Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 10 septembre 2009, 08-18.078, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 4 juin 2008) que M. X..., salarié de la société Eternit (la société) de 1951 à 1990, a déclaré le 29 novembre 2005 être atteint de deux affections professionnelles consécutives à l'inhalation des poussières d'amiante que la caisse primaire d'assurance maladie de Brest (la caisse) a décidé de prendre en charge au titre du tableau n° 30 ; que la société a contesté l'opposabilité de la décision de la caisse ;

Sur les trois moyens réunis, tels que reproduits en annexe :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de lui dire opposable la décision par laquelle la caisse a reconnu le caractère professionnel de la maladie de M. X... et de rejeter sa demande tendant à la désignation d'un médecin expert chargé de prendre connaissance du dossier médical du salarié et de déterminer la nature exacte de la maladie déclarée par le salarié ;

Mais attendu que la teneur de l'examen tomodensitométrique mentionné au tableau n° 30 B des maladies professionnelles, qui constitue un élément du diagnostic, n'a pas à figurer dans les pièces du dossier constitué par les services administratifs de la caisse en application de l'article R. 441 13 du code de la sécurité sociale, et dont l'employeur peut demander la communication ; que la production de cette pièce médicale ne peut être exigée que dans le cadre d'une expertise ;

Et attendu que l'arrêt relève que la caisse a avisé l'employeur de la fin de l'instruction du dossier de son salarié, lui en a adressé les pièces tout en lui accordant un délai pour venir le consulter, que le certificat médical initial figurant au dossier fait état de " plaques pleurales calcifiées bilatérales




et d'un carcinome broncho pulmonaire à droite ", que le médecin conseil a conclu que M. X... était atteint de deux affections relevant du tableau n° 30 et a donné un avis favorable à la prise en charge et, enfin, qu'il est établi que le salarié a été exposé au risque de l'amiante au sein de la société, la description des travaux qu'il effectuait faisant apparaître qu'il travaillait sur des matériaux contenant de l'amiante ;

Que de ces constatations et énonciations, la cour d'appel appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve produits devant elle et soumis à la discussion contradictoire des parties, a pu déduire que la caisse avait respecté son obligation d'information, peu important que l'avis du médecin-conseil n'ait pas été motivé, que le caractère professionnel des affections déclarées était suffisamment établi sans qu'il y ait lieu de recourir à une expertise médicale et que la décision de prise en charge était opposable à la société ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Eternit aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Eternit ; la condamne à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de Brest la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix septembre deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour la société Eternit.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le pourvoi fait grief à l'arret infirmatif attaqué d'AVOIR dit que la décision par laquelle la CPAM de BREST a reconnu le caractère professionnel de la maladie de Monsieur X... est opposable à la société ETERNIT ;


AUX MOTIFS QUE « la Caisse Primaire d'Assurance Maladie a envoyé à la société ETERNIT, qui exprime des réserves sur le caractère professionnel des deux pathologies déclarées en décembre 2005 par M. X..., son salarié, et prétend qu'il n'était plus exposé au risque amiante depuis 1959, un questionnaire à renseigner sur ses conditions de travail ; qu'elle a également demandé à M. X... de remplir un tel questionnaire ; qu'elle a ensuite fondé sa décision de prise en charge de ces deux pathologies au titre de la législation du travail sur ces deux questionnaires, les certificats médicaux produits par M. X... et l'avis favorable de son médecin conseil ; que contrairement à ce que jugé par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale, la Caisse n'avait pas l'obligation légale de procéder à une enquête administrative dans un tel cas ; que par ailleurs, elle a non seulement avisé l'employeur de la fin de l'instruction du dossier de son salarié, mais lui en a adressé les pièces et lui a accordé un délai pour venir le consulter (lettre du 3 février 2006, fixant au 21 février 2006 la date d'expiration du délai de consultation) ; que, par ailleurs encore, les deux avis du médecin conseil de la Caisse que celle-ci a communiqués à la société ETERNIT sont suffisamment explicites, puisqu'ils comportent les nom et prénom du salarié concerné, sa date de naissance, le numéro de la maladie professionnelle dont il souffre, un avis favorable à sa reconnaissance, le nom du médecin et la date de sa signature ; qu'enfin, contrairement à ce que soutenu par la société ETERNIT, qui a employé M. X... de 1951 à 1990, celui-ci a bien été exposé au risque amiante dans cette entreprise qui a été son dernier employeur, la description des travaux qu'il y effectuait fait, en particulier, apparaître qu'il travaillait sur des matériaux contenant de l'amiante ; qu'il s'ensuite que le jugement déféré doit être infirmé et la décision de prise en charge de la Caisse des pathologies de M. X... au titre de la législation professionnelle déclarée opposable à son employeur, la société ETERNIT, laquelle sera déboutée de toutes ses demandes et condamnée à payer une somme de 500 à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Brest, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile » ;


ALORS, D'UNE PART, QUE les obligations d'information mises à la charge de la CPAM par les articles R. 441-11 et R. 441-13 du Code de la sécurité sociale ont pour finalité de permettre à l'assuré, à ses ayants-droit et à l'employeur de prendre connaissance du dossier afin de pouvoir formuler des observations sur la nature et l'origine professionnelle de l'affection dont souffre le salarié préalablement à toute décision concernant la prise en charge de cette affection au titre de la législation professionnelle, que cette finalité implique nécessairement que l'employeur puisse avoir connaissance des éléments médicaux susceptibles de fonder la décision pour discuter utilement du caractère professionnel de l'affection et que, dans ce contexte, la délivrance par la CPAM d'avis de son médecin-conseil dépourvus de motivation se limitant à la mention « reconnaissance d'une maladie professionnelle inscrite dans un tableau, n° de maladie professionnelle : 030ABJ920 » et « reconnaissance d'une maladie professionnelle inscrite dans un tableau, n° de maladie professionnelle : 030ACC34 », sans même indiquer explicitement la nature de l'affection ou des affections, ne satisfait pas aux exigences réglementaires ; de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé les textes susvisés ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE le Tableau des maladies professionnelles subordonne la prise en charge au diagnostic d'une maladie particulière ; que le principe de la contradiction impose que l'employeur puisse discuter effectivement ce diagnostic préalablement à toute décision concernant la prise en charge ; que viole l'article R. 441-11 du Code de la Sécurité Sociale l'arrêt qui oppose à l'employeur les avis de son service médical se bornant à la mention « reconnaissance d'une maladie professionnelle inscrite dans un tableau, n° de maladie professionnelle : 030ABJ920 » et « reconnaissance d'une maladie professionnelle inscrite dans un tableau, n° de maladie professionnelle : 030ACC34 » sans indiquer clairement la nature de la maladie diagnostiquée et les examens obligatoires ayant permis d'établir ce diagnostic sur lesquels le service s'est nécessairement fondé ;

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION, SUBSIDIAIRE

Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la décision par laquelle la CPAM de BREST a reconnu le caractère professionnel de la maladie de Monsieur X... est opposable à la société ETERNIT ;

AUX MOTIFS QUE « les deux avis du médecin-conseil de la Caisse que celle-ci a communiqué à la société ETERNIT sont suffisamment explicites, puisqu'ils comportent les noms et prénoms du salarié concerné, sa date de naissance, le numéro de maladie professionnelle dont il souffre, un avis favorable à sa reconnaissance, le nom du médecin et la date de sa signature » ;



ALORS QU'en cas de contestation devant la juridiction judiciaire, il incombe à la CPAM qui a pris en charge une maladie au titre de la législation professionnelle de rapporter la preuve du bien-fondé de la décision dont elle est l'auteur ; qu'elle doit donc être en mesure de démontrer que la maladie prise en charge est bien conforme à la colonne « désignation des maladies » du Tableau de maladie professionnelle en cause ; qu'en outre, la décision de prise en charge d'une maladie professionnelle a une incidence directe sur les droits patrimoniaux de l'employeur, de sorte que ce dernier doit disposer d'un recours effectif relativement aux conditions de la prise en charge ; que, s'agissant de déterminer si l'état du salarié répond effectivement aux conditions fixées dans la colonne « désignation des maladies » du tableau en cause, l'effectivité du recours suppose que l'employeur puisse débattre contradictoirement des documents médicaux ayant permis de diagnostiquer la maladie ; qu'au cas présent, la société ETERNIT demandait à la Cour d'appel d'enjoindre à la CPAM de BREST de produire les pièces médicales de nature à justifier sa décision et de prononcer en cas de refus l'inopposabilité de cette décision à son égard ; qu'en déboutant la société exposant de cette demande, la Cour d'appel a privé la société ETERNIT de la vérifier au stade de la procédure judiciaire le bien-fondé de la décision de prise en charge, violant ainsi les articles 11 et 16 du Code de procédure civile, R. 142-22 du Code de la sécurité sociale, 1315 du Code civil, ensemble les articles 1er du Protocole additionnel n° 1 et 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION, SUBSIDIAIRE

Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la décision par laquelle la CPAM de BREST a reconnu le caractère professionnel de la maladie de Monsieur X... est opposable à la société ETERNIT et d'avoir débouté la société ETERNIT de sa demande tendant à la désignation d'un médecin expert chargé de prendre connaissance du dossier médical du salarié et de déterminer la nature exacte de la maladie déclarée par le salarié ;

AUX MOTIFS QUE « les deux avis du médecin-conseil de la Caisse que celle-ci a communiqué à la société ETERNIT sont suffisamment explicites, puisqu'ils comportent les noms et prénoms du salarié concerné, sa date de naissance, le numéro de maladie professionnelle dont il souffre, un avis favorable à sa reconnaissance,- le nom du médecin et la date de sa signature » ;

ALORS, D'UNE PART, QUE la décision de prise en charge d'une maladie professionnelle a une incidence directe sur les droits patrimoniaux de l'employeur, de sorte que ce dernier doit disposer d'un recours effectif relativement aux conditions de la prise en charge ; que, s'agissant de déterminer si l'état du salarié répond effectivement aux conditions fixées dans la colonne « désignation des maladies » du tableau en cause, l'effectivité du recours suppose que l'employeur puisse débattre contradictoirement des documents médicaux ayant permis de diagnostiquer la maladie ; que, s'agissant d'éléments susceptibles d'être couverts par le secret médical, la désignation d'un expert lui-même tenu au secret médical permet l'instauration d'un tel débat ; que viole dès lors les articles 1er du Protocole additionnel n° 1 et 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 16 du Code de procédure civile, la Cour d'appel qui, après avoir considéré que la CPAM pouvait prendre en charge une maladie sur la base d'un dossier ne contenant pas les examens médicaux ayant permis de la diagnostiquer, refuse, au stade de la procédure judiciaire, la demande d'expertise destinée à prendre connaissance du dossier médical afin de déterminer la nature de la maladie dont est atteint le salarié, privant ainsi l'employeur de toute possibilité d'accéder aux documents ayant conduit à diagnostiquer la maladie prise en charge et, par conséquent, de tout recours effectif contre les titres de créance dont la Caisse va user à son encontre ;

ALORS, D'AUTRE PART, QU'en fondant sa décision sur le seul avis non motivé du médecin conseil de la Caisse pour considérer qu'il était établi que la nature de la maladie prise en charge était conforme à la nomenclature du tableau et refuser sur ce point la demande d'expertise de la société ETERNIT, la Cour d'appel a privé l'employeur de toute possibilité de débat judiciaire sur la nature de l'affection de Monsieur X..., en violation des articles 1er du Protocole additionnel n° 1 et 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 16 du Code de procédure civile.



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