Cour d'appel de Versailles, 9 novembre 2007, 04/8230

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES


Code nac : 70E

19ème chambre

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 09 NOVEMBRE 2007

R.G. No 04/08230

AFFAIRE :

Michel X...
...

C/

Michel Y...
...



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 Septembre 2004 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES
No chambre : 4
No Section :
No RG : 894/02

Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
SCP LEFEVRE
SCP FIEVET


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE NEUF NOVEMBRE DEUX MILLE SEPT,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur Michel X...
né le 06 Août 1948 à LE MANS (72)
Madame Catherine Z... épouse X...
née le 18 Janvier 1959 à LA GOULETTE (Tunisie)
...
représentée par la SCP LEFEVRE TARDY & HONGRE BOYELDIEU Avoués - No du dossier 240822
assistés du cabinet JOBELOT et BERTRAND, avocats au barreau de PARIS,

APPELANTS


****************


Monsieur Michel Y...
né le 28 avril 1939 à MENERVILLE (78)
Madame Janine A... épouse Y...
née le 8 juillet 1936 à MANTES LA B... (78)
...
représentée par la SCP FIEVET-LAFON Avoués - No du dossier 241329
Rep/assistant : Me Frédéric C... (avocat au barreau de VERSAILLES)

INTIMES


****************


Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 01 Octobre 2007, devant la cour composée de :

Monsieur Jean-François FEDOU, Président,
Mme Nicole BOUCLY-GIRERD, conseiller,
Madame Marion BRYLINSKI, conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : M. Nyembo D... Par acte du 25 janvier 2001, les époux Y..., propriétaires d'un immeuble à usage d'habitation sis à Jouy-Mauvoisin ( 78 ) ..., ont assigné leurs voisins, les époux X..., auxquels ils reprochent d'avoir, à l'occasion de la démolition et de la reconstruction de leur garage, adossé le nouveau mur en parpaings sur leur propriété sans leur accord et fait réaliser une construction différant substantiellement de l'ancienne, ce qui leur provoque des nuisances, aux fins d'obtenir :

- l'édification sous astreinte d'un mur séparatif pour éviter tout désordre de promiscuité,

- la remise en état du mur existant,

- le versement d'une indemnité de procédure.

Par jugement du 7 janvier 2003, le tribunal de grande instance de Versailles statuant sur renvoi du tribunal d'instance de Mantes la Jolie qui avait retenu son incompétence, a ordonné une expertise.

Michel E..., désigné avec mission essentiellement de dire si la construction est appliquée ou appuyée sur le mur pignon de la maison Vaslon, s'il a été à cette occasion pratiqué un ou des enfoncements dans le mur, et de déterminer les moyens nécessaires pour que l'ouvrage ne nuise pas aux droits des époux Y... ainsi que leur coût, a déposé son rapport le 13 juin 2003.

Il a conclu que la construction n'est ni appliquée ni appuyée sur le mur pignon des voisins, qu'elle est édifiée en toute indépendance, qu'il n'a été pratiqué aucun enfoncement dans ce mur, qu'il n'y a aucun travail supplémentaire à effectuer.

Statuant après expertise et sur les contestations des époux Y..., le tribunal a, par jugement du 16 Septembre 2004 :

- constaté que les éléments de la construction des époux X... s'appuient sur le mur privatif des époux Y..., et ordonné sa remise en état, notamment des pierres disjointes,

- ordonné la démolition des éléments d'appui sur la propriété des époux Y...,

- ordonné l'édification à la charge des époux X... d'un mur privatif pour clore leur garage et ce, sous astreinte de 100€ par jour de retard à l'expiration d'un délai de 4 mois à compter de la signification de la décision,

- dit que le tribunal se réserve, le cas échéant, la liquidation de l'astreinte,

-ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- condamné solidairement les époux X... à payer aux époux Y... une indemnité de 1200€ au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et aux dépens.




L'exécution provisoire a été arrêtée par ordonnance du Premier président du 3 mars 2003.

Les époux X... ont interjeté appel de cette décision, fondant leur contestation sur la qualification de mur mitoyen retenue par le tribunal pour le mur litigieux.

Les intimés maintenant que ce mur est privatif, la Cour par un arrêt avant dire droit du 12 janvier 2006 constatant que la détermination du caractère privatif ou mitoyen du mur d'appui avait une incidence sur la solution du litige, a ordonné une nouvelle expertise.

Bruno F..., désigné avec mission de fournir tous éléments permettant de déterminer si le mur pignon en cause est un mur privatif appartenant aux époux Y... ou un mur mitoyen, a déposé son rapport le 16 janvier 2007.

Il conclut que le pignon du bâtiment Vaslon a été construit en élévation d'un ancien mur mitoyen en pierre, et que seule la première hauteur sur 2M60 est mitoyenne, les pierres au dessus constituant la propriété du bâtiment Vaslon.

Concluant après expertise, les époux X... aux termes de leurs dernières écritures signifiées le 20 septembre 2007, poursuivent la réformation du jugement entrepris, et requièrent la Cour:

- sur le fondement de l'article 544 du code civil, de débouter les époux Y... de l'intégralité de leurs demandes,

- subsidiairement sur le fondement des articles 544, 657, et 661 du code civil, de prononcer judiciairement l'acquisition de la mitoyenneté du mur sur la partie supérieure à 3,60 M et de statuer souverainement sur l'indemnité due à ce titre aux époux Y...,

- en tout état de cause de débouter les époux Y... de leurs demandes relatives à des nuisances, et de les condamner au paiement de 5000€ à titre de dommages-intérêts et de 3000€ au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Ils font valoir que la première expertise a constaté qu'aucun élément de leur construction ne prenait appui sur le mur litigieux si certains y sont juxtaposés, qu'aucune atteinte au droit de propriété n'est caractérisée, que la mitoyenneté du mur est acquise , au moins par une possession non viciée depuis 1828 sur 3M60 et non 2M60 comme indiqué par l'expert, au vu de la hauteur de l'ancien bâtiment, que la prise d'appui sur cette hauteur ne pouvait leur être refusée, qu'au delà elle se réglera par l'acquisition de la mitoyenneté, que les troubles acoustiques n'ont pas été démontrés.

Les époux Y..., aux termes de leurs dernières écritures signifiées le 5 septembre 2005, concluent à la confirmation de la décision déférée à la cour, et à la condamnation des époux X... à leur payer 3000€ sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.



Ils critiquent l' imprécision du rapport F... sur le caractère privatif ou mitoyen du mur, pour se prévaloir d'un titre ancien, qui en 1948 faisait apparaître que la partie du mur en continuité du mur en cause était privative, et de l'absence de mention de mitoyenneté dans l'acte notarié relatif à la propriété X....

Ils soutiennent que dès lors les travaux d‘adossement à ce mur effectués par leurs voisins sans autorisation préalable d'acquisition de la mitoyenneté constituent un trouble de voisinage, que la construction est appliquée partiellement, voire accolée à leur mur pignon en trois endroits, si bien que le tribunal a justement ordonné l'édification d'un mur privatif et la remis en état de leur mur.


SUR CE, LA COUR

Considérant que dans son arrêt avant dire droit auquel il est fait expressément référence, la Cour a justement rappelé les règles de droit applicables en matière d'adossement à un mur mitoyen et à un mur privatif ;

Qu'en l'espèce, l'expertise ordonnée en vue de déterminer la qualité exacte du mur en cause, a conclu à un mur mitoyen jusqu'à une hauteur de 2 m60, puis privatif au dessus ;

Que si ces conclusions sont critiquées de part et d'autres, il apparaît que l'expert F..., après avoir examiné le mur, s'est fondé sur les usages ruraux pour retenir le caractère mitoyen du mur litigieux jusqu'à 2 m 60, en écartant les titres que lui ont soumis les parties et qui lui ont tous paru trop imprécis ;

Que le titre "Mazetier" qu'ont invoqué les époux Y... en affirmant que le mur privatif qu'il décrit est le mur litigieux, n'a donc pas convaincu l'expert, que les époux X... protestent que le mur visé dans cet acte serait situé de l'autre côté de la parcelle, que la Cour, après l'expert , ne peut que constater l'impossibilité de se déterminer au regard de l'imprécision de ses mentions, que c'est par conséquent à bon droit que l'expert n'a retenu que les usages de la région ;

Que Monsieur F... a encore indiqué, pour démentir l'acquisition de la mitoyenneté par prescription pour la partie excédant la hauteur prescrite par les usages, que du fait qu'aucun ancrage tant de l'ancien garage voisin , plus que trentenaire, que du nouveau construit par les époux X... n'avait pu être relevé dans le mur pignon Y..., ce mur dans sa hauteur supérieure à 2m60 était demeuré privatif ;

Considérant que sur la partie mitoyenne du mur, à défaut de nuisance justifiée par les époux Y..., l'adossement du garage des époux X... n'a , en vertu des règles de droit ci-dessus évoquées, pas lieu d'être critiqué ;

Que sur la partie supérieure, la démonstration de l'atteinte au droit de propriété des époux Y... relève de l'examen des appuis, applications ou enfoncement qui ont pu être pratiqués dans leur mur pignon ;

Considérant que l'expert E... , désigné en première instance avec la mission de dire si la nouvelle construction est appliquée ou appuyée sur le mur pignon de la maison Vaslon, s'il a été pratiqué des enfoncements et s'il y a application ou appui, conclut que la nouvelle construction a été faite en toute indépendance de la maison des époux Vaslon, qu'une panne en partie supérieure est parallèle au mur pignon de la maison Vaslon, que cette panne est située à quelques centimètres du mur, et reprend les chevrons de la couverture qui sont appuyés également sur une panne intermédiaire, que les chevrons s'arrêtent à quelques centimètres du mur, qu'aucun élément de bois ou autre ne pénètre dans le mur Y..., que les murs qui supportent les pannes sont perpendiculaires au mur Y... et ne le touchent pas, un polystyrène de 2cms étant interposé sur toute la hauteur, que sur la partie gauche, un mur ancien a été surélevé sur 1 mètre sans interposition de joint ;

Que ces constatations ne mettent en évidence aucune violation des droits des époux Y... sur la partie privative de leur mur, le polystyrène interposé pour assurer l'étanchéité ne faisant pas partie de la construction ;

Que l'expert précise encore qu'un solin a été exécuté contre le mur de Monsieur Y..., indépendant de la toiture, mais assurant l'étanchéité: que si cet ouvrage est susceptible d'être interprété comme une application sur mur privatif, il convient toutefois de relever que ne touchant pas la toiture, il est indépendant de la construction litigieuse dont il ne fait donc pas partie intégrante, qu'il n'est édifié, conformément aux règles de l'art, que pour assurer l'étanchéité du mur et le protéger des infiltrations qui, à défaut, affecterait le mur pignon des époux Y..., que dans ces conditions, il ne saurait caractériser l'atteinte au droit de propriété que plaident les époux Y..., qui seront par conséquent déboutés de leur action ;

Le jugement entrepris qui y avait fait droit sera infirmé sur ces points.

Sur les dommages-intérêts

La mauvaise foi des époux Y... n'étant pas établie, il n'y a pas lieu d'allouer aux époux X... les dommages-intérêts qu'ils sollicitent pour procédure abusive ;

Sur l'indemnité de procédure

Les époux X... ayant été contraints d'exposer des frais irrépétibles pour faire valoir leurs droits, une indemnité de 2000€ leur sera allouée en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile , les époux Y... qui succombent à la procédure ne pouvant prétendre au bénéfice de ces dispositions ;


PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant en audience publique, contradictoirement et en dernier ressort,

INFIRME le jugement entrepris en ses dispositions critiquées, et statuant à nouveau,

DÉBOUTE les époux Y... de l'ensemble de leurs demandes,

DÉBOUTE les époux X... de leur demande de dommages-intérêts,

CONDAMNE les époux Y... à payer aux époux X... une indemnité de 2000€ en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

LES CONDAMNE aux entiers dépens de la procédure, et autorise la SCP Lefevre-Tardy et Hongre Boyeldieu, avoués en la cause, à recouvrer directement les dépens la concernant conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.

- signé par Monsieur Jean-François FEDOU, Président et par Madame Sylvie RENOULT, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER, Le PRESIDENT,
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