Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 9 novembre 2004, 03-87.444, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le neuf novembre deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire VALAT, les observations de Me CARBONNIER, de Me COSSA et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FINIELZ ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- L'ASSOCIATION LICRA, partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de LIMOGES, chambre correctionnelle, en date du 5 novembre 2003, qui l'a déboutée de ses demandes après relaxe de Jean-Pierre X..., la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE LIMOGES, Donald Y..., la société ELMECERAM du chef de discrimination économique à raison de l'origine nationale, complicité, recel ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'à la demande de la banque Commercial Bank Int et de la société Al Manal Glass Co LLC, ayant son siège aux Emirats Arabes Unis, laquelle, suivant contrat du 3 février 1998, avait passé commande de divers matériels à la société française Elmeceram, dirigée par Donald Y..., cette dernière a accepté de verser au dossier d'ouverture de crédit documentaire, d'une part, un certificat en date du 10 juillet 1998, attestant que "les biens exportés étaient d'origine française, qu'ils ne renfermaient aucun matériau ou composant industriel venant d'Israël, n'étaient pas d'origine israélienne et ne contenaient aucun matériau ou apport de main d'oeuvre israélienne", d'autre part, une attestation selon laquelle la livraison n'interviendrait pas par le canal d'un transporteur israélien ni ne transiterait par Israël ; que ces documents ont été visés par la chambre de commerce et d'industrie (CCI) de Limoges, sous la signature de son directeur, Jean-Pierre X... ;

Attendu que la Licra a dénoncé ces faits au procureur de la République ; que celui-ci a classé sans suite la plainte en ce qu'elle visait le certificat d'origine et, pour le surplus, a cité directement devant le tribunal correctionnel pour discrimination économique la société Elmeceram et Donald Y... ; que la Licra a, de son côté, poursuivi directement devant le même tribunal, outre les deux personnes précitées, la chambre de commerce et d'industrie de Limoges et son directeur Jean-Pierre X... pour complicité et recel de discrimination en visant les certificats d'origine et de transport ;

Attendu que les premiers juges ont relaxé les prévenus du chef de recel et les ont déclarés coupables de discrimination raciale ;

Attendu qu'appel de cette décision a été relevé par toutes les parties ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de la loi du 8 juin 1977, de la directive 2000/43/CE du 29 juin 2000, de la Convention de New-York du 7 mars 1996, des articles 32 de la circulaire du 17 juillet 1981, 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, 225-1, 225-2 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a renvoyé Jean-Pierre X..., la Chambre de commerce et d'industrie de Limoges, Donald Y... et la société Elmeceram des fins de la poursuite et, recevant la Licra en sa constitution de partie civile, l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes ;

"aux motifs que, sur le certificat d'origine, la mention manuscrite suivante a été apposée par Donald Y... : "nous certifions que ces biens sont d'origine française ; ils ne contiennent aucun composant industriel venant d'Israël, ne sont pas d'origine israélienne, n'ont pas été exportés d'Israël et ne contiennent aucun matériau ou main d'oeuvre israélienne" ; que ce certificat d'origine est visé par la CCI de Limoges et de la Haute-Vienne, sous la signature de son directeur, Jean-Pierre X..., qui atteste ainsi l'origine entièrement française de la marchandise exportée ; que ce certificat d'origine constate un état de fait révolu ; que le fait d'attester que les produits sont uniquement et exclusivement d'origine française ne saurait en soi constituer une discrimination ;

qu'il s'agit d'un certificat d'origine positive qui ne révèle pas de comportement discriminatoire ; que, lors de la conclusion du contrat, l'acquéreur savait que les composants des machines étaient exclusivement d'origine française ; que le contrat n'avait, au demeurant, imposé aucune condition quant au mode de fabrication ;

que l'élément matériel de l'infraction n'est donc pas constitué ; qu'il en résulte qu'en l'absence de fait principal punissable, la complicité et le recel ne peuvent faire l'objet de poursuites séparées ;

"alors, d'une part, que le certificat d'origine atteste de ce que les biens exportés par la société Elmeceram "ne contiennent aucun composant industriel venant d'Israël, ne sont pas d'origine israélienne, n'ont pas été exportés d'Israël et ne contiennent aucun matériau ou main d'oeuvre israélienne" ; qu'en énonçant que ce document attesterait exclusivement de l'origine française de la marchandise exportée, et en le qualifiant de certificat d'origine positive, la cour d'appel a dénaturé le certificat d'origine, objet des poursuites, et a violé les textes susvisés ;

"alors, d'autre part, que constitue une discrimination toute distinction opérée à raison notamment de l'appartenance, ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ; qu'en attestant de ce que les biens exportés par la société Elmeceram "ne contiennent aucun composant industriel venant d'Israël, ne sont pas d'origine israélienne, n'ont pas été exportés d'Israël et ne contiennent aucun matériau ou main d'oeuvre israélienne", le certificat d'origine exclut l'Etat d'Israël et ses ressortissants de la fabrication et de toute intervention sur la réalisation des produits d'équipement exportés par la société Elmeceram ; qu'en estimant que ce document ne révélerait pas de comportement discriminatoire, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision" ;

Attendu que, pour renvoyer les prévenus des fins de la poursuite relativement au certificat attestant l'origine exclusivement française des biens exportés, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en l'état de ces constatations et énonciations, et dès lors que ne peut avoir pour objet de faire échec à l'activité économique d'autrui le fait pour un contractant de certifier a posteriori l'origine d'un produit objet d'un contrat de vente déjà conclu et en cours d'exécution, l'arrêt n'encourt pas les griefs allégués ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Mais, sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation de la loi du 8 juin 1977, de la directive 2000/43/CE du 29 juin 2000, de la Convention de New-York du 7 mars 1996, des articles 32 de la circulaire du 17 juillet 1981, 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, 122-3, 122-7, 225-1, 225-2 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a renvoyé Jean-Pierre X..., la Chambre de commerce et d'industrie de Limoges, Donald Y... et la société Elmeceram des fins de la poursuite et, recevant la Licra en sa constitution de partie civile, l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes ;

"1 ) aux motifs que le certificat de transport a été rempli et signé par Donald Y..., directeur général de la société Elmeceram ; que le libellé de ce document introduit une discrimination dans les relations économiques car il comporte l'interdiction acceptée par la société Elmeceram d'avoir recours à un moyen de transport qui appartiendrait à un ressortissant israélien ou qui transiterait dans un port ou aéroport israélien ; que cette disposition vise expressément à créer une discrimination fondée sur une considération d'origine nationale ; que l'élément matériel du délit de discrimination à raison de l'origine nationale est constitué dès lors que l'action ou l'omission a pour conséquence de rendre plus difficile l'exercice d'une activité économique ; que cette condition a été imposée par l'acheteur ; que l'absence de fourniture de ce certificat aurait privé le vendeur du bénéfice d'un crédit documentaire, garantie de paiement effectif ; que cette clause qui présente un caractère discriminatoire, non prévue au contrat d'origine, a été imposée au vendeur alors que la marchandise était déjà fabriquée et en cours d'expédition ; qu'il est évident que le vendeur pouvait expédier la marchandise mais avec le risque important de ne pas être payé ; qu'il s'est donc trouvé dans la nécessité impérieuse de satisfaire aux exigences de l'acheteur qui n'a fait que se conformer aux directives émanant de son Etat ;

"alors, d'une part, que ne justifie pas l'infraction la simple crainte, et non le péril imminent ; que la cour d'appel qui énonce que l'absence de certificat de transport discriminatoire aurait privé la SA Elmeceram du bénéfice du crédit documentaire, et lui aurait fait courir un risque important de ne pas être payée, n'a pas caractérisé de péril imminent ou actuel au sens de l'article 122-7 du Code pénal justifiant la commission par les prévenus de la discrimination poursuivie ;

"alors, d'autre part, que l'état de nécessité suppose que l'infraction réalisée ait seule permis d'éviter l'événement redouté, à l'exclusion de tout autre moyen moins périlleux pour les tiers ; que la cour d'appel qui énonce que la société Elmeceram, craignant de ne pas être payée en l'absence de crédit documentaire, se serait trouvée devant la nécessité impérieuse de satisfaire aux exigences discriminatoires de son acheteur, sans rechercher si la réglementation française, européenne et internationale n'offrait pas de possibilité juridique et/ou commerciale pour obtenir le paiement dû, n'a pas justifié légalement sa décision ;

"alors, enfin, que l'état de nécessité s'entend de la situation dans laquelle se trouve une personne qui, pour sauvegarder un intérêt supérieur, n'a d'autre ressource que d'accomplir un acte défendu par la loi pénale ; que la cour d'appel, qui constate que l'infraction poursuivie a été motivée par la volonté des prévenus de garantir le paiement des marchandises exportées, n'a pas caractérisé d'intérêt supérieur susceptible de justifier la discrimination dénoncée ;

"2 ) aux motifs que l'infraction de discrimination définie à l'article 225-1 du Code pénal nécessite que soit démontrée l'existence d'un second élément matériel, à savoir l'existence d'une entrave à l'exercice normal d'une activité économique quelconque prévue à l'article 225-2-3 du Code pénal, ce qui n'est pas le cas dans les relations entre Israël et les pays des Emirats Arabes Unis qui étaient en conflit ouvert à l'époque des faits ; que le comportement discriminatoire doit s'apprécier au regard des conditions habituelles dans lesquelles s'exerce le commerce international, c'est-à-dire lorsque l'activité commerciale n'obéit qu'à des considérations purement économiques unissant les échanges entre les partenaires commerciaux ; que l'exercice du droit international consiste à promouvoir la paix entre les Etats et les nations, ce qui revient à considérer que les situations de conflit ou de guerre doivent être considérées comme anormales ; qu'en l'état du conflit israélo-arabe, les parties belligérantes disposent des possibilités de s'assurer si un moyen de transport, bateau ou un avion relevant d'un pays tiers ne transporte pas des marchandises à destination de l'Etat ennemi avec le risque de mise sous séquestre ; que ce risque très important, eu égard à la situation de conflit, est encouru pour les livraisons faites par une entreprise française d'une marchandise à destination des Emirats Arabes Unis qui transiterait par Israël ; qu'il y a donc lieu de considérer que l'activité économique avec les Emirats Arabes Unis compte tenu du conflit israélo-arabe ne se déroulait pas dans des conditions normales au sens de l'article 225-2 du Code pénal et que la société Elmeceram pour des raisons de sécurité juridique s'est trouvée dans la nécessité d'obtempérer aux injonctions de son acheteur ; que, dans ces conditions, la preuve d'une entrave à un exercice normal d'une activité économique n'est pas rapportée ;

"alors, d'une part, qu'en érigeant en infraction tout obstacle apporté à l'exercice d'une activité économique d'une personne, physique ou morale, à raison de son appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, le législateur a entendu réprimer la discrimination raciale, sans prendre en considération aucun autre élément ; qu'en se fondant sur la circonstance d'un conflit politique (et non d'une guerre) entre Israël et les Emirats Arabes Unis, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"alors, d'autre part, que ne justifie pas l'infraction la simple crainte, et non le péril imminent ; que la cour d'appel, qui énonce que le refus de la société Elmeceram d'obtempérer aux injonctions discriminatoires de son acheteur lui aurait fait courir le risque très important de mise sous séquestre de la marchandise, n'a pas caractérisé de péril imminent ou actuel au sens de l'article 122-7 du Code pénal justifiant la commission par les prévenus de la discrimination poursuivie ;

"alors, au surplus, que l'état de nécessité suppose que l'infraction réalisée ait pu seule permettre d'éviter l'événement redouté, à l'exclusion de tout autre moyen moins périlleux pour les tiers ; que la cour d'appel, qui énonce que, confrontée au risque très important de mise sous séquestre de sa marchandise, la société Elmeceram aurait été dans la nécessité d'obtempérer aux injonctions discriminatoires de son acheteur, sans rechercher si la réglementation française, européenne et internationale n'offrait pas de possibilité juridique et/ou commerciale pour éviter ou remédier à cette situation, n'a pas justifié légalement sa décision ;

"alors, enfin, que l'état de nécessité s'entend de la situation dans laquelle se trouve une personne qui, pour sauvegarder un intérêt supérieur, n'a d'autre ressource que d'accomplir un acte défendu par la loi pénale ; que la cour d'appel, qui constate que l'infraction poursuivie a été motivée par la volonté des prévenus d'éviter la mise sous séquestre de marchandises exportées, n'a pas caractérisé d'intérêt supérieur susceptible de justifier la discrimination dénoncée ;

"3 ) aux motifs que, le 24 octobre 1992, le ministre de l'Industrie et du Commerce extérieur a adressé au président de l'ACFCI, d'une part, un modèle de certificat d'origine invitant ses adhérents à mentionner seulement l'origine unique et exclusive des marchandises et, d'autre part, un modèle d'attestation de transport autorisant le vendeur à faire notamment figurer sur le certificat d'origine un engagement de ne pas faire charger les marchandises énumérées à bord d'un moyen de transport appartenant à des personnes de nationalité israélienne ou faisant escale, à l'occasion d'un transport, dans un port ou aéroport israélien ; que le ministre a expressément demandé à I'ACFCI de diffuser ces documents auprès de ses membres pour qu'ils en fassent immédiatement usage dans le cadre des procédures d'exportation à destination des pays arabes ; qu'il ressort de la lettre du ministre de tutelle du 10 juillet 1992 et du document joint que les instructions adressées au président des assemblées permanentes des chambres de commerce visaient à obtenir la signature des documents les déclarant conformes à la loi française et aux usages du commerce international, les intervenants s'engageant en raison des risques de confiscation à ne pas faire charger les marchandises à bord d'un bateau ou d'un avion enregistré en Israël ou appartenant à des personnes de nationalité israélienne en résidence en Israël ou faisant escale dans un port, aéroport à destination d'Israël lorsque les marchandises sont exportées vers les Emirats Arabes Unis ; que cette circulaire émanant d'une autorité gouvernementale a légitimement provoquer une erreur de droit insurmontable dans un contexte politique de tension entre deux nations, Israël d'une part et les Emirats Arabes Unis d'autre part à la faveur duquel l'un des contractants impose de façon unilatérale des conditions supplémentaires lors de la livraison des marchandises, conditions non stipulées dans le contrat initial ;

"alors qu'en qualifiant d'insurmontable l'erreur sur le droit induite par la lettre circulaire du 10 juillet 1992 du ministre de l'Industrie et du Commerce extérieur destinée à harmoniser l'intervention de l'ensemble des CCI, quand la prohibition de la discrimination fondée notamment sur l'appartenance à une race, une origine ethnique ou une nation déterminée résulte tout à la fois de la loi du 8 juin 1977, de la circulaire du 17 juillet 1981, de la directive 2000/43/CE du 29 juin 2000, de la Convention de New-York du 7 mars 1996, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des articles 225-1 et 225-2 du Code pénal, textes que les prévenus, en leur qualité de professionnels avertis, ne pouvaient ignorer, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision" ;

Vu les articles 122-3, 122-7, 225-2, 2 , du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale ;

Attendu que, selon l'article 225-2, 2 , du Code pénal, constitue une discrimination punissable le fait d'entraver l'exercice normal d'une activité économique quelconque en opérant une distinction entre les personnes notamment en raison de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une nation déterminée ;

Attendu qu'aux termes de l'article 122-7 du Code pénal, seul un danger actuel et imminent est de nature à justifier l'infraction ;

Attendu que, pour bénéficier de la cause d'irresponsabilité prévue par l'article 122-3 du Code pénal, la personne poursuivie doit justifier avoir cru, par une erreur sur le droit qu'elle n'était pas en mesure d'éviter, pouvoir légitimement accomplir l'acte reproché ;

Attendu que, pour relaxer les prévenus en ce qui concerne le certificat attestant que la livraison des biens exportés n'interviendrait pas par le canal d'un transporteur israélien ni ne transiterait par Israël, l'arrêt, après avoir énoncé que ce document introduit une discrimination dans les relations économiques et que l'action ou l'omission dont s'agit a pour conséquence de rendre plus difficile l'exercice d'une activité économique, retient que, compte tenu du conflit israélo-arabe, l'activité économique avec les Emirats Arabes Unis ne se déroulait pas dans des conditions normales au sens de l'article 225-2, 2 , du Code pénal ; que les juges relèvent qu'en raison du risque important de ne pas être payé, le vendeur s'est trouvé dans la nécessité impérieuse de satisfaire aux exigences de l'acheteur ; qu'ils retiennent enfin que des lettres du ministre de l'industrie et du commerce extérieur des 10 juillet et 24 octobre 1992 adressées aux présidents des assemblées permanentes de chambres de commerce ont provoqué une erreur de droit insurmontable ;

Mais attendu qu'après avoir retenu à bon droit que les agissements des prévenus étaient discriminatoires, les juges ne pouvaient statuer comme ils l'ont fait, sans démontrer que l'erreur de droit invoquée était invincible et que l'infraction commise pouvait seule permettre d'éviter l'événement qu'ils redoutaient à défaut de tout autre moyen ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Et sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation de la loi du 8 juin 1977, de la directive 2000/43/CE du 29 juin 2000, de la Convention de New-York du 7 mars 1996, des articles 32 de la circulaire du 17 juillet 1981, 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, 121-6, 121-7, 225-1, 225-2 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a renvoyé Jean-Pierre X..., la CCI de Limoges, Donald Y... et la société Elmeceram des fins de la poursuite, et, recevant la Licra en sa constitution de partie civile, l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes ;

"aux motifs qu'en ce qui concerne l'intervention de la CCI de Limoges et de son directeur, il y a lieu de constater que Jean-Pierre X... n'a pas pris partie sur le libellé du certificat de transport incriminé ayant simplement certifié matériellement que la signature figurant sur ce document émanait bien du directeur de la société Elmeceram, Donald Y... ; que l'apposition du visa de la CCI réalisait ainsi l'authentification de la signature du vendeur mais ne concernait pas le fond du texte figurant sur ce document ;

"alors qu'est complice celui qui a fourni les moyens permettant la réalisation d'un délit ; qu'en écartant la complicité de Jean-Pierre X... et la CCI de Limoges en ce qu'ils se seraient contentés d'authentifier la signature de Donald Y..., cependant que, en certifiant la signature apposée sur un titre de transport discriminant à l'égard de l'Etat d'Israël et de ses ressortissants, et en validant ainsi une procédure d'exportation discriminatoire, les prévenus ont contribué à l'infraction en fournissant à Donald Y... et à la société Elmeceram les moyens de la réaliser, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen" ;

Vu l'article 593 du Code de procédure pénale ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que, pour renvoyer Jean-Pierre X... et la chambre de commerce et d'industrie de Limoges des fins de la poursuite, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que le certificat de transport sur lequel Jean-Pierre X... a apposé son visa, était établi à partir d'un modèle fourni par la chambre de commerce et d'industrie, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

D'où il suit que la cassation est de nouveau encourue ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Limoges, en date du 5 novembre 2003, mais en ses seules dispositions civiles relatives au certificat de transport, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Limoges et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Valat conseiller rapporteur, M. Joly, Mme Anzani, M. Beyer, Mmes Palisse, Guirimand conseillers de la chambre, Mmes Ménotti, Degorce conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Finielz ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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