Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 28 avril 2009, 08-82.136, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Bruno,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 11e chambre, en date du 28 février 2008, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef d'apologie d'atteintes volontaires à la vie, a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires personnel en demande et en défense produits ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble l'article 24, alinéas 1 et 5 de la loi du 29 juillet 1881 ;

Vu l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881 ;

Attendu que l'apologie des crimes spécifiés à l'article 24, alinéa 5, de la loi du 29 juillet 1881 exige que les propos incriminés constituent une justification desdits crimes ; qu'il appartient à la Cour de cassation d'exercer son contrôle sur le point de savoir si les propos poursuivis présentent le caractère d'une apologie entrant dans les prévisions de ce texte ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que Bruno X... a été cité à comparaître devant le tribunal correctionnel par le syndicat départemental agro-alimentaire CFDT de la Dordogne et la Fédération générale agro-alimentaire CFDT du chef d'apologie d'atteintes volontaires à la vie, en raison de la diffusion le 22 novembre 2004, sur le forum de discussion proposé par le site "terre-net.fr", des passages suivants relatifs aux contrôles liés à l'octroi ou au maintien des aides prévues par la politique agricole de l'Union européenne : "Je ne suis pas trop inquiet des contrôles PAC à venir car j'ai toujours considéré que la légitime défense est le garde-fou de chaque individu. Je fais mon travail du mieux que je peux et essaie de prendre en compte les nouvelles contraintes. Mais comme à l'impossible nul n'est tenu, je considère qu'un contrôle qui viendrait mettre mon activité en péril, donc ma famille, est une attaque, une agression physique sur les miens. Je vous assure que je saurais réagir en conséquence et de façon proportionnée. Le contrôleur est le dernier maillon de la chaîne. Il doit adapter son contrôle avec intelligence et responsabilité. Chez moi, il n'aura pas l'excuse des cheminots conduisant des trains à l'heure dans les camps simplement parce que c'est un ordre, il sera de fait responsable de ce qu'il fait. La pseudo justice fera ensuite, trop tard, le reste ! C'est aussi une question de dignité !", et, à la question d'un internaute ayant pris le pseudonyme "Léo" qui lui demandait : "T'avais pas un parent en Dordogne, toi ? Du côté de Bergerac ?" : "On a tous un parent du côté de Bergerac, le tout est de savoir si on a du plaisir à se faire exploiter ou bien si on a un peu de fierté et de dignité, ne serait-ce qu'en souvenir de notre courageux aïeul " ; que les premiers juges ont relaxé le prévenu et débouté les parties civiles de leurs demandes ;

Attendu que, pour infirmer le jugement entrepris sur le seul appel des parties civiles, l'arrêt relève que Bruno X... ne conteste pas avoir voulu, le 22 novembre 2004, lancer un appel à la résistance contre les agents de contrôle de la politique agricole commune et que ses propos expriment sa détermination d'attenter, si nécessaire, à la vie des fonctionnaires chargés d'y procéder ; que les juges ajoutent qu'en évoquant à cette occasion, sur l'interrogation d'un internaute, le meurtre d'un contrôleur de la mutualité sociale agricole et d'un inspecteur des lois sociales en agriculture commis lors des vérifications opérées dans une exploitation agricole du département de la Dordogne au mois de septembre précédent, Bruno X... a fait l'apologie de l'atteinte à la vie des fonctionnaires de contrôle ;

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que les passages litigieux, relatant essentiellement l'opinion personnelle de Bruno X... quant aux contrôles pouvant le concerner en tant qu'agriculteur, n'étaient pas de nature à inciter à porter sur les crimes en cause un jugement favorable, la cour d'appel a faussement apprécié le sens et la portée des propos poursuivis ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce seul chef ; que n'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond, elle aura lieu sans renvoi, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;

Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin d'examiner le premier moyen de cassation proposé :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 28 février 2008 ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DIT n'y avoir lieu à application, au profit du syndicat départemental agro-alimentaire CFDT de la Dordogne et de la Fédération générale l'agro-alimentaire CFDT, de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Pelletier président, Mme Guirimand conseiller rapporteur, M. Joly, Mmes Anzani, Palisse, MM. Beauvais, Guérin, Straehli, Finidori, Monfort conseillers de la chambre, Mme Degorce conseiller référendaire ;

Avocat général : M. Mathon ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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