Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 9 mars 2011, 10-11.581, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'au sein de la division transport du groupe Norbert Dentressangle, les sociétés Norbert Dentressangle Silo (ND Silo), Norbert Dentressangle Bennes (NDB) et Norbert Dentressangle Inter-Pulve (ND IP) forment une unité économique et sociale (l'UES Norbert Dentressangle Vrac) dotée d'un comité central d'entreprise ; qu'en décembre 2008, le licenciement pour motif économique de neuf salariés est intervenu au sein de la société NDB, suivi dans diverses sociétés de l'UES d'un nombre important de départs volontaires, notamment sous forme de ruptures conventionnelles, dans un contexte de suppression d'emplois due à une baisse d'activité, les employeurs " souhaitant utiliser les ruptures conventionnelles plutôt que le plan de sauvegarde de l'emploi " ; qu'entre le 30 novembre 2008 et le 13 mars 2009, l'effectif de l'UES est ainsi passé de 577 à 530 salariés ; que ces ruptures se révélant insuffisantes, deux nouveaux projets de licenciement économique portant chacun sur neuf salariés ont été envisagés dans les sociétés NDB et ND Silo ; que les sociétés de l'UES ont alors accepté " de se soumettre volontairement " à l'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi commun présenté au comité central d'entreprise en mai 2009 ; que le comité a refusé de donner un avis et a saisi le tribunal de grande instance afin d'obtenir l'annulation de la procédure d'information et de consultation, celle du plan de sauvegarde de l'emploi et celle des ruptures conventionnelles ainsi que des dommages-intérêts ; que les syndicats CFTC et CFDT se sont joints à l'action ;

Sur le second moyen du pourvoi incident des sociétés :

Attendu qu'il n'y a lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Sur le premier moyen du pourvoi incident des sociétés :

Attendu que les sociétés formant l'unité économique et sociale Norbert Dentressangle Vrac font grief à l'arrêt de déclarer recevable et bien fondée l'action des syndicats et du comité d'entreprise en nullité du plan de sauvegarde de l'emploi qu'elles ont élaboré, alors, selon le moyen :

1°/ que l'obligation d'établir un plan de sauvegarde de l'emploi pèse sur l'employeur en sorte que c'est au niveau de l'entreprise qu'il dirige que doivent être vérifiées les conditions d'effectif et le nombre des licenciements qui imposent l'établissement et la mise en oeuvre d'un tel plan ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu qu'il résultait de la démarche conventionnelle des sociétés exposantes qu'elles s'étaient " soumises volontairement à l'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi commun " de sorte qu'elles devaient être " considérées comme une seule et même entreprise au regard des obligations imposées par l'article L. 1233-61 et suivants du code du travail " ; qu'en se déterminant ainsi, sans constater que les sociétés exposantes composant l'UES avaient la qualité d'employeur des salariés concernés par le plan de sauvegarde de l'emploi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de la disposition précitée et de l'article L. 1235-10 du code du travail ;

2°/ que la nullité d'un plan de sauvegarde de l'emploi suppose qu'une telle sanction ait été expressément prévue ; que la nullité ne saurait donc intervenir en cas de mise en oeuvre conventionnelle d'un plan et que la convention ne prévoit aucunement que la sanction de son insuffisance sera la nullité ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, pour décider que la demande en nullité du comité et des syndicats était recevable, en retenant qu'il résultait de la démarche conventionnelle des sociétés exposantes qu'elles s'étaient " soumises volontairement à l'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi commun " de sorte qu'elles devaient être " considérées comme une seule et même entreprise au regard des obligations imposées par l'article L. 1233-61 et suivants du code du travail ", a violé la disposition précitée et l'article L. 1235-10 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu que si les conditions d'effectifs et de nombre de licenciements dont dépend l'obligation d'établir un plan de sauvegarde de l'emploi s'apprécient au niveau de l'entreprise que dirige l'employeur, il en va autrement lorsque, dans le cadre d'une unité économique et sociale, la décision de licencier a été prise au niveau de cette unité ; que la cour d'appel, ayant constaté que les sociétés formant l'unité économique et sociale s'étaient concertées pour envisager simultanément une série de licenciements économiques relevant d'un même plan de restructuration et dont le nombre était d'au moins dix, l'établissement d'un plan de sauvegarde de l'emploi résultait d'une obligation légale ;

Que par ce motif de pur droit substitué à celui critiqué, après avis donné aux parties, l'arrêt se trouve légalement justifié ;

Sur le second moyen du pourvoi principal :

Attendu que le comité d'entreprise et les syndicats font grief à l'arrêt de les dire irrecevables en leurs demandes tendant à juger que le recours à des ruptures conventionnelles s'analyse en un plan de réorganisation comportant des réductions d'effectifs s'inscrivant donc dans la procédure de licenciement collectif pour motif économique et, en conséquence, à juger ces ruptures entachées de fraude et, partant, nulles et de nul effet, alors, selon le moyen, que le litige portant sur l'application des règles du licenciement collectif pour motif économique, en particulier l'application des règles relatives au plan de sauvegarde de l'emploi, et non sur la régularité intrinsèque de chacune des conventions de rupture conclues entre l'employeur et des salariés, le comité central d'entreprise, garant des droits attachés à la procédure collective de licenciement pour motif économique et les syndicats, garants de l'intérêt collectif de la profession, étaient recevables à agir dans un tel litige relevant de la compétence de la juridiction de droit commun ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a, par motifs propres et adoptés, violé les articles L. 1237-14, L. 2323-1 et L. 2132-3 du code du travail ;

Mais attendu qu'abstraction faite du motif surabondant relatif à la compétence de la juridiction saisie, la cour d'appel a retenu à bon droit, par motifs propres et adoptés, que le comité d'entreprise et les syndicats n'étaient pas recevables, faute de qualité, à demander l'annulation de conventions de rupture auxquelles ils n'étaient pas parties, une telle action ne pouvant être exercée que par les salariés concernés ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses deuxième et troisième branches :

Vu les articles L. 1233-3, alinéa 2, du code du travail et 12 de l'accord national interprofessionnel étendu du 11 janvier 2008 relatif à la modernisation du marché du travail, appliqués à la lumière de la directive n° 98/ 59/ CE du Conseil du 20 juillet 1998 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives aux licenciements collectifs ;

Attendu que lorsqu'elles ont une cause économique et s'inscrivent dans un processus de réduction des effectifs dont elles constituent la ou l'une des modalités, les ruptures conventionnelles doivent être prises en compte pour déterminer la procédure d'information et de consultation des représentants du personnel applicable ainsi que les obligations de l'employeur en matière de plan de sauvegarde de l'emploi ;

Attendu que pour débouter le comité et les syndicats de leur demande de dommages-intérêts pour non respect de la procédure de licenciement limitée au seul projet de dix-huit licenciements économiques proprement dits, l'arrêt retient que les ruptures conventionnelles résultant d'un motif économique échappent légalement au droit du licenciement économique ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que de nombreuses ruptures conventionnelles résultant d'une cause économique étaient intervenues dans un contexte de suppressions d'emplois dues à des difficultés économiques et qu'elles s'inscrivaient dans un projet global et concerté de réduction des effectifs au sein de l'unité économique et sociale, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur la première branche du premier moyen du pourvoi principal :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que la procédure d'information et de consultation du Comité central d'entreprise de l'unité économique et sociale Norbert Dentressangle Vrac limitée au projet concernant dix-huit licenciements pour motif économique avait été régulière et débouté en conséquence le comité et les syndicats de leurs demandes de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 23 novembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne les sociétés Norbert Dentressangle Silo, NDB SAS et ND Inter-Pulve SAS aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les sociétés Norbert Dentressangle Silo, NDB SAS et ND Inter-Pulve SAS à payer au Comité central d'entreprise de l'unité économique et sociale ND Vrac et au syndicat CFTC du groupe N. Dentressangle la somme globale de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf mars deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour le Comité central d'entreprise de l'unité économique et sociale ND Vrac.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté le comité et les organisations syndicales de leur demande tendant à voir juger que le recours à des ruptures conventionnelles s'analyse en un plan de réorganisation comportant des réductions d'effectifs s'inscrivant donc dans la procédure de licenciement collectif pour motif économique, de leur demande tendant, en conséquence, à voir juger ces ruptures entachées de fraude et partant, nulles et de nul effet ainsi que de leur demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif de la profession.

AUX MOTIFS QUE l'inspecteur du travail avait adressé le 19 mai 2009 un courrier d'observations à ND Silo dont il peut être retenu le point suivant : « 2. Rupture du contrat de travail pour motif économique. La Direction Départementale du Travail, de l'Emploi et de la Formation Professionnelle de Moselle a homologué la rupture conventionnelle de Mme X... Elodie en date du 02/ 02/ 2009 et de Mme Y... Karine en date du 06/ 02/ 2009. Lors du CHSCT du 27 mars 2009, il a été indiqué que les postes tenus par ces deux salariés ont été supprimés et ne seront pas remplacés du fait de la situation économique. L'article L1233-3 du code du travail dispose que constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail résultant de l'une des causes énoncées au premier alinéa. Il en résulte que la rupture conventionnelle n'est pas applicable quand il y a des suppressions de postes liés à la situation économique de l'entreprise. Dans ce cadre, en application de la circulaire DGT n° 2008-11 du 22/ 07/ 08 et n° 2009-04 du 17/ 03/ 09, l'administration doit notamment vérifier si la rupture conventionnelle ne s'inscrit pas dans une démarche visant à contourner les procédures et garanties en matière de licenciements économiques et collectifs. Je vous précise qu'en cas de rupture du contrat de travail pour motif économique de deux à neuf salariés sur une même période de trente jours, le comité d'établissement doit être consulté en application de l'article L1233-8 du code du travail, des critères doivent être pris en compte dans le choix du ou des salariés concernés (article L1233-5 du code du travail) et vous devez satisfaire à l'obligation de reclassement en application de l'article L1233-4 du code du travail. Vous me justifierez donc du respect de la réglementation en cette matière » ; que la question qui se pose dans le cadre de la présente procédure n'est pas de savoir, ainsi que le soutiennent les appelants, s'il y a fraude des sociétés composant l'UES car tel n'est pas le cas lorsque l'employeur agit en respectant une règle légale explicitement destinée à faire échapper au droit du licenciement collectif les ruptures conventionnelles lorsqu'il n'est pas envisagé un licenciement pour motif économique de moins de 10 salariés, quel que soit le motif ayant conduit l'employeur à initier ces départs volontaires et donc y compris lorsque ce motif est explicitement économique comme dans le cas de l'UES ; que la question qui se pose est de savoir si au regard des termes de la directive 98/ 59/ CE du Conseil du 20 juillet 1998 qui dispose que « considérant que pour le calcul du nombre de licenciements prévu dans la définition des licenciements collectifs au sens de la présente directive, il convient d'assimiler aux licenciements d'autres formes de cessation du contrat de travail intervenues à l'initiative de l'employeur pour autant que les licenciements soient au moins au nombre de cinq », l'article L 1233-3 qui exclue du champ des deux seuils rendant obligatoire l'information et la consultation des représentants du personnel et la mise en oeuvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi, est compatible avec le texte de la directive qui précise qu'elle ne porte pas atteinte à la faculté des Etats membres d'introduire des dispositions plus favorables aux travailleurs ; qu'il convient en effet de distinguer entre d'une part les ruptures conventionnelles individuelles qui ne relèvent plus de la procédure de licenciements collectifs depuis la modification de l'article 1233-3 dernier alinéa résultant de l'entrée en vigueur de la loi de 2008 qui produit ses effets dans les rapports salarié-employeur et d'autre part le décompte des cessations de contrats de travail ouvrant les seuils déclenchant la mise en oeuvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi ou d'un plan de départs volontaires pour lesquels la directive 98/ 59/ CE impose la prise en compte de toutes les formes de cessation d'activité mises en oeuvre par l'employeur ; qu'en décidant de mettre en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi dont il a été jugé et dont il est confirmé ici qu'il concernait l'ensemble des sociétés composant l'UES et tous les licenciements pour motif économique envisagés en leur sein dès lors que l'employeur a volontairement décidé de traiter les licenciements répartis sur deux sociétés de l'UES dans un même plan de sauvegarde de l'emploi au travers de l'accord de méthode adopté, l'UES échappe à la critique qui lui est adressée.

ALORS QUE, aux termes de l'article 2 de la directive n° 98/ 59/ CE concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives aux licenciements collectifs, lorsqu'un employeur envisage d'effectuer des licenciements collectifs, il est tenu de procéder, en temps utile, à des consultations avec les représentants des travailleurs en vue d'aboutir à un accord, cette procédure portant au moins sur les possibilités d'éviter ou de réduire les licenciements collectifs ainsi que sur les possibilités d'en atténuer les conséquences par le recours à des mesures sociales d'accompagnement visant notamment l'aide au reclassement ou à la reconversion des travailleurs licencié ; que, selon l'article 1er de cette même directive, pour le calcul du nombre de licenciements, sont assimilées aux licenciements les cessations du contrat de travail intervenues à l'initiative de l'employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne des travailleurs ; qu'il en résulte que le recours à des modes de rupture autres que des licenciements ne peut avoir pour objet ou pour effet d'éluder l'application de la procédure de licenciement collectif ; que cependant, pour juger que l'employeur avait pu valablement présenter un plan de licenciement collectif concernant 18 emplois seulement et poursuivre, dans la même période, la rupture de contrats de travail pour motif économique par le biais de ruptures conventionnelles en dehors de ce plan, la Cour d'appel a opéré une distinction entre le décompte des cessations de contrats de travail ouvrant les seuils déclenchant la mise en oeuvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi ou d'un plan de départs volontaires pour lesquels la directive 98/ 59/ CE impose la prise en compte de toutes les formes de cessation d'activité et les ruptures conventionnelles individuelles qui ne relèvent plus de la procédure de licenciements collectifs ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a, par fausse interprétation, violé les textes susvisés.

Et ALORS encore QUE si, en application de l'article L. 1237-11 du Code du travail, l'employeur et le salarié peuvent valablement rompre le contrat de travail par une rupture conventionnelle, il résulte de la combinaison des articles L. 1233-3 alinéa 2 et L. 1237-16 du Code du travail, interprétés à la lumière de la directive n° 98/ 59/ CE concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives aux licenciements collectifs, que le recours à ce mode de rupture ne peut avoir pour objet ou pour effet d'éluder l'application du droit du licenciement collectif pour motif économique et de priver les salariés des garanties attachées à un plan de sauvegarde de l'emploi ; que la Cour d'appel a jugé que l'employeur avait pu valablement présenter un plan de licenciement concernant 18 emplois et poursuivre légalement la rupture de contrats de travail pour motif économique par le biais de ruptures conventionnelles ; que cependant, en cantonnant la procédure collective de licenciement pour motif économique engagée à seulement 18 emplois sur deux établissements tout en recourant, dans la même période, de manière massive, systématique et coordonnée, à des ruptures conventionnelles en dehors de cette procédure afin de supprimer de nombreux emplois pour un motif économique, ce dont il résultait que cette pratique avait eu pour objet ou pour effet d'éluder l'application du droit du licenciement collectif pour motif économique et de priver les salariés concernés du bénéfice des mesures d'un plan de sauvegarde de l'emploi, la Cour d'appel a violé les textes susvisés.

ALORS, à tout le moins, QU'il n'était nullement soutenu que les ruptures conventionnelles seraient, en elles-mêmes frauduleuses mais que le recours dans une même période, de manière massive, systématique et coordonnée, à des ruptures conventionnelles en dehors de toute procédure collective afin de supprimer de nombreux emplois pour un motif économique pour échapper aux obligations d'information et de consultation des représentants du personnel d'une part, d'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi d'autre part, constituait une fraude au droit du licenciement collectif ; qu'en retenant que le recours à des ruptures conventionnelles est exclusif de toute fraude dès lors que ce mode de rupture est légal, la Cour d'appel a modifié les termes du litige et, partant, violé l'article 4 du Code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR jugé irrecevable les demandes du comité et des organisations syndicales tendant à voir juger que le recours à des ruptures conventionnelles s'analyse en un plan de réorganisation comportant des réductions d'effectifs s'inscrivant donc dans la procédure de licenciement collectif pour motif économique, tendant, en conséquence, à voir juger ces ruptures entachées de fraude et partant, nulles et de nul effet ainsi que tendant au paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif de la profession.

AUX MOTIFS propres QU'il n'entre pas dans la compétence du tribunal de grande instance d'apprécier la régularité des ruptures conventionnelles, seul le conseil de prud'hommes étant compétent pour statuer sur la contestation de ces ruptures conventionnelles ; que le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes des appelants relatives aux ruptures conventionnelles.

AUX MOTIFS adoptés QU'aux termes de l'article L. 1237-14 alinéa 4 du Code du travail, « tout litige concernant la convention, l'homologation ou le refus d'homologation relève de la compétence du Conseil des Prud'hommes à l'exclusion de tout autre recours contentieux ou administratif (…) » ; (…) qu'à supposer même que le législateur n'ait pas souhaité faire échapper totalement les ruptures conventionnelles aux règles relatives aux licenciements économiques (hors les cas de rupture amiable intervenant dans le cadre d'un accord GPEC ou d'une PSE), ce qui fait l'objet de discussions sérieuses en doctrine, il convient de constater qu'en état de cause, le comité d'entreprise et les organisations syndicales n'ont aucune qualité pour solliciter l'annulation des conventions de ruptures litigieuses, auxquelles ils ne sont pas parties (étant observé au surplus que les salariés signataires n'ont été ni appelés en cause, ni même été avertis de la procédure en cours) ; qu'il convient en conséquence de déclarer irrecevable leur demande tendant à voir déclarer ces conventions nulles et de nul effet.

ALORS QUE le litige portant sur l'application des règles du licenciement collectif pour motif économique, en particulier l'application des règles relatives au plan de sauvegarde de l'emploi, et non sur la régularité intrinsèque de chacune des conventions de rupture conclues entre l'employeur et des salariés, le comité central d'entreprise, garant des droits attachés à la procédure collective de licenciement pour motif économique et les syndicats, garants de l'intérêt collectif de la profession, étaient recevables à agir dans un tel litige relevant de la compétence de la juridiction de droit commun ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a, par motifs propres et adoptés, violé les articles L 1237-14, L. 2323-1 et L. 2132-3 du Code du travail.

Moyens produits au pourvoi incident par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour les sociétés Norbert Dentressangle Silo, NDB SAS et ND Inter-Pulve SAS.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré recevable et bien fondée l'action des syndicats et du Comité d'entreprise, en nullité du plan de sauvegarde de l'emploi élaboré par les sociétés de l'UES NORBERT DENTRESSANGLE.

AUX MOTIFS PROPRES QUE : « Sur le plan de sauvegarde de l'emploi : Attendu que le 2 mai 2009 un accord de méthode a été signé au niveau de I'UES dans la mesure où était envisagé le licenciement pour motif économique de 18 salariés, 9 sur ND B St Rambert d'Albon et 9 sur ND Silo Sandouville ; que les entreprises Composant I'UES Vrac ont donc volontairement accepté de se situer dans le cadre des dispositions de l'article L. 1233-21 du code du travail et de prendre en compte le fait que les deux séries de licenciements devaient être traitées globalement au niveau de l'UES ; Attendu que c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont considéré qu'à partir du moment où les sociétés réunies au sein de I'UES ont décidé de se soumettre volontairement à l'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi commune elles doivent être considérées comme une seule et même entreprise au regard des obligations imposées par l'article L. 1233-61 et suivants du code du travail ; Attendu que sur ce premier plan, la demande des appelants relative à la nullité du plan de sauvegarde de l'emploi en raison de son insuffisance au regard des moyens dont dispose l'UES Vrac et le groupe ND, est donc bien recevable ; »

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE : « 1) Sur le plan de sauvegarde de l'emploi : a) sur la recevabilité de la demande d'annulation : Attendu qu'aux termes de l'article 1233-61 du Code du Travail « dans les entreprises de 50 salariés et plus, lorsque le projet de licenciement concerne 10 salariées ou plus dans une même période de 30 jours, l'employeur établit et met en neutre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre. Ce plan intègre un plan de reclassement visant à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité, notamment celui des salariés âgés ou présentant des caractéristiques sociales ou de qualification rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile ; Attendu que si, en application de ce texte, l'obligation d'établir un plan de sauvegarde de l'emploi qui pèse sur l'employeur doit en principe être appréciée au niveau de l'entreprise ou de l'établissement, en ce qui concerne les conditions d'effectif et de nombre des licenciements imposant la mise en oeuvre d'un tel plan, des entreprises formant une unité économique et sociale et qui se concertent pour engager simultanément une série de licenciements économiques relevant d'un même projet de plan de une série de licenciements économiques relevant d'un même projet de plan de restructuration, peuvent décider de se soumettre volontairement à l'élaboration d'un plan commun de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements envisagés ou pour en limiter le nombre ; Or attendu qu'en l'espèce, un accord de méthode a été signé le 12 mai 2009 entre l'U. E S. composée des sociétés défenderesses, représentée par M. David Z... (directeur général de la société N. D. SILO et président des sociétés N. D. B. et N. D INTER-PULVE) d'une part et le personnel de I'U. E. S. représenté par Messieurs A... (délégué syndical central C. F. T. C.) et B... (délégué syndical central C. F. D. T.) d'autre part afin, conformément aux dispositions du chapitre 6 de l'accord triennal de Gestion Prévisionnelle des emplois et de compétences signé le 28 avril 2009, de gérer les deux procédures de restructuration envisagés sur les sites de SAINT RAMBERT et de SANDOUVILLE au niveau de l'U. E S. et d'engager une procédure commune d'information et de consultation au niveau de l'UES et des CE des établissements concernés ; Que cet accord poursuit notamment l'objectif conforme aux prévisions légales d'assurer une information complète des institutions représentatives du personnel des établissements de l'U. E. S. concernés par la restructuration et de veiller à ce que le personnel touché par la restructuration bénéficie d'un accompagnement efficace ; Attendu que toute la procédure soumise à l'appréciation du tribunal s'est déroulée au niveau de I'U. E. S. Attendu qu'il résulte de ces constatations que les sociétés N. D, SILO, N. D. B. et. N. D. INTER-PULVE se sont soumises volontairement à l'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi commun et doivent être considérées, comme une seule et même entreprise au regard des obligations imposées par les articles l 233-6 1 et suivants du Code du Travail relatifs à l'élaboration et au contenu d'un tel plan ; Qu'il convient en conséquence de déclarer recevable la demande du comité l'entreprise de I'U. E. S. N. D. Vrac, du syndicat C. F. T. C. du groupe N. D. et de la F. G. T. E.- C. F. D. T tendant à voir prononcer l'annulation du plan de sauvegarde de l'emploi et par voie de conséquence de l'ensemble de la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise de L'U. E. S., N. D. Vrac et des comités l'établissement sur le projet de restructuration avec compression d'effectif. »

1. ALORS QUE l'obligation d'établir un plan de sauvegarde de l'emploi pèse sur l'employeur en sorte que c'est au niveau de l'entreprise qu'il dirige que doivent être vérifiées les conditions d'effectif et le nombre des licenciements qui imposent l'établissement et la mise en oeuvre d'un tel plan ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a retenu qu'il résultait de la démarche conventionnelle des sociétés exposantes qu'elles s'étaient « soumises volontairement à l'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi commun » de sorte qu'elles devaient être « considérées comme une seule et même entreprise au regard des obligations imposées par l'article L. 1233-61 et suivants du Code du travail » ; qu'en se déterminant ainsi, sans constater que les sociétés exposantes composant l'UES avaient la qualité d'employeur des salariés concernés par le plan de sauvegarde de l'emploi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de la disposition précitée et de l'article L. 1235-10 du Code du travail.

2. ALORS QUE la nullité d'un plan de sauvegarde de l'emploi suppose qu'une telle sanction ait été expressément prévue ; que la nullité ne saurait donc intervenir en cas de mise en oeuvre conventionnelle d'un plan et que la convention ne prévoit aucunement que la sanction de son insuffisance sera la nullité ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel, pour décider que la demande en nullité du Comité et des syndicats était recevable, en retenant qu'il résultait de la démarche conventionnelle des sociétés exposantes qu'elles s'étaient « soumises volontairement à l'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi commun » de sorte qu'elles devaient être « considérées comme une seule et même entreprise au regard des obligations imposées par l'article L. 1233-61 et suivants du Code du travail », a violé la disposition précitée et L. 1235-10 du Code du travail, ensemble l'article 1134 du Code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit et jugé que le plan de sauvegarde de l'emploi mis en place par les sociétés composant l'UES NORBERT DENTRESSANGLE était insuffisant et d'AVOIR en conséquence dit ce plan était nul et de nul effet.

AUX MOTIFS QUE : « Qu'un projet de plan de sauvegarde de l'emploi daté du 07/ 05/ 2009 a été soumis au comité central d'entreprise ; que la DDTEFP a été informée par courrier du 20 l'nui 2009 ; Attendu que le DDTE a répondu le 22 juin 2009 ; que ses observations portaient sur la cellule de reclassement le congé de reclassement l'aide à la formation, l'aide à la création d'entreprise, l'allocation temporaire dégressive, l'aide à la mobilité géographique et la commission de suivi ; Attendu qu'il convient de rappeler sa conclusion : « En conclusion, compte tenu des moyens dont dispose l'UES et de groupe Norbert Dentressangle (3 milliards d'suros de chiffre d'affaire, 30 000 salariés, 370 Implantations sur 14 pays européens), l'indigence du contenu du projet de plan de sauvegarde de l'emploi traduit une absence de volonté d'oeuvrer en faveur du reclassement des salariés licenciés. Un plan de sauvegarde de l'emploi n'est pas un exercice de style purement formel que l'on peut se permettre d'aborder avec désinvolture, mats un engagement unilatéral ferme portant sur des mesures concrètes, précises et efficientes. » ; Attendu qu'un plan de sauvegarde de l'emploi doit comporter des messes précises pour faciliter le reclassement du personnel et éviter ainsi des licenciements ou en limiter le nombre ; qu'il a été précisé lors de la réunion extraordinaire du comité d'entreprise ND S et B du 18/ 06/ 2009 par l'employeur que dans un premier temps est prévue la mise en place prioritaire d'actions favorisant le reclassement interne et notamment l'affichage de la liste des postes ouvert au recrutement au niveau du poupe ND, postes reconnus réels et valables par le comité central d'entreprise ; que les modalités de mise en oeuvre en interne et de suivi sont précisément prévues, que les formations d'adaptation en interne sont financés sans limitation de montant par l'entreprise ; qu'un maintien de la rémunération est prévu pendant la durée du stage jusqu'à laissée du préavis ; Attendu que le DDTE a rappelé qu'en fixant le congé de reclassement à 4 mois, l'employeur s'est arrêté au minimum légal et que « cette durée s'avère largement insuffisante » ; une durée de 9 mois était demandée ; que l'employeur a porté la durée à 5 mois seulement pour les salariés de plus de 50 ans ; Attendu que le projet de plan de sauvegarde de l'emploi a prévu la création par la DRH de I'UES d'une cellule de reclassement constituée par une antenne d'emploi basée dans les établissements concernés ; qu'une telle organisation n'a été jugée sérieuse ni par les représentants des salariés ni par le DDTE qui n'y a vu qu'un simulacre de cellule de reclassement ; qu'elle indique qu'aucun moyen n'est prévu ni aucun engagement en terme d'offre valable d'emploi ; que pas plus n'est prévu de durée de fonctionnement de cette cellule dont le DDTB estime qu'elle doit être de 12 mois minimum ; Que lors de la réunion du comité central d'entreprise du 26 juin 2009, a été annoncée la décision de recourir à une cellule externe de reclassement pour une durée de 5 mois, ouverte aux salariés licenciés économiques adhérents ou pas au congé reclassement ; Attendu que le DDTE a encore constaté qu'aucun budget n'a été prévu pour les actions de formation destinées à faciliter les reclassements externes, ce qui équivaut à une absence d'engagement, le DDTE indiquant qu'un montant de 6000 suros est un minimum pour envisager de façon manieuse la mise en oeuvre de formations de reconversion ; que le plan de sauvegarde de l'emploi prévoit un financement limité à la mise en place de la cellule d'accompagnement et au paiement des actions de formation et de validation des acquis de l'expérience dans la limite de formations d'une durée de 15 jours ; que le salaire doit être m maintenu pendant la durée du préavis puis passe au-delà de cette durée à 85 % de la rémunération brute moyenne des 12 mois précédant la notification du licenciement sans pouvoir être inférieur à 85 % du SMIC étant précisé par ailleurs que la période post préavis n'ouvre pas droit aux congés payés ni à ancienneté ; Que c'est à juste titre que le DDTE relève qu'en fait ces actions restent soumis à l'accord de la direction, que cette possibilité de refus par l'employeur a été maintenue (page 18, 7 1 in fine) ; qu'il en résulte qu'outre le caractère réduit de l'effort de l'entreprise, celle-ci continue'a se réserver la possibilité d'y faire obstacle ; Attendu que l'aide à la création d'entreprise inexistante dans le projet se limite à une allocation de 2500 euros outre le remboursement des frais d'inscription à l'examen ; Attendu que s'il est prévu diverses aides à la mobilité en cas de reclassement interne, rien n'est prévu en cas de reclassement externe des salariés ; Attende que les premiers juges ont admis les insuffisances | du plan de sauvegarde de l'emploi au regard des moyens dont dispose un groupe de la taille de la société Norbert Dentressangle ; qu'en jugeant que ces insuffisances n'étaient pas d'une gravité telle qu'elles puissent justifier l'annulation du plan de sauvegarde de l'emploi et de l'ensemble de la procédé d'information et de consultation du comité l'entreprise ayant débuté le 19 mai 2009, ils n'ont pas tiré les conséquences de leurs constatations ; qu'il apparaît en effet que chaque mesure n'est prise qu'à minima et excède à peine ce que la loi imposait ; qu'en outre aucun effort n'est réellement fait en vue de favoriser les reclassement externes ; que la conclusion de la DDTEFP reste donc part parfaitement valable ses observations n'ayant pas été prises en compte ; Que le jugement sera donc infirmé de ce chef et le plan de sauvegarde de l'emploi ainsi que la prorogée qui l'a précédée étant annulés ; »

1. ALORS QUE le défaut de réponse à conclusion équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, les exposantes faisaient précisément valoir (conclusions récapitulatives, p. 15 et s.) et offraient de prouver (pièces 16 à 22-4, production) que, conformément aux objectifs assignés au plan de sauvegarde de l'emploi, le plan institué avait permis d'éviter la quasi-totalité des licenciements envisagés ; qu'en décidant cependant que le plan était insuffisant sans apporter la moindre réponse à ce moyen décisif, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.

2. ALORS QU'il échet au juge du plan de sauvegarde de l'emploi d'apprécier la pertinence des mesures qui composent le plan qui lui est soumis ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel, sans apprécier la valeur des mesures du plan relatives à la cellule de reclassement, a tenu pour acquises les considérations des représentants des salariés et de la Direction Départementale du Travail et de l'Emploi, retenant que la « conclusion » de celle-ci « rest ait donc part parfaitement valable ses observations n'ayant pas été prises en compte » et refusant ainsi d'exercer son office en violation de l'article 4 du Code de procédure civile.

3. ALORS QUE le plan de sauvegarde de l'emploi de l'UES VRAC prévoyait expressément, dans son état final, outre des aides à la mobilité en cas de reclassement interne, la prise en charge par l'entreprise d'une allocation mensuelle pendant 12 mois en cas de reclassement externe (PSE, p. 16, production) ; que la Cour d'appel a toutefois retenu que « s'il était prévu diverses aides à la mobilité en cas de reclassement interne, rien n'était prévu en cas de reclassement externe » (arrêt attaqué, p. 9), dénaturant ainsi la pièce produite en violation de l'article 1134 du Code civil.

4. ALORS QUE le plan de sauvegarde de l'emploi de l'UES VRAC prévoyait expressément, dans son état final comme dans son état initial, que les actions de formation destinées à faciliter le reclassement externe seraient financées intégralement, sans limitation de montant, et que ces formations seraient validées par la commission de suivi (PSE, p. 17 et 27) ; que la Cour d'appel a cependant retenu, pour considérer que le plan était insuffisant, que « ces actions rest aient soumises à l'accord de la direction » et « que cette possibilité de refus par l'employeur a vait été maintenue (p. 18, 7. 1 in fine) » si bien « qu'outre le caractère réduit de l'effort de l'entreprise, celle-ci continu ait à se réserver la possibilité d'y faire obstacle » (arrêt attaqué, p. 10), dénaturant ainsi la pièce produite en violation de l'article 1134 du Code civil.

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