Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 13 mars 2013, 11-20.490, ... 11-21.473, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Vu leur connexité, joint les pourvois n° Z 11-20.490 à D 11-20.494, H 11-20.497 à M 11-20.501, P 11-20.503 à D 11-20.517, F 11-20.519 à R 11-20.528, C 11-21.114 à T 11-21.128, W 11-21.131 à A 11-21.135, C 11-21.137 à H 11-21.141, J 11-21.396 à P 11-21.400, R 11-21.402 à V 11-21.406, Y 11-21.409 à P 11-21.423, V 11-21.429 à E 11-21.438, M 11-21.444 à C 11-21.459 et E 11-21.461 à T 11-21.473 ;

Sur le moyen unique des pourvois :

Vu le principe d'égalité de traitement ;

Attendu, selon les jugements attaqués rendus en dernier ressort, que la société Générale de logistique a, par décision unilatérale, mis en place au bénéfice de ses salariés une mutuelle d'entreprise avec un financement diffèrent selon les catégories professionnelles, l'employeur prenant en charge l'intégralité des cotisations dues par les cadres et agents de maîtrise, mais seulement 60 % de celles dues par les autres catégories de son personnel ; que des salariés exclus de la prise en charge intégrale des cotisations mutualistes, invoquant le principe d'égalité de traitement, ont saisi le juge prud'homal de demandes tendant au remboursement des contributions supportées par eux ;

Attendu que pour condamner l'employeur à verser aux salariés à la charge desquels était mise une partie des cotisations une somme au titre d'un rappel de mutuelle, les jugements retiennent que la seule différence de catégorie professionnelle ne peut justifier en elle-même une différence de traitement et que l'employeur se borne à alléguer, pour justifier la différence de traitement entre les cadres et les non cadres dans le régime de prévoyance qu'il avait mis en place, une volonté d'attirer et de fidéliser les cadres, sans produire d'élément étayant cette affirmation et sans s'expliquer sur la pertinence du moyen choisi pour atteindre cet objectif ;

Attendu cependant qu'en raison des particularités des régimes de prévoyance couvrant les risques maladie, incapacité, invalidité, décès et retraite, qui reposent sur une évaluation des risques garantis, en fonction des spécificités de chaque catégorie professionnelle, prennent en compte un objectif de solidarité et requièrent dans leur mise en oeuvre la garantie d'un organisme extérieur à l'entreprise, l'égalité de traitement ne s'applique qu'entre les salariés relevant d'une même catégorie professionnelle ;

Qu'en statuant comme il a fait, le conseil de prud'hommes a violé le principe susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes leurs dispositions, les jugements rendus le 27 avril 2011, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Melun ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits jugements et, pour être fait droit, les renvoie devant le conseil de prud'hommes de Fontainebleau ;

Condamne les salariés aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des jugements cassés ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize mars deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Générale de logistique

Il est fait grief aux décisions attaquées d'AVOIR condamné la SNC SOCIETE GENERALE DE LOGISTIQUE à verser à chaque salarié défendeur aux pourvois une somme au titre du rappel de mutuelle et au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QU'il est constant qu'en vertu du principe d'égalité de traitement, les juridictions imposent désormais à l'employeur de ne pas créer de disparités, sans raisons objectives et pertinentes, entre deux salariés placés dans une même situation professionnelle et qu'il en résulte que l'employeur doit être en mesure de justifier toute différenciation de traitement ; que l'égalité de traitement recouvre l'ensemble des conditions de rémunération, d'emploi, de travail, de formation ainsi que les garanties sociales et par conséquent les avantages individuels et collectifs ; que dans une décision rendue sur les catégories professionnelles (Cass. Soc. 20 février 2008, n° 05-45.601), la Cour de Cassation a sanctionné l'absence de justification d'un traitement différencié, s'agissant de l'attribution de titresrestaurant, que dans un autre arrêt (Cass. Soc. 1er juillet 2009, n° 07-42.675), un employeur a été sanctionné pour avoir fait application d'un accord d'entreprise, en matière d'attribution de droits à congés payés, que de même, la Cour d'Appel de Montpellier (4° ch. sociale, 4 novembre 2009, n° RG 09101816) a étendu cette solution aux dispositions d'une convention de branche, offrant aux salariés cadres licenciés un régime plus favorable qu'aux non-cadres en terme de délai de préavis et d'indemnités de licenciement) en constatant que les partenaires sociaux signataires de l'accord n'avaient pas justifié cette différence de traitement par des raisons objectives et pertinentes et rejetant les arguments de l'employeur ; qu'ainsi, selon la Haute Juridiction, la justification d'une différence de traitement doit s'apprécier en tenant compte de l'avantage en cause : « La seule différence de catégorie professionnelle ne saurait en elle-même justifier pour l'attribution d'un avantage, une différence de traitement entre les salariés placés dans une situation identique au regard dudit avantage, cette différence devant reposer sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler la réalité et la pertinence. » qu'il s'agisse d'une décision unilatérale de l'employeur ou que l'avantage en cause soit issu de la négociation collective ; qu'en outre, un seul motif invoqué à l'appui de la justification ne peut à lui seul suffire (Cass. Soc. 14 janvier 2009, n° 06-45.055) ; qu'en l'espèce, l'avantage accordé aux cadres et agents de maîtrise de la Société Générale de Logistique en matière de financement de la mutuelle résulte d'une décision unilatérale de l'employeur ; qu'en effet, à la barre, la partie défenderesse n'apporte pas plus de précision sur la date de mise en place du régime complémentaire santé pris en charge à 100 % par l'employeur pour les cadres et agents de maîtrise et à 60 % pour les employés, mais précise uniquement que cet avantage est en place depuis de nombreuses années et au moins 20 ans ; que la partie demanderesse confirme que les délégués syndicaux ont recueilli tous les accords d'entreprise et qu'il n'en existe pas pour la participation de l'employeur à la mutuelle ; qu'au sein de la Société Générale de Logistique, une différence de traitement entre salariés placés dans une situation identique est opérée au regard d'un avantage concernant la mutuelle ; qu'au vu des pièces versées aux débats, les salariés de l'entreprise sont soumis à un traitement différent selon leur catégorie professionnelle en terme de montant des cotisations, mais également au regard des garanties avec en sus, une particularité puisqu'il existe un contrat pour les garanties Axa Santé Entreprise négociées pour les employés et agents de maîtrise et un contrat pour les garanties Axa Santé Entreprise négociées exclusivement pour les cadres ; que dans les faits, l'absence de justification objective et pertinente de la Société Générale de Logistique emporte alors l'applicabilité de la disposition concernant le montant de la cotisation mutuelle prévoyant une mesure plus avantageuse pour les cadres et agents de maîtrise, à tout le personnel non-cadre en vertu du principe d'égalité de traitement ; qu'enfin, la partie défenderesse ne conteste pas le quantum du rappel de mutuelle sollicité par le salarié, qu'en conséquence, le Conseil fait droit au calcul de la somme arrêtée à la date de saisine ;

1) ALORS QUE la différence de catégorie professionnelle peut en elle-même justifier une différence de traitement au regard d'un avantage, les salariés n'étant pas, du fait de leur différence catégorielle, placés dans une même situation ; qu'en jugeant en l'espèce qu'en « l'absence de justification objective et pertinente de la Société Générale de Logistique », n'était pas justifiée la différence de traitement quant à la prise en charge par l'employeur des cotisations à la mutuelle d'entreprise entre les cadres et agents de maîtres d'une part, et les autres salariés d'autre part, le Conseil de Prud'hommes a violé le principe d'égalité ;

2) ALORS subsidiairement QUE repose sur une raison objective et pertinente la différence de traitement fondée sur une différence de catégorie professionnelle dès lors que cette différence de traitement a pour objet ou pour but de prendre en compte les spécificités de la situation des salariés relevant d'une catégorie déterminée, tenant notamment aux conditions d'exercice des fonctions, à l'évolution de carrière ou aux modalités de rémunération ; qu'en jugeant en l'espèce contraire au principe d'égalité le fait que la prise en charge des cotisations à la mutuelle d'entreprise était totale pour les cadres et agents de maitrise, mais partielle, à hauteur de 60 %, pour les autres salariés, sans rechercher si cette différence de traitement n'avait pas pour objet ou pour but de prendre en compte les spécificités de la situation des différentes catégories professionnelles, notamment au regard de la nécessité d'attirer et de fidéliser les cadres qu'il était plus difficile de remplacer comme le faisait valoir l'exposante dans ses conclusions, le Conseil de Prud'hommes a privé sa décision de base légale au regard du principe d'égalité ;

3) ALORS à tout le moins QU'une différence de traitement est justifiée lorsqu'elle repose sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence ; qu'en se contentant en l'espèce d'affirmer péremptoirement « l'absence de justification objective et pertinente de la Société Générale de Logistique », sans opérer le moindre contrôle concret, le Conseil de Prud'hommes a privé sa décision de base légale au regard du principe d'égalité de traitement.

ECLI:FR:CCASS:2013:SO00554
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