Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 7 octobre 2009, 08-88.320, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :


- X... Pascal,


contre l'arrêt de la cour d'appel de RENNES, 3e chambre, en date du 14 novembre 2008, qui, après sa relaxe définitive des chefs de faux et usage, a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 441-1 et 515 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, 1351 du code civil et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Pascal X... à payer à Marie-Annick Y... la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice, et 1 500 euros en application de l'article 475-1 du code de procédure pénale ;

"aux motifs que sur les faits d'usage de faux, les trois pièces portant les fausses signatures de Marie-Annick Y... ont été produites dans l'instance prud'homale le 20 mai 2003, ainsi que l'établit une pièce irréfutable, le bordereau de communication de pièces du conseil de EARL Les Jardins du Perray dont Pascal X... était le gérant, ces documents constituant les pièces numérotées 1 à 3 du bordereau ; qu'à cette date, Pascal X... connaissait nécessairement que ces pièces, qu'il a transmises à son conseil en vue de leur production en justice, étaient des faux, puisque, d'une part, il a déclaré qu'il a toujours décidé seul de la teneur des contrats et qu'à l'évidence les trois pièces ne correspondaient pas à la réalité de ce qui avait été convenu, d'autre part, il est prouvé qu'il disposait à tout le moins à ce moment d'un courrier comportant la signature de Marie-Annick Y... – à savoir un courrier recommandé de son ancienne salariée du 27 avril 1999, lui demandant de lui communiquer l'attestation ASSEDIC, courrier dont une copie avait été communiquée par le conseil de Marie-Annick Y... à celui de l'EARL Les Jardins du Perray suivant bordereau du 26 février 2003, dont il constituait la pièce n°2 ; qu'ainsi, ce dernier document démontre à la fois : primo, que les signatures figurant sur les contrats sont des imitations grossières, mais secundo, qu'en même temps le faussaire disposait nécessairement de la signature de la salariée pour pouvoir imiter, fût-ce de manière très simpliste, sa structure d'ensemble et, tertio, que Pascal X... disposait bien d'un document où figurait la signature de la salariée, de sorte qu'il lui était très facile de se rendre compte du caractère frauduleux des pièces qu'il produisait ; que, plus encore, et fondamentalement, ces documents, une fois produits, le 20 mai 2003, ont été dénoncés comme des faux par Marie-Annick Y..., qui a déclaré qu'elle n'avait jamais signé de tels actes, qui au demeurant ne reflétaient pas la teneur des relations de travail convenues ; qu'en dépit des protestations de la salariée, Pascal X... n'a pas fait retirer ces pièces des débats, mais a continué à s'en prévaloir jusqu'à l'audience du fond, qui s'est tenue le 5 septembre 2003, ce qui caractérise, sans aucune contestation rationnellement admissible, l'usage de faux tel que visé par l'ordonnance de renvoi ; qu'il échet de souligner que, contrairement à ce que soutient Pascal X..., il avait un intérêt certain à la production des faux ; qu'en effet, Marie-Annick Y... excipait de l'existence d'un contrat à durée indéterminée et réclamait en conséquence des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse ; qu'à l'évidence, la production de trois documents qui établissaient la stipulation de contrats à durée déterminée était de nature à faire obstacle aux prétentions de la salariée, en ruinant son allégation concernant un contrat de travail à durée indéterminée ; qu'il y lieu de relever qu'il est parfaitement faux de soutenir comme le fait Pascal X... qu'il n'avait aucun intérêt à produire de tels faux, puisque de toute façon, son entreprise a été condamnée par le conseil de prud'hommes en raison de l'existence d'un contrat à durée indéterminée ; qu'en fait, un tel argument joue de ce que les logiciens appellent une "illusion rétrospective", en dissimulant le fait évident que Pascal X..., en produisant les trois pièces incriminées, comptait bien échapper à une condamnation pour rupture sans cause réelle ni sérieuse et qu'en outre, la production des faux a bien eu une efficacité, au moins relative, puisqu'ils n'ont pas été écartés par le conseil, qui, tout différemment s'est fondé sur la durée anormalement longue d'un des contrats pour requalifier la relation de travail en contrat à durée indéterminée ; qu'en l'état de ces énonciations, il échet de réformer le jugement entrepris dans les limites de l'appel interjeté et de constater que Pascal X... a sciemment commis un usage de faux destiné à établir la preuve d'un droit ou d'un fait et de tirer les conséquences civiles que cette constatation détermine ; que sur la demande de dommages-intérêts formée par Marie-Annick Z... épouse Y... (…) que par contre en produisant et en maintenant devant le conseil des prud'hommes de Rennes trois pièces dont il savait qu'elles étaient des faux, en s'en servant pour tenter de démontrer que Marie-Annick Y... se prévalait d'une relation de travail qui ne correspondait pas à la réalité des accords passés, en la faisant donc passer pour une menteuse, une personne qui tentait d'obtenir des avantages que ni la loi ni les contrats ne lui accordaient, voire pour une pure et simple extravagante qui se prévalait contre tout bon sens d'une relation de travail ne correspondant pas aux contrats de travail qu'elle avait souscrits, Pascal X... a causé à Marie-Annick Y... un préjudice moral d'une particulière gravité ; que si, par la nature des choses, les rapports de travail comportent une dimension de conflit qu'il ne sert à rien de nier, il n'en demeure pas moins que le minimum exigible d'un cocontractant dans une telle relation est qu'il ne produise pas devant la juridiction du travail des pièces qui sont des faux, altérant totalement la réalité des conventions ayant existé et violant les règles les plus élémentaires de loyauté du débat ; qu'en l'état de ces énonciations, la cour dispose des éléments nécessaires et suffisants pour fixer le préjudice moral subi par Marie-Annick Y... du fait de la production et de l'utilisation par Pascal X... devant le conseil des prud'hommes des trois faux à la somme de cinq mille euros ; (arrêt p.7 et 8) ;

"1°) alors que l'autorité de la chose jugée par le juge civil s'impose au juge pénal lorsque celui-ci n'a à statuer que sur l'action civile ; qu'en ayant déclaré que Pascal X... avait sciemment commis un usage de faux en produisant des pièces qui ne correspondaient pas à la réalité de ce qui avait été convenu avec Marie-Annick Y... alors que le conseil de prud'hommes de Rennes, par un jugement du 7 novembre 2003 devenu définitif, avait expressément reconnu que ces contrats étaient valables, la cour d'appel a violé les textes cités au moyen ;

"2°) alors que le délit d'usage de faux n'est pas établi si son élément intentionnel, résidant dans la connaissance qu'a l'auteur de la fausseté du document dont il use, n'est pas caractérisé ; que le jugement définitif du conseil de prud'hommes de Rennes a retenu que Marie-Annick Y... avait été embauchée suivant deux contrats à durée déterminée, le premier à effet du 25 mars 1997 au 30 novembre 1997, prorogé jusqu'au 20 décembre 1997, et le second à effet du 12 janvier 1998, et que seul le premier a été requalifié en contrat à durée indéterminée en raison de ce que sa durée excédait la durée maximale permise pour les contrats saisonniers ; qu'en énonçant, pour retenir que Pascal X... connaissait «nécessairement» que les deux contrats et l'avenant produits dans l'instance prud'homale étaient des faux, «qu'à l'évidence les trois pièces ne correspondaient pas à la réalité de ce qui avait été convenu», et ce alors même que le conseil de prud'hommes de Rennes avait tenu pour vrai le contenu de ces contrats, la cour, qui n'a pas précisé la teneur de ce qui aurait été effectivement convenu entre l'EARL Les Jardins du Perray et Marie-Annick Y..., a privé sa décision de base légale ;

"3°) alors que le fait, pour un plaideur, de ne pas retirer des débats des pièces qu'il a produites au soutien de sa cause dès l'instant où son adversaire argue de leur fausseté, ne manifeste pas, en soi, la connaissance que le plaideur a du caractère falsifié des documents ni, partant, ne caractérise l'élément intentionnel du délit d'usage de faux ; qu'en énonçant que la circonstance que Pascal X... n'avait pas fait retirer des débats devant le conseil de prud'hommes les contrats de travail et avenant communiqués le 20 mai 2003, bien que Marie-Annick Y... les ait immédiatement dénoncés comme faux, caractérisait à la charge de Pascal X... l'usage de faux, quand une telle circonstance était impropre à manifester la connaissance qu'aurait eu Pascal X... de la fausseté des signatures figurant sur les pièces litigieuses dès lors qu'il n'en était pas l'auteur, la cour d'appel a de plus fort privé sa décision de base légale" ;


Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, exposé les motifs pour lesquels elle a estimé que la preuve du délit d'usage de faux était rapportée à la charge de Pascal X... et a ainsi justifié sa décision indemnisant la partie civile du préjudice résultant de cette infraction ;

D'où il suit que le moyen, nouveau et, comme tel, irrecevable en sa première branche, et qui, pour le surplus, se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 591, 515 et 475-1 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Pascal X... à payer à Marie-Annick Y... la somme de 1 500 euros en application de l'article 475-1 du code de procédure pénale ;

"aux motifs qu'eu égard à la nature de l'affaire, à sa durée et sa complexité (une information, une instance pénale au premier degré et en cause d'appel), ainsi qu'à la nécessité de fait pour Marie-Annick Y... de recourir à une expertise amiable préalable pour disposer d'éléments suffisants à l'appui de sa plainte avec constitution de partie civile, il échet de fixer à la somme de 1 500 euros l'indemnité que Pascal X... sera condamné à lui payer par application de l'article 475-1 du code de procédure pénale, (arrêt p.8) ;

"alors que, seul l'auteur de l'infraction peut être condamné à payer à la partie civile une somme au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale ; que Pascal X..., relaxé par un jugement du tribunal correctionnel du 17 décembre 2007 dont seule la partie civile avait interjeté appel, ne pouvait, dès lors, être condamné au paiement d'une somme au profit de Marie-Annick Y..." ;

Attendu que, pour condamner le prévenu à verser à la partie civile la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 475-1 du code de procédure pénale, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en statuant ainsi, et dès lors qu'elle a caractérisé une infraction à la charge de Pascal X..., la cour d'appel a justifié sa décision ;

Que le moyen ne peut donc qu'être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Dulin conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Nocquet conseiller rapporteur, M. Rognon conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

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