Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 29 mai 2013, 12-17.870, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 27 janvier 2012), que Francis Michel X... est décédé le 3 mai 2007, en l'état d'un testament du 25 avril 2001 instituant Mme Y...légataire universel ; qu'il a été trouvé au domicile du défunt une enveloppe portant la mention manuscrite " testament de Michel X...la Neuville en Tourne à Fuy seul valable à ce jour ", contenant la photocopie d'un testament du 24 décembre 2002 et des documents manuscrits intercalés datés des 1er mars 1995, 25 mai 1997, 25 avril 2001, 5 février 2003, 8 septembre 2004 ; que Mme A... a sollicité la délivrance d'un legs particulier en exécution de ce testament enregistré par un notaire, selon procès-verbaux des 29 et 30 juin 2007 ;

Attendu que Mme A... fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement de première instance ayant dit que les photocopies de testament du 24 décembre 2002 dont Francis Michel X... est l'auteur, enregistrées par un notaire, ne constituaient pas des testaments valables, dit par ailleurs que lesdits actes, nuls, étaient dépourvus d'effet révocatoires et, en conséquence, de la débouter de toutes ses demandes, alors, selon le moyen :

1°/ que le testament olographe ne sera point valable, s'il n'est écrit en entier, daté et signé de la main du testateur ; qu'il n'est assujetti à aucune autre forme ; qu'en estimant que le testament du 24 décembre 2002, constitué en partie de photocopies et en partie d'ajouts manuscrits intercalés, était nul dès lors qu'il n'était pas « dans son intégralité rédigé de la main du défunt », tout en confirmant en toutes ses dispositions le jugement du 10 décembre 2010 qui constatait, dans son dispositif, que M. Francis X... « est l'auteur » du testament du 24 décembre 2002, puisqu'il est constant que la partie photocopiée du testament portait bien l'écriture du défunt, de sorte qu'il ne subsistait en réalité aucune incertitude sur l'identité de l'auteur de ce testament, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 970 du code civil ;

2°/ que le testament olographe ne sera point valable, s'il n'est écrit en entier, daté et signé de la main du testateur ; qu'il n'est assujetti à aucune autre forme ; qu'en affirmant que le testament litigieux était nul comme n'ayant pas été rédigé dans son intégralité de la main du défunt, sans rechercher si l'ensemble constitué par les mentions manuscrites figurant sur l'enveloppe contenant le testament du 24 décembre 2002, les photocopies reproduisant des mentions rédigées de la main du défunt et les ajouts manuscrits intercalés dans le document ne constituaient pas, dans leur ensemble, un testament répondant aux critères fixés par l'article 970 du code civil, la cour d'appel, qui n'a pas procédé aux recherches utiles à la solution du litige, a privé sa décision de base légale au regard de ce texte ;

3°/ qu'en isolant artificiellement la partie du testament composée de photocopies, pour en déduire que le testament n'avait pas été entièrement rédigé de la main du défunt, sans prendre en compte le document dans sa globalité et sa cohérence, la cour d'appel a dénaturé ce testament, violant ainsi le principe de l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause, ensemble l'article 1134 du code civil ;

4°/ qu'en affirmant que le testament invoqué par Mme B...ne pouvait être retenu dans la mesure où sa « date de confection n'était pas déterminée » et que d'autres testaments instituant des legs particuliers avaient été déposés en 2004 et 2006 entre les mains du notaire, cependant que la mention manuscrite figurant sur l'enveloppe contenant le testament du 24 décembre 2002, retrouvée dans le coffre-fort du défunt, par laquelle M. X... indiquait qu'il constituait son seul testament suffisait à faire primer ce testament sur tout autre écrit, la cour d'appel, qui a constaté l'existence de cette mention manuscrite, n'en a pas tiré les conséquences utiles et a violé l'article 970 du code civil ;

Mais attendu que, selon l'article 970 du code civil, le testament olographe ne sera point valable s'il n'est écrit en entier, daté et signé de la main du testateur ; que, par une appréciation souveraine des éléments de la cause, la cour d'appel a relevé que le testament litigieux était composé de photocopies d'un testament antérieur, de feuillets manuscrits intercalés, que l'ensemble du document, non daté, n'était pas entièrement rédigé de la main de Francis Michel X... ; qu'elle en a justement déduit que cet écrit ne pouvait avoir valeur de testament ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme A... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme A... et la condamne payer à Mme Y...la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf mai deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Balat, avocat aux Conseils, pour Mme A...

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Charleville Mézières du 10 décembre 2010 ayant dit que les photocopies de testament du 24 décembre 2002 dont M. Francis X... est l'auteur, enregistrées par Maître Philippe D..., notaire, selon procès-verbaux en date des 29 et 30 juin 2007, ne constituaient pas des testaments valables, dit par ailleurs que lesdits actes, nuls, étaient dépourvus d'effet révocatoires et, en conséquence, débouté Mme Sandrine B...de toutes ses demandes ;

AUX MOTIFS QUE sur les demandes en délivrance de legs formées par Mme Sandrine B..., née A..., et par M. Daniel E..., les appelants soutiennent que le document du 24 décembre 2002 retrouvé dans le coffre du défunt exprime ses dernières volontés, que cette copie est une reproduction fidèle et durable de son testament, qu'ils étaient locataires des biens légués, entretenaient avec le défunt des relations durables et que Mme Françoise Y..., avec laquelle sa relation n'a duré que quelques mois, ne peut être considérée comme l'un de ses successeurs ; que Mme Y...fait valoir que les testaments du 24 décembre 2002 sont nuls et dépourvus d'effet révocatoire ; qu'il n'est pas discuté que Mme Françoise Y...a été instituée légataire universelle de M. Francis Michel X... par testament du 25 avril 2001 ; qu'en vertu des dispositions de l'article 895 du code civil, le testament est un acte par lequel le testateur dispose pour le temps où il n'existera plus, de tout ou partie de ses biens ou de ses droits, et qu'il peut révoquer ; que les appelants se prévalent du testament qui a été retrouvé dans le coffre installé dans la chambre du défunt lors du premier inventaire avec levée des scellés, se trouvant dans une enveloppe mentionnant de la main du défunt « Testament de Michel X...la Neuville en Tourne à Fuy seul valable à ce jour » ; que la page 10 de ce document mentionne la date du « 24 décembre 2002 » et « Monsieur Daniel E......08310, la Neuville YS 37 04 97 + terrain jardin Le Dontheny + 100. 000 F = 15. 250 euros hors droits de succession + voiture des champs + remorques + le matériel d'atelier s'il est encore disponible à cette date + cuve à fuel blanc 1. 400 l + le carburant » ; qu'il porte la signature et le sceau de M. Henri X... ; qu'il mentionne à la page 7 la date « du 24 décembre 2002 » et « Cendrine B...né A......à Warmeriville épouse de Francis B...36 ha partie Allouette YMS, soit 6, 40 ha ..., et 30 environ coté route de Berheriville toute la longueur, 1 toile, 1 bijou parure de perles bague bracelet et collier » ; que le notaire a constaté, tel qu'il l'indique dans sa lettre du 5 janvier 2008, que le legs particulier datant du 24 décembre 2002 retrouvé dans le coffre de M. Henri X... n'est en fait qu'une photocopie ; qu'il précise que tous les autres testaments qu'il a pu retrouver comportaient le sceau de M. Henri X... en encre bleue alors que le sceau apposé sur le testament du 24 décembre 2002 était en noir ; que l'article 970 du code civil prévoit que le testament olographe ne sera point valable, s'il n'est écrit en entier, daté et signé de la main du testateur : il n'est assujetti à aucune forme ; que les appelants soutiennent que ces conditions de validité sont remplies et que seul l'original du testament n'a pas été retrouvé ; que la simple production d'un brouillon ou d'une copie de testament reste toutefois inefficace et qu'il appartient à Mme Sandrine B..., née A..., et à M. Daniel E...de rapporter la preuve de l'existence d'un testament régulier les instituant légataires et sa disparition ; que l'article 1348 du code civil prévoit parmi les exceptions à la preuve par écrit des actes juridiques, le cas de celui qui a perdu le titre qui lui servait de preuve littérale par suite d'un cas fortuit ou d'une force majeure ou de celui qui, dépositaire de l'acte n'a pas conservé l'original de l'acte et présente une copie qui en est la reproduction fidèle et durable ; que de telles circonstances ne sont ni alléguées ni prouvées en l'espèce ; que M. Daniel E...et Mme Sandrine B..., née A..., font valoir que le document conservé et retrouvé au domicile du défunt constitue la manifestation de ses dernières volontés dans la mesure où il est composé d'une partie de photocopies du testament rédigé le 24 décembre 2002 et de documents manuscrits qui ont été intercalés par M. Henri X... ; que l'examen du document révèle que la page 4 du testament du 24 décembre 2002 a été modifiée le 5 février 2003 par une page 4 bis, que deux feuilles ont été rajoutées le 8 septembre 2004 et comportent notamment une modification de la page 8 du testament du 24 décembre 2002 ; qu'il comporte également des dispositions datant du 1er mars 1995, du 25 mai 1997 revues le 24 décembre 2002 et du 25 avril 2001 ; que ce document constitué de photocopies d'un document rédigé le 24 décembre 2002 ainsi que d'autres dispositions rectificatives, n'est pas dans son intégralité rédigé de la main du défunt, il ne constitue donc pas, alors que de plus, d'autres testaments instituant des legs particuliers ont été déposés en 2004 et 2006 entre les mains du notaire, et que la date de sa confection n'est pas déterminée, un testament répondant aux exigences de forme prescrites par l'article 970 du code civil ; qu'il pouvait éventuellement constituer un projet d'acte qui n'a finalement pas été établi ; que les formalités auxquelles les divers testaments sont assujettis devant, par application de l'article 1001 du code civil, être observées à peine de nullité, le document retrouvé dans le coffre-fort de M. Michel X... ne constitue pas un testament valable ; qu'il n'est donc pas de nature à révoquer les dispositions du testament du 25 avril 2001 instituant Mme Françoise Y...en qualité de légataire universelle ; que dans ces conditions, les demandes en délivrance de legs formées par Mme Sandrine B..., née A..., et par M. Daniel E...ne sont pas fondées et doivent être rejetées ;

ALORS, EN PREMIER LIEU, QUE le testament olographe ne sera point valable, s'il n'est écrit en entier, daté et signé de la main du testateur ; qu'il n'est assujetti à aucune autre forme ; qu'en estimant que le testament du 24 décembre 2002, constitué en partie de photocopies et en partie d'ajouts manuscrits intercalés, était nul dès lors qu'il n'était pas « dans son intégralité rédigé de la main du défunt » (arrêt attaqué, p. 4 in fine), tout en confirmant en toutes ses dispositions le jugement du 10 décembre 2010 qui constatait, dans son dispositif, que M. Francis X... « est l'auteur » du testament du 24 décembre 2002 (jugement entrepris, p. 6 in fine), puisqu'il est constant que la partie photocopiée du testament portait bien l'écriture du défunt, de sorte qu'il ne subsistait en réalité aucune incertitude sur l'identité de l'auteur de ce testament, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 970 du code civil ;

ALORS, EN DEUXIEME LIEU, QUE le testament olographe ne sera point valable, s'il n'est écrit en entier, daté et signé de la main du testateur ; qu'il n'est assujetti à aucune autre forme ; qu'en affirmant que le testament litigieux était nul comme n'ayant pas été rédigé dans son intégralité de la main du défunt, sans rechercher si l'ensemble constitué par les mentions manuscrites figurant sur l'enveloppe contenant le testament du 24 décembre 2002, les photocopies reproduisant des mentions rédigées de la main du défunt et les ajouts manuscrits intercalés dans le document ne constituaient pas, dans leur ensemble, un testament répondant aux critères fixés par l'article 970 du code civil, la cour d'appel, qui n'a pas procédé aux recherches utiles à la solution du litige, a privé sa décision de base légale au regard de ce texte ;

ALORS, EN TROISIEME LIEU, QU'en isolant artificiellement la partie du testament composée de photocopies, pour en déduire que le testament n'avait pas été entièrement rédigé de la main du défunt, sans prendre en compte le document dans sa globalité et sa cohérence, la cour d'appel a dénaturé ce testament, violant ainsi le principe de l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause, ensemble l'article 1134 du code civil ;

ALORS, EN DERNIER LIEU, QU'en affirmant que le testament invoqué par Mme B...ne pouvait être retenu dans la mesure où sa « date de confection n'était pas déterminée » et que d'autres testaments instituant des legs particuliers avaient été déposés en 2004 et 2006 entre les mains du notaire (arrêt attaqué, p 4 in fine), cependant que la mention manuscrite figurant sur l'enveloppe contenant le testament du 24 décembre 2002, retrouvée dans le coffre-fort du défunt, par laquelle M. X... indiquait qu'il constituait son seul testament suffisait à faire primer ce testament sur tout autre écrit, la cour d'appel, qui a constaté l'existence de cette mention manuscrite (arrêt attaqué, p. 4 § 1), n'en a pas tiré les conséquences utiles et a violé l'article 970 du code civil.

ECLI:FR:CCASS:2013:C100540
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