Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 23 novembre 2011, 10-26.802, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le premier moyen :

Vu l'article 232 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 26 mai 2004 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, sur requête du 27 novembre 1995, un jugement du 30 juillet 1996 a prononcé le divorce des époux X...- Y..., mariés le 22 septembre 1973 sans contrat préalable, et homologué la convention définitive prévoyant, d'une part, l'attribution à Mme Y... d'un appartement situé à..., évalué à 400 000 francs, Christian X... abandonnant sa part de 200 000 francs à titre de prestation compensatoire, et stipulant, d'autre part, une convention d'indivision en ce qui concerne la nue-propriété d'un appartement situé à..., les deux appartements ayant fait l'objet d'une donation à la communauté des époux par les parents de Christian X..., le premier le 3 octobre 1983, le second, en ce qui concerne uniquement la nue-propriété, le 30 novembre 1995 ; que Christian X... et Mme Y... se sont remariés le 5 mai 1997 sous le régime de la séparation des biens ; que Christian X... est décédé le 16 mars 2004 en l'état d'un testament instituant sa veuve légataire universelle ; que, par acte du 4 avril 2005, Mme B..., épouse C... et Mme B..., épouse D... (les consorts B...), filles de Christian X..., nées respectivement le 17 décembre 1966 et le 24 décembre 1967, ayant vu leur filiation établie par voie judiciaire, ont assigné Mme Y... pour voir ordonner le partage de la succession de Christian X..., juger que la clause de la convention définitive attribuant à titre de prestation compensatoire l'appartement d'... à Mme Y... leur soit déclarée inopposable sur le fondement du principe " fraus omnia corrumpit " et dire que cet appartement fera partie de la masse active à partager entre les héritiers ;

Attendu que pour déclarer inopposable aux consorts B... la clause d'attribution à Mme Y... dans la convention définitive homologuée de l'appartement sis à..., l'arrêt retient que leur action est recevable en ce qu'elle est fondée sur le principe général " fraus omnia corrumpit ", ce principe ayant particulièrement vocation à s'appliquer lorsqu'il s'agit de dispositions d'ordre public telle la réserve héréditaire, et que toute la famille X... a oeuvré pour réduire au maximum la vocation héréditaire des consorts B... ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'après son homologation par le jugement prononçant le divorce, la convention définitive revêt la même force exécutoire que celle d'une décision de justice et ne peut plus être remise en cause hors des cas limitativement prévus par la loi dans lesquels n'entre pas l'action en inopposabilité fondée sur la fraude, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Vu l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que le fondement juridique de la demande d'inopposabilité formée par les consorts B... est pertinent et leur a déclaré inopposable la clause d'attribution à Mme X..., dans la convention de divorce homologuée le 30 juillet 1996, de l'appartement sis... à... cadastré section... et constituant les lots... de la copropriété, l'arrêt rendu le 7 septembre 2010 par la cour d'appel de Grenoble ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Rejette la demande de Mme B..., épouse C... et de Mme B..., épouse D... en déclaration d'inopposabilité de la clause d'attribution à Mme X..., dans la convention de divorce homologuée le 30 juillet 1996, de l'appartement sis... à... (Isère) cadastré section... et constituant les lots... de la copropriété ;

Condamne les consorts B... aux dépens de la présente instance ainsi qu'aux dépens afférents à l'instance devant les juges du fond ;


Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme Y...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le fondement juridique de la demande d'inopposabilité formée par les consorts B... est pertinent et d'avoir déclaré inopposable aux consorts B... la clause d'attribution à Mme X... dans la convention de divorce homologuée le 30 juillet 1996 de l'appartement sis... à... cadastré section... et constituant les lots... de la copropriété ;

Aux motifs que par des motifs pertinents que la Cour adopte le Tribunal a démontré que l'action des consorts B... était recevable en ce qu'elle est fondée sur le principe général « fraus omnia corrumpit » ce principe ayant particulièrement vocation à s'appliquer lorsqu'il s'agit de protéger des dispositions d'ordre public telles que la réserve héréditaire ; que bien que la paternité de M. X... ait été établie judiciairement, Mme Y... persiste à en contester la réalité dans ses conclusions ; qu'il est constant que Christian X... n'a eu de cesse d'échapper à ses obligations de père qu'il s'est expatrié au ... et que la mère de ses filles a eu les plus grandes difficultés à le retrouver pour faire exécuter les décisions de justice qui avaient fixé la contribution du père à l'entretien de ses enfants ; qu'aucun paiement n'est intervenu volontairement et l'arriéré de pensions alimentaires était important ; que Christian X... a d'ailleurs été condamné par défaut à la peine de 1 an d'emprisonnement par un jugement du 7 janvier 1975, cette condamnation ayant été ramenée à 6 mois d'emprisonnement sur opposition ; que Mme Y... affirme que ses beaux parents ne connaissaient pas leurs petites filles et cette précision révèle que toute la famille était liguée contre les enfants B... dont la filiation n'a jamais été acceptée et que tous ont oeuvré pour réduire au maximum la vocation héréditaire des intéressées ; que ce contexte explique que les parents X... ont consenti une donation à la communauté par acte du 30 novembre 1995 soit 3 jours après le dépôt de la requête en divorce et que Christian X... ait accepté d'être en partie dépouillé par une épouse qui en apparence le quittait ; que la première donation en date du 3 octobre 1983 a également été faite à la communauté ce qui n'est pas fréquent au bout de 10 ans de mariage seulement et cette première donation affaiblissait déjà les droits des consorts B... ; que l'insincérité du divorce peut être déduite du fait que la prétendue maîtresse de Christian X..., responsable du divorce, Mme Marie-Claire F... n'est autre que la cousine de Christian X..., que Maurice F... époux de Marie-Claire F... atteste du prétendu adultère qui n'aurait eu en fin de compte aucune conséquence sur les deux couples et du fait que Mme Y... a été dans l'incapacité de produire des éléments objectifs prouvant la réalité d'une séparation ; qu'en effet l'attestation de Roger G... beau-frère de Mme Y... est insuffisante pour établir l'existence d'une vie séparée et il aurait convenu que l'appelante produise des éléments tels qu'un contrat de réexpédition de courrier ou une modification d'adresse auprès de la banque de M. X... ; que le remariage est intervenu 9 mois après le divorce et cette précipitation confirme la simulation du divorce ;

Alors qu'après son homologation par le jugement prononçant le divorce, la convention définitive revêt la même force exécutoire qu'une décision de justice et ne peut être attaquée que par les voies de recours ouvertes par la loi dans lesquelles n'entre pas l'action en inopposabilité fondée sur la fraude ou la simulation ; qu'en accueillant l'action en inopposabilité de la clause d'attriution à titre de prestation compensatoire de l'appartement sis... à... à Mme X... figurant dans la convention de divorce homologuée par le juge du divorce le 30 juillet 1996, la Cour d'appel a violé les articles 232 ancien du Code civil, 500 et suivants et 1104 du Code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le fondement juridique de la demande d'inopposabilité formée par les consorts B... est pertinent et d'avoir déclaré inopposable aux consorts B... la clause d'attribution à Mme X... dans la convention de divorce homologuée le 30 juillet 1996 de l'appartement sis... à... cadastré section... et constituant les lots... de la copropriété ;

Aux motifs propres que par des motifs pertinents que la Cour adopte le Tribunal a démontré que l'action des consorts B... était recevable en ce qu'elle est fondée sur le principe général « fraus omnia corrumpit » ce principe ayant particulièrement vocation à s'appliquer lorsqu'il s'agit de protéger des dispositions d'ordre public telles que la réserve héréditaire ; que bien que la paternité de M. X... ait été établie judiciairement, Mme Y... persiste à en contester la réalité dans ses conclusions ; qu'il est constant que Christian X... n'a eu de cesse d'échapper à ses obligations de père qu'il s'est expatrié au ... et que la mère de ses filles a eu les plus grandes difficultés à le retrouver pour faire exécuter les décisions de justice qui avaient fixé la contribution du père à l'entretien de ses enfants ; qu'aucun paiement n'est intervenu volontairement et l'arriéré de pensions alimentaires était important ; que Christian X... a d'ailleurs été condamné par défaut à la peine de 1 an d'emprisonnement par un jugement du 7 janvier 1975, cette condamnation ayant été ramenée à 6 mois d'emprisonnement sur opposition ; que Mme Y... affirme que ses beaux parents ne connaissaient pas leurs petites filles et cette précision révèle que toute la famille était liguée contre les enfants B... dont la filiation n'a jamais été acceptée et que tous ont oeuvré pour réduire au maximum la vocation héréditaire des intéressées ; que ce contexte explique que les parents X... ont consenti une donation à la communauté par acte du 30 novembre 1995 soit 3 jours après le dépôt de la requête en divorce et que Christian X... ait accepté d'être en partie dépouillé par une épouse qui en apparence le quittait ; que la première donation en date du 3 octobre 1983 a également été faite à la communauté ce qui n'est pas fréquent au bout de 10 ans de mariage seulement et cette première donation affaiblissait déjà les droits des consorts B... ; que l'insincérité de divorce peut être déduite du fait que la prétendu maîtresse de Christian X..., responsable du divorce, Mme Marie-Claire F... n'est autre que la cousine de Christian X..., que Maurice F... époux de Marie-Claire F... atteste du prétendu adultère qui n'aurait eu en fin de compte aucune conséquence sur les deux couples et du fait que Mme Y... a été dans l'incapacité de produire des éléments objectifs prouvant la réalité d'une séparation ; qu'en effet l'attestation de Roger G... beau-frère de Mme Y... est insuffisante pour établir l'existence d'une vie séparée et il aurait convenu que l'appelante produise des éléments tels qu'un contrat de réexpédition de courrier ou une modification d'adresse auprès de la banque de M. X... ; que le remariage est intervenu 9 mois après le divorce et cette précipitation confirme la simulation du divorce ;

Et aux motifs adoptés du jugement que le divorce rapide et par consentement mutuel suivi d'un remariage non moins rapide associés à une convention définitive et à un contrat de séparation de biens si exagérément favorables à Mme Y... sont déterminants de la fraude dont s'agit ;

1°- Alors que pour démontrer que le divorce n'était pas simulé et n'avait pas pour but de frauder les droits des consorts B... dans la succession de M. X..., Mme X... faisait valoir (conclusions p. 6 et 18 et suivants) que contrairement à ce qu'avait énoncé le jugement, l'immeuble d'... ne constituait pas l'unique bien immobilier propriété des époux X... puisque le couple avait bénéficié pendant le premier mariage d'une seconde donation portant également sur un bien immobilier situé à..., que ce bien avait été conservé dans l'indivision malgré le divorce, qu'il faisait d'ailleurs partie de l'actif successoral à partager et que s'il y avait volonté de frauder les droits des consorts B..., ce bien aurait également été attribué à Mme X... à l'occasion du divorce ; qu'en se bornant à admettre l'existence de cette seconde donation faite au couple pendant le mariage par les parents de M. X..., sans répondre à ces conclusions déterminantes, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;


2°- Alors que sous le régime de la communauté légale, les biens dont les époux avaient la propriété au jour de la célébration du mariage restent des biens propres ; qu'en l'espèce l'appartement d'... étant la propriété de Mme X... au jour de son remariage avec M. X..., ce bien serait resté la propriété de l'épouse même si les époux n'avaient pas conclu un contrat de mariage et adopté le régime de la séparation de biens ; qu'en se fondant pour retenir la preuve d'un divorce simulé en vue d'une fraude, sur le choix du régime matrimonial de la séparation des biens par les époux lors de leur remariage, la Cour d'appel a violé l'article 1405 du Code civil ;

3°- Alors que le défunt peut librement disposer de la quotité disponible de ses biens ; que dès lors, une clause de la convention de divorce homologuée par laquelle un époux attribue sa part dans un bien immobilier à l'autre époux à titre de prestation compensatoire ne peut constituer une fraude à l'égard de ses héritiers que si elle porte atteinte à la réserve héréditaire ; qu'en se bornant à relever une volonté de réduire au maximum la vocation héréditaire des intéressées, sans rechercher si la clause d'attribution à Mme X... dans la convention de divorce homologuée le 30 juillet 1996, de la part de M. X... dans l'appartement situé... à... porterait atteinte à la réserve héréditaire des consorts B... et ce compte tenu notamment de l'existence invoquée d'une seconde donation consentie au couple X... avant son divorce portant sur un bien immobilier situé à... dont Mme X... faisait valoir qu'il faisait partie de l'actif successoral à partager, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 913, 920 du Code civil et du principe général « fraus omnia corrumpit » ;

4°- Alors que même lorsqu'elles sont faites en fraude des droits des héritiers réservataires, les libéralités qui excèdent la quotité disponible ne peuvent être déclarées purement et simplement inopposables à ces derniers ; qu'elles peuvent être seulement réduites à la quotité disponible ; qu'ainsi, l'arrêt attaqué a violé l'article 920 du Code civil dans sa rédaction applicable à la cause.

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