Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 24 septembre 2014, 13-10.367, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 3171-4 du code du travail, ensemble l'article 2.2.1.2 du chapitre IV de la convention collective nationale de la distribution directe du 9 février 2004 ;

Attendu que la quantification préalable de l'ensemble des missions confiées et accomplies par le distributeur, dans le cadre de l'exécution de son métier, en fonction des critères associés à un référencement horaire du temps de travail prévue par l'article 2.2.1.2 du chapitre IV de la convention collective nationale de la distribution directe ne saurait, à elle seule satisfaire aux exigences de l'article L. 3171-4 du code du travail et qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par la société Adrexo en qualité de distributeur de journaux et documents publicitaires dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel à compter du 4 novembre 2004, que le 18 juillet 2005 il a conclu un nouveau contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel modulé, en application de la même convention collective ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir des rappels de salaire pour le temps réel de travail ;

Attendu que pour débouter le salarié de ses demandes l'arrêt retient, par motifs propres, que ses demandes doivent être examinées au regard des dispositions conventionnelles créant un statut national spécifique pour les distributeurs et mettant en place notamment une quantification prédéterminée de l'ensemble des tâches accomplies par les distributeurs ; qu'il remet en cause en réalité le principe même de la rémunération basée sur la quantification préalable, puisqu'il affirme clairement que les heures effectivement travaillées ne lui ont pas été payées en intégralité alors que précisément, la convention collective nationale et l'accord d'entreprise précité ont mis en place un système de rémunération basé sur une durée quantifiée préalablement qui est nécessairement une durée théorique mais qui doit être considérée comme la durée effective du travail, dès lors que le salarié a accepté contractuellement cette modalité de rémunération; qu'il a toujours la possibilité de refuser de signer les feuilles de route s'il n'est pas d'accord avec la quantification préétablie ce qui provoquerait une discussion sur les critères en cause, compte tenu du lien entre la feuille de route et l'assurance ; que les contestations du salarié et ses pièces ne sont pas de nature à contredire les éléments produits par l'employeur pour justifier du respect de ses engagements contractuels, documents qui récapitulant toutes les prestations effectuées et la rémunération perçue pour chaque distribution démontrent la cohérence des éléments contractuels et de la rémunération perçue ; que la durée quantifiée préalablement est nécessairement une durée théorique et doit être considérée comme la durée effective du travail, peu important le temps mis par le salarié pour effectuer sa mission, celui-ci n'étant pas à la disposition de l'employeur de manière permanente ni même pendant un temps donné et vérifiable mais bénéficiant d'une autonomie et d'une liberté d'organisation pour effectuer les tâches prévues dans les feuilles de route ; que le salarié a signé sans réserve la plupart des feuilles de route, étant rappelé, d'une part, que pour chaque distribution effectuée par le salarié, une feuille de route a été établie détaillant les prestations à effectuer, leur localisation, la rémunération à percevoir pour chaque tâche ainsi que le détail des frais professionnels, d'autre part, que la signature des feuilles de route vaut acceptation de la distribution confiée mais également acceptation de la rémunération, des frais et du nombre d'heures figurant expressément sur chaque feuille de route ; et par motifs adoptés, qu'en cas de dépassement du nombre d'heures contractuellement prévues sur un an, la convention collective et l'accord d'entreprise prévoient une procédure de révision du nombre d'heures contractuelles avec proposition, le cas échéant, d'un avenant au contrat de travail ;

Qu'en statuant ainsi, en se fondant exclusivement sur la quantification préalable des missions confiées et accomplies, reprise dans les feuilles de route, sans se prononcer sur le décompte produit par le salarié pour étayer sa demande, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 janvier 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;

Condamne la société Adrexo aux dépens ;

Vu l' article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Adrexo et condamne celle-ci à payer à la SCP Waquet, Farge et Hazan la somme de 2 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé et signé par M. Lacabarats, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, conformément à l'article 456 du code de procédure civile, en l'audience publique du vingt-quatre septembre deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. X....

Il EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur X... de sa demande en paiement d'un rappel de salaires de novembre 2004 à décembre 2006, et en paiement d'indemnités kilométriques ;

AUX MOTIFS QUE les demandes de Monsieur X... doivent être examinées au regard des dispositions conventionnelles créant un statut national spécifique pour les distributeurs et mettant en place notamment une quantification prédéterminée de l'ensemble des tâches accomplies par les distributeurs ainsi que le stipule l'article 2-2-1-2 du chapitre 4 de la convention collective applicable ainsi rédigé « le calcul de la durée du travail procède, pour les activités de distribution effectuées pour l'essentiel en dehors des locaux de l'entreprise et hors d'un collectif de travail, d'une quantification préalable de l'ensemble des missions confiées et accomplies par le distributeur, dans le cadre de l'exécution de son métier, en fonction des critères associés à un référencement horaire du temps de travail conformément aux dispositions de l'annexe numéro III » ; que Monsieur X... remet en cause en réalité le principe même de la rémunération basée sur la quantification préalable, puisqu'il affirme clairement que les heures effectivement travaillées ne lui ont pas été payées en intégralité alors que précisément, la convention collective nationale et l'accord d'entreprise précité ont mis en place un système de rémunération basé sur une durée quantifiée préalablement qui est nécessairement un durée théorique mais qui doit être considérée comme la durée effective du travail, dès lors que le salarié a accepté contractuellement cette modalité de rémunération dans le cadre d'un contrat de travail à temps partiel modulé et dès lors qu'il a signé des feuilles de route détaillant les prestations à effectuer, leur localisation, la rémunération à percevoir pour chaque tâche ainsi que le détail des frais professionnels ; qu'ainsi concernant la demande de rappel de salaire de l'appelant, qu'il sera au préalable relevé que ce dernier a signé en pleine connaissance de cause le nouveau contrat de travail à temps partiel modulé distributeur avec effet à compter du 18 juillet 2005 et a donc accepté la durée du travail annuelle de référence fixée à 415,20 heures ainsi que la durée indicative mensuelle de travail variable selon le planning fixée à 34,60 heures, ce qui rend vaine sa contestation tendant à obtenir un rappel de salaire pour la période comprise entre le mois de novembre 2004 et le 18 juillet 2005, date d'entrée en vigueur de l'accord d'entreprise du 11 mai 2005, étant rappelé que l'activité moyenne retenue dans le contrat a été calculée sur la base des durées de travail de distributions réalisées sur les 12 derniers mois jusqu'à la paie d'avril 2005 incluse avec prise en compte du calcul le plus favorable ainsi que rappelé ci-dessus ; qu'en signant son contrat, Monsieur X... a nécessairement reconnu le bien-fondé de l'activité mentionnée sur ce contrat, qui correspondait à son activité réelle antérieure, laquelle n'a fait l'objet d'aucune contestation en 2005 ; que concernant la période postérieure au 18 juillet 2005, qu'il résulte des pièces communiquées aux débats par l'employeur qu'en application des règles conventionnelles, la société Adrexo a communiqué au salarié le récapitulatif individuel de modulation à la fin de la première période de modulation courant jusqu'au 16 juillet 2006 et lui a proposé de modifier à la hausse sa durée contractuelle de travail, soit de la conserver et que Monsieur X... a signé un avenant le 18 juillet 2006 portant la nouvelle durée contractuelle annuelle à 571,20 heures pour une durée indicative mensuelle de 47,60 heures ; qu'il est dès surprenant que Monsieur X..., qui a démissionné pour convenance personnelle par lettre du 31 octobre 2006, le certificat de travail faisant état d'un départ le 10 décembre 2006, ait remis en cause en octobre 2009 ses engagements contractuels de juillet 2005 et de juillet 2006 en sollicitant un rappel de salaire sur une base de 140 heures mensuelles depuis le mois de novembre 2004 alors qu'en signant son contrat de travail en juillet 2005, il a nécessairement accepté la durée calculée sur la base des 12 derniers mois, de même qu'il a accepté en juillet 2006 le nombre d'heures de travail à la hausse calculé par l'employeur ; qu'il sera ajouté que si l'intéressé souhaitait remettre en cause les critères associés au référencement horaire du temps de travail, il ne lui était pas interdit de faire part de ses observations dans les rapports journaliers de distribution, de même qu'il pouvait mettre à profit la procédure de révision du nombre d'heures contractuelles prévues sur un an pour discuter des modalités d'établissement des feuilles de route ; qu'en outre, Monsieur X... avait toujours la possibilité de refuser de signer lesdites feuilles s'il n'était pas d'accord avec la quantification préétablie, ce qui aurait nécessairement provoqué une discussion sur les critères en cause, compte tenu du lien entre la feuille de route et l'assurance, l'employeur ne pouvant en tout état de cause contraindre le salarié à une telle signature pour une question d'assurance ; que cependant Monsieur X... a signé sans réserve toutes les feuilles de route, une telle signature valant non seulement acceptation de la distribution confiée mais également acceptation de la rémunération, des frais, et du nombre d'heures figurant expressément sur chaque feuille de route ; qu'il sera d'autre part relevé que la société Adrexo a répondu avec précision aux critiques du salarié quant au système de paie en détaillant tous les éléments pris en compte sur la feuille de route, en expliquant la façon dont les temps d'attente, de chargement, les temps de préparation, les temps de déplacement et les temps de distribution étaient décomptés et en réfutant, documents à l'appui, les allégations du salarié quant à la prise en compte des secteurs et de la charge utile ; que les contestations de Monsieur X... et ses pièces ne sont pas de nature à contredire les éléments produits par l'employeur pour justifier du respect de ses engagements contractuels, y compris en ce qui concerne le montant de la rémunération, le taux horaire du Smic en vigueur ayant toujours été respecté ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE Monsieur X... a signé un contrat à temps partiel modulé de distributeur reprenant son ancienneté et annulant et remplaçant les dispositions contractuelles antérieures prévoyant une durée annuelle contractuelle de 519,60 ; qu'en cas de dépassement du nombre d'heures contractuellement prévues sur un an, la convention collective et l'accord d'entreprise prévoient une procédure de révision du nombre d'heures contractuelles avec proposition, le cas échéant, d'un avenant au contrat de travail ; que Monsieur X... a bénéficié à plusieurs reprises de ces dispositions ; que conformément à la convention collective, la société Adrexo produit les feuilles de route, signées par le salarié, le chef de dépôt et le responsable de départ, qui démontrent une absence de mise à disposition permanente et prouvent les modulations du temps partiel ;

1. ALORS QUE la quantification préalable de l'ensemble des missions confiées et accomplies par le distributeur, dans le cadre de l'exécution de son métier, en fonction des critères associés à un référencement horaire du temps de travail prévue par l'article 2.21.2 du chapitre IV de la convention collective nationale de la distribution directe, ne saurait à elle seule satisfaire aux exigences de l'article L.3171-4 du code du travail ; qu'en se fondant exclusivement, pour débouter Monsieur X... de sa demande en paiement d'heures complémentaires, sur la quantification préalable des missions confiées ou accomplies, dont les feuilles de route n'étaient que la reprise, la Cour d'appel a violé les textes susvisés ;

2. ALORS QUE la charge de la preuve des heures complémentaires ne pèse pas sur le salarié ; qu'il lui appartient seulement d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre en apportant, le cas échéant, ses propres éléments sur les horaires effectivement réalisés ; qu'en l'espèce, Monsieur X... a versé aux débats un rapport d'activités établi par ses soins et mentionnant son temps de travail réel comparé à celui rémunéré selon les feuilles de route, ce dont il résulte que sa demande était étayée ; qu'en le déboutant de sa demande, sans s'expliquer sur cette pièce, ni constater que l'employeur justifiait des horaires réellement effectués, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L.3171-4 du code du travail.

ECLI:FR:CCASS:2014:SO01697
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