur » d'un courrier électronique dont l'authenticité était contestée, aux motifs que l'employeur « ne rapport (ait) pas la preuve que l'adresse de l'expéditeur mentionnée sur le courriel soit erronée ou que la boîte d'expédition de la messagerie de l'entreprise ait été détournée » et qu'« en tout état de cause, un tel détournement ne pourrait être imputé à Mme X... », sans vérifier, comme elle y était tenue, si ledit courriel avait été établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité et s'il comportait une signature électronique résultant de l'usage d'un procédé fiable d'identification, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 287 du Code de procédure civile, 1316-1 et 1316-4 du Code civil.

ECLI:FR:CCASS:2013:SO01545
Retourner en haut de la page