Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 23 mars 2010, 09-65.820, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 janvier 2009), que Monique X... est décédée le 17 février 2000 après avoir, par acte notarié du 14 décembre 1999, donné à chacun de ses trois enfants, Mme France Y... et MM. Aymeric et Thierry Z..., la nue-propriété d'un certain nombre d'actions ; que l'administration fiscale a notifié à ces derniers un redressement réintégrant, au visa de l'article 751 du code général des impôts, ces actions dans l'actif successoral puis a mis en recouvrement, le 9 février 2004, les droits correspondants ; qu'après rejet de sa réclamation, Mme Y... a saisi le tribunal de grande instance afin d'obtenir la décharge de cette imposition ;

Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande alors, selon le moyen :

1° / que l'article 751 du code général des impôts institue une présomption simple de fictivité de l'opération de démembrement effectuée moins de trois mois avant le décès du donateur ; que par acte notarié en date du 14 décembre 1999, Monique X... a donné à ses trois enfants, Mme France Y..., M. Aymeric Z... et M. Thierry Z... la nue propriété de mille neuf cent actions Danone ; qu'il ressort des mentions du jugement attaqué dont les motifs ont été adoptés que la sincérité de cette donation n'a jamais fait litige ; que la cour d'appel se fonde sur l'acte du 14 décembre 1999 pour considérer que la preuve que le transfert de la nue propriété des titres était intervenu avant cette date n'était pas rapportée, ce qui implique nécessairement que cet acte établit la preuve de ce transfert ; qu'en décidant néanmoins que Mme Y... n'avait pas rapporté la preuve du caractère réel et sincère de la donation de la nue propriété des titres, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 751 du code général des impôts ;

2° / qu'en ne recherchant pas si l'ouverture de comptes au nom de Monique X... en qualité d'usufruitière et au nom de ses enfants en qualité de nus-propriétaires, le 10 novembre 1999, à la Banque Odier Bungener Courvoisier, conformément à sa lettre adressée le 25 octobre 1999 à ses enfants qui leur annonçait son intention de leur donner la nue-propriété de titres et qui les invitaient à prendre contact avec son conseiller de gestion pour ouvrir de tels comptes, ainsi que le mandat de gestion donné par M. Aymeric Z... le 10 novembre 1999, à ce dernier pour gérer ce même compte conjugué avec la réalité de l'intention libérale de Monique X... envers ses enfants et l'acte notarié de donation du 14 décembre 1999 qui constate l'acceptation de ces derniers et le transfert de la nue-propriété n'étaient pas de nature à établir la sincérité et le caractère réel de la donation de la nue-propriété intervenue au plus tard le 14 décembre 1999, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 751 du code général des impôts ;

Mais attendu que la preuve contraire de la présomption de fictivité édictée par l'article 751 du code général des impôts ne peut résulter de l'acte établi moins de trois mois avant le décès ; que l'arrêt constate que, s'il est constant que Monique X... était animée, avant ce délai de trois mois, d'une intention libérale envers ses trois enfants, pour autant, le mandat de gestion confié par Mme Y... le 10 novembre 1999 ne fait nullement référence à des titres déterminés et ne peut attester de la remise irrévocable des actions à cette date ; que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel, appréciant la portée des éléments versés au débat par Mme Y... pour écarter la présomption légale, a estimé qu'elle ne produisait aucun document attestant du transfert des titres antérieurement à l'acte de donation du 14 décembre 1999 ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer au directeur général des finances publiques la somme de 2 500 euros et rejette sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mars deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils pour Mme Y...

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué confirmatif d'avoir débouté Mme Y... de son action tendant à l'annulation de l'avis de mise en recouvrement du 9 février 2004 et à la décharge des droits de succession correspondant à cet avis ;

AUX MOTIFS QUE certes il est constant au vu des divers courriers émanant du notaire en charge de ses affaires et des attestations produites aux débats que Monique X... était animée depuis bien avant le délai de trois mois de l'article 751 du code général des impôts d'une intention libérale envers ses trois enfants ; pour autant le mandat de gestion confié par France Y... le 10 novembre 1999 à la banque Odier Bungener Courvoisier, ne peut constituer la preuve, ni du transfert réel et effectif à cette date des actions que caractérise la tradition de la chose et qui confère son existence et son irrévocabilité au don manuel, ni celle de la volonté du donataire d'accepter la donation supposée lui avoir été faite ; qu'en effet le mandat de gestion confié par France Y..., rédigé en termes généraux, ne fait nullement référence à des titres déterminés et ne peut en conséquence attester de la remise effective et irrévocable des actions dont s'agit et de la dépossession corrélative de Monique X... alors que l'acte du 14 décembre 1999 mentionne en revanche « que le donataire aura à compter de ce jour la nue-propriété des biens compris dans son lot » et que n'est versé aux débats aucun document, tel par exemple un ordre de retrait signé par la défunte, attestant du transfert des titres de son compte à celui ouvert par les donataires ainsi que de la date de cette opération ; que c'est à juste titre que le tribunal a constaté que France Y... ne rapportait pas la preuve contraire qui lui aurait permis de faire échec à la présomption résultant de l'article 751 du code général des impôts ; que le jugement déféré sera en conséquence confirmé ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la sincérité de la donation n'a jamais fait litige ; qu'en conséquence, force est de constater que Mme Y... n'a pas rapporté la preuve contraire qui lui aurait permis de faire échec à la présomption légale de fictivité résultant de l'article 751 du code général des impôts ;

1) ALORS QUE l'article 751 du code général des impôts institue une présomption simple de fictivité de l'opération de démembrement effectuée moins de trois mois avant le décès du donateur ; que par acte notarié en date du 14 décembre 1999, Mme X... a donné à ses trois enfants, Mme France Y..., M. Aymeric Z... et M. Thierry Z... la nue-propriété de 1900 actions Danone ; qu'il ressort des mentions du jugement attaqué dont les motifs ont été adoptés que la sincérité de cette donation n'a jamais fait litige ; que la cour d'appel se fonde sur l'acte du 14 décembre 1999 pour considérer que la preuve que le transfert de la nue propriété des titres était intervenu avant cette date n'était pas rapportée, ce qui implique nécessairement que cet acte établit la preuve de ce transfert ; qu'en décidant néanmoins que Mme Y... n'avait pas rapporté la preuve du caractère réel et sincère de la donation de la nue propriété des titres, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 751 du code général des impôts ;

2) ALORS QU'en ne recherchant pas si l'ouverture de comptes au nom de Mme X... en qualité d'usufruitière et au nom de ses enfants en qualité de nus propriétaires, le 10 novembre 1999, à la Banque Odier Bungener Courvoisier, conformément à sa lettre adressée le 25 octobre 1999 à ses enfants qui leur annonçait son intention de leur donner la nuepropriété de titres et qui les invitaient à prendre contact avec son conseiller de gestion pour ouvrir de tels comptes, ainsi que le mandat de gestion donné par M. Aymeric Z... le 10 novembre 1999, à ce dernier pour gérer ce même compte conjugué avec la réalité de l'intention libérale de Mme X... envers ses enfants et l'acte notarié de donation du 14 décembre 1999 qui constate l'acceptation de ces derniers et le transfert de la nue propriété n'étaient pas de nature à établir la sincérité et le caractère réel de la donation de la nue propriété intervenue au plus tard le 14 décembre 1999, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 751 du code général des impôts.

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