Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 13 septembre 2012, 11-17.915, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mlle X..., engagée le 25 octobre 1996 par l'association Organisme de gestion de l'enseignement catholique Saint-Joseph, en qualité de surveillante, a été licenciée pour faute grave le 19 décembre 2003 ;

Sur le second moyen du pourvoi principal et le moyen unique du pourvoi incident :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces moyens qui ne sont pas de nature à permettre l'admission des pourvois ;

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal pris en sa première branche :

Vu les articles L. 1232-2 et L. 1232-3 du code du travail ;

Attendu que pour rejeter la demande de la salariée en paiement de dommages-intérêts pour procédure irrégulière, l'arrêt retient que la salariée a été convoquée à l'entretien préalable au licenciement qui devait se tenir le lundi 15 décembre 2003 "en présence de M. Y..., vice-président de l'OGEC", et que s'il est exact que l'employeur ne démontre pas quelle est ou était la véritable qualité de cette personne, la salariée, qui a fait le choix de ne pas se déplacer à cet entretien, ne peut en dénoncer les supposées irrégularités de forme ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé, si M. Y... était ou non un membre du personnel de l'entreprise, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;


PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur la seconde branche du premier moyen du pourvoi principal :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de Mme X... en paiement de dommages-intérêts pour procédure irrégulière, l'arrêt rendu le 17 mars 2011, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne l'association Organisme de gestion de l'enseignement catholique Saint-Joseph aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Mme X... une somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize septembre deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils, pour Mme X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR débouté Mademoiselle X... de sa demande d'une indemnité de 1.610 euros pour non respect de la procédure de licenciement ;

AUX MOTIFS QUE Madame X... a été convoquée à l'entretien préalable qui devait se tenir le lundi 15 décembre 2003 "en présence de monsieur Y..., vice-président de l'Ogec" ; s'il est exact que l'intimée ne démontre pas quelle est ou était la véritable qualité de cette personne, la salariée qui a fait le choix de ne pas se déplacer à cet entretien ne peut en dénoncer les supposées irrégularités de forme ; que la procédure de licenciement est donc régulière ;

ALORS QUE la finalité même de l'entretien préalable et les règles relatives à la notification du licenciement interdisent à l'employeur de donner mandat à une personne étrangère à l'entreprise pour procéder à cet entretien et notifier le licenciement ; que Mademoiselle X... avait été convoquée à un entretien préalable « en présence de Monsieur Y..., vice président de l'OGEC »; qu'en statuant par des motifs inopérants selon lesquels l'OGEC ne démontrait pas « quelle est ou était la véritable qualité de cette personne » sans même rechercher, comme elle y était invitée, si Monsieur Y... était ou non une personne étrangère à l'OGEC, en sorte que la salariée était convoquée à un entretien irrégulier, auquel elle était partant en droit de ne pas se rendre, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 1232-2 et L.1232-3 du Code du travail;

ALORS en outre QUE l'entretien préalable est organisé dans le seul intérêt du salarié; que pour débouter Mademoiselle X... de sa demande de dommages et intérêts pour non respect de la procédure de licenciement, en considérant que « la salariée qui a fait le choix de ne pas se déplacer à cet entretien ne peut en dénoncer les supposées irrégularités de forme », la Cour d'appel a ajouté une condition qui ne figure pas dans la loi, et partant, violé les articles L.1232-2 et L.1232-3 du Code du travail;

SECOND MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR débouté Mademoiselle X... de sa demande de requalification professionnelle et de condamnation de l'OGEC à lui payer à titre rappel de salaires la somme de 42.223,66 euros et de 4.222,36 euros à titre de congés payés afférents ;

AUX MOTIFS QU' aux termes de son contrat de travail du 25 octobre 1996, madame X... était engagée dans la catégorie C suivant la classification prévue à l'article 2 de la convention collective; qu'elle devait assurer "des fâches de surveillance et d'animation " et qu'elle était "susceptible de prendre des initiatives, et d'organiser des activités sous J'autorité d'un responsable" ; que par ailleurs, l'avenant du 18 janvier 2002 rappelle qu'elle "assure un service de surveillance et d'animation des élèves. Elle est particulièrement chargée de la discipline, de l'accueil et des sorties des élèves" et prévoit qu'elle "pourra éventuellement être amenée dans le cadre de ses heures à assurer le suivi administratif des élèves, uniquement sur demande du Chef d'établissement et sous sa responsabilité" ; que la salariée prétend qu'en réalité elle effectuait "de nombreuses tâches, non seulement de surveillance mais également techniques, intervenant soit directement pour effectuer des travaux, soit en qualité de chef de chantier pour coordonner les travaux effectués par plusieurs entreprises extérieures" et c'est pourquoi elle revendique la qualification de cadre, coefficient G ; qu'aux ternies de la convention collective : - le cadre coefficient E exerce, sur délégation écrite, "une fonction d'encadrement de personnels et/ou de coordination d'activités : animation, éducation, vie scolaire, surveillance", - le cadre coefficient F exerce les mêmes fonctions que celui au coefficient E mais a en plus "la responsabilité d'au moins 10 divisions ou 150 internes pour les internats ou 4 divisions pour les SES" ; - enfin, le cadre coefficient G est recruté de gré à gré et il entre dans la définition "autre personnel cadre éducation " ; qu'à l'appui de sa revendication, madame X... verse aux débats les documents suivants: - une attestation de sa directrice, madame A..., datée du 25 août 2000 qui certifie qu'elle "assume les fonctions d'intendante (suivi des travaux et entretien…), de responsable du parc informatique ainsi gué la fonction de conseiller d'éducation et qui affirme en outre qu'elle l'a ''remplacée plusieurs fois lors de ses déplacements" ; que toutefois, l'étroite connivence existant entre ces deux salariées qui vont les pousser à s'entendre pour dissimuler à leur employeur l'activité de madame X... pendant les congés scolaires à partir de l'été 2002 démontre que madame A... n'offre pas les garanties nécessaires d'impartialité qui seules permettraient de prendre son témoignage en considération ; - un document intitulé "analyse pou (sic) envisager l'avenir" daté du 29 juin 2001 dans lequel une consultante chargée notamment d'analyser les fonctionnements du personnel écrit ce qui suit : "Le profil de Véronique X... actuellement en arrêt maladie et qui occupait un poste au service encadrement a également été réalisé. Sa dominante organisationnelle et KO forte lire personne font d'elle une possible personne ressource pour la gestion quotidienne de la logistique" ; que cependant, comme l'indique bien cette consultante, l'analyse de la personnalité et des fonctions de madame X... a été effectuée alors que celle-ci était absente pour cause de maladie - depuis fin septembre 1999 - et son "profil" n'a donc pu être réalisé que sur la présentation qu'en a faite sa directrice dont il a été vu qu'elle avait perdu toute objectivité à l'égard de cette salariée; que par ailleurs, il ne peut être écarté les précautions prises par la rédactrice du rapport qui utilise le conditionnel en suggérant que "son côté pragmatique pourrait permettre au chef d'établissement une délégation au quotidien" et qui indique qu ' "il serait souhaitable que la personne puisse se former et développer des compétences sur deux registres : I. gestion financière, bâtiment (..) 2. gestion des ressources humaines" ; que ce document ne prouve donc pas que madame X... occupait réellement des fonctions d'encadrement ; - les documents suivants : * l'attestation du 12 juillet 2000 du gérant de la société "Copat" selon laquelle madame X... "a effectué depuis de nombreuses années des tâches d'intendance à savoir: études de devis, suivi de travaux" et celle du 17 juillet 2000 du gérant de "Sud est diffusion matériel" selon lequel madame X... "a suivi le chantier de montage et assemblage de quatre classes (...) entre le 6 et le 20 août 1998" ; que ces deux attestations, délivrées pendant l'arrêt maladie de l'intéressée, étaient en réalité destinées à conforter la proposition d'avancement que fera madame A... le 25 août 2000 ; que or, la première est imprécise et subjective en ce qu'elle fait état de "tâches d'intendance" et la seconde ne retrace qu'une activité ponctuelle et ancienne ; que l'une et l'autre ne reflètent pas l'activité ordinaire de la salariée ; * les courriels transmis à madame X... les 3 avril 2002 par les établissements "Baussan Bongiovanni" (devis pour des rideaux métalliques), 22 avril 2002 par l'entreprise "Newbat" (devis d'un plancher pour coursive), la lettre de "Sud est diffusion matériel" du 3 avril 2002 (devis pour la fourniture de 6 cellules à usage, de classes), la télécopie du 4 février 2003 de la Sari d'architecture "L'Acrau" (2 façades de classes supplémentaires), ne permettent pas d'apprécier s'ils sont en rapport avec son activité de salariée de l'Ogec ou plus vraisemblablement, compte tenu des dates, avec son emploi temporaire et occulte au profit de la société Proman ; qu'en revanche la lettre de l'entreprise l'Occitanne du 5 avril 2004 qui confirme que l'intéressée était sa "principale interlocutrice lors des travaux réalisés au cours de l'été 2002pour le compte de l'école Saint Joseph" démontre que madame X... n'hésite pas à créer la confusion entre son emploi au profit de l'entreprise de travail temporaire et son activité au sein de l'Ogec ; - la lettre d'un huissier de justice datée du 5 janvier 2004 qui confirme que madame X... était présente et l'a "assisté" dans ses opérations lors de ses deux interventions au collège Saint-Joseph ; que ce document, qui ne précise ni les dates des interventions ni leur nature ne démontre en rien les activités d'encadrement revendiquées par la salariée ; qu'ainsi il ne résulte pas des pièces versées au dossier que madame X... exerçait des fonctions d'encadrement dans le cadre de son activité salariée pour l'Ogec ;

ALORS QUE le juge doit vérifier si les fonctions effectivement exercées par le salarié remplissent chacun des critères conventionnels ; qu'en l'espèce, les fonctions de cadre de coefficient G sont définies par « autre personnel d'éducation » ; qu'en décidant qu'il ne résultait pas des pièces versées aux débats par Mademoiselle X... qu'elle exerçait des fonctions d'encadrement dans le cadre de son activité salariée pour l'OGEC, sans rechercher si les fonctions réellement exercées par la salariée correspondaient bien, comme elle le soutenait, en « de nombreuses tâches, non seulement de surveillance mais également techniques, intervenant soit pour effectuer des travaux, soit en qualité de chef de chantier pour coordonner les travaux effectués par plusieurs entreprises extérieures » et pouvaient correspondre à la définition du coefficient G, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1134 du Code civil et de la convention collective du personnel d'éducation ;

Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils pour l'association Organisme de gestion de l'enseignement catholique Saint-Joseph (OGEC).

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR dit que les faits reprochés à Madame X... ne constituaient pas une faute grave et que son licenciement ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS QU'il est établi, et non contesté, que sans avoir au préalable sollicité l'autorisation de son employeur, l'OGEC, Madame A..., chef de l'établissement Saint-Joseph, a fait recruter son amie Madame X... en qualité de chef de chantier par l'entreprise de travail temporaire PROMAN afin de coordonner et superviser des travaux qui ont été réalisés pendant les vacances dans l'enceinte de l'établissement scolaire où cette dernière était employée en qualité de surveillante.

II n'est pas contestable que pour dissimuler son intervention à l'OGEC, plusieurs factures de la société PROMAN ont été falsifiées afin de faire disparaître le nom de madame X... - masqué par du correcteur liquide blanc - et le remplacer par le patronyme fictif "Séverine B..." et qu'une autre facture a été intégralement refaite.

Toutefois, l'information judiciaire diligentée suite à la plainte avec constitution de partie civile de l'OGEC s'est achevée par une décision de non-lieu, confirmée le 31 octobre 2007 par la chambre de l'instruction de la Cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE selon laquelle les infractions d'emploi de main d'oeuvre en dehors des cas autorisés, d'escroquerie et de faux ne sont pas constituées car :

* la réalité des travaux effectués par le personnel mis à disposition par PROMAN sous la direction de Madame X... n'était pas contestée par le représentant de L'OGEC qui avait payé les sept factures établies par l'entreprise de travail temporaire ;

* les embauches et notamment celle de madame X... par PROMAN avaient été faites conformément au Code du travail et les personnes employées avaient été régulièrement déclarées aux organismes sociaux ;

* "la falsification des factures litigieuses dont l'auteur n'a pas été identifié ne fait aucun doute" mais il ne résulte pas de la procédure d'information qu'elle soit "de nature à causer un préjudice à quiconque".

Dans le cadre de la procédure prud'homale, l'employeur, sur qui repose la charge de la preuve, ne démontre pas que Madame X... s'est fait régler des heures supplémentaires indues et plus précisément que les heures supplémentaires visées dans la lettre de licenciement n'ont pas réellement été effectuées en plus de son activité au profit de la société PROMAN.

Le fait d'avoir dissimulé à son employeur son activité de chef de chantier au profit de la société PROMAN à l'intérieur de l'établissement scolaire où elle exerçait habituellement ses fonctions démontre certes un manque de transparence envers l'OGEC mais cette faute n'était pas suffisamment grave pour interdire le maintien de Madame X... dans l'entreprise y compris pendant la période de préavis d'autant que l'intéressée, il convient de le rappeler, a agi de la sorte avec le plein accord de sa directrice d'établissement.

Son licenciement sera donc déclaré dépourvu de cause réelle et sérieuse.

ALORS QUE si la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs articulés à l'encontre du salarié et les conséquences que l'employeur entend en tirer quant aux modalités de rupture, il appartient au juge de qualifier les faits invoqués ; que pour juger le licenciement de Madame X... sans cause réelle et sérieuse, la Cour d'appel s'est bornée à juger que la faute de la salariée n'était pas suffisamment grave pour interdire son maintien dans l'entreprise sans rechercher si les faits dénoncés dans la lettre de licenciement n'étaient pas constitutifs d'une faute de nature à conférer une cause réelle et sérieuse au licenciement, de sorte que la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 1232-6 et L. 1235-1 du Code du travail.

Retourner en haut de la page