Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 10 avril 2013, 11-25.841, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 septembre 2011), que M. X... a été engagé le 1er septembre 2005 par la société Altran technologies, en qualité de directeur Europe du Sud et Amérique ; que l'article 13 de son contrat de travail stipulait que : « dans les cas où, au cours des 24 mois suivant la date d'effet, le président du directoire viendrait à quitter la société, ou un changement de contrôle portant sur plus de 33 % du capital de la société viendrait à survenir, le salarié pourra quitter la société et obtenir une indemnité équivalente au double de la rémunération totale perçue au cours des 12 mois précédant le fait générateur » ; que le 8 juin 2006, M. X... a été nommé membre du directoire de la société ; qu'à la suite de la démission, le 22 septembre 2006, de M. Y..., président du directoire et de son remplacement par M. Z..., le salarié a, par courrier du 10 novembre 2006 invoquant les stipulations de son contrat de travail, démissionné ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir paiement de l'indemnité prévue par l'article 13 de son contrat ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Altran technologies fait grief à l'arrêt d'accueillir cette demande, alors, selon le moyen, qu'une obligation dépourvue de cause ne peut avoir aucun effet ; qu'est dépourvue de cause l'obligation de payer au salarié une indemnité contractuelle de rupture dite « golden parachute » qui trouve son fait générateur dans la seule décision d'un tiers au contrat de travail ou de circonstances extérieures à ce contrat, parmi lesquelles, notamment le départ du président du directoire de la société employeur ou un changement de contrôle portant sur un pourcentage déterminé du capital de la société ; que la clause permettant au salarié de rompre dans ces circonstances son contrat de travail et de bénéficier du versement d'une indemnité dite « golden parachute » ne trouve sa contrepartie ni dans le salaire versé, ni dans l'indemnisation d'un préjudice ; qu'en l'absence de toute contrepartie, l'obligation de l'employeur est privée de cause ; qu'en énonçant que le moyen tiré de l'absence de cause de l'obligation de la société Altran technologies n'était pas fondé, sans s'expliquer sur la contrepartie de l'obligation imposée à la société Altran technologies, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1108 et 1131 du code civil ;

Mais attendu que la clause contractuelle, qui permet au salarié de rompre le contrat de travail, ladite rupture étant imputable à l'employeur, en cas de changement de direction, de contrôle, de fusion-absorption ou de changement significatif d'actionnariat entraînant une modification importante de l'équipe de direction, est licite dès lors qu'elle est justifiée par les fonctions du salarié au sein de l'entreprise et qu'elle ne fait pas échec à la faculté de résiliation unilatérale du contrat par l'une ou l'autre des parties ;

Et attendu qu'ayant constaté que la clause litigieuse avait été convenue en raison des avantages que la société Altran technologies tirait du recrutement de ce salarié et de l'importance des fonctions qui lui avaient été attribuées, la cour d'appel en a déduit à bon droit, que l'obligation de l'employeur avait une cause ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que la société Altran technologies fait encore grief à l'arrêt d'accueillir la demande, alors, selon le moyen, que dans les sociétés cotées, les dispositions des contrats de travail des membres du directoire sont soumises au régime des conventions réglementées lorsqu'elles correspondent à des éléments de rémunération, des indemnités ou des avantages dues à raison de la cessation ou du changement de fonctions ; que l'indemnité contractuelle de départ prévue dans le contrat de travail d'un mandataire social, serait ce antérieurement à sa nomination, est en conséquence soumise au régime des conventions réglementées ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 225-79-1 du code de commerce ;

Mais attendu qu'il résulte de la combinaison des articles L. 225-79-1 du code de commerce et 1134 du code civil que n'est pas soumise à la procédure spéciale d'autorisation des conventions conclues entre une société et l'un des membres du directoire, la clause prévoyant une indemnité de départ, contenue dans un contrat de travail conclu régulièrement et sans fraude à une date à laquelle le bénéficiaire n'était pas encore mandataire social ;

Et attendu qu'ayant constaté que le contrat de travail contenant la clause contestée avait été conclu dix mois avant la désignation du salarié comme mandataire social, indépendamment de ce mandat et sans fraude, la cour d'appel en a déduit, à bon droit, que la procédure d'autorisation ne lui était pas applicable et que cette clause devait recevoir application ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Altran technologies aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Altran technologies à payer la somme de 2 500 euros à M. X... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix avril deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Altran technologies

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Altran à payer à M. X... la somme de 823. 816 euros à titre d'indemnité contractuelle ;

AUX MOTIFS QUE sur la validité de la clause litigieuse, M. X... a quitté son emploi pour travailler au sein de la société Altran Technologies en présence de M. Y... comme président du directoire ; que l'indemnisation contractuelle visait à compenser les conséquences d'un départ lié à celui du président du directoire ; que le contexte dans lequel l'embauche de M. X... est intervenue permet de retenir que la société a eu tout avantage à son recrutement ; que celui-ci a en effet donné toute satisfaction dans ses fonctions de salarié ; que dans son communiqué en date du 8 juin 2006 par lequel la société annonce que M. X... a été nommé Chief Operating Officer (COO) en même temps que membre du directoire, les conditions fructueuses de la collaboration salariée de M. X... y sont rappelées en ces termes : « François-Xavier X... a rejoint Altran en septembre 2005 en tant que directeur de la région Amériques/ Europe du sud. Il a ainsi contribué à accélérer le développement des activités des 41 sociétés d'Altran présentes dans ces pays. Dans ses nouvelles fonctions, il conserve la responsabilité directe de cette région. Il rejoint le directoire … », « François-Xavier X... a été un des acteurs de la transformation du groupe Altran à l'international. Il a mené avec succès la réorganisation et le redressement de la profitabilité de la région sud » a déclaré M. Y..., président du groupe Altran … « son expertise reconnue dans le secteur des services et son leadership, son expérience de l'environnement aux Etats-Unis et en Europe sont des atouts précieux pour ses nouvelles fonctions de Chief Operating Office » ; que lors de cette embauche, la société Altran Technologies s'est engagée à verser une indemnité en cas de démission pour l'une ou l'autre des circonstances expressément indiquées dans le contrat de travail ; que cette indemnisation ne pouvait résulter de la seule volonté délibérée du salarié de démissionner ; qu'aucun texte législatif ou règlementaire n'interdit à un employeur de prendre un tel engagement en faveur du salarié qu'il choisit d'embaucher dans ces conditions ; qu'en conséquence, le moyen tiré de l'absence de cause de l'obligation de la société Altran Technologies n'est pas fondé ;

ALORS QU'une obligation dépourvue de cause ne peut avoir aucun effet ; qu'est dépourvue de cause l'obligation de payer au salarié une indemnité contractuelle de rupture dite « golden parachute » qui trouve son fait générateur dans la seule décision d'un tiers au contrat de travail ou de circonstances extérieures à ce contrat, parmi lesquelles, notamment le départ du président du directoire de la société employeur ou un changement de contrôle portant sur un pourcentage déterminé du capital de la société ; que la clause permettant au salarié de rompre dans ces circonstances son contrat de travail et de bénéficier du versement d'une indemnité dite « golden parachute » ne trouve sa contrepartie ni dans le salaire versé, ni dans l'indemnisation d'un préjudice ; qu'en l'absence de toute contrepartie, l'obligation de l'employeur est privée de cause ; qu'en énonçant que le moyen tiré de l'absence de cause de l'obligation de la société Altran Technologies n'était pas fondé, sans s'expliquer sur la contrepartie de l'obligation imposée à la société Altran Technologies, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1108 et 1131 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Altran à payer à M. X... la somme de 823. 816 euros à titre d'indemnité contractuelle ;

AUX MOTIFS QUE la loi n° 2005-842 du 26 juillet 2005 pour la confiance et la modernisation de l'économie (loi LCME) a étendu le dispositif de contrôle des conventions réglementées prévu aux articles L. 225-86 et suivants du code de commerce aux indemnités ou avantages prévus dans le contrat de travail liant un dirigeant à une société dont les titres sont admis aux négociations sur le marché réglementé ; qu'aux termes de l'article L. 225-79-1 du code de commerce introduit par cette loi : « Dans les sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé, en cas de nomination aux fonctions de membre du directoire d'une personne liée par un contrat de travail à la société ou à toute société contrôlée ou qui la contrôle au sens des II et III de l'article L. 233-16, les dispositions dudit contrat correspondant, le cas échéant, à des éléments de rémunérations, des indemnités ou des avantages dus ou susceptibles d'être dus à raison de la cessation ou du changement de ces fonctions, ou postérieurement à celles-ci, sont soumises aux dispositions des articles L. 225-86 et L. 225-88 à L. 225-90 » ; que ces dispositions sont applicables aux conventions conclues à compter du 1er mai 2005 ; que les parties divergent sur l'interprétation à donner aux termes « ces fonctions » figurant à l'article L. 225-79-1 du code de commerce ; que selon M. X... le législateur n'a visé que les seules fonctions de mandataire social, la procédure de contrôle n'étant alors applicable qu'à la seule hypothèse d'une indemnité prévue en cas de cessation des fonctions de mandataire social ; que dès lors que le paiement de son indemnité était prévu dans son contrat de travail, en cas de cessation des fonctions salariées, cette procédure n'avait pas à être mise en oeuvre ; que de son côté la société Altran Technologies considère que la procédure des conventions règlementées s'applique également aux indemnités attribuées aux dirigeants à l'occasion de la cessation de leur contrat de travail sous peine de dénaturer l'essence de la loi ; que l'extension du dispositif de contrôle des conventions réglementées aux indemnités ou avantages prévus au contrat de travail liant un dirigeant à une société dont les titres sont admis aux négociations sur un marché règlementé, relève d'une volonté du législateur de rendre transparent l'octroi des indemnités de départ des dirigeants ; que ne sont concernés par ce dispositif de contrôle que les seules indemnités et avantages octroyés aux mandataires sociaux ; qu'outre la clarté du texte, les débats parlementaires témoignent de ce qu'ils ont porté sur la rémunération liées aux seules fonctions de dirigeant ; que sauf à constater la preuve d'une intention des contractants, lors de la formation du contrat de travail ou de sa modification, d'échapper à la procédure légale des conventions réglementées, l'indemnité prévue par le contrat de travail, susceptible d'être due dans des circonstances propres à la seule qualité de salarié, ne relève pas du dispositif de contrôle prévu par le code de commerce ; qu'en l'espèce, la preuve de l'intention des parties de se soustraire au dispositif légal des conventions réglementées n'est pas rapportée ; que M. X... a été nommé membre du directoire 10 mois après son embauche ; qu'aucun élément ne permet de retenir que cette nomination a été envisagée lors de la signature du contrat de travail ; que, lors de l'embauche de M. X..., l'engagement de la société a été d'indemniser le départ du salarié dans des circonstances bien particulières, indépendamment de l'existence d'un mandat social ; que d'ailleurs la clause litigieuse ne fait en aucune manière référence à l'exercice des fonctions de mandataire social ; que le calcul de l'indemnité n'intègre aucun élément lié à la durée d'exercice d'un mandat social ; que cette indemnité, totalement indépendante du mandat social tant dans son principe que dans ses modalités de calcul, relève par conséquent exclusivement du droit du travail ; que d'ailleurs, en dehors des cas prévus par la clause, la société Altran ne se trouvait engagée par aucune indemnisation notamment en lien avec le mandat social ; que le moyen tiré de la nullité de la clause pour non respect des dispositions du code de commerce n'est pas fondé ; que pour ce même motif du caractère autonome des dispositions du contrat de travail, le moyen tiré de l'impossibilité pour la société Altran Technologies de révoquer ad nutum le dirigeant en raison du montant de l'indemnité prévue dans ce contrat n'est pas davantage fondé » ;

ALORS QUE dans les sociétés cotées, les dispositions des contrats de travail des membres du directoire sont soumises au régime des conventions réglementées lorsqu'elles correspondent à des éléments de rémunération, des indemnités ou des avantages dues à raison de la cessation ou du changement de fonctions ; que l'indemnité contractuelle de départ prévue dans le contrat de travail d'un mandataire social, serait-ce antérieurement à sa nomination, est en conséquence soumise au régime des conventions réglementées ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 225-79-1 du code de commerce.

ECLI:FR:CCASS:2013:SO00701
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