Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 11 septembre 2013, 12-15.897, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique, pris en ses huit branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 30 janvier 2012), que les époux X... ont souscrit un prêt auprès de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel d'Aquitaine (la banque) afin de financer l'acquisition d'un bien immobilier destiné à la location et leur permettant de réaliser une opération de défiscalisation ayant donné lieu à une étude personnalisée élaborée par la société Coff aux droits de laquelle vient la société Auvence ; que s'estimant victimes d'un préjudice consécutif à ce montage financier, les époux X... ont assigné la banque et la société Coff en réparation ;

Attendu que la banque reproche à l'arrêt de la condamner à payer aux époux X... une certaine somme à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :

1°/ que le banquier n'est tenu d'une obligation de conseil que lorsqu'il finance des investissements à caractère spéculatif ; que tel n'est pas le cas d'un prêt consenti en vue de l'acquisition de biens immobiliers destinés à produire des revenus locatifs compensant la charge des crédits et offrant aux investisseurs une possibilité de défiscalisation ; qu'en l'espèce, pour retenir la responsabilité de la banque, l'arrêt attaqué se contente de relever, d'une part, que l'investissement réalisé par les époux X... ne leur a pas rapporté les revenus locatifs escomptés -le bien n'ayant pu être loué que pour un loyer de 490 euros alors qu'il avait été estimé à 530 euros-, d'autre part, que l'opération comportait nécessairement un aléa pour un foyer n'acquittant pas un impôt sur le revenu supérieur à 2 500 euros par an, de sorte que malgré le profit, moindre que celui qui était attendu, que les époux X... ont pu réaliser, ceux-ci auraient pu renoncer à s'engager dans cette opération s'ils avaient été mieux informés par la banque ; qu'en statuant de la sorte, l'arrêt attaqué, qui n'a à aucun moment constaté que les crédits consentis par celle-ci auraient été excessifs eu égard aux capacités des emprunteurs et aux revenus attendus de l'opération, a mis à la charge de la banque une obligation de conseil qui ne lui incombait pas eu égard à la nature de l'opération en cause, et violé l'article 1147 du code civil ;

2°/ que l'emprunteur qui recherche la responsabilité du banquier à qui il reproche un manquement à son devoir de conseil pour l'avoir incité à effectuer une opération d'investissement locatif censé lui procurer des avantages fiscaux doit établir l'existence d'un préjudice financier que cette opération lui a causé ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué se contente de relever d'une part que l'investissement réalisé par les époux X... ne leur a pas rapporté les revenus locatifs escomptés -le bien n'ayant pu être loué que pour un loyer de 490 euros alors qu'il avait été estimé à 530 euros- d'autre part que l'opération comportait nécessairement un aléa pour un foyer n'acquittant pas un impôt sur le revenu supérieur à 2 500 euros par an, ce dont l'arrêt déduit que, mieux informés, les emprunteurs auraient pu renoncer à s'engager dans cette opération ; qu'en se déterminant de la sorte, tout en ayant constaté que l'opération d'investissement avait effectivement permis aux époux X... de réaliser un gain fiscal (1 300 euros en 2007, 2008 et 2009), la cour d'appel, qui n'a pas fait ressortir la réalité du préjudice qu'aurait fait subir aux époux X... la souscription de l'opération en cause, dont ceux-ci ne pouvaient ignorer le caractère aléatoire des gains qu'ils pouvaient en tirer, et ce alors que la banque n'avait souscrit à leur égard aucune garantie de rendement, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

3°/ que la cour d'appel qui énonce que la banque est « manifestement intervenue pour proposer et personnaliser » l'investissement litigieux, sans préciser d'où elle déduisait cette affirmation, a privé sa décision de motifs en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ qu'en énonçant que la banque est « manifestement intervenue pour proposer et personnaliser » l'opération d'investissement en cause et en reconnaissant dans le même temps que l'opération a été souscrite sur la base d'une étude qu'elle qualifie de « personnalisée » réalisée « par la société Coff », conseil en investissement, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

5°/ qu'en relevant, pour retenir que la banque avait manqué à son obligation de conseil, qu'elle n'avait pas attiré l'attention des époux X... sur le caractère aléatoire d'une opération reposant sur le remboursement d'un emprunt au moyen des revenus tirés de la location du bien acquis, motifs impropres à établir qu'à la date de son octroi, le prêt accordé par la banque aurait été excessif au regard des facultés de remboursement des époux X..., compte tenu des revenus produits par les locations escomptées du bien acquis au moyen de ce prêt, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

6°/ que le banquier qui octroie un prêt à taux variable est seulement tenu d'une obligation d'information portant sur les modalités de calcul et de révision du taux d'intérêt ; qu'il n'est en revanche tenu d'aucune obligation de mettre en garde l'emprunteur qui décide d'opter pour un taux révisable, ce type de taux n'étant, par principe ni plus ni moins adapté au financement d'une opération d'investissement que ne l'est un taux fixe ; qu'en retenant que la banque avait manqué à son obligation de mise en garde en laissant les emprunteurs faire le choix d'un prêt à taux variable, quand la banque n'était tenue d'aucune obligation de cette nature, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;

7°/ que la cour d'appel qui, en outre, se prononce sans égard pour les conclusions de la banque qui faisait valoir que le taux variable en cause était plafonné (taux initial + deux points) de sorte que les époux X... connaissaient avec précision le risque né de la possible variation de leur taux et que la banque avait donc nécessairement satisfait à son obligation d'information ou de mise en garde, a privé de plus fort sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

8°/ que l'indemnisation d'une perte de chance ne peut être égale à la valeur de la chance perdue ; qu'en condamnant la banque à verser aux époux X..., solidairement avec la société Coff, une somme de 30 000 euros, en réparation du préjudice consistant en la perte d'une chance de ne pas effectuer l'opération d'acquisition immobilière litigieuse, sans s'expliquer sur la réalité même du préjudice financier que les époux X... auraient subi, ni constater que la perte subie ou le gain manqué au titre de l'opération était, a minima, supérieur à 30 000 euros, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, sans se contredire, que la banque avait, d'une part, proposé et personnalisé l'investissement locatif litigieux dont la nature était manifestement inadaptée à la situation des époux X..., d'autre part, assorti son offre de prêt de longue durée d'un taux variable accentuant les risques d'une opération périlleuse, la cour d'appel en a exactement déduit que la banque avait manqué tant à son devoir d'information et de conseil au titre de l'investissement locatif, qu'à son devoir de mise en garde au titre de l'octroi du prêt, ces différents manquements ayant causé un préjudice constitutif d'une perte de chance que la cour d'appel a souverainement fixé à un montant inférieur au préjudice global des époux X..., justifiant ainsi légalement sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la caisse régionale de Crédit agricole mutuel d'Aquitaine aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel d'Aquitaine, la condamne à payer la somme de 3 000 euros à la société Auvence et la somme globale de 3 000 euros aux époux X... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze septembre deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la caisse régionale de Crédit agricole mutuel d'Aquitaine

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la CRCAM D'AQUITAINE, solidairement avec la société AUVENCE - venant aux droits de la société COFF -, à verser aux époux X... la somme de 30.000 euros à titre de dommages-intérêts ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur les demandes dirigées contre la banque : Il apparaît utile en préambule de rappeler le contexte dans lequel a été envisagée initialement la souscription par les époux X... à l'opération de défiscalisation sous le régime de la loi de ROBIEN objet du présent litige. Il est constant que cette opération a été proposée aux époux X... par l'intermédiaire de leur conseiller financier au sein de la banque qui les a mis en relation avec la société COFF dans les locaux même de la CRCAM qui a assuré un rôle de présentation des protagonistes étant souligné qu' à tenue, dans l'hypothèse où le contrat était susceptible de se concrétiser, elle bénéficiait d'un intérêt propre dans le montage en sa qualité de prêteur de deniers. La banque est en l'espèce manifestement intervenue pour proposer et personnaliser un investissement à risques relevant de textes complexes et d'une connaissance du marché immobilier dont les époux X... ne pouvaient manifestement être considérés comme pourvus dès lors qu'ils ne peuvent être assimilés à des emprunteurs avertis. Si la décision de souscription devait intervenir sur la base d'une étude expressément qualifiée comme « personnalisée » réalisée par la société COFF qui prenait en compte le fait que le foyer bénéficiait de deux parts fiscales et demi seulement à l'époque de la souscription et que cette situation était susceptible d'évoluer compte tenu de l'âge du jeune couple et que par ailleurs les projections envisagées faisaient état d'une défiscalisation annuelle de 2000 euros à compter de l'année 2007 alors qu'un tel investissement était réputé ne constituer un avantage pécuniaire intéressant que pour les foyers versant plus de 2500 euros d'impôt sur le revenu, il n'en demeure pas moins que la banque intervenant dans le cadre de tels placements qu'elle avait manifestement conseillés était tenue d'un devoir de conseil et d'information qui devait inclure une assistance dans la lecture de ces documents afin d'assurer une complète compréhension des enjeux de l'opération qui impliquait la souscription d'un emprunt dont le remboursement ne pouvait résulter que d'un effort de trésorerie des époux X... limité à une moyenne de 362,90 euros par mois et devait pour sa part prépondérante s'opérer par le biais des loyers de l'immeuble acquis dont le montant et le caractère effectif du règlement devenaient de ce fait l'élément clef du montage alors qu'ils revêtaient un caractère aléatoire. Dès lors en favorisant la souscription de ce placement qui revêtait manifestement un caractère inadapté voir périlleux pour les époux X..., la banque a failli dans son obligation de conseil et d'information ainsi que l'a retenu à bon droit le tribunal. Egalement c'est à bon droit que le tribunal a retenu en outre à l'égard de la banque une défaillance dans son devoir de mise en garde de ses clients quant à la souscription d'un prêt à taux variable dans le contexte de l'opération précitée qui ne faisait qu'en accentuer les risques au regard d'une durée de remboursement de l'emprunt de 20 ans alors même que la simulation réalisée dans le cadre de l'étude personnalisée précitée était limitée à une période de douze ans et ne s'avérait donc pas suffisamment exhaustive. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a retenu comme engagée la responsabilité de la banque à l'égard des époux X.... Sur les demandes dirigées contre la SAS COFF aux droits de laquelle se trouve actuellement la SAS AUVENCE : Les époux X... ont signé avec la société COFF un contrat de mandat en date du 19 avril 2005 aux termes duquel cette dernière s'engageait pour le compte de ceux-ci à rechercher un investissement immobilier « ROBIEN » qui incluait l'aide à l'orientation d'investissement en élaborant des simulations claires et réalistes permettant au mandant de mesurer les enjeux économiques et fiscaux de l'opération et d'orienter le choix de la typologie d'investissement, d'affiner la meilleure façon de financer l'opération, de décider de la durée d'opération la plus adaptée. Par ailleurs le mandat incluait la recherche et/ou la proposition de toutes opérations immobilières répondant aux caractéristiques définies conjointement lors des opérations précitées et notamment compatibles avec le régime fiscal « de ROBIEN ». L'article 2 du contrat prévoyait que les opérations immobilières proposées devraient respecter notamment les caractéristiques suivantes : - garanties de qualité et d'achèvement - garanties de revenus : mise en place du premier locataire, assurance loyer impayé, assurance vacance, détérioration immobilière, protection juridique - garantie de défiscalisation au titre d'éventuels redressements fiscaux. S' il apparaît que le mandat ne prévoyait pas que les données chiffrées proposées dans le cadre des simulations réalisées par le mandataire revêtent un caractère contractuel stricto sensu, il n'en demeure pas moins qu'elles devaient se rapprocher de la situation future spécialement au titre des charges réelles qui s'imposeraient pour les investisseurs pour leur permettre d'apprécier la pertinence de l'opération. Or en l'espèce il apparaît ainsi que l'a relevé le tribunal qu'il existe des différences notables entre la défiscalisation réelle telle qu'elle a été réalisée au cours des années 2007, 2008 et 2009 qui après imputation des déficits fonciers ne s'est élevée qu'à 1300 euros en moyenne au lieu de 2032 euros mentionnés dans la projection. Par ailleurs aucun commentaire de la simulation ne vient relativiser les résultats et en particulier le fait que l'économie d'impôts pourrait être inférieure dans l'hypothèse d'une baisse du revenu net imposable notamment. Egalement, comme l'a fait à bon escient le tribunal il y a lieu de relever que le prix du loyer qui avait été mentionné à un montant de 530 euros s'est révélé surévalué puisqu'après deux baisses successives pour assurer la location effective de l'immeuble il a réduit à 490 euros en juin 2007 puis à 470 euros en août 2008 soit une réduction de plus de 11 % par rapport au loyer prévisionnel. Ces éléments démontrent que l'étude personnalisée établie par la société COFF qui a servi de support fondamental à l'engagement des époux X... de contracter l'acquisition d'un immeuble sous le bénéfice du dispositif de la loi de ROBIEN était fondée sur des données qui n'étaient pas suffisamment actualisées au regard de la situation du marché de l'immobilier dans une ville comme RODEZ qui s'est révélée saturée d'offres de locations. Il apparaît également qu'elle n'a pas pris en compte l'impact du choix d'un emprunt à taux variable qui a été retenu ainsi que cela a été relevé plus haut. Il y a donc lieu de considérer que c'est également à bon droit que le tribunal a retenu les manquements précités de la société COFF dans l'exécution de son mandat au titre de la fourniture d'informations capitales qui ont pu fausser l'appréciation de l'opportunité de souscrire à une telle opération. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société COFF au même titre que celle de la banque. Sur les demandes d'indemnisation : Dès lors que les données chiffrées mentionnées dans l'étude dite personnalisée qui a servi de support à la prise de décision des époux X... ne revêtaient pas la forme d'un engagement de résultat ni pour la banque ni pour la société COFF, les destinataires de celles-ci ne peuvent se prévaloir d'une réparation du préjudice qu'ils invoquent sur la base d'une indemnisation intégrale du manque à gagner qu'ils prétendent avoir subi. Il n'en demeure pas moins que les manquements précités de la banque et de la société COFF ont incontestablement entraîné pour les époux X... la perte d'une chance d'apprécier l'intégralité de la portée de leur engagement spécialement au titre des charges qu'ils allaient être contraints d'assumer à titre personnel en sus des revenus que l'opération devrait leur procurer tant au titre des loyers que de la réduction d'impôt sur le revenu au titre de la défiscalisation qui étaient de nature à les dissuader de finaliser l'investissement. En conséquence l'indemnisation de ce préjudice prendra en compte les efforts financiers personnels auxquels ils ont été contraints de faire face et le moindre profit qu'ils ont tiré sur le plan fiscal de l'opération alors qu'il constituait l'attrait prépondérant de celle-ci étant souligné que ceux-ci vont perdurer jusqu'à la fin du remboursement du prêt dans un contexte de baisse significative du marché de l'immobilier qui n'est pas de nature à favoriser une vente du bien acquis dans des conditions acceptables pour assurer le remboursement de l'emprunt. Sur la base de ces éléments et des pièces justificatives produites aux débats, c'est à bon droit que le tribunal a fixé l'indemnisation accordée à la somme de 30 000 euros » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Sur les fautes de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel d'Aquitaine. Monsieur et Madame X... reprochent à leur banque d'avoir manqué à son obligation d'information et de conseil en ne vérifiant pas le sérieux des simulations de la SAS COFF ainsi que de l'étude de marché qui présentait le quartier du Bourran à Rodez comme en plein essor. Néanmoins, il n'appartenait pas à la banque d'exercer son obligation de conseil sur le projet précis de défiscalisation envisagé par les époux X.... En revanche, c'est bien la Caisse régionale de crédit agricole qui a orienté Monsieur et Madame X... vers une société de conseil en défiscalisation alors qu'elle ne pouvait ignorer que ces derniers ne payaient que 2.500 euros d'impôt par an (pour 2005 et 2006) alors que selon la documentation de la SAS COFF, l'investissement en loi Robien n'était intéressant que pour les foyers payant plus de 2.500 euros d'impôt par an. Or, le foyer comptait 2,5 parts fiscales seulement au moment de la souscription des contrats, situation qui pouvait parfaitement évoluer s'agissant d'un jeune couple. Par ailleurs, les projections de la SAS COFF faisaient état d'une défiscalisation de 2.000 euros à compter de l'année 2007, ce qui était imprudent vu la faible marge entre ce chiffre et les impositions récentes de Monsieur et Madame X.... Or, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel d'Aquitaine ne conteste pas avoir elle-même orienté Monsieur et Madame X... vers la SAS COFF et que le premier rendez-vous avec Monsieur Y..., dont l'absence de carte professionnelle ne leur faisait d'ailleurs pas grief, a eu lieu dans un local de la banque en présence du conseiller financier du couple. Ainsi, la banque a bien manqué à son obligation de conseil et d'information en les orientant à tort vers une société de défiscalisation et en leur faisant souscrire pour ce faire un crédit alors qu'il résultait manifestement de la situation qu'ils ne présentaient pas un bon profil pour un tel projet. Par ailleurs, la banque ne justifie pas avoir rempli son devoir de mise en garde avant de leur faire souscrire un crédit variable portant sur des mensualités de l'ordre de 900 euros par mois alors que leur revenu fiscal de référence était en 2005 de 31.800 euros et qu'ils n'étaient assurés ni d'une livraison à temps, ni d'une location rapide de leurs bien. La proposition d'un crédit à taux variable ne correspondait d'ailleurs pas à un projet d'investissement, l'avenir ayant démontré que des mensualités ont quasiment systématiquement dépassé les 900 euros prévus au tableau d'amortissement initial et n'ont été inférieures à cette somme que durant deux mois, entre août et octobre 2009. Ainsi, la banque a manqué tant à son devoir de conseil que de mise en garde des époux X... dont il n'est aucunement démontré qu'il s'agissaient d'emprunteurs avisés. Sur les fautes de la SAS COFF. Le mandat signé le 19 avril 2005 prévoyait que la SAS COFF assurait une aide à l'orientation d'investissement en déterminant la pertinence d'une opération fiscale "de robien" et en facilitant par la suite sa mise en oeuvre. Cette société s'engageait à élaborer des simulations claires et réalistes permettant de mesurer les enjeux économiques et fiscaux de l'opération fiscale de Robien, d'orienter le choix, d'affiner la meilleure façon de financer l'opération et de décider de la durée de l'opération la plus adaptée. L'article 2 du contrat précise que cette société était mandatée afin de rechercher la ou les opérations immobilières présentant les caractéristiques suivantes : garantie concernant la mise en place du 1er locataire, assurance loyers impayés, assurance vacance et détériorations, mais aussi garantie de défiscalisation en cas redressement fiscal. Ainsi, la SAS COFF ne s'engageait pas elle-même à la mise en place du premier locataire mais à proposer aux époux X... une opération comportant notamment les garanties d'assurance locative qu'ils ont par la suite contractées auprès de la SARL Euro-Invest. Il n'était d'ailleurs pas précisé dans le mandat de recherche que l'assurance vacance ou impayé devrait ne prévoir aucun délai de carence ou délai maximum pour la prise en charge du loyer. Par ailleurs, si les chiffres figurant aux simulations réalisées par la SAS COFF n'avaient effectivement pas un caractère contractuel, cette société ne donne aucune explication sur la différence notable entre la défiscalisation réelle qui n'a été que de 1.300 euros en 2007 alors qu'elle devait être supérieure à 2000 euros pour 2007 selon sa prévision. Concernant le prix du loyer à pratiquer, qui était estimé à 530 euros, celui-ci s'est révélé tout à fait inexact puisque les époux ont dû baisser le prix du loyer à 490 euros au mois de juin 2007 puis, après libération des lieux par le 1er locataire, à 470 euros à compter du mois d'août 2008. Or, si l'opération comportait un certain aléa, aucune mention relative à l'importante évolution du prix locatif du bien ne figurait au contrat. Ainsi, la SAS COFF n'a pas respecté son obligation de conseil en leur proposant ce produit alors que leur étude de marché était ancienne et que les chiffres des permis de construire délivrés à Rodez qui étaient tout à fait accessibles révélaient une augmentation importante du nombre de permis de construire sur les années 2003, 2004 et 2005, soit antérieurement à la date de la signature du contrat de réservation. Cette augmentation du nombre de permis de construire annonçait en effet la baisse du marché et la dévaluation inévitable des biens à construire sur cette commune. Ainsi, les fautes de la SAS COFF ont participé au préjudice de Monsieur et Madame X.... (...) Sur le préjudice de Monsieur et Madame X.... Les fautes commises par la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel d'Aquitaine et par la SAS COFF ont entraîné pour Monsieur et Madame X... une perte de chance de ne pas contracter. Cette perte de chance ne saurait donner lieu à une réparation intégrale de leur préjudice mais justifient l'allocation forfaitaire d'une somme de 30.000 euros, somme inférieure au préjudice global des demandeurs, à laquelle ces deux sociétés seront condamnées in solidum, leur faute ayant participé à la réalisation du même dommage » ;

1°) ALORS D'UNE PART QUE le banquier n'est tenu d'une obligation de conseil que lorsqu'il finance des investissements à caractère spéculatif ; que tel n'est pas le cas d'un prêt consenti en vue de l'acquisition de biens immobiliers destinés à produire des revenus locatifs compensant la charge des crédits et offrant aux investisseurs une possibilité de défiscalisation ; qu'en l'espèce, pour retenir la responsabilité de la CRCAM, l'arrêt attaqué se contente de relever d'une part que l'investissement réalisé par les époux X... ne leur a pas rapporté les revenus locatifs escomptés - le bien n'ayant pu être loué que pour un loyer de 490 euros alors qu'il avait été estimé à 530 euros - d'autre part, que l'opération comportait nécessairement un aléa pour un foyer n'acquittant pas un impôt sur le revenu supérieur à 2.500 euros par an, de sorte que malgré le profit, moindre que celui qui était attendu, que les époux X... ont pu réaliser, ceux-ci auraient pu renoncer à s'engager dans cette opération s'ils avaient été mieux informés par la banque ; qu'en statuant de la sorte, l'arrêt attaqué, qui n'a à aucun moment constaté que les crédits consentis par celle-ci auraient été excessifs eu égard aux capacités des emprunteurs et aux revenus attendus de l'opération, a mis à la charge de la banque une obligation de conseil qui ne lui incombait pas eu égard à la nature de l'opération en cause, et violé l'article 1147 du Code civil ;

2°) ALORS D'AUTRE PART QUE l'emprunteur qui recherche la responsabilité du banquier à qui il reproche un manquement à son devoir de conseil pour l'avoir incité à effectuer une opération d'investissement locatif censé lui procurer des avantages fiscaux doit établir l'existence d'un préjudice financier que cette opération lui a causé ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué se contente de relever d'une part que l'investissement réalisé par les époux X... ne leur a pas rapporté les revenus locatifs escomptés - le bien n'ayant pu être loué que pour un loyer de 490 - alors qu'il avait été estimé à 530 euros - d'autre part que l'opération comportait nécessairement un aléa pour un foyer n'acquittant pas un impôt sur le revenu supérieur à 2.500 euros par an, ce dont l'arrêt déduit que, mieux informés, les emprunteurs auraient pu renoncer à s'engager dans cette opération ; qu'en se déterminant de la sorte, tout en ayant constaté que l'opération d'investissement avait effectivement permis aux époux X... de réaliser un gain fiscal (1.300 euros en 2007, 2008 et 2009, arrêt, p. 9), la Cour d'appel, qui n'a pas fait ressortir la réalité du préjudice qu'aurait fait subir aux époux X... la souscription de l'opération en cause, dont ceux-ci ne pouvaient ignorer le caractère aléatoire des gains qu'ils pouvaient en tirer, et ce alors que la CRCAM n'avait souscrit à leur égard aucune garantie de rendement, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;

3°) ALORS QUE la Cour d'appel qui énonce que la banque est « manifestement intervenue pour proposer et personnaliser » l'investissement litigieux, sans préciser d'où elle déduisait cette affirmation, a privé sa décision de motifs en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ;

4°) ALORS QU' en énonçant que la banque est « manifestement intervenue pour proposer et personnaliser » l'opération d'investissement en cause (arrêt, p. 8, § 7) et en reconnaissant dans le même temps que l'opération a été souscrite sur la base d'une étude qu'elle qualifie de « personnalisée » réalisée « par la société COFF », conseil en investissement, la Cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ;

5°) ALORS ENCORE QU' en relevant, pour retenir que la CRCAM avait manqué à son obligation de conseil, que la banque n'avait pas attiré l'attention des époux X... sur le caractère aléatoire d'une opération reposant sur le remboursement d'un emprunt au moyen des revenus tirés de la location du bien acquis, motifs impropres à établir qu'à la date de son octroi, le prêt accordé par la CRCAM aurait été excessif au regard des facultés de remboursement des époux X..., compte tenu des revenus produits par les locations escomptées du bien acquis au moyen de ce prêt, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;

6°) ALORS QUE le banquier qui octroie un prêt à taux variable est seulement tenu d'une obligation d'information portant sur les modalités de calcul et de révision du taux d'intérêt ; qu'il n'est en revanche tenu d'aucune obligation de mettre en garde l'emprunteur qui décide d'opter pour un taux révisable, ce type de taux n'étant, par principe ni plus ni moins adapté au financement d'une opération d'investissement que ne l'est un taux fixe ; qu'en retenant que la banque avait manqué à son obligation de mise en garde en laissant les emprunteurs faire le choix d'un prêt à taux variable, quand la CRCAM n'était tenue d'aucune obligation de cette nature, la Cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ;

7°) ALORS QUE la Cour d'appel qui, en outre, se prononce sans égard pour les conclusions de la CRCAM (Cf. conclusions signifiées le 5 juillet 2011, p. 8) qui faisait valoir que le taux variable en cause était plafonné (taux initial + deux points) de sorte que les époux X... connaissaient avec précision le risque né de la possible variation de leur taux et que la banque avait donc nécessairement satisfait à son obligation d'information ou de mise en garde, a privé de plus fort sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;

8°) ALORS ENFIN QUE l'indemnisation d'une perte de chance ne peut être égale à la valeur de la chance perdue ; qu'en condamnant la CRCAM à verser aux époux X..., solidairement avec la société COFF, une somme de 30.000 euros en réparation du préjudice consistant en la perte d'une chance de ne pas effectuer l'opération d'acquisition immobilière litigieuse, sans s'expliquer sur la réalité même du préjudice financier que les époux X... auraient subi, ni constater que la perte subie ou le gain manqué au titre de l'opération était, a minima, supérieur à 30.000 euros, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil.

ECLI:FR:CCASS:2013:C100944
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