Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 26 juin 2013, 12-14.788, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué statuant en référé (Toulouse, 7 décembre 2011), que consulté par la société Air France KLM sur un projet « Itinéraires DEF/Back office pilotage et coordination » et son impact sur les conditions de travail des salariés de l'escale de Toulouse, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la société Air France Toulouse établissement 23 (le CHSCT) a décidé, par quatre voix sur huit membres présents, lors d'une réunion du 25 novembre 2010, de recourir à un expert; que le cabinet SECAFI a été désigné par une nouvelle résolution adoptée le 2 décembre 2010 ; que contestant que la délibération décidant de l'expertise ait été adoptée à la majorité des membres présents du CHSCT, la société Air France a refusé de remettre au cabinet d'expertise les documents réclamés par ce dernier ; que le secrétaire du CHSCT et la société SECAFI ont saisi le juge des référés du tribunal de grande instance pour faire cesser le trouble manifestement illicite résultant selon eux du refus de l'employeur de remettre les documents nécessaires au bon déroulement de l'expertise ;

Attendu que la société Air France KLM fait grief à l'arrêt d'accueillir ces demandes, alors, selon le moyen :

1°/ que le trouble manifestement illicite suppose une violation évidente de la règle de droit ; qu'aux termes de l'article L. 4614-2 du code du travail, les décisions du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail portant sur ses modalités de fonctionnement et l'organisation de ses travaux sont adoptées à la majorité des membres présents conformément à la procédure définie au premier alinéa de l'article L. 2325-18 du même code selon laquelle les résolutions du comité d'entreprise sont prises à la majorité des membres présents sans exclusion de la voix du président ; que l'article L. 4614-12 du code du travail qui permet au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de désigner un expert agréé est inséré dans la section première « Présidence et modalités de délibération » du chapitre IV « Fonctionnement » du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ; qu'aux termes de l'alinéa 2 de l'article L. 2325-18 du code du travail, la voix du président du comité d'entreprise n'est pas prise en compte dans l'hypothèse strictement définie où ce dernier consulte les membres de ce comité en tant que délégation du personnel ; qu'il ne peut donc être déduit de ces dispositions légales combinées que la décision prise par le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de recourir à un expert agrée exclut nécessairement la voix de son président pour le décompte de la majorité, en sorte que le refus de communiquer à l'expert désigné selon ces modalités les documents sollicités, constitue un trouble manifestement illicite; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs, et a violé l'article 809 du code de procédure civile ;

2°/ que l'article L. 4614-12 du code du travail qui prévoit que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail peut faire appel à un expert agréé en cas de projet important modifiant les conditions de santé, de sécurité ou de travail est inséré dans la section première « Présidence et modalités de délibération » du chapitre IV « Fonctionnement » du Titre premier « Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail » du Livre VI de la quatrième partie du code du travail ; qu'il en résulte nécessairement que la décision prise par le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de recourir à un expert agréé est une décision relative à son fonctionnement, en sorte qu'elle doit être prise à la majorité des membres présents sans exclusion de la voix du président du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ; qu'à supposer même que le juge des référés soit compétent pour connaître du litige, en décidant qu'une telle décision ne constituait pas une décision relative au fonctionnement du CHSCT n° 23, la cour d'appel a violé les articles L. 4614-2, L. 2325-18 et L. 4614-12 du code du travail ;

3°/ qu'en toute hypothèse, et subsidiairement QUE l'exclusion du vote du président du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, membre à part entière de ce comité, ne saurait résulter que d'une disposition légale d'application stricte ; que l'article L. 2325-18, alinéa 2, du code du travail limite strictement cette possibilité au cas où le président du comité d'entreprise consulte les membres élus du comité d'entreprise en tant que délégation du personnel ; qu'à supposer même que cet alinéa soit applicable aux décisions prises par le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, la décision de recourir à un expert agréé ne s'analyse pas en une consultation par le président du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail des membres de ce comité; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a, à nouveau, violé les articles L. 4614-2, L. 2325-18 et L. 4614-12 du code du travail ;

Mais attendu que la décision de recourir à un expert prise par le CHSCT dans le cadre d'une consultation sur un projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité constitue une délibération sur laquelle les membres élus du CHSCT doivent seuls se prononcer en tant que délégation du personnel, à l'exclusion du chef d'entreprise, président du comité ;

Et attendu que la cour d'appel, qui a constaté que la délibération litigieuse était régulière dès lors qu'elle avait été adoptée à la majorité des membres présents après exclusion de la voix du président, a pu en déduire que le refus de l'employeur de communiquer les documents sollicités par l'expert constituait un trouble manifestement illicite ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Air France KLM aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Air France KLM à payer la somme de 3 000 euros à la société SECAFI changement travail santé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six juin deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société Air France KLM.

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué :

D'AVOIR retenu l'existence d'un trouble manifestement illicite et condamné la société Air France à communiquer à la société SECAFI sous astreinte de 1.000 ¿ par jour de retard différents documents ;

AUX MOTIFS QU'« aux termes de l'article L.4614-12 du Code du travail, « le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail peut faire appel à un expert agréé en cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail prévu à l'article L.4612-8... » ; que selon l'article L.4614-2 du Code du travail « les décisions du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail portant sur ses modalités de fonctionnement et l'organisation de ses travaux sont adoptées à la majorité des membres présents, conformément à la procédure définie au premier alinéa de l'article L.2325-18 »; que selon le premier alinéa de l'article L.2325-18 « les résolutions du comité d'entreprise sont prises à la majorité des membres présents » tandis que selon le second alinéa « le président du comité d'entreprise ne participe pas au vote lorsqu'il consulte les membres élus du comité en tant que délégation du personnel » ; qu'il résulte de ces dispositions notamment en ce qu'elles font référence aux règles de vote applicables devant le comité d'entreprise que le chef d'entreprise (ou d'établissement) est exclu des votes organisés lors des réunions du CHSCT dès lors que les membres élus de cette instance sont consultés en tant que délégation du personnel; que contrairement à ce que soutient la société Air France, la décision du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de recourir à un expert agréé sur le fondement de l'article L.4614-12 du Code du travail ne constitue pas une décision relative à son fonctionnement mais une décision prise par le comité consulté en tant que délégation du personnel ; que la décision de recourir à un expert qui a été votée au cours de la réunion du CHSCT du 25 novembre 2010, à la majorité des membres présents à l'exception du président qui ne devait pas prendre part au vote est régulière; que le refus de la société Air France de communiquer les documents sollicités par la société SECAFI Changement travail santé, agissant en sa qualité d'expert désigné par le CHSCT, constitue donc un trouble manifestement illicite qu'il appartient au juge des référés de faire cesser en application de l'article 809 du Code de procédure civile ; que dès lors il convient d'infirmer l'ordonnance du juge des référés du Tribunal de grande instance de Toulouse et de condamner la société Air France à communiquer à la société SECAFI Changement travail santé et ce sous astreinte de 1.000 ¿ par jour de retard à l'expiration d'un délai de 10 jours suivant la notification de la présente décision : le document unique de prévention des risques, le dernier bilan social, le bilan annuel de la médecine du travail sur les trois dernières années, le bilan annuel du CHSCT sur les trois dernières années, les données relatives à l'absentéisme, les arrêts maladie et les accidents du travail sur les trois dernières années, les procès-verbaux de CHSCT ayant traité du projet ainsi que l'ensemble des documents utilisés, un organigramme du périmètre impacté par le projet, et plus généralement, tous documents et toutes informations existant que l'expert jugera utiles à sa mission » ;

ALORS QUE le trouble manifestement illicite suppose une violation évidente de la règle de droit ; qu'aux termes de l'article L. 4614-2 du Code du travail, les décisions du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail portant sur ses modalités de fonctionnement et l'organisation de ses travaux sont adoptées à la majorité des membres présents conformément à la procédure définie au premier alinéa de l'article L. 2325-18 du même Code selon laquelle les résolutions du comité d'entreprise sont prises à la majorité des membres présents sans exclusion de la voix du président; que l'article L. 4614-12 du Code du travail qui permet au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de désigner un expert agréé est inséré dans la section première « Présidence et modalités de délibération » du Chapitre IV « Fonctionnement » du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail; qu'aux termes de l'alinéa 2 de l'article L. 2325-18 du Code du travail, la voix du président du comité d'entreprise n'est pas prise en compte dans l'hypothèse strictement définie où ce dernier consulte les membres de ce comité en tant que délégation du personnel ; qu'il ne peut donc être déduit de ces dispositions légales combinées que la décision prise par le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de recourir à un expert agrée exclut nécessairement la voix de son président pour le décompte de la majorité, en sorte que le refus de communiquer à l'expert désigné selon ces modalités les documents sollicités, constitue un trouble manifestement illicite; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a excédé ses pouvoirs, et a violé l'article 809 du Code de procédure civile ;

ALORS QUE (subsidiaire) et l'article L. 4614-12 du Code du travail qui prévoit que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail peut faire appel à un expert agréé en cas de projet important modifiant les conditions de santé, de sécurité ou de travail est inséré dans la section première « Présidence et modalités de délibération » du Chapitre IV « Fonctionnement » du Titre premier « Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail » du Livre VI de la quatrième partie du Code du travail ; qu'il en résulte nécessairement que la décision prise par le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de recourir à un expert agréé est une décision relative à son fonctionnement, en sorte qu'elle doit être prise à la majorité des membres présents sans exclusion de la voix du président du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ; qu'à supposer même que le juge des référés soit compétent pour connaître du litige, en décidant qu'une telle décision ne constituait pas une décision relative au fonctionnement du CHSCT n°23, la Cour d'appel a violé les articles L. 4614-2, L. 2325-18 et L. 4614-12 du Code du travail ;

ET ALORS, en toute hypothèse, et subsidiairement QUE l'exclusion du vote du président du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, membre à part entière de ce comité, ne saurait résulter que d'une disposition légale d'application stricte ; que l'article L. 2325-18 alinéa 2 du Code du travail limite strictement cette possibilité au cas où le président du comité d'entreprise consulte les membres élus du comité d'entreprise en tant que délégation du personnel ; qu'à supposer même que cet alinéa soit applicable aux décisions prises par le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, la décision de recourir à un expert agréé ne s'analyse pas en une consultation par le président du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail des membres de ce comité; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a, à nouveau, violé les articles L. 4614-2, L. 2325-18 et L. 4614-12 du Code du travail.

ECLI:FR:CCASS:2013:SO01211
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