Cour de Cassation, Chambre sociale, du 28 mai 1998, 96-20.830, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le moyen unique, pris en ses cinq branches :

Attendu qu'à la suite de l'accident de travail dont a été victime le 17 juillet 1990 M. X..., salarié de la société Erasteel, la caisse primaire d'assurance maladie a fixé à 14 % le taux d'incapacité permanente partielle de l'intéressé ; que la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification (Cour nationale, 27 juin 1996) a débouté l'employeur de son recours ;

Attendu que la société Erasteel fait grief à la Cour nationale d'avoir ainsi statué alors, selon le moyen, que, d'une part, il résulte des dispositions de l'article R. 434-35 du Code de la sécurité sociale que la décision de notification du taux d'incapacité doit être motivée ; que la méconnaissance de cette prescription, laquelle est indispensable, préalablement à tout contentieux, à l'information de l'employeur, ne saurait être couverte par la communication des documents médicaux que la caisse primaire doit transmettre à l'employeur à l'occasion du recours qu'il engage ; qu'une telle prescription est donc imposée à peine de nullité ; qu'en décidant le contraire la Cour nationale de l'incapacité a violé le texte précité et l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ; alors, d'autre part, que le juge doit en toute circonstance faire observer le principe du contradictoire et qu'il ne peut retenir dans sa décision les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement ; qu'en se fondant néanmoins, après avis de son médecin qualifié, sur des pièces médicales qui n'avaient pas été contradictoirement débattues faute de communication, la Cour nationale de l'incapacité a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile et l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ; alors, de troisième part, qu'il résulte de l'article 132 du nouveau Code de procédure civile qu'en cause d'appel la communication des pièces est obligatoire dès lors qu'une partie en fait la demande, de sorte que viole ce texte la Cour nationale de l'incapacité qui considère qu'aucune obligation légale ou réglementaire ne prévoyait l'obligation pour la Caisse, partie défenderesse, d'adresser au médecin désigné par une partie la copie intégrale des éléments médicaux du dossier qu'il réclamait expressément ; alors, de quatrième part, que nul ne peut se voir imposer une obligation à caractère civil sans avoir été à même d'en discuter le bien-fondé au terme d'une procédure équitable et contradictoire, en sorte qu'en affirmant que le taux d'incapacité permanente partielle, dont dépend le montant des cotisations mises à la charge de l'employeur au titre des accidents du travail en application de l'article L. 242-5 du Code de la sécurité sociale, n'avait pas, en l'état actuel des textes, à être fixé de manière contradictoire par la Caisse, la Cour nationale de l'incapacité a violé les articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, 15 et 16 du nouveau Code de procédure civile ; qu'il en va d'autant plus ainsi que la procédure subséquente de contestation, si elle est susceptible de faire intervenir un médecin-expert devant le tribunal de l'incapacité et un médecin désigné devant la Cour nationale de l'incapacité, n'organise pas davantage une procédure contradictoire à l'égard de l'employeur ; que le salarié peut en outre refuser de se soumettre à l'expertise, en sorte que l'employeur demeure donc dans l'impossibilité de contester utilement le taux d'incapacité reconnu à la victime ;

et alors, enfin, et en tout état de cause, que l'avis du médecin qualifié désigné par la Cour nationale ne lie pas cette dernière, en sorte que doit être censurée la décision qui déboute un employeur de sa contestation portant sur le montant du taux d'incapacité reconnu à un salarié victime d'un accident du travail en se bornant à reproduire le rapport du médecin qualifié, sans réfuter, par une motivation propre, les moyens et arguments soulevés par l'employeur ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour nationale a commis un excès de pouvoir et violé les articles R. 143-28, R. 143-29 du Code de la sécurité sociale, ensemble l'article 1353 du Code civil ;

Mais attendu qu'après avoir exactement énoncé que la motivation de la décision de la Caisse n'est pas prévue à peine de nullité, la Cour nationale a relevé que le médecin représentant l'employeur auprès de la commission régionale d'invalidité a pris connaissance du dossier médical de la victime au vu duquel la Caisse a pris cette décision, en sorte qu'il a été à même d'en discuter et que l'employeur a ainsi pu faire valoir ses droits dans le cadre d'un débat contradictoire devant les juridictions du contentieux technique de la sécurité sociale, conformément aux exigences de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Et attendu, en outre, qu'appréciant souverainement les conclusions de son médecin qualifié prises au vu de ce même dossier, la Cour nationale a estimé, sans encourir les griefs du moyen, que le taux d'incapacité retenu par la Caisse devait être maintenu ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

Retourner en haut de la page