Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 5 janvier 2011, 09-71.790, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu que Mme X... a été engagée le 4 août 1992 en qualité de secrétaire par la société Gestrim aux droits de laquelle vient la société Urbania Cannes Uffi ; que le 27 janvier 2005 elle a saisi la juridiction prud'homale d'une demande tendant à obtenir notamment la condamnation de son employeur à lui payer un rappel de salaire fondé sur un "rattrapage conventionnel de fonction", des heures supplémentaires, une indemnité pour travail dissimulé, ainsi que la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que la salariée reproche à l'arrêt de la débouter de toutes ses demandes formées au titre de la rupture du contrat de travail, alors, selon le moyen :

1°/ que dans ses conclusions d'appel, la salariée faisait valoir, à l'appui de sa demande en résiliation du contrat de travail, que l'employeur avait modifié les modalités de calcul de sa rémunération de manière à la priver du bénéfice de la régularisation de sa classification ; qu'en laissant sans réponse ce moyen déterminant, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que la mauvaise foi de l'employeur n'est pas une condition du prononcé à ses torts de la résiliation du contrat de travail ; qu'en considérant, après avoir constaté que la salariée avait, pendant quatre années, été payée comme une simple secrétaire tandis qu'elle exerçait en réalité des fonctions d'assistante de copropriété et avoir condamné l'employeur au paiement, de ce chef, d'un rappel de salaire de 6 825,68 euros, qu'en l'absence de mauvaise foi de l'employeur, un tel manquement n'était pas d'une gravité suffisante pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail, la cour d'appel a violé l'article 1184 du code civil ;


Mais attendu que la cour d'appel, appréciant souverainement la réalité et la gravité des manquements que la salariée imputait à l'employeur a estimé, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, que le seul fait établi à son encontre n'était pas d'une gravité suffisante pour justifier la résiliation du contrat de travail ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen :

Vu l'article R. 1452-7 du code du travail ;

Attendu qu'aux termes de ce texte, les demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail sont recevables en tout état de cause, même en appel, sans que puissent être opposées les limites de l'appel ;

Et attendu que la demande de Mme X... de se voir attribuer le coefficient 310 de la convention collective à partir de 2008 était nouvelle comme n'ayant pu être soumise aux premiers juges qui avaient statué par jugement du 12 septembre 2007 ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour a violé le texte susvisé ;

Et sur le deuxième moyen :

Vu l'article L. 3171-4 du code du travail ;

Attendu qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ;

Attendu que pour rejeter la demande de la salariée en paiement d'heures supplémentaires et de travail dissimulé, la cour d'appel énonce que celle-ci produit un planning non signé, non-opposable à l'employeur, et qu'elle ne fournit pas à la cour d'éléments de nature à étayer sa demande ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la salariée avait produit un décompte des heures qu'elle prétendait avoir réalisées auquel l'employeur pouvait répondre, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que la cour d'appel a dit irrecevable la demande de reclassification de Mme X... au coefficient 310 à compter de 2008 et l'a déboutée de ses demandes en paiement d'heures supplémentaires et d'indemnité pour travail dissimulé, l'arrêt rendu le 7 septembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne la société Urbania Cannes Uffi aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq janvier deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt.

Moyens produits par Me Haas, avocat aux Conseils, pour Mme X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR rejeté les demandes de la salariée tendant à l'attribution du coefficient 310 à compter de l'année 2008, à la modification subséquente de ses bulletins de salaire et documents sociaux et de toutes les demandes qu'elle avait formées au titre de la rupture du contrat de travail ;

AUX MOTIFS QUE, sur la reclassification, Mme X... demande sa reclassification dans les fonctions de gestionnaire de copropriétés, sollicitant l'attribution de coefficients allant de 290 en 1993 à 310 en 2008 ; que cependant ce point, tranché par le premier juge, n'est pas compris dans l'objet limité de son appel ; que sa demande est irrecevable ;

ALORS QUE les demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail sont recevables en tout état de cause, même en appel ; qu'en déclarant irrecevable, dès lors que la question de la classification n'avait pas été visée par l'appel limité de la salariée, la demande de celle-ci tendant, sur le fondement de l'article 36 de la convention collective nationale de l'immobilier, à l'attribution du coefficient 310 à compter de l'année 2008, cependant que cette demande n'avait pas été soumise au conseil de prud'hommes, n'avait pas été tranchée par cette juridiction et n'aurait pas pu l'être puisque son jugement était intervenu le 5 décembre 2007, la cour d'appel a violé les articles R. 1452-7 du code du travail et 562 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté la salariée de ses demandes tendant au paiement d'heures supplémentaires et d'une indemnité pour travail dissimulé et de toutes les demandes qu'elle avait formées au titre de la rupture du contrat de travail ;

AUX MOTIFS QUE, sur les heures supplémentaires et le travail dissimulé, au soutien de sa demande, la salariée produit un planning non signé, non opposable à l'employeur ; qu'elle ne fournit donc pas d'éléments de nature à étayer cette demande ;

ALORS QUE la preuve des heures de travail effectuées par le salarié n'incombe spécialement à aucune des parties ; que le juge ne peut, pour rejeter une demande d'heures supplémentaires, se fonder sur l'insuffisance des preuves apportées par le salarié mais doit examiner les éléments de nature à justifier les horaires qu'il a effectivement réalisés et que l'employeur est tenu de lui fournir ; qu'ayant observé que la prétention de sa salariée était étayée par un tableau récapitulatif, qu'elle ne pouvait pas écarter en raison de son caractère unilatéral sans examiner les éléments de nature à justifier les heures réellement effectuées par la salariée et que l'employeur était tenu de lui fournir, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur la seule salariée, a violé l'article L. 3174-1 du code du travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté la salariée de toutes les demandes qu'elle avait formées au titre de la rupture du contrat de travail ;

AUX MOTIFS QUE la faute de l'employeur, dont la mauvaise foi n'est pas établie, relative à la classification de la salariée, ne revêt pas une gravité suffisante pour justifier la résiliation judiciaire du contrat ; que les courriers échangés entre le 31 mai 2005 et le 13 juillet 2006 ne constituent pas, de la part de l'employeur, une faute de nature à justifier la résiliation du contrat de travail à ses torts étant donné que l'employeur a respecté la procédure prévue par l'article L. 1233-3 du code du travail, n'a engagé aucune procédure de licenciement et avait le droit de refuser de revenir sur les conditions de travail qu'il avait initialement proposées à la salariée le 31 mai 2005 ;

ALORS, 1°), QUE, dans ses conclusions d'appel (pp. 7, 8 et 22), la salariée faisait valoir, à l'appui de sa demande en résiliation du contrat de travail, que l'employeur avait modifié les modalités de calcul de sa rémunération de manière à la priver du bénéfice de la régularisation de sa classification ; qu'en laissant sans réponse ce moyen déterminant, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS, 2°), QUE la mauvaise foi de l'employeur n'est pas une condition du prononcé à ses torts de la résiliation du contrat de travail ; qu'en considérant, après avoir constaté que la salariée avait, pendant quatre années, été payée comme une simple secrétaire tandis qu'elle exerçait en réalité des fonctions d'assistante de copropriété et avoir condamné l'employeur au paiement, de ce chef, d'un rappel de salaire de 6.825,68 euros, qu'en l'absence de mauvaise foi de l'employeur, un tel manquement n'était pas d'une gravité suffisante pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail, la cour d'appel a violé l'article 1184 du code civil.

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