Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 7 avril 2011, 10-17.575, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel (Aix-en-Provence, 10 février 2010), que M. X..., avocat, a défendu les intérêts de la commune de Nice dans un litige civil devant le tribunal de grande instance, puis devant la cour d'appel ; que le 24 juin 2008, il a émis une facture d'honoraires à laquelle la commune a opposé la prescription quadriennale de l'article 1 de la loi du 31 décembre 1968 au titre des honoraires réclamés pour la procédure diligentée devant le tribunal ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu que M. X... fait grief à l'ordonnance de taxer à un certain montant ses honoraires, alors, selon le moyen, que la prescription de l'action des avocats pour le paiement de leurs honoraires court à compter de la date à laquelle leur mandat a pris fin, soit notamment à la date de la décision juridictionnelle mettant fin au contentieux qu'ils avaient été chargés de mener dans l'intérêt de leur client ; que la prescription quadriennale de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968, aux termes duquel «sont prescrites au profit de l'Etat, des départements, et des communes, sans préjudice des déchéances particulières et sous réserve des dispositions de cette même loi, toutes les créances qui n'ont pas été payées dans le délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis», court donc à compter du 1er janvier de l'année qui suit celle au cours de laquelle une telle décision juridictionnelle a été rendue ; qu'en vertu de l'article 2 de cette loi, cette prescription est interrompue par toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, qui a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, et par tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance ; qu'en l'espèce le mandat de M. X..., que la commune avait chargé de mener un contentieux devant le tribunal de grande instance de Nice puis devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, a pris fin par le prononcé de l'arrêt de cette cour d'appel du 22 février 2005 ; qu'au sens du premier texte précité la créance d'honoraires de M. X... a donc été acquise au cours de l'année 2005 ; que par suite, la prescription quadriennale de cette loi a commencé à courir le 1er janvier 2006 pour venir à expiration le 31 décembre 2009 de sorte qu'elle a été valablement interrompue par la demande de paiement de l'ensemble des honoraires du 24 juin 2008 et la contestation portée le 31 mars 2009 devant le bâtonnier ; qu'en fixant le point de départ de cette prescription au 1er janvier de l'année suivant celle des dernières conclusions de M. X... du 25 octobre 2000 devant la cour d'appel, soit au 1er janvier 2001, pour en déduire qu'elle n'avait pas été interrompue avant le 31 décembre 2004, le premier président a violé les textes susvisés ;

Mais attendu que l'ordonnance retient que M. X... versait aux débats un courrier de la ville daté du 21 juillet 2000 lui demandant de relever appel du jugement du 27 mars 2000 ; que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'interprétation que le premier président a décidé que ce courrier démontrait que la mission initiale de l'avocat s'était achevée à cette date et que le client avait dû le mandater une seconde fois pour l'appel ; qu'il en a exactement déduit que la prescription était acquise pour la demande en paiement des honoraires dus au titre des diligences effectuées devant le tribunal ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :

Vu les articles 1 et 2 de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968, ensemble l'article 420 du code de procédure civile ;

Attendu, selon le premier de ces textes, que sont prescrites au profit de l'Etat, des départements et des communes toutes les créances qui n'ont pas été payées dans le délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ; qu'il résulte du second de ces textes que la prescription de l'action des avocats pour le paiement de leurs honoraires court à compter de la date à laquelle leur mandat a pris fin ;

Attendu que pour déclarer prescrite la demande de taxation des honoraires de M. X... pour ses diligences effectuées dans la procédure d'appel antérieurement au 1er janvier 2005, l'ordonnance retient, par motifs adoptés, que les conclusions d'appel sont datées du 25 octobre 2000 ; que le droit à honoraire de M. X... pour cette diligence était atteinte par la déchéance quadriennale ;

Qu'en statuant ainsi alors que le mandat de M. X... avait pris fin avec l'arrêt du 22 février 2005, de sorte que la prescription n'était pas acquise pour ses honoraires concernant la procédure d'appel lors de l'envoi de sa facture d'honoraires le 31 mars 2009, le premier président a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'elle a fixé à la somme de 874,50 euros les honoraires dus à M. X... pour la procédure d'appel, l'ordonnance n° RG : 09/14006 rendue le 10 février 2010, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance et, pour être fait droit, les renvoie devant le premier président de la cour d'appel de Lyon ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes respectives des parties ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance partiellement cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept avril deux mille onze.


MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Delvolvé, avocat aux Conseils, pour M. X...

IL EST REPROCHE A L'ORDONNANCE CONFIRMATIVE ATTAQUEE D'AVOIR évalué les honoraires dus à Me X... par le maire de la ville de NICE à la somme de 750 € HT soit 874,50 € TTC et dit que celui-ci devait lui régler cette somme,

AUX MOTIFS PROPRES QUE M. X... avait défendu les intérêts de la ville dans un litige civil devant le tribunal de grande instance puis devant la cour d'appel ; que le 24 juin 2008 il avait émis une facture d'honoraires que la ville avait refusé de régler en invoquant la déchéance quadriennale ; que M. X... reprochait en vain à la ville de vouloir prendre en compte les prestation isolément alors que, selon lui, elles formaient un tout, à savoir la mission qui lui avait été confiée ; qu'en effet M. X... avait, à l'évidence, facturé ses diligences devant le tribunal de grande instance séparément de celles devant la cour puisque la facture litigieuse ne mentionnait que ces débours devant le tribunal de grande instance ; qu'en outre il versait lui-même aux débats un courrier de la ville de NICE daté du 21 juillet 2000 lui demandant de relever appel du jugement du 27 mars 2000 ; que ce courrier démontrait que sa mission initiale avait été achevée et que le client avait dû le mandater une seconde fois pour l'appel ; que d'autre part, s'agissant des diligences devant la cour, le bâtonnier, juge naturel de l'honoraire, les avait justement appréciées en fixant les honoraires y afférents dans la décision querellée, étant d'ailleurs observé que la facture litigieuse ne mentionnait ni le taux horaire ni le temps consacré à leur accomplissement et que l'honoraire réclamé avait manifestement un caractère forfaitaire ; que le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de NICE avait tenu compte des critères de référence énumérés par l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 et des diligences de l'avocat pour évaluer la manière rigoureuse les honoraires dus à celui-ci ; et AUX MOTIFS ADOPTES QUE la facture n°08-054 détaillait les débours sans référence de date ; qu'il ressortait des pièces jointes que les assignations étaient en date des 30 juillet 1993 et 9 décembre 1998, le paiement au greffe du tribunal de commerce du 18 décembre 1998, les actes du palais des 22 octobre 1999, 5 octobre 1993 et 15 novembre 1996, le jugement du 27 mars 2000 et l'arrêt de la cour du 22 février 2005 ; qu'il suivait de là que seul le droit de plaidoirie sur l'arrêt n°2005/142 rendu le 22 février 2005 était exigible à l'encontre de la ville de NICE pour 8,84 euros ; que la facture Vacations et honoraires détaillait les vacations et honoraires sans référence de date ; qu'il ressortait des pièces versées aux débats que la déclaration de créance était en date du 24 novembre 1998, la requête en relevé de forclusion du 10 décembre 1998, les assignations des 30 juillet 1993 et 9 décembre 1998, les conclusions du 15 novembre 1996, le jugement du 27 mars 2000 et les conclusions d'appel du 25 octobre 2000 ; qu'il n'était pas contesté que le droit à honoraires de Me X... pour l'ensemble de se diligences était atteint par la déchéance quadriennale soulevée à juste titre par la ville ; que l'arrêt n° 2005/142 rendu le 22 février 2005 permettait de comprendre que Me X... s'est fait substituer par son collaborateur à l'audience qui s'était tenue le 18 janvier 2005 ; qu'en l'absence de précision de Me X... sur la durée de cette audience, on pouvait raisonnablement estimer que le temps de parcours pour y parvenir s'était élevé à quatre heures aller-retour et que l'audience avait pu durer une heure ; que compte tenu de taux horaires habituellement pratiqué par Me X... pour 150 euros HT, c'était donc une somme de 750 euros HT qui était due à Maître X..., soit 874,50 euros TTC,

ALORS D'UNE PART QUE la prescription de l'action des avocats pour le paiement de leurs honoraires court à compter de la date à laquelle leur mandat a pris fin, soit notamment à la date de la décision juridictionnelle mettant fin au contentieux qu'ils avaient été chargés de mener dans l'intérêt de leur client ; que la prescription quadriennale de l'article 1e r de la loi du 31 décembre 1968, aux termes duquel «sont prescrites au profit de l'Etat, des départements, et des communes, sans préjudice des déchéances particulières et sous réserve des dispositions de cette même loi, toutes les créances qui n'ont pas été payées dans le délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis», court donc à compter du 1er janvier de l'année qui suit celle au cours de laquelle une telle décision juridictionnelle a été rendue ; qu'en vertu de l'article 2 de cette loi, cette prescription est interrompue par toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, qui a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, et par tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance ; qu'en l'espèce le mandat de Me X..., que la ville avait chargé de mener un contentieux devant le Tribunal de grande instance de NICE puis devant la Cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, a pris fin par le prononcé de l'arrêt de cette cour d'appel du 22 février 2005 ; qu'au sens du premier texte précité la créance d'honoraires de Me X... a donc été acquise au cours de l'année 2005 ; que par suite la prescription quadriennale de cette loi a commencé à courir le 1er janvier 2006 pour venir à expiration le 31 décembre 2009 de sorte qu'elle a été valablement interrompue par la demande de paiement de l'ensemble des honoraires du 24 juin 2008 et la contestation portée le 31 mars 2009 devant le bâtonnier ; qu'en fixant le point de départ de cette prescription au 1e r janvier de l'année suivant celle des dernière conclusions de Me X... du 25 octobre 2000 devant la cour d'appel, soit au 1er janvier 2001, pour en déduire qu'elle n'avait pas été interrompue avant le 31 décembre 2004, le premier président de la cour d'appel a violé les textes susvisés,

ALORS D'AUTRE PART QU'en tout état de cause, s'il devait être distingué entre le mandat confié pour la procédure de première instance et le mandat confié pour la procédure d'appel, la créance d'honoraires pour cette procédure avait été acquise à la date de l'arrêt du 22 février 2005 ; que par suite la prescription quadriennale avait commencé à courir le 1er janvier 2006 pour venir à expiration le 31 décembre 2009 de sorte qu'elle a été valablement interrompue par la demande de paiement des honoraires y afférents du 24 juin 2008 et la contestation portée le 31 mars 2009 devant le bâtonnier ; qu'en fixant le point de départ de cette prescription au 1er janvier de l'année suivant celle des dernière conclusions de Me X... du 25 octobre 2000 devant la cour d'appel, soit au 1er janvier 2001, pour en déduire qu'elle n'avait pas été interrompue avant le 31 décembre 2004, le premier président de la cour d'appel a violé les mêmes textes.

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