Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 14 janvier 2009, 08-11.035, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :

Attendu que M. Michel X... et son épouse, Mme Y..., font grief à l'arrêt attaqué (Paris, 18 octobre 2007) d'avoir accordé aux grands parents paternels un droit de visite sur leurs deux petits enfants, Roselyne et Romain, alors, selon le moyen :

1° / qu'en présence d'un conflit familial aigu, ancien et non résolu opposant les grands parents et les parents de l'enfant, l'intérêt de celui-ci est susceptible de faire obstacle dans ce contexte à des rencontres obligatoires avec les premiers organisées pour la mise en place d'un droit de visite ; qu'en l'espèce, il résultait des pièces de la procédure, notamment du rapport d'expertise, qu'un conflit familial profond et ancien, non résolu, opposait les grands parents à leur fils, l'expert ayant souligné la nécessité d'apaiser ce conflit avant d'envisager la possibilité d'un droit de visite des grands parents, de sorte qu'en se bornant à énoncer que la situation était susceptible d'évolution dans le temps et que les grands parents s'étaient engagés à ne pas dénigrer leur fils et leur belle fille auprès de leurs petits enfants, sans examiner si l'intérêt de ces derniers faisait obstacle à l'octroi d'un droit de visite des grands parents en l'état d'un conflit familial lourd et ancien qu'elle a d'ailleurs admis, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'article 371-4 du code civil ;

2° / que les fils et belle fille soulignaient, pièces à l'appui, que non seulement les intéressés procédaient à un dénigrement constant à leur égard, mais encore qu'ils se livraient " à un harcèlement méthodique, à la fois insidieux et violent ", notamment par " appels téléphoniques " et " recours à des détectives privés ", qu'ils n'avaient ainsi " aucun scrupule à leur nuire ", se montrant de la sorte " indifférents aux répercussions sur les petits enfants " ; qu'en délaissant ces conclusions d'où il ressortait que, en l'état d'un tel comportement des grands parents, l'intérêt des enfants faisait obstacle à l'octroi du droit de visite revendiqué, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'après avoir énoncé, à bon droit, que pour faire obstacle à l'exercice du droit d'un enfant à entretenir des relations personnelles avec ses ascendants, seul l'intérêt de l'enfant doit être pris en considération, c'est par une appréciation souveraine et une décision motivée que la cour d'appel a relevé, d'abord, qu'il résultait du rapport d'expertise médico-psychologique, d'une part que la démarche actuelle des grands parents ne constituait pas un geste de malveillance mais un désir inconscient de réparation, d'autre part qu'il apparaissait non seulement souhaitable mais nécessaire qu'à plus ou moins long terme les enfants puissent entretenir des relations avec leurs grands parents paternels, ensuite, qu'à l'audience, les grands-parents s'étaient engagés à ne pas dénigrer les parents, de sorte qu'il était dans l'intérêt des petits enfants de nouer progressivement des relations avec leurs grands parents paternels ; qu'en se déterminant ainsi en considération de l'intérêt des enfants, elle a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. Michel X... et Mme Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze janvier deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour M. Michel X... et Mme Y....

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir, contre le souhait de parents (M. et Mme Michel X..., les exposants), accordé à des grands-parents (les époux Jean X...) un droit de visite de leurs petits-enfants (Roselyne et Romain) à compter de janvier 2008 à raison de deux heures tous les deux mois, pendant une durée de six mois à compter de la première rencontre effective, puis trois heures tous les deux mois, en un lieu neutre, et d'avoir désigné à cet effet le service de médiation et de consultation familiales de la ville de PARIS ;

AUX MOTIFS QUE seul l'intérêt de l'enfant devait être pris en considération ; que le rapport d'expertise médico-psychologique soulignait l'existence d'un conflit familial lourd et ancien entre M. et Mme Jean X... et leur fils, qui n'était parvenu que tardivement à prendre son autonomie ; que M. et Mme Michel X... étaient dans la crainte de se voir dévalorisés par les époux Jean X... dans leur rôle de parents auprès de leurs enfants qu'ils souhaitaient protéger du conflit actuel en restant à l'écart de toute relation qui pourrait s'avérer néfaste ; que, selon l'expert, la démarche actuelle des grands-parents ne constituait pas un geste de malveillance mais un désir inconscient de réparation eu égard à leur culpabilité liée à la séparation d'avec leur fils durant les trois premières années de sa vie, des raisons professionnelles les ayant conduits à laisser ce dernier la plupart du temps chez sa grand-mère maternelle ; que l'expert avait rappelé que, « pour le développement harmonieux d'un enfant, il était nécessaire que celui-ci entret (înt) des relations non seulement avec chacun de ses parents, mais également avec les représentants des deux lignées, à l'origine de son histoire, « de sorte qu'il appara (issait) non seulement souhaitable mais nécessaire qu'à plus ou moins long terme les enfants p (ussent) entretenir des relations avec leurs grands-parents paternels » ; que le docteur A... concluait son expertise en suggérant que des mesures souples fussent trouvées afin d'apaiser le conflit qui déchirait la famille et que les parties rencontrassent un médiateur thérapeutique ; qu'à l'audience, qui s'était déroulée en présence des parties, lesquelles avaient eu la possibilité de s'exprimer, la profonde souffrance de chacun s'était manifestée ; que les parties s'étaient efforcées de trouver un accord qui n'avait pu aboutir ; que la situation était susceptible d'évolution avec le temps ; que l'intérêt de Roselyne et Romain X... ne faisait pas obstacle au droit de visite sollicité par les grands-parents ; que ces derniers devaient respecter M. et Mme Michel X... dans leur rôle de parents et d'adultes responsables et ne devaient en aucun cas les dénigrer auprès de leurs enfants ; qu'ils s'étaient engagés en ce sens à l'audience ; que, eu égard aux difficultés anciennes sus-énoncées, il apparaissait de l'intérêt des petits-enfants de nouer progressivement des relations avec leurs grands-parents paternels, lesquels devraient, dans un premier temps, leur écrire et adresser des photos, avant de les rencontrer dans le cadre d'un point-rencontre, lieu médiatisé propice à faciliter la construction des liens « petits-enfants / grands-parents » ;

ALORS QUE d'une part, en présence d'un conflit familial aigu, ancien et non résolu opposant les grands-parents et les parents de l'enfant, l'intérêt de celui-ci est susceptible de faire obstacle dans ce contexte à des rencontres obligatoires avec les premiers organisées pour la mise en place d'un droit de visite ; qu'en l'espèce, il résultait des pièces de la procédure, notamment du rapport d'expertise, qu'un conflit familial profond et ancien, non résolu, opposait les grands-parents à leur fils, l'expert ayant souligné la nécessité d'apaiser ce conflit avant d'envisager la possibilité d'un droit de visite des grands parents, de sorte qu'en se bornant à énoncer que la situation était susceptible d'évolution dans le temps et que les grands-parents s'étaient engagés à ne pas dénigrer leur fils et leur belle-fille auprès de leurs petits-enfants, sans examiner si l'intérêt de ces derniers faisait obstacle à l'octroi d'un droit de visite des grands-parents en l'état d'un conflit familial lourd et ancien qu'elle a d'ailleurs admis, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'article 371-4 du Code civil ;

ALORS QUE, d'autre part, les fils et belle-fille soulignaient (v. leurs conclusions signifiées le 6 septembre 2007, p. 18, in fine, pp. 19 et 20, prod.), pièces à l'appui, que non seulement les intéressés procédaient à un dénigrement constant à leur égard, mais encore qu'ils se livraient « à un harcèlement méthodique, à la fois insidieux et violent », notamment par « appels téléphoniques » et « recours à des détectives privés », qu'ils n'avaient ainsi « aucun scrupule à (leur) nuire », se montrant de la sorte « indifférents aux répercussions sur (les) petits-enfants » ; qu'en délaissant ces conclusions d'où il ressortait que, en l'état d'un tel comportement des grands-parents, l'intérêt des enfants faisait obstacle à l'octroi du droit de visite revendiqué, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile.

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