Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 23 mars 2004, 03-82.852, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

REJET du pourvoi formé par X... Pierre, contre l'arrêt de la cour d'appel d'Orléans, chambre correctionnelle, en date du 1er avril 2003, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef d'homicide involontaire, l'a déclaré coupable en le dispensant de peine et qui a prononcé sur l'action civile.

LA COUR,

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6.3, c) de la Convention européenne des droits de l'homme, 460, 513 et 591 du Code de procédure pénale, violation des droits de la défense :

" en ce qu'il ne résulte pas des énonciations de l'arrêt attaqué que Pierre X... ou son avocat ont eu la parole en dernier ;

" alors que le principe selon lequel le prévenu ou son conseil doivent toujours avoir la parole les derniers s'impose à peine de nullité ; que, dès lors, l'arrêt attaqué, dont les énonciations ne permettent pas à la Cour de cassation de s'assurer que Pierre X..., ou son conseil Me Siecklucki, aient été entendus en dernier, a violé le principe susvisé " ;

Attendu que l'arrêt attaqué mentionne qu'ont été successivement entendus l'avocat des parties civiles, le ministère public, l'avocat de Pierre X..., prévenu non comparant, l'avocat de l'autre prévenue, Anne X..., celle-ci ayant eu la parole en dernier ;

Attendu qu'il résulte de ces mentions que l'avocat de Pierre X... a eu la parole le dernier pour présenter la défense de son client ;

Qu'ainsi le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 122-4 et 221-6 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Pierre X... coupable d'homicide involontaire sur la personne d'Yves Y... ;

" aux motifs que Pierre X... a manifestement manqué à la plus élémentaire des prudences en conduisant lui-même son véhicule à contresens à vive allure, ce qui a contribué à la mise en danger d'autrui ; qu'aux termes de l'article 122-4 du Code pénal, n'est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte prescrit ou autorisé par les dispositions législatives ou réglementaires ou commandé par l'autorité légitime sauf si cet acte est manifestement illégal ; qu'en l'espèce, Pierre X... a franchi la ligne médiane, a circulé dans un couloir de circulation qui n'était pas le sien, et a ainsi commis des actes manifestement illégaux qui ne peuvent se rattacher ni à la loi ni au commandement de l'autorité légitime ; qu'il a pris un risque disproportionné pour mettre un terme aux infractions commises par Anne X... ;

" alors que n'est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte prescrit ou autorisé par les dispositions législatives ou réglementaires ; que Pierre X... démontrait qu'il ne pouvait être déclaré pénalement responsable dès lors que la légitimité de la décision de mettre un terme au comportement dangereux et répréhensible d'Anne X... résidait dans la mission de sécurité lui étant légalement impartie en sa qualité d'officier de police judiciaire, de sorte que l'ordre donné en ce sens par son supérieur hiérarchique, Yves Y..., se trouvait être parfaitement légal ; qu'ainsi, en se bornant à examiner la responsabilité du demandeur au regard des seules conséquences découlant nécessairement de la décision de mettre un terme à la course folle d'Anne X... compte tenu de la trajectoire empruntée par cette automobiliste, sans rechercher si une telle décision, en elle-même, n'obéissait pas aux prescriptions légales en la matière, conférant à l'ordre donné un caractère obligatoire, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision " ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt et des pièces de procédure que, le 21 mars 1996, vers 20 h 30, à Tours, deux gendarmes de la brigade rapide d'intervention de l'autoroute A 10, Pierre X... et Yves Y..., qui partaient en mission de surveillance dans un véhicule conduit par le premier, ont constaté qu'une automobile, roulant tous feux éteints, venait de franchir un feu rouge ; qu'ils ont décidé de poursuivre ce véhicule, conduit par Anne X..., qui a accéléré, jusqu'à atteindre la vitesse de 100 km/heure et qui a franchi la ligne médiane continue pour rouler à contresens de la circulation ; que, pour éviter un choc frontal, la conductrice s'est déportée sur la gauche dans la voie réservée aux autobus ; que le conducteur du véhicule de gendarmerie, qui suivait de très près celui poursuivi, s'est rabattu sur la droite pour éviter à son tour la collision ; qu'il a perdu le contrôle de son automobile qui a percuté un arbre ; qu'Yves Y... a trouvé la mort et que Pierre X... a été grièvement blessé ;

Attendu que, par arrêt de la cour d'appel d'Orléans du 16 juillet 1998, Anne X... a été condamnée pour mise en danger d'autrui et contraventions au code de la route ; qu'à la suite de la plainte avec constitution de partie civile d'Annie Z..., veuve d'Yves Y..., et de Pierre X..., contre Anne X..., du chef d'homicide et blessures involontaires, celle-ci, ainsi que Pierre X..., ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel, qui les a déclaré coupables dispensant de peine le second ;

Attendu que, pour confirmer les dispositions du jugement retenant la culpabilité de Pierre X... du chef d'homicide involontaire, en écartant son argumentation, qui invoquait la cause d'irresponsabilité pénale prévue par l'article 122-4 du code pénal, l'arrêt relève que le prévenu, en adaptant sa conduite automobile à celle particulièrement dangereuse d'Anne X..., lui-même franchissant la ligne médiane continue et roulant à contresens de la circulation, a pris un risque disproportionné à l'obligation de mettre un terme aux infractions constatées, en commettant des actes manifestement illégaux, qui ne peuvent être justifiés ni par la loi ni par le commandement de l'autorité légitime ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, qui caractérisent un comportement faisant obstacle à l'application de l'article 122-4 du Code pénal, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.

Retourner en haut de la page