Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 31 mars 2009, 08-14.645, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles 769 et 885 G du code général des impôts ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a acquis le 30 octobre 1992 la nue-propriété d'un bien immobilier ; que l'acquisition et les travaux ont été financés par un emprunt dont le capital a été déduit par M. X... et Mme Y... de l'actif taxable à l'impôt de solidarité sur la fortune pour les années 1994 à 1997 ; que l'administration fiscale a remis en cause cette déduction ; qu'après mise en recouvrement des impositions et rejet de leur réclamation, M. X... et Mme Y... ont saisi le tribunal de grande instance afin d'obtenir le dégrèvement des impositions mises à leur charge ;

Attendu que pour rejeter cette demande, l'arrêt retient que les dettes contractées pour l'achat de biens exonérés ou dans l'intérêt de tels biens doivent être imputés en priorité sur la valeur desdits biens, et que la nue-propriété litigieuse constitue effectivement un bien exonéré par le jeu de l'article 885 G du code général des impôts ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le bien grevé d'usufruit étant, pour l'impôt de solidarité sur la fortune, compris dans le patrimoine de l'usufruitier pour sa valeur en pleine propriété, il ne constitue pas un bien exonéré, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;


PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 janvier 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;

Condamne le directeur général des finances publiques aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer à M. X... et Mme Y... la somme globale de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mars deux mille neuf.


MOYEN ANNEXE à l'arrêt n° 305 (COMM.) ;

Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, Avocat aux Conseils, pour M. X... et Mme Y... ;

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir écarté la demande des exposants en décharge des suppléments d'imposition de solidarité sur la fortune auxquels ils ont été assujettis au titre des années 1994 à 1997.

AUX MOTIFS QUE « l'article 888 E du Code général des impôts dispose que l'assiette de l'ISF est constituée par la valeur nette, au 1er janvier de l'année d'imposition, de l'ensemble des biens, droits et valeurs imposables ; que les biens exonérés n'entrent pas dans cette assiette ; que l'article 885 D du même code prévoit quant à lui que l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) est assis selon les mêmes règles que les droits de mutation par décès ; Que suivant les dispositions de l'article 885- G du même code, les biens grevés d'usufruit doivent être compris, au titre de l'ISF, dans le patrimoine de l'usufruitier pour une valeur en pleine propriété ; Que symétriquement le nu propriétaire est exonéré ; Qu'aux termes du premier alinéa de l'article 769 du Code général des impôts, dont les dispositions sont transposables à l'ISF, les dettes contractées pour l'achat de biens exonérés ou dans l'intérêt de tels biens sont imputées en priorité sur la valeur desdits biens ; Que tel doit être spécialement le cas eu égard aux éléments de la cause ; que les appelants ne sauraient utilement invoquer la réponse du Ministre de l'Economie et des Finances n031418 à Monsieur Z... qui concerne le cas particulier et distinct de droits de succession dus par un nu-propriétaire et dont le paiement est différé ; qu'il est certain qu'en ce qui concerne les appelants dont la situation est seule à prendre en considération, la nue propriété litigieuse (acquise 4. 100. 000 F) constitue effectivement un bien exonéré par le jeu de l'article 885- G du Code général des impôts ; Que la position de l'administration est donc fondée ; que retenir l'analyse des appelants aurait pour résultat de permettre à l'investisseur de se soustraire en tout ou partie à l'ISF, par le biais d'un démembrement de la propriété d'un bien dont l'usufruit appartiendrait à une personne morale, non assujettie à l'impôts sur la fortune ; que la valeur nette du patrimoine du nu propriétaire se trouverait ainsi réduite par le jeu combiné, paradoxal et contraire au principe d'égalité devant l'impôt, de l'exonération et de la déduction sans imputation prioritaire sur le bien exonéré ».

ALORS QU'aux termes de l'article 768 du Code général des impôts applicable à l'impôt de solidarité sur la fortune en vertu de l'article 885 0 du même Code « Pour la liquidation des droits de mutation par décès, les dettes à la charge du défunt sont déduites lorsque leur existence au jour de l'ouverture de la succession est dûment justifiée par tous modes de preuve compatibles avec la procédure écrite » ; Que le premier alinéa de l'article 769 du Code général des impôts, dont les dispositions sont transposables à l'impôt de solidarité sur la fortune, précise que « les dettes à la charge du défunt, qui ont été contractées pour l'achat de biens compris dans la succession et exonérés des droits de mutation par décès ou dans l'intérêt de tels biens sont imputées en priorité sur la valeur desdits biens » ; que l'article 885 G du même Code prévoit que « les biens ou droits grevés d'un usufruit... sont compris dans le patrimoine de l'usufruitier... pour leur valeur en pleine propriété » ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que la nue-propriété d'un bien ne saurait être regardée comme étant exonérée d'impôt de solidarité sur la fortune au sens de l'article 769 du Code général des impôts dès lors que celle-ci est comprise dans le patrimoine imposable de I'usufruitier ; que, par suite, le nu-propriétaire est en droit de déduire de l'assiette de l'impôt sur la fortune les dettes contractées pour l'acquisition ou la conservation du bien démembré qui sont à sa charge au 1er janvier de l'année d'imposition selon les règles prévues à l'article 768 du Code général des impôt ; qu'en jugeant néanmoins qu'il y aurait lieu de faire application de la règle d'imputation spéciale prévue à l'article 769 précité la Cour a violé ce texte par fausse application.

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