Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 15 décembre 2010, 08-45.161, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... qui, employée en qualité de cuisinière depuis le 24 mai 2005 par la société Vanessche Verhaghe, aux droits de laquelle se trouve la société Holding Verhaghe, prétendait avoir fait l'objet, le 28 mai 2005, d'un licenciement discriminatoire, a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;

Sur le premier moyen :

Vu les articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;

Attendu que pour débouter la salariée de sa demande de dommages-intérêts en réparation du caractère illicite de son licenciement prononcé en raison de son état de santé, la cour d'appel énonce que la salariée qui produit un avis d'arrêt de travail, se contente d'affirmer que la rupture de son contrat de travail a été motivée par son état de santé et ne démontre pas en conséquence que son licenciement était lié à celui-ci ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il incombe seulement au salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de soumettre au juge des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination et qu'elle avait constaté que le licenciement verbal de Mme X... était concomitant à son absence pour maladie survenue quatre jours après son engagement, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et attendu que la cassation prononcée sur ce moyen entraîne par voie de conséquence l'annulation du chef de l'arrêt accordant à la salariée des dommages-intérêts pour licenciement abusif ;

Sur le deuxième moyen :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que pour débouter la salariée de sa demande d'indemnité pour dissimulation d'emploi, l'arrêt retient que si l'employeur n'a pas procédé à la déclaration préalable d'embauche ni délivré à la salariée de bulletin de paie, le travail dissimulé n'est pas pour autant caractérisé dès lors que l'employeur produit une attestation démontrant qu'il envisageait de préparer, avec la participation de l'ANPE, un contrat initiative-emploi à proposer à la salariée et que son intention de dissimuler l'emploi n'est donc pas avérée ;

Qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à justifier sa décision, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

Sur le troisième moyen :

Vu les articles L. 1234-19, L. 3243-2 et R. 1234-9 du code du travail ;

Attendu que pour débouter la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour défaut de remise d'un certificat de travail, d'un bulletin de paie et d'une attestation d'assurance chômage, l'arrêt retient qu'elle ne justifie d'aucun préjudice ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le défaut de remise de ces documents entraînait nécessairement pour la salariée un préjudice qui devait être réparé, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute la salariée de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement illicite en raison de son caractère discriminatoire et par voie de conséquence en ce qu'il alloue à la salariée des dommages-intérêts pour licenciement abusif, d'indemnité de travail dissimulé et de dommages-intérêts pour défaut de délivrance d'un certificat de travail, d'un bulletin de paie et d'une attestation d'assurance chômage, l'arrêt rendu le 21 décembre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;

Condamne la société Holding Verhaghe aux dépens ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par Me Brouchot, avocat aux conseils pour Mme X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté une salariée, Mademoiselle X..., de sa demande de condamnation de son employeur, la Société HOLDING VERHAGHE, venant aux droits de la Société VERHAGHE VANESSCHE, au paiement d'une somme de 7. 716, 54 euros à titre d'indemnité pour licenciement discriminatoire ;

AUX MOTIFS QUE la démission ne se présume pas ; qu'en l'absence de volonté claire et non équivoque du salarié de démissionner, il incombe à l'employeur, qui souhaite rompre le contrat, de le licencier ; qu'en l'absence de volonté claire et non équivoque de démissionner de la part du salarié, la rupture du contrat de travail s'analyse nécessairement en un licenciement ;
qu'en application de l'article L. 122-45 du Code du travail, aucun salarié ne peut être licencié en raison de son état de santé ; que dans ce cas le licenciement est nul ; qu'en l'espèce, Clémentine X... prétend avoir été victime d'un licenciement verbal en raison de son arrêt maladie des 27 et 28 mai 2005 ; qu'à cet effet, elle produit un avis d'arrêt de travail ; que cependant, celle-ci se contente d'affirmer que la rupture de son contrat a été motivée par son état de santé sans apporter plus d'éléments ou d'explications à l'appui de sa demande ; qu'en conséquence, Clémentine X... ne démontre pas que son licenciement ait été lié à son état de santé ;

ALORS QU'aucun salarié ne peut faire l'objet d'une sanction disciplinaire tel qu'un licenciement en raison de son état de santé ; que, dans ses conclusions d'appel Mademoiselle X... avait fait valoir, en produisant son arrêt de travail à l'appui, que la décision clairement exprimée de la Société VERHAGHE VANESSCHE de ne pas la conserver au sein de son établissement à partir du 30 mai 2005 avait pour cause son état de santé à l'origine de cet arrêt de travail pour les deux jours précédents ; que pour débouter Mademoiselle X... de sa demande d'indemnisation, la Cour d'appel a affirmé qu'elle ne démontrait pas que son licenciement ait été lié à son état de santé ; qu'en se déterminant ainsi, la Cour d'appel a renversé le fardeau de la preuve en mettant à la charge de Mademoiselle X... la démonstration que son licenciement était motivé par son état de santé tandis qu'il appartenait à Société HOLDING VERHAGHE d'établir que le défaut de poursuite du contrat de travail avait eu une autre cause, violant ainsi les articles 1315 du Code civil et L. 1132-1 (ancien article L. 122-45) du Code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté une salariée, Mademoiselle X..., de sa demande de condamnation de son employeur, la Société HOLDING VERHAGHE, venant aux droits de la SARL VERHAGHE VANESSCHE, au paiement d'une indemnité de 7. 716, 54 euros pour travail dissimulé ;

AUX MOTIFS QUE l'article L. 324-10 du Code du travail dispose qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait, pour tout employeur, de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de l'une des formalités prévues aux articles L. 143-3 et L. 320 ; que constitue le délit de dissimulation d'emploi salarié le fait, pour un employeur, de se soustraire intentionnellement à la déclaration préalable d'embauche ou à la remise du bulletin de salaire ou encore de mentionner sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué ; qu'en l'espèce, la SARL VERHAGHE VANESSCHE n'a pas délivré à la salariée de bulletin de salaire ; que de plus, il n'a pas été procédé à la déclaration préalable auprès des organismes compétents ; que cependant le délit de travail dissimulé n'est constitué que dès lors que l'intention de l'employeur de dissimuler l'emploi peut être relevée ; que les éléments de l'espèce ne permettent pas de caractériser l'intention de la SARL VERHAGHE VANESSCHE de se soustraire aux obligations qui pourtant lui incombaient ;
que la seule circonstance de l'absence de remise du bulletin de paie et l'absence de déclaration préalable à l'embauche est insuffisante pour constituer le délit de travail dissimulé ; qu'enfin la SARL VERHAGHE VANESSCHE produit une attestation émanant de Christelle B...démontrant que l'employeur était sur le point d'élaborer, avec la participation de l'ANPE, un contrat initiative emploi pour la salariée ; que dès lors il démontre sa volonté de ne pas se soustraire au contrôle de l'administration ; qu'il convient, en conséquence, de débouter Clémentine X... de sa demande tendant au versement d'une somme au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L. 324-11-1 du Code du travail en cas de travail dissimulé ;

ALORS QUE constitue le délit de dissimulation d'emploi salarié, le fait, pour toute personne employant des salariés, de se soustraire intentionnellement, à la déclaration préalable d'embauche ou à la remise du bulletin de salaire ou encore de mentionner sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué ; que tout en constatant que la SARL VERHAGHE VANESSCHE n'avait ni remis de bulletin de paie à Mademoiselle X..., ni procédé à une déclaration préalable à l'embauche, la Cour d'appel s'est fondée sur une attestation émanant de Mademoiselle B..., sans autre indication sur son lien avec l'employeur, selon laquelle ce dernier aurait été en contact avec l'ANPE en vue de l'établissement d'un contrat initiative emploi pour Mademoiselle X... ; qu'en se fondant ainsi sur une circonstance inopérante ou tout au moins insuffisante à établir l'absence d'intention de la SARL VERHAGHE VANESSCHE de se soustraire intentionnellement à ses obligations légales de déclaration de tout salarié employé, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses observations tirées du défaut d'établissement et de remise de bulletin de paie à Mademoiselle X... et de l'absence de déclaration préalable à l'embauche, au regard des articles L. 8221-3-2° (ancien article L. 324-10 al. 3), L. 1221-10 (ancien article L. 320) et L. 8223-1 (ancien article L. 324-11-1) du Code du travail, qu'elle a ainsi violés.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté une salariée, Mademoiselle X..., de sa demande de condamnation de son employeur, la Société HOLDING VERHAGHE, venant aux droits de la Société VERHAGHE VANESSCHE, au paiement d'une indemnité réparatrice des préjudices subis du fait de l'absence de remise de bulletin de paie, de certificat de travail et d'attestation ASSEDIC ;

AUX MOTIFS QU'il incombe au salarié qui s'estime victime d'un préjudice distinct de celui causé par la rupture du contrat elle-même, d'en apporter la preuve et l'étendue ; que Clémentine X... prétend avoir subi un préjudice distinct du fait de l'absence d'information sur la convention collective applicable, du fait du non-paiement de l'intégralité du salarié, de l'absence de remise du bulletin de salaire, de l'absence de remise du certificat de travail, l'absence de remise de l'attestations ASSEDIC et de l'absence de visite médicale obligatoire d'embauche ; qu'elle sollicite la condamnation de la SARL VERHAGHE VANESSCHE à lui verser 500 euros à titre de dommages et intérêts pour chacune de ces carences dont se serait rendu coupable l'employeur ; que cependant Clémentine X... se contente d'affirmer qu'elle a subi un préjudice distinct du fait de ces carences de la part de l'employeur, sans apporter d'autres éléments à l'appui de ses demandes qu'ainsi elle ne démontre pas avoir subi un quelconque préjudice distinct ;

ALORS QUE le défaut de remise ou la remise tardive par l'employeur, lors de la rupture du contrat de travail, des documents essentiels tels que le certificat de travail ou l'attestation destinée à l'ASSEDIC entraîne pour le salarié un préjudice qui doit être réparé par les juges du fond ; que tout en constatant l'absence de remise du bulletin de salaire, l'absence de remise du certificat de travail, l'absence de remise de l'attestation ASSEDIC et l'absence de visite médicale obligatoire d'embauche, imputable à la Société VERHAGHE VANESSCHE, la Cour d'appel a cependant débouté Mademoiselle X... de ses demandes d'indemnisation de ces chefs, motif pris de ce qu'elle ne démontrerait pas avoir subi un quelconque préjudice distinct de celui résultant de la rupture abusive de son contrat de travail ; qu'en mettant ainsi à la charge de Mademoiselle X... une obligation de démonstration d'un préjudice distinct pour le déclarer non prouvé, la Cour d'appel a méconnu le principe précité emportant une présomption d'existence d'un préjudice en faveur du salarié privé de ces documents, violant ainsi les articles R. 1234-6 (ancien article R. 351-5) et D. 3141-34 (ancien article D. 732-8) du Code du travail et 1315 du Code civil.

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