Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 31 octobre 2012, 11-18.869, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 5 avril 2011), que M. X... a été engagé le 19 mai 2008 en qualité d'agent de service par la société Neva, entreprise de nettoyage industriel, par contrat à durée déterminée pour un remplacement du 19 mai au 5 juin 2008 ; qu'il a cessé de travailler le 21 mai 2008 ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir le paiement d'un rappel de salaire, la requalification de son contrat de travail en contrat à durée indéterminée, et des dommages-intérêts pour licenciement abusif, ainsi que la remise des documents de fin de contrat ;

Sur le premier moyen :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à obtenir la requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, alors, selon le moyen, que faute de comporter la signature du salarié, le contrat à durée déterminée ne peut être considéré comme ayant été établi par écrit et est, en conséquence, réputé conclu pour une durée indéterminée ; qu'en l'espèce, les juges du fond ont constaté que le contrat de travail à durée déterminée produit par l'employeur ne comportait pas la signature du salarié ; que dès lors, en refusant de requalifier le contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé les dispositions de l'article L. 1242-12 du code du travail ;

Mais attendu qu'il résulte de l'article L. 1242-12 du code du travail que la signature d'un contrat de travail à durée déterminée a le caractère d'une prescription d'ordre public dont l'omission entraîne à la demande du salarié, la requalification en contrat à durée indéterminée ; qu'il n'en va autrement que lorsque le salarié a délibérément refusé de signer le contrat de travail de mauvaise foi ou dans une intention frauduleuse ;

Et attendu qu'ayant retenu que le salarié s'était frauduleusement refusé à signer le contrat à durée déterminée qui lui avait été remis, malgré plusieurs tentatives de l'employeur, c'est à bon droit que la cour d'appel a rejeté la demande en requalification formée par le salarié ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement de dommages-intérêts pour préjudice moral et financier, alors selon le moyen, que la remise tardive des documents de fin de contrat entraîne nécessairement pour le salarié un préjudice qui doit être réparé ; qu'en l'espèce, au titre de son préjudice moral et financier, le salarié faisait valoir dans ses conclusions qu'il n'avait jamais reçu ces documents de fin de contrat nécessaires pour son inscription aux Assedic ; que la cour d'appel, en considérant que ces documents lui auraient été transmis le 29 octobre 2008, établit ainsi une remise des documents cinq mois après le terme du contrat à durée déterminée et ce, malgré les démarches réitérées du salarié ; qu'elle ne pouvait dès lors rejeter la demande de dommages-intérêts du salarié sans violer les dispositions des articles 1134 du code civil, L. 1234-19, L. 1234-20 et D. 1234-9 du code du travail ;

Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que les documents de fin de contrat avaient été établis le 10 juin 2008 et qu'ils avaient été transmis le 29 octobre 2008 après que le salarié eut refusé de venir les chercher au siège de la société et transmis une enveloppe timbrée à son adresse, la cour d'appel a pu décider, en raison du caractère quérable de ces documents, que l'employeur avait satisfait à son obligation de délivrance ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de rappel de salaire et de dommages-intérêts pour licenciement abusif, alors selon le moyen :

1°/ qu'il résulte de l'article L. 3171-4 du code du travail que le juge ne peut rejeter la demande du salarié en se fondant sur l'insuffisance des preuves qu'il apporte, mais doit examiner les éléments produits par l'employeur de nature à justifier les heures effectivement réalisées par le salarié ; qu'en l'espèce, aucune des attestations produites par l'employeur ne permettait d'établir les heures effectivement réalisées par le salarié ; qu'en disant le contraire, la cour d'appel a dénaturé les attestations et partant violé les dispositions de l'article 1134 du code civil ;

2°/ que la carence de l'employeur à produire des éléments justifiant les horaires effectivement réalisés par le salarié permet de considérer que la preuve des heures supplémentaires est rapportée ; qu'en l'espèce, aucune des pièces présentées par l'employeur ne permettait d'établir les horaires effectivement réalisés par le salarié ; que dès lors, en rejetant la demande du salarié, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail ;

3°/ que le salarié peut rompre son contrat à durée déterminée aux torts exclusifs de son employeur lorsque ce dernier a commis une faute grave ; qu'en l'espèce, l'employeur, en imposant une journée de 14 heures de travail à son salarié, a commis une faute grave par violation des dispositions de l'article L. 3121-34 du code du travail limitant à 10 heures la durée quotidienne du travail effectif ; qu'en disant cependant que la rupture du contrat de travail était imputable au salarié et en le déboutant en conséquence de ses demandes de dommages-intérêts, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 1243-1 du code du travail ;

Mais attendu qu'appréciant les éléments de fait et de preuve produits par les parties, la cour d'appel, sans faire peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a estimé que celui-ci avait effectué vingt-et-une heures de travail ;

Que le moyen, qui manque en fait en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un octobre deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par Me Bouthors, avocat aux Conseils, pour M. Bertrand X...

Premier moyen de cassation

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande du salarié tendant à obtenir la requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée ;

aux motifs, d'une part, qu'en application de l'article L.1242-13 du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée est transmis au plus tard dans les deux jours ouvrables suivant l'embauche ; que la sanction du non respect de cette obligation est la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ; que cependant, en application des principes selon lequel nul ne peut se prévaloir de sa turpitude et la fraude corrompt tout, le salarié qui se refuse à signer le contrat à durée déterminée qui lui est remis ne peut obtenir la requalification de celui-ci ; que tel est le cas en l'espèce, dès lors que le contrat à durée déterminée, formellement régulier, a été remis le 20 mai 2008, lendemain de l'embauche, à Monsieur Bertrand X..., et que celui-ci a cessé le travail dès le lendemain 21 mai 2008 sans l'avoir rendu signé, ainsi qu'il résulte de l'attestation de Monsieur Z..., agent de maîtrise de la société Neva, qui indique en outre qu'ayant constaté l'absence de Monsieur Bertrand X... au cours de l'après-midi du 21 mai, il lui a téléphoné à de nombreuses reprises en vain sur son portable, ce qui est justifié par la production du listing des appels de ce témoin ; que la sarl Neva produit par ailleurs des pièces émanant d'autres employeurs de Monsieur Bertrand X... confrontés à des pratiques similaires, dont l'un rencontré à l'audience de conciliation du conseil de prud'hommes ;

et aux motifs éventuellement adoptés que Monsieur X... a délibérément refusé de signer un contrat de travail qui lui a été transmis pour signature le 20 mai 2008, qu'en application de l'article L.1242-13 du code du travail, le contrat a été établi et transmis dans les deux jours ouvrables suivant l'embauche ; que Monsieur X... a quitté délibérément son poste de travail sans y être invité, le 21 mai 2008 ; que Monsieur X..., par ses faits, ne satisfait pas à l'application de l'article L.1222-1 du code du travail : «le contrat de travail est exécuté de bonne foi» ; que la demande de requalification sera donc rejetée ;

Alors que, faute de comporter la signature du salarié, le contrat à durée déterminée ne peut être considéré comme ayant été établi par écrit et est, en conséquence, réputé conclu pour une durée indéterminée ; qu'en l'espèce, les juges du fond ont constaté que le contrat de travail à durée déterminée produit par l'employeur ne comportait pas la signature du salarié ; que dès lors, en refusant de requalifier le contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé les dispositions de l'article L.1242-12 du code du travail.

Deuxième moyen de cassation

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande du salarié tendant à obtenir des dommages et intérêts pour son préjudice moral et financier,

Aux motifs que ces 21 heures ont été payées le 29 octobre 2008, avec transmission du certificat de travail, des bulletins de salaire et du reçu de solde de tout compte par courrier simple après que Monsieur Bertrand X... eut refusé de venir les chercher au siège de la société et eut transmis une enveloppe timbrée à son adresse, ainsi qu'il résulte des courriers échangés ;

Et aux motifs éventuellement adoptés des premiers juges que Monsieur X... n'a fourni aucune preuve de préjudice subi ni moral, ni financier ; que la demande de Monsieur X... ne sera pas retenue ;

Alors que la remise tardive des documents de fin de contrat entraîne nécessairement pour le salarié un préjudice qui doit être réparé ; qu'en l'espèce, au titre de son préjudice moral et financier, le salarié faisait valoir dans ses conclusions qu'il n'avait jamais reçu ces documents de fin de contrat nécessaires pour son inscription aux Assedic ; que la cour d'appel, en considérant que ces documents lui auraient été transmis le 29 octobre 2008, établit ainsi une remise des documents 5 mois après le terme du contrat à durée déterminée et ce, malgré les démarches réitérées du salarié ; qu'elle ne pouvait dès lors rejeter la demande de dommages et intérêts du salarié sans violer les dispositions des articles 1134 du code civil, L.1234-19, L.1234-20 et D.1234-9 du code du travail.

Troisième moyen de cassation

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de rappel de salaire du salarié et de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

aux motifs que Monsieur Bertrand X... demande le paiement de la somme de 324,44 € outre congés payés pour 34 heures de travail les 19, 20 et 21 mai 2008 ; que la sarl soutient qu'il n'a travaillé que 21 heures ; qu'elle en justifie par les attestations de deux salariés ayant travaillé avec l'appelant les 19 et 20 mai, par l'attestation de Monsieur Z... sur l'absence de Monsieur Bertrand X... l'après-midi du 21 mai, et par les plannings et le contrat de travail non signé qui prévoyait un horaire hebdomadaire de 35 heures ; que ces 21 heures ont été payées le 29 octobre 2008, avec transmission du certificat de travail, des bulletins de salaire et du reçu pour solde de tout compte par courrier simple après que Monsieur Bertrand X... eut refusé de venir les chercher au siège de la société et eut transmis une enveloppe timbrée à son adresse, ainsi qu'il résulte des courriers échangés ;

Et aux motifs éventuellement adoptés des premiers juges que Monsieur X... prétend avoir travaillé 34 heures durant les 19, 20 et 21 mai 2008 ; que le contrat de travail et le planning d'information fournis par la société Neva, en pièce 2 et 3, prouvent la réalisation de 21 heures de travail les 19, 20 et 21 mai ; que la société Neva apporte la preuve de l'absence de Monsieur X... à son poste de travail le 21 mai 2008 après-midi par l'attestation de Monsieur Z... ; que le conseil constate l'absence de fondement de la demande de rappel de salaire ;

1°) Alors que, d'une part, il résulte de l'article L.3171-4 du code du travail que le juge ne peut rejeter la demande du salarié en se fondant sur l'insuffisance des preuves qu'il apporte, mais doit examiner les éléments produits par l'employeur de nature à justifier les heures effectivement réalisées par le salarié ; qu'en l'espèce, aucune des attestations produites par l'employeur ne permettait d'établir les heures effectivement réalisées par le salarié ; qu'en disant le contraire, la cour d'appel a dénaturé les attestations et partant violé les dispositions de l'article 1134 du code civil ;

2°) Alors que, d'autre part et en tout état de cause, la carence de l'employeur à produire des éléments justifiant les horaires effectivement réalisés par le salarié permet de considérer que la preuve des heures supplémentaires est rapportée ; qu'en l'espèce, aucune des pièces présentées par l'employeur ne permettait d'établir les horaires effectivement réalisés par le salarié ; que dès lors, en rejetant la demande du salarié, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L.3171-4 du code du travail ;

3°) Alors que, enfin, le salarié peut rompre son contrat à durée déterminée aux torts exclusifs de son employeur lorsque ce dernier a commis une faute grave ; qu'en l'espèce, l'employeur, en imposant une journée de 14 heures de travail à son salarié, a commis une faute grave par violation des dispositions de l'article L.3121-34 du code du travail limitant à 10 heures la durée quotidienne du travail effectif ; qu'en disant cependant que la rupture du contrat de travail était imputable au salarié et en le déboutant en conséquence de ses demandes de dommages et intérêts, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L.1243-1 du code du travail.

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