Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 15 janvier 2013, 11-27.651, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 4614-10 du code du travail ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que courant 2010, la société Pages jaunes a mis en oeuvre un projet de réorganisation de sa force de vente dénommé "déploiement de la force de vente locale" ; que par deux lettres motivées des 15 novembre et 20 décembre 2010, trois membres représentants du personnel, dont M. X..., ont sollicité la réunion du Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) Rhône Alpes avec comme unique point à l'ordre du jour, l'information et la consultation du CHSCT sur le déploiement de la force de vente locale ; que l'employeur n'ayant pas procédé à la convocation demandée, M. X..., a, par une assignation en référé délivrée le 3 mars 2011, demandé qu'il soit enjoint à la société Pages jaunes de convoquer le CHSCT sur cet ordre du jour ;

Attendu que pour annuler l'assignation délivrée le 3 mars 2011 et l'ordonnance de référé rendue le 8 avril 2011, la cour d'appel énonce que seul le CHSCT, dont la réunion est sollicitée par deux au moins de ses membres sur un ordre du jour précis, a capacité à désigner un représentant spécialement mandaté pour en exiger judiciairement l'exécution ou faire sanctionner cette inexécution et que le CHSCT n'ayant pas donné de pouvoir au demandeur à cette fin, l'assignation est entachée de nullité ;

Attendu, cependant, qu'en cas de défaillance de l'employeur, l'auteur d'une demande de réunion du CHSCT présentée conformément aux dispositions de l'article L. 4614-10 du code du travail, est recevable à demander en justice la réunion de ce CHSCT ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'elle constatait qu'au moins deux membres, dont le demandeur, représentants du personnel au CHSCT en avaient sollicité la réunion, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 septembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Dit n'y avoir lieu à renvoi du chef de la cassation ;

Dit que l'assignation délivrée à la société Pages jaunes le 3 mars 2011 est régulière en la forme et recevable ;

Renvoie la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris pour qu'il soit statué sur les points restant en litige ;

Condamne la société Pages jaunes aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X..., ès qualités, la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze janvier deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. X..., ès qualités

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR annulé l'assignation délivrée le 3 mars 2011 à la société PAGES JAUNES et l'ordonnance de référé rendue le 8 avril 2011 ;

AUX MOTIFS QUE si la personnalité morale du CHSCT, groupement pourvu d'une possibilité d'expression collective pour la défense des intérêts dont il a la charge, a été reconnue et donc sa capacité d'ester en justice, il n'est doté légalement d'aucun représentant et doit pour agir en justice, donner mandat spécial à l'un de ses membres par une délibération conforme aux dispositions de l'article L 4614-2 du code du travail ; que ce n'est que dans le cas où un litige survient dans l'élaboration d'un ordre du jour qui incombe conjointement au chef d'entreprise ou son délégataire président du CHSCT et au secrétaire qui a été désigné en cette qualité qu'il pourrait être discuté de la recevabilité à agir du secrétaire pour la défense d'un droit propre ; qu'en l'espèce, Monsieur X... demande condamnation de la société à réunir un CHSCT en réunion extraordinaire conformément aux dispositions de l'article L 4614-10 du code du travail qui dispose : « le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est réuni à la suite de tout accident ayant entraîné ou ayant pu entraîner des conséquences graves ou à la demande motivée de deux de ses membres représentants du personnel » et non pas en exécution des dispositions de l'article L 4614-8 du code du travail aux termes duquel « l'ordre du jour de chaque réunion est établi par le président et le secrétaire » ; que si l'employeur ne peut se faire juge du bien-fondé de la demande ; qu'effectivement le mépris d'une telle demande formée par plusieurs membres du CHSCT est susceptible d'engager la responsabilité civile ou pénale de l'employeur, seul le CHSCT dont la réunion est sollicitée par deux au moins de ses membres sur un ordre du jour précis, a capacité à désigner un représentant spécialement mandaté pour en exiger judiciairement l'exécution ou faire sanctionner cette inexécution ; que le défaut de pouvoir spécial donné à Monsieur X..., demandeur, est constitutif d'une irrégularité de fond qui entache l'assignation introductive d'instance du 3 mars 2011 qui est nulle, ce qui emporte nullité de l'ordonnance de référé ; que, encore, le premier juge n'ayant pas été valablement saisi, l'effet dévolutif de l'appel ne peut opérer.

ALORS QU'en vertu de l'article L. 4614-8 du Code du travail, l'ordre du jour de chaque réunion du CHSCT est établi par le président et le secrétaire ; qu'en sa qualité de secrétaire, celui-ci a donc un droit propre à agir en justice aux fins de faire trancher un litige l'opposant au président sur l'ordre du jour des réunions du CHSCT ; qu'il en va ainsi lorsque le président refuse de convoquer une réunion demandée de manière motivée par au moins deux membres élus du CHSCT sur un ordre du jour précis, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 4614-10 du Code du travail ; qu'en jugeant néanmoins que le secrétaire du CHSCT ne pouvait en l'espèce agir sans mandat spécial du CHSCT quand il était constant qu'au moins deux de ses membres avaient sollicité la tenue d'une réunion extraordinaire en application de l'article L. 4614-10 du code du travail, la Cour d'appel a violé les textes susvisés et les articles 117 et 416 du Code de procédure civile.

ALORS encore QUE le droit à un recours effectif et le droit d'accès à un tribunal protégés par l'article 6 § 1 de la convention européenne des droits de l'homme requièrent que le secrétaire du CHSCT puisse bénéficier d'un droit propre à ester en justice aux fins d'obtenir la tenue d'une réunion extraordinaire sollicitée par deux membres au moins du CHSCT en application de l'article L. 4614-10 du code du travail et la fixation de son ordre du jour, sans avoir à justifier d'un pouvoir spécial du CHSCT ; qu'en effet, il ne peut être exigé, pour engager une action aux fins de convocation du CHSCT, refusée par l'employeur, que cette action soit décidée par une réunion de ce CHSCT, par hypothèse non réuni, sauf à interdire toute possibilité d'action ; qu'en décidant que seul le CHSCT détenait le pouvoir qu'il n'avait pas délégué à son secrétaire, d'engager l'action, la cour d'appel a privé de tout recours effectif les membres du CHSCT et partant violé l'article 6 § 1 de la convention européenne des droits de l'homme, ensemble les articles L. 4614-8 et L. 4614-10 du code du travail et l'article 117 du code de procédure civile.

ALORS en tout état de cause QUE chacun des auteurs de la demande de réunion extraordinaire du CHSCT formée en application de l'article L. 4612-10 du code du travail détient un droit propre et personnel à agir en justice pour obtenir la garantie de ce droit ; qu'en déclarant Monsieur X..., pourtant membre du CHSCT et signataire de la demande du 20 décembre 2010, irrecevable à agir en justice pour obtenir le respect de cette prérogative, la cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la convention européenne des droits de l'homme, ensemble l'article L. 4614-10 du code du travail et l'article 117 du code de procédure civile.

ECLI:FR:CCASS:2013:SO00064
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