Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 15 mars 2012, 10-27.065, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 1442-19 du code du travail ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagé le 5 janvier 1981 par la Société européenne de propulsion en qualité d'agent de service paye, M. X..., qui exerçait en dernier lieu les fonctions de directeur d'établissement pour le compte de la société Aircelle, a été licencié le 30 décembre 2005 ; que M. X... et son employeur ont le 15 février 2006 conclu une transaction ; qu'invoquant la violation de son statut protecteur résultant de son mandat de conseiller prud'homme, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes indemnitaires pour licenciement illicite et violation du statut protecteur ;

Attendu que pour dire que la transaction du 15 février 2006 avait été valablement conclue et déclarer irrecevables les demandes indemnitaires formées par le salarié, la cour d'appel relève que celui-ci, de par ses fonctions, avait pleinement conscience de ce que la procédure de licenciement n'avait pas tenu compte de son mandat de conseiller prud'homme et a, en signant cette transaction, fait en toute connaissance de cause le choix de renoncer à se prévaloir de la méconnaissance de son statut de salarié protégé ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la protection exceptionnelle et exorbitante du droit commun des salariés investis de fonctions représentatives a été instituée non dans leur seul intérêt, mais dans celui de l'ensemble des salariés, en sorte qu'est atteinte d'une nullité absolue d'ordre public la transaction conclue avec l'employeur avant la notification du licenciement, lequel ne peut avoir lieu qu'après obtention de l'autorisation administrative, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que la transaction du 15 février 2006 avait été valablement conclue entre les parties et déclaré irrecevables les demandes indemnitaires formées par le salarié, l'arrêt rendu le 28 septembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen ,

Condamne la société Aircelle aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Aircelle et la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mars deux mille douze.


MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. X...

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la transaction conclue entre les parties le 15 février 2006 a été valablement conclue entre les parties et en conséquence débouté le salarié de ses demandes indemnitaires ;

AUX MOTIFS QUE les salariés investis de fonctions représentatives ne pouvant renoncer par avance aux dispositions protectrices exorbitantes du droit commun instituées en leur faveur et dans l'intérêt de l'ensemble des salariés, il en résulte qu'est atteinte d'une nullité absolue d'ordre public la transaction conclue avec l'employeur avant la notification du licenciement. Cependant rien n'interdit aux salariés protégés, lorsqu'un licenciement même illégal, leur a été notifié, de renoncer à réclamer une réintégration et de conclure avec l'employeur une transaction en vue de régler les conséquences pécuniaires de la rupture du contrat de travail.
La transaction conclue entre les parties le 15 février 2006 a eu pour objet de mettre fin au litige existant entre elles et relatif au licenciement intervenu ainsi qu'aux conditions et conséquences de quelque nature qu'elles soient, et notamment juridique et pécuniaire, de l'exécution et de la rupture du contrat de travail de Joël X.... Il a principalement été convenu, à titre de concessions réciproques :
- que Joël X... quitterait la société le 30 juin 2006 au terme du préavis payé et non effectué d'une durée de six mois, et que la société AIRCELLE lui verserait diverses sommes à titre de salaire du mois de juin, solde du 13ème mois, congés payés et épargne temps, une indemnité conventionnelle de licenciement de 124.519 €, et la somme de 47.107 € à titre d'indemnité forfaitaire, transactionnelle et définitive destinée à réparer le préjudice moral et professionnel qu'il estimait avoir subi ;
- que Joël X... renonçait à une partie des dommages et intérêts qu'il réclamait à hauteur de 60.000 € et acceptait à titre d'indemnité forfaitaire, transactionnelle et définitive la somme de 47.107 €, en contrepartie de laquelle il renonçait définitivement et irrévocablement à former toutes demandes en paiement au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail et se déclarait rempli de l'intégralité de ses droits.
La société AIRCELLE et Joël X... ont également renoncé expressément et définitivement l'une envers l'autre à toutes instances ou actions et à toutes réclamations découlant de leurs rapports de droit antérieurs au titre du contrat de travail ou ayant un lien avec le licenciement, et Joël X... a reconnu avoir disposé d'un délai de réflexion suffisant pour avoir pu prendre conseil et faire l'étude de ses droits et obligations en fonction desquels a été convenu le protocole transactionnel.
Joël X..., dont les fonctions lui permettaient d'avoir pleinement conscience de ce que la procédure de licenciement n'avait pas tenu compte de son mandat de conseiller prud'homme, et qui ne prétend pas que son consentement aurait été vicié par une manoeuvre dolosive, a, en signant cette transaction, fait en toute connaissance de cause le choix de renoncer à se prévaloir de la méconnaissance de son statut de salarié protégé et de solliciter sa réintégration alors qu'il pouvait sans attendre engager à cette fin l'action prud'homale qu'il a différée pendant plus de trois ans.
La transaction qui a ainsi été valablement conclue ayant entre les parties l'autorité de la chose jugée en dernier ressort (article 2052 du Code civil), les demandes indemnitaires formées par Joël X... à l'encontre de la société AIRCELLE sont irrecevables et il ne peut qu'en être débouté.

ALORS QUE la protection exceptionnelle et exorbitante du droit commun des salariés investis de fonctions représentatives a été instituée non dans leur seul intérêt, mais dans celui de l'ensemble des salariés ; qu'il en résulte qu'est atteinte d'une nullité absolue d'ordre public la transaction conclue avec l'employeur avant la notification du licenciement, lequel ne peut avoir lieu qu'après obtention de l'autorisation administrative ; qu'en l'espèce, le licenciement du salarié est intervenu sans même qu'une autorisation administrative ait été sollicitée ; que dès lors la transaction conclue avec l'employeur était nulle ; qu'en jugeant du contraire la Cour d'appel a violé ensemble les dispositions de l'article 2044 et suivants du Code civil et L.2411-22 du Code du travail ;

ET ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE pour être licite, la transaction doit comporter des concessions réciproques ; qu'ainsi est nulle faute de concession de la part de l'employeur la transaction dont l'indemnité transactionnelle est inférieure à l'indemnité minimale à laquelle le salarié avait droit ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations mêmes des juges du fond que de telles concessions faisaient défaut, l'indemnité transactionnelle de 47.107€ étant très nettement inférieure au montant de l'indemnité pour violation du statut protecteur et de l'indemnité pour licenciement illicite auxquelles le salarié avait droit ; qu'en retenant cependant la validité de la transaction, la Cour d'appel a violé les dispositions des articles 2044 et suivants du Code civil.

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