Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 10 novembre 2010, 08-44.623, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 septembre 2008), que Mme X... engagée le 1er février 1969 en qualité de vendeuse par la société CPP, société placée en liquidation judiciaire le 31 octobre 2006, a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la condamnation de Mme Y..., ancienne gérante salariée de la société CPP, et de la société Fanny 2, gérée par la fille de Mme Y..., à lui payer des dommages-intérêts en raison de faits de harcèlement moral, ainsi que la résiliation judiciaire de son contrat de travail ;

Sur le premier moyen :

Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt de la condamner au paiement de dommages-intérêts pour des faits de harcèlement moral alors, selon le moyen :

1°/ que le préposé ne peut engager sa responsabilité civile personnelle pour des faits commis dans l'exercice de ses fonctions qu'en présence d'une faute personnelle revêtant le caractère d'une infraction intentionnelle ou d'une faute caractérisée au sens du code pénal ; que les dispositions incriminant le harcèlement moral, résultant de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002, ne sont pas applicables à des faits antérieurs à l'entrée en vigueur de cette loi ; qu'en l'espèce, en retenant la responsabilité délictuelle pour faute de Mme Y... sur le fondement de l'article 1382 du code civil, quand les faits qui lui étaient reprochés, antérieurs à la création d'une incrimination légale de harcèlement moral, ne pouvaient permettre d'engager la responsabilité civile personnelle d'un préposé, la cour d'appel a violé les articles 1382 et 1384 du code civil, ensemble les articles L. 122-49 et suivants du code du travail, devenus L. 1152-1 et suivants, les articles 112-1 et 222-33-2 du code pénal et l'article 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°/ que l'attestation contient la relation des faits auxquels son auteur a assisté ou qu'il a personnellement constatés ; qu'en l'espèce, pour retenir un prétendu harcèlement moral infligé à Mme X..., la cour d'appel s'est essentiellement fondée, de manière inopérante, sur des relations indirectes, émanant de personnes rapportant les propres dires de Mme X... concernant l'origine professionnelle prétendue de ses troubles ; qu'en se déterminant de la sorte, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 202 du code de procédure civile, et 1382 du code civil ;

3°/ que la contradiction de motifs équivaut à l'absence de motifs ; qu'après avoir retenu comme probantes les attestations produites par Mme X..., dans lesquelles il était indiqué que cette dernière était insultée et humiliée par Mme Y... « à longueur de journée et d'année, sans motif, devant le personnel, les fournisseurs et les clients », la cour d'appel a écarté les attestations des clients et fournisseurs produites par Mme Y... au motif qu'elles « ne permettaient pas d'exclure un harcèlement, qui pouvait se produire alors qu'ils les clients et fournisseurs n'étaient pas dans les locaux » ; qu'en se prononçant ainsi, par des motifs entachés d'une contradiction de fait, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leur prétention ; qu'il résultait des avis d'arrêt de travail produits aux débats que l'arrêt de travail dont Mme X... avait bénéficié, à compter du 1er février 1999, avait été prescrit par un médecin rhumatologue, puis prolongé à plusieurs reprises par ce même médecin ou par un chirurgien ; qu'il était également produit aux débats un certificat de ce médecin rhumatologue, qui affirmait que Mme X... souffrait « d'affectations rhumatologiques multiples avec contre-indication rhumatologique à la pratique de toute activité physique », ainsi qu'un courrier de Mme X... du 30 mai 1999, dans lequel elle informait ses employeurs que « ne pouvant rester debout toute la journée, je ne peux toujours pas reprendre mon travail » ; qu'en se bornant à relever que Mme X... avait fait l'objet de nombreux arrêts de travail prolongés, pour dire que le prétendu harcèlement exercé à son encontre avait détérioré sa santé mentale et entraîné des arrêts de travail prolongés, sans examiner même sommairement les éléments de preuve régulièrement produits aux débats, qui démontraient avec évidence que ces arrêts de travail étaient liés à des affections de nature rhumatologique, et ne pouvaient donc sérieusement révéler l'existence d'un harcèlement moral de nature à avoir affecté l'état psychologique de Mme X..., la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5°/ que pour évaluer à 180 000 euros le préjudice subi par Mme X... du fait du prétendu harcèlement moral dont elle aurait fait l'objet, la cour d'appel a relevé que la mise en invalidité précoce de Mme X... avait eu un impact dommageable sur ses revenus ; qu'en se déterminant de la sorte, sans caractériser le lien de causalité entre cette mise en invalidité et les affections résultant des prétendus actes de harcèlement moral, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient que Mme X... a été, entre 1982 et janvier 1999, victime d'un harcèlement moral imputable à Mme Y..., directrice générale salariée de la société CPP, qui a insulté à plusieurs reprises, en des termes particulièrement blessants et injurieux, la salariée et l'a humiliée en présence d'autres salariés de la société et de tiers ; qu'il en résulte que cette faute intentionnelle commise en violation de l'article L. 230-3 du code du travail alors applicable engage la responsabilité civile de la préposée à l'égard de la salariée ;

Que, par ce motif, substitué à ceux critiqués, l'arrêt se trouve légalement justifié et n'encourt aucun des griefs du moyen ;

Sur le second moyen :

Attendu que la société Fanny 2 fait grief à l'arrêt de dire que le contrat de travail liant Mme X... à la société CPP lui a été transféré à compter du 1er mai 2005, en application de l'article L. 1224-1 du code du travail et de prononcer la résiliation judiciaire de ce contrat à effet au 31 octobre 2006, à ses torts et à ceux de la société CPP, alors selon le moyen :

1°/ que l'application de l'article L. 122-12, alinéa 2, devenu l'article L. 1224-1 du code du travail est subordonnée au transfert d'un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité qui poursuit un objectif propre, dont l'identité est conservée ; que la reprise d'une activité économique différente de celle exercée par l'employeur initial exclut l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail ; qu'en l'espèce, après avoir relevé que la société CPP exerçait une activité de commerce de gros d'habillement pour femmes et que la société Fanny 2 avait pour activité le commerce de gros de vêtements pour jeunes filles et jeunes femmes, ce dont il résultait que l'activité de ces deux sociétés était différente comme ne s'adressant pas aux mêmes segments du public féminin, la cour d'appel a néanmoins jugé que la société Fanny 2 avait repris l'activité de la société CPP dans les conditions de l'article L. 1224-1 du code du travail ; qu'en statuant de la sorte, elle a violé l'article L. 1224-1 du code du travail ;

2°) que le transfert d'une entité économique autonome entraînant l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail suppose le transfert d'un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre ; qu'en l'espèce, la société Fanny 2 faisait valoir qu'en raison de la particularité de son activité, elle avait acquis un matériel spécifique, sans reprendre celui de la société CPP, et que ses fournisseurs et sa clientèle étaient différents de ceux de la société CPP ; que, pour retenir le transfert d'une entité économique autonome, la cour d'appel a relevé que le siège social et les locaux d'exploitation de la société Fanny 2, bien que différents de ceux de la société CPP, correspondaient cependant à des locaux dans lesquels la société CPP avait exercé une partie de son activité ; qu'elle a pour le reste relevé que les numéros de téléphone et de fax commerciaux étaient identiques à ceux de la société CPP, et que la société Fanny 2 avait recruté quatre anciennes vendeuses de la société CPP ; qu'en se déterminant par de tels motifs inopérants, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la particularité du commerce exploité par la société Fanny 2 ne l'avait pas conduite à acquérir un matériel propre, trouver des fournisseurs distincts de ceux de la société CPP et développer une autre clientèle que celle de la société CPP, la cour d'appel a privé sa décision de motif au regard de l'article L. 1224-1 du code du travail ;

3°/ que la circonstance qu'une partie ne poursuive pas l'auteur d'une attestation pour faux témoignage n'emporte ni approbation des affirmations contenues dans cette attestation, ni renonciation à en contester la réalité, ni brevet de véracité des termes de cette attestation ; que la société Fanny 2 contestait explicitement devant la cour d'appel le contenu de l'attestation de Mme Corlay et, en particulier, les dires de cette dernière sur la similitude des fournisseurs et clients des sociétés CPP et FANNY 2 ; qu'en se bornant à énoncer, pour s'appuyer sur l'attestation de Mme Z..., que cette dernière n'avait pas fait l'objet de poursuites pour faux témoignage, la cour d'appel, qui a fondé sa prise en compte de l'attestation en cause sur un motif erroné en droit, a violé les articles 4, 16 et 202 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 1224-1 du code du travail ;

4°/ qu'en cas de reprise ou de poursuite d'une partie de l'activité d'une entreprise dans les conditions de l'article L. 1224-1 du code du travail, seuls les contrats de travail attachés à la partie d'activité transférée doivent être poursuivis par le nouvel exploitant ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même considéré que la société Fanny 2 n'avait repris que partiellement l'activité de la société CPP de vente en gros de vêtements ; qu'en considérant que le contrat de Mme X... avait été transféré au titre de cette reprise partielle, aux termes d'une affirmation gratuite et inopérante selon laquelle les fonctions de vendeuse de Mme X... relevaient de la partie d'activité transférée, quand l'ensemble de l'activité de la société CPP consistait en de la vente en gros, de sorte que seule une partie de l'activité de vente avait pu être transférée, et s'accompagner du transfert d'une partie seulement des contrats de travail correspondant à cette activité, la cour d'appel privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1224-1 du code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel a relevé, par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve soumis à son examen et effectuant la recherche prétendument omise, que la société Fanny 2 créée par Mme A..., fille de Mme Y..., le 20 avril 2005 pratiquement à l'expiration des préavis donnés par la société CPP à son personnel licencié et occupant une partie des mêmes locaux que cette ancienne société avec les mêmes numéros de téléphone et de fax, exerçait une activité de commerce en gros d'habillement pour jeunes filles et jeunes femmes, soit une activité similaire à celle de la société CPP, laquelle portait sur une activité de commerce en gros d'habillement pour femmes, et que la société Fanny 2 avait engagé dès le 1er mai 2005 quatre vendeuses licenciées par la société CPP en janvier 2005 ; qu'elle a pu déduire de ces constatations le transfert d'une entité économique autonome conservant son identité et dont l'activité s'était poursuivie ;

D'où il suit que le moyen, critiquant un motif surabondant dans sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Fanny 2 et Mme Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Fanny 2 et Mme Y... à payer à Mme X... la somme totale de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix novembre deux mille dix.


MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils pour la société Fanny 2 et Mme Y....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que Madame X... a subi un harcèlement moral et d'AVOIR condamné Madame Y... à payer à Madame X... la somme de 180. 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral, les intérêts au taux légal sur cette somme et la somme de 5. 000 euros à titre de frais irrépétibles,

AUX MOTIFS QUE à l'appui de ses dires, Mme X... verse aux débats d'une part les attestations de quatre collègues ayant travaillé avec elle pour la société CPP et d'un client de cette société et, d'autre part, de nombreux documents médicaux, émanant de plusieurs praticiens spécialisés ou généralistes dont il résulte qu'elle a été suivie pour dépression puis dépression majeure depuis février 1992 ; Mme B..., Z... et L... relatent avoir été témoins à plusieurs reprises du comportement " cruel " et pervers de Mme Inès Y... à l'égard de Mme X..., qu'elle insultait, humiliait " à longueur de journée et d'année ", sans motif, devant le personnel, les fournisseurs et les clients en lui reprochant en termes particulièrement blessants et injurieux et en hurlant d'être incapable, de n'être plus bonne à rien, d'être trop lente, de ne rien comprendre et de lui coûter trop cher pour ce qu'elle faisait, avec comme résultat une " entière destruction " physique et psychologique de la salariée. Mme Z... explique également qu'elle a assisté à plusieurs reprises au " vidage " par Mme Inès Y... des casiers de pulls ranges par Mme X... afin que celle-ci soit obligée de tout recommencer le lendemain. M. C... confirme le comportement insupportable de Mme Inès Y... qui " passait tout son temps à hurler sur tout le monde " et indique, qu'en ce qui concerne Mme X..., son poste étant à côté de la caisse, il a assisté " à toutes les agressions verbales " de Mme Inès Y... qui insultait la salariée devant les clients et les fournisseurs ; que M. D..., client, indique qu'il avait pu constater la mauvaise ambiance qui régnait dans l'entreprise à cause des cris et de l'attitude agressive de Mme Y... particulièrement envers Mme X... " qu'elle tançait devant tout le monde en disant qu'elle ne comprenait jamais rien " et envers laquelle " elle était d'une agressivité verbale que peu de personnes auraient supportée " ; que le docteur E..., psychiatre, indique qu'il a suivi Mme X... de février 1992 à juillet 1998, que, dès la première consultation et ensuite constamment, sa patiente s'est plaint de sa relation difficile avec sa patronne, qu'elle disait notamment : " ma patronne est stressante ", et qu'il a été contraint de la mettre sous antidépresseur pendant toute cette période ; que le docteur F..., omnipraticien, certifie suivre Mme X... depuis début 1995 pour insomnies, fatigue extrême traduisant un syndrome dépressif intense avec association de troubles intestinaux, qu'il explique que Mme X... était épuisée physiquement et psychologiquement par son travail et surtout par l'attitude de son employeur et ses violences verbales à son égard, qu'il l'a adressée à un psychiatre, qu'elle a été hospitalisée en hôpital de jour, puis mise en invalidité et qu'elle suit toujours un traitement très lourd ; que le docteur G..., psychiatre, atteste avoir suivi régulièrement Mme X... en psychothérapie et soins psychiatriques à partir du 9 janvier 1999 ; qu'il explique qu'elle présentait un état dépressif majeur avec un potentiel suicidaire important qui s'était instauré progressivement et que les entretiens ont établi que les raisons essentielles en étaient les conditions dans lesquelles la patiente exerçait son travail et était soumise à des conduites de harcèlement moral notable ; qu'il précise qu'il a dû prendre des mesures de protection et de soins par la prescription d'un arrêt de travail à partir de février 1999, l'instauration d'un traitement par psychotropes, thérapie psychologique et médicamenteuse jusqu'en décembre 2000 et que la patiente reste encore sous antidépresseurs ; que le docteur H..., psychiatre, explique qu'elle suit Mme X... depuis mai 2004, que son état reste fragile, voire précaire, nécessitant un traitement psychotrope très conséquent et un soutien psychothérapique régulier, qu'elle demeure incapable de se déplacer dans le quartier où elle travaillait et continue à être hantée par des cauchemars professionnels ; que Mlle I..., consultante juridique au centre d'action sociale de la ville de Paris raconte qu'elle a reçu à sa permanence à compter de 2001 Mme X... au sujet des agissements de ses employeurs, qu'il a fallu plusieurs semaines avant qu'elle se confie entièrement car elle vivait dans une espèce de torpeur et il lui était très difficile d'évoquer " cette terrible période ", pendant laquelle elle indiquait avoir subi un véritable calvaire mêlé de terreur et d'humiliation infligées par son employeur, que Mme X... était manifestement dans un état dépressif très important, qu'elle hésitait à engager une action prud'homale par ce qu'elle était dans un " état d'angoisse et de psychose " et que l'idée de se retrouver face à son employeur la terrifiait. ; que le fils, la soeur et le neveu de Mme X... indiquent avoir constaté la dégradation psychologique de celle-ci due aux agressions permanentes, cris et insultes publics de Mme Inès Y..., qu'elle leur racontait quand elle revenait du travail dans un état de prostration ; que ces pièces établissent suffisamment que Mme X... a subi ouvertement, pendant de nombreuses années, sans que l'employeur intervienne, de la part de Mme Inès Y..., des agissements répétés de harcèlement moral qui ont eu pour effet une dégradation de ses conditions de travail, portant atteinte à ses droits et à sa dignité, ainsi qu'une altération grave de sa santé physique et mentale ; que les pièces produites par Mme Inès Y... ne permettent pas de contredire ce constat ; qu'en effet, s'il est exact que Mmes J..., M..., N...et O...,. qui ont été les collègues de Mme X... dans la société CPP, vantent dans leurs attestations les grandes qualités humaines la ferme bienveillance et la générosité de Mme Inès Y... avec son personnel et ses partenaires professionnels et attestent ne l'avoir jamais vu malmener Mme X... ou lui manquer de respect, il est significatif que ces quatre salariées, qui déclarent avec un bel ensemble qu'on ne reste pas 20 ou 30 ans chez un employeur qui vous maltraite, font partie des cinq anciens employés de la soiété. CPP qui ont été embauchés par la société Fanny 2, constituée par la fille de Mme Inès Y... en 2005 ; que cette circonstance affecte l'objectivité, et donc la fiabilité, de leurs témoignages, par ailleurs exprimés en termes convenus ; que de même les très nombreuses attestations de clients, fournisseurs ou partenaires commerciaux de la société CPP, indiquant que l'ambiance de travail dans cette société était " vivante et chaleureuse ", que Mme Inès Y... était une femme de grande qualité et qu'ils n'ont jamais assisté aux scènes décrites par Mme X... ni à des comportements de harcèlement à l'égard de celle-ci, ne permettent pas d'exclure l'existence d'un tel harcèlement, qui pouvait se produire alors qu'ils n'étaient pas dans les locaux ; que le harcèlement qu'elle a supporté sur son lieu de travail pendant de nombreuses années a occasionné à Mme X... une détérioration de son état de santé physique et mentale ainsi que cela résulte des pièces médicales produites et a entraîné une dégradation de sa qualité de vie professionnelle, familiale et personnelle, avec toutes les souffrances morales qui en sont résultées ; que par ailleurs les arrêts de travail prolongés dont elle fait l'objet et sa mise en invalidité précoce ont eu un impact dommageable sur ses revenus, sur sa carrière et, partant, sur le montant de sa retraite ; que compte tenu des pièces et des explications fournies, la cour est en mesure d'estimer à 180000 euros le montant des dommages et intérêts dus à la salariée en réparation du préjudice économique et moral ainsi subi ;

1°) ALORS QUE le préposé ne peut engager sa responsabilité civile personnelle pour des faits commis dans l'exercice de ses fonctions qu'en présence d'une faute personnelle revêtant le caractère d'une infraction intentionnelle ou d'une faute caractérisée au sens du code pénal ; que les dispositions incriminant le harcèlement moral, résultant de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002, ne sont pas applicables à des faits antérieurs à l'entrée en vigueur de cette loi ; qu'en l'espèce, en retenant la responsabilité délictuelle pour faute de Mme Y... sur le fondement de l'article 1382 du code civil, quand les faits qui lui étaient reprochés, antérieures à la création d'une incrimination légale de harcèlement moral, ne pouvaient permettre d'engager la responsabilité civile personnelle d'un préposé, la cour d'appel a violé les article 1382 et 1384 du Code civil, ensembles les articles L. 122-49 et suivants du Code du travail, devenus L. 1152-1 et suivants, les articles 112-1 et 222-33-2 du Code pénal et l'article 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°) ALORS QUE l'attestation contient la relation des faits auxquels son auteur a assisté ou qu'il a personnellement constatés ; qu'en l'espèce, pour retenir un prétendu harcèlement moral infligé à Mme X..., la cour d'appel s'est essentiellement fondée, de manière inopérante, sur des relations indirectes, émanant de personnes rapportant les propres dires de Mme X... concernant l'origine professionnelle prétendue de ses troubles ; qu'en se déterminant de la sorte, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 202 du Code de procédure civile, et 1382 du Code civil ;

3°) ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut à l'absence de motifs ; qu'après avoir retenu comme probantes les attestations produites par Madame X..., dans lesquelles il était indiqué que cette dernière était insultée et humiliée par Madame Y... « à longueur de journée et d'année, sans motif, devant le personnel, les fournisseurs et les clients », la cour d'appel a écarté les attestations des clients et fournisseurs produites par Madame Y... au motif qu'elles « ne permettaient pas d'exclure un harcèlement, qui pouvait se produire alors qu'ils les clients et fournisseurs n'étaient pas dans les locaux » ; qu'en se prononçant ainsi, par des motifs entachés d'une contradiction de fait, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

4°) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leur prétention ; qu'il résultait des avis d'arrêt de travail produits aux débats, que l'arrêt de travail dont Madame X... avait bénéficié, à compter du 1er février 1999, avait été prescrit par un médecin rhumatologue, puis prolongé à plusieurs reprises par ce même médecin ou par un chirurgien ; qu'il était également produit aux débats un certificat de ce médecin rhumatologue, qui affirmait que Madame X... souffrait « d'affectations rhumatologique multiples avec contre-indication rhumatologique à la pratique de toute activité physique », ainsi qu'un courrier de Madame X... du 30 mai 1999, dans lequel elle informait ses employeurs que « ne pouvant rester debout toute la journée, je ne peux toujours pas reprendre mon travail » ; qu'en se bornant à relever que Madame X... avait fait l'objet de nombreux arrêts de travail prolongés, pour dire que le prétendu harcèlement exercé à son encontre avait détérioré sa santé mentale et entraîné des arrêts de travail prolongés, sans examiner même sommairement les éléments de preuve régulièrement produits aux débats, qui démontraient avec évidence que ces arrêts de travail étaient liés à des affections de nature rhumatologique, et ne pouvaient donc sérieusement révéler l'existence d'un harcèlement moral de nature à avoir affecté l'état psychologique de Mme X..., la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

5°) ALORS QUE pour évaluer à 180. 000 euros le préjudice subi par Madame X... du fait du prétendu harcèlement moral dont elle aurait fait l'objet, la cour d'appel a relevé que la mise en invalidité précoce de Madame X... avait eu un impact dommageable sur ses revenus ; qu'en se déterminant de la sorte, sans caractériser le lien de causalité entre cette mise en invalidité et les affections résultant des prétendus actes de harcèlement moral, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le contrat de travail liant Madame X... à la société CPP a été transféré dans les termes de l'article L. 122-12, alinéa 2, devenu l'article L. 1224-1 du Code du travail, à compter du 1er mai 2005, à la société FANNY 2, d'AVOIR prononcé la résiliation judiciaire de ce contrat de travail aux torts de la société CPP et de la société FANNY 2 à effet au 31 octobre 2006, d'AVOIR condamné in solidum la société FANNY 2 à payer à Madame X... diverses sommes à titre d'indemnité de licenciement, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de frais irrépétibles et d'AVOIR condamné la société FANNY 2 à remettre à Madame X... un certificat de travail et une attestation Assedic conformes,

AUX MOTIFS QUE Mme X..., en arrêt de travail pour maladie à compter du 1er février 1999 puis en invalidité à partir du er octobre 2000, n'a jamais repris son poste ni fait l'objet d'une visite médicale de reprise, de sorte que, lorsque la société CPP a licencié son personnel et cessé toute activité en janvier 2005, son contrat de travail était suspendu ; que l'employeur, qui était avisé de la situation d'invalidité de sa salariée depuis le 8 septembre 2000, n'a toutefois pas licencié Mme X... avec le reste de son personnel et n'a pas davantage provoqué une visite médicale de reprise ; que le contrat de travail de Mme X... est par conséquent demeuré en vigueur et suspendu ; que la société Fanny 2 a été constituée le 20 avril 2005, pratiquement à l'expiration des préavis donnés par la société CPP à son personnel ; que son siège social et ses locaux d'exploitation, au ...ont été implantés dans une partie des locaux dans lesquels la société CPP avait exercé son activité ; que la gérante de la société Fanny 2 est Mme Ida Y... épouse A..., fille des époux K...-P..., anciens dirigeants de la société CPP ; qu'alors que la société CPP exerçait une activité de commerce de gros d'habillement pour femme, la société Fanny 2 a pour activité le commerce de gros de vêtements pour jeunes filles et jeunes femmes ; que la comparaison des papiers à entête respectifs de la société CPP et de la société Fanny 2 révèle que la seconde a conservé les numéros de téléphone et de fax commerciaux de la première ; que la société Fanny 2 emploie quinze personnes, dont quatre vendeuses, lesquelles sont toutes les quatre d'anciennes vendeuses de la société CPP licenciées pour raisons économiques en janvier 2005 et entrées au service de la société Fanny 2 dès le 1er mai 2005 ; que Mme Z..., ancienne comptable de la société CPP, atteste, sans faire l'objet de poursuites pour faux témoignage, en ces termes : « Après avoir été licenciée, j'ai été rappelée par l'expert comptable de la société FEL2 car ils avaient un contrôle fiscal. Je suis donc arrivée dans la nouvelle boutique à l'enseigne de Fanny 2. La direction avait séparé le grand magasin en deux parties, l'une louée à une entreprise vendant de la maille et l'autre refaite pour continuer l'activité mais au nom de leur fille Mme A... Ida. (...) Mme Y... régnait en patronne comme auparavant, sur le personnel et les clients présents qui étaient d'anciens clients de la société FEL2. Les fabricants qui livraient leurs marchandises étaient aussi inchangés. En fait tout était identique, sauf l'enseigne (...) Et la taille du magasin. Il n'y avait qu'à la comptabilité que le personnel était changé, mais ce dernier travaillait sur les fichiers clients et fournisseurs de la société FEL2 " ; que M. D..., ancien client de la société CPP/ FEL2, certifie dans son attestation qu'il s'est rendu " chez Fanny 2, qui a pris aussitôt le relais de FEL2. Monsieur et Madame Y... étaient toujours là, le personnel faisait partie de l'ancien personnel et rien n'avait changé si ce n'est l'enseigne et la taille du magasin " ; qu'il résulte suffisamment de ces circonstances, que les pièces produites par l'intimée ne contredisent pas, que la société Fanny 2 a bien repris partiellement l'activité de la société CPP et qu'il s'est opéré entre ces deux Sociétés le transfert dune entité économique maintenant son activité, c'est-àdire d'un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre, que celle-ci soit essentielle ou accessoire, dans les conditions de l'article L. 122- I2 du Code du travail ; que le contrat de travail de Mme X..., dont les fonctions de vendeuse relevaient de la partie d'activité transférée, étant toujours en cours, bien que suspendu, au moment du transfert d'activité entre les deux sociétés, a par conséquent été transféré de plein droit à la société Fanny 2 ;

1°) ALORS QUE l'application de l'article L. 122-12, alinéa 2, devenu l'article L. 1224-1 du Code du travail est subordonnée au transfert d'un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité qui poursuit un objectif propre, dont l'identité est conservée ; que la reprise d'une activité économique différente de celle exercée par l'employeur initial exclut l'application de l'article L. 1224-1 du Code du travail ; qu'en l'espèce, après avoir relevé que la société CPP exerçait une activité de commerce de gros d'habillement pour femmes et que la société FANNY 2 avait pour activité le commerce de gros de vêtements pour jeunes filles et jeunes femmes, ce dont il résultait que l'activité de ces deux sociétés était différente comme ne s'adressant pas aux mêmes segments du public féminin, la cour d'appel a néanmoins jugé que la société FANNY 2 avait repris l'activité de la société CPP dans les conditions de l'article L. 1224-1 du Code du travail ; qu'en statuant de la sorte, elle a violé l'article L. 1224-1 du Code du travail ;

2°) ALORS QUE le transfert d'une entité économique autonome entraînant l'application de l'article L. 1224-1 du Code du travail suppose le transfert d'un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre ; qu'en l'espèce, la société FANNY 2 faisait valoir qu'en raison de la particularité de son activité, elle avait acquis un matériel spécifique, sans reprendre celui de la société CPP et que ses fournisseurs et sa clientèle étaient différents de ceux de la société CPP ; que, pour retenir le transfert d'une entité économique autonome, la cour d'appel a relevé que le siège social et les locaux d'exploitation de la société FANNY 2, bien que différents de ceux de la société CPP, correspondaient cependant à des locaux dans lesquels la société CPP avait exercé une partie de son activité ; qu'elle a pour le reste relevé que les numéros de téléphone et de fax commerciaux étaient identiques à ceux de la société CPP, et que la société FANNY 2 avait recruté quatre anciennes vendeuses de la société CPP ; qu'en se déterminant par de tels motifs inopérants, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la particularité du commerce exploité par la société FANNY 2 ne l'avait pas conduite à acquérir un matériel propre, trouver des fournisseurs distincts de ceux de la société CPP et développer une autre clientèle que celle de la société CPP, la cour d'appel a privé sa décision de motif au regard de l'article L. 1224-1 du Code du travail ;

3°) ALORS QUE la circonstance qu'une partie ne poursuive pas l'auteur d'une attestation pour faux témoignage n'emporte ni approbation des affirmations contenues dans cette attestation, ni renonciation à en contester la réalité, ni brevet de véracité des termes de cette attestation ; que la société FANNY 2 contestait explicitement devant la cour d'appel le contenu de l'attestation de Madame CORLAY et, en particulier, les dires de cette dernière sur la similitude des fournisseurs et clients des sociétés CPP et FANNY 2 ; qu'en se bornant à énoncer, pour s'appuyer sur l'attestation de Mme Z..., que cette dernière n'avait pas fait l'objet de poursuites pour faux témoignage, la cour d'appel, qui a fondé sa prise en compte de l'attestation en cause sur un motif erroné en droit, a violé les articles 4, 16 et 202 du Code de procédure civile, ensemble l'article L. 1224-1 du Code du travail ;

4°) ALORS QU'en cas de reprise ou de poursuite d'une partie de l'activité d'une entreprise dans les conditions de l'article L. 1224-1 du Code du travail, seuls les contrats de travail attachés à la partie d'activité transférée doivent être poursuivis par le nouvel exploitant ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même considéré que la société FANNY 2 n'avait repris que partiellement l'activité de la société CPP, de vente en gros de vêtements ; qu'en considérant que le contrat de Mme X... avait été transféré au titre de cette reprise partielle, aux termes d'une affirmation gratuite et inopérante selon laquelle les fonctions de vendeuses de Mme X... relevaient de la partie d'activité transférée, quand l'ensemble de l'activité de la société CPP consistait en de la vente en gros, de sorte que seule une partie de l'activité de vente avait pu être transférée, e s'accompagner du transfert d'une partie seulement des contrats de travail correspondant à cette activité, la cour d'appel privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1224-1 du Code du travail.
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